Il y a toujours des instants o� le souvenir d'un �tre cher qu'on a perdu nous prend et nous plie en deux.
Fin avril je suis remont�e en haut du poste de guet avec une longue-vue et j'ai rep�r� du mouvement au loin, sur la route de l'est : d'abord de la poussi�re, puis une colonne de gens qui se d�tachait de l'horizon et venait vers nous. C'est �trange, ce silence, quand on voit une chose pareille d'aussi loin � la lunette. On sait que �a fait du bruit : les chevaux qui peinent sous un lourd fardeau, les cravaches et les b�tons, le cliquetis des chaines, les hommes qui maudissent les tra�nards, sauf qu'on ne les entend pas. Et la longue-vue aplatit tout comme une illustration dans un livre d'images.
J'ai travers� la vie comme un chat marche sur la glace, en t�tant le terrain avant de faire le moindre pas.
Il y a plein de choses que je voudrais d�sapprendre, mais on ne peut feindre l'innocence. Ne pas savoir est une chose, faire semblant de n'avoir jamais su, c'est une imposture.
�trange, � quel point l'homme n'est jamais plus cruel que quand il se bat pour une id�e.
J'ai regard� mon haleine monter dans la clart� du ciel. Jadis, les �toiles avaient un nom, chacune d'elles, jadis elles brillaient comme les lumieres d'une ville famili�re, � pr�sent elles devenaient chaque jour plus myst�rieuses. [...]
Le ciel devenait la page �crite d'une langue tomb�e dans l'oubli. Les choses que l'humanit� avait vues et nomm�es pour toujours �taient ray�es de l'existence.
oui, quelque part sur l'�chelle des ann�es, mes yeux se sont �teints avec le meilleur de moi-m�me.
L'homme aime s'attaquer de front � une crise, foncer dessus comme si c'�tait une �preuve de force.
Je voyais d�sormais que j'�tais devenue aussi ind�sirable qu'un jongleur � un enterrement.
Les pri�res que mon p�re avaient offertes �taient des pri�res de pharisien. Il parlait de Dieu et de sacrifice. Mais la vanit� �tait son seul Dieu, et il s�est av�r� que l�objet du sacrifice, c��tait moi.