Georges Pompidou, un président face à la cruauté du pouvoir
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Publié le | Mis à jour le
À l’occasion des cinquante ans de la disparition de l’ancien président, Jean-Pierre Cottet signe, avec l’historien Éric Rousseau, un film intime sur la personnalité et le parcours de Georges Pompidou, diffusé ce mercredi 27 mars sur France 3.
Le destin de Georges Pompidou est intimement lié à celui de Charles de Gaulle. Y compris dans les portraits qui sont faits de l’ancien président, cinquante ans après sa mort.
C’est en réalisant un film sur le général pour le cinquantième anniversaire de sa disparition que Jean-Pierre Cottet a été convaincu qu’il lui fallait aussi en faire un sur Georges Pompidou. « J’y avais vu des archives qui m’ont passionné », explique le réalisateur qui a travaillé avec l’historien Éric Roussel, auteur d’une biographie de Charles de Gaulle et d’une autre de Georges Pompidou.
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Des origines modestes, un destin hors norme
« C’est le président de ma jeunesse et je dois avouer qu’à l’époque, je n’avais pas éprouvé une grande tristesse au moment de sa disparition. Je vivais à Marseille dans un cadre très à l’opposé de ce qu’il représentait. Avec la maturité et l’âge, j’ai découvert une personnalité intéressante et particulièrement attachante. »
Georges Pompidou a succédé à Charles de Gaulle, dont il a été le premier ministre, à la présidence de la République en 1969. Il est mort le 2 avril 1974. « J’ai visionné des centaines heures d’archives, explique Jean-Pierre Cottet. J’y ai passé tout l’été ! Sa façon de parler, son approche de la vie et de la politique étaient extrêmement fortes. Il y a un humanisme qui se dégage de lui et qui est rare. Même quand il est confronté à la brutalité du clan gaulliste à son encontre. Des gens qui étaient censés être ses amis. »
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Le réalisateur met en avant « des origines très modestes » dans le Cantal, « des valeurs de gauche d’un homme de la France d’en bas que le destin a propulsé à la tête du pays ».
À la Libération, Pompidou s’engage « dans le sillage du général de Gaulle dont il va finalement compléter l’action par son pragmatisme et sa façon de faire. Il a une personnalité totalement à l’opposé. Au début, il n’a pas l’ambition mais les événements font qu’il ne va pas résister » à chercher à atteindre le plus haut sommet de l’État.
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Dans ce film, diffusé ce mercredi 27 mars sur France 3 et raconté par Denis Podalydès et Bruno Raffaelli, on entend les mots de Georges Pompidou. Sans aucune fiction. « Nous sommes partis de documents retrouvés et fournis par l’institut Pompidou. Alain, son fils, et Nicole Pompidou nous ont ouvert tous les tiroirs. » Ils n’ont pas sollicité en plateau des paroles d’experts ou des images de synthèse.
« Il va redevenir un référent »
« Je pense qu’il s’est façonné en trois temps, note Jean-Pierre Cottet. Sur le terrain, au fin fond de son village – une terre difficile et loin des mondanités –, dans sa vie d’homme passionné de littérature et de poésie et avec son passage chez Rothschild qui lui a donné une sensibilité économique de grand libéral, mais aussi une connaissance des enjeux. »
Surtout, on est frappé par des sujets – « c’est Pompidou qui a créé le premier ministère de l’Environnement » – ainsi que des décisions économiques et diplomatiques qui résonnent encore aujourd’hui.
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Au point que cela donne le sentiment à Jean-Pierre Cottet qu’avec « le cinquantième anniversaire de sa disparition il va redevenir un référent ». Le réalisateur ne serait « pas surpris que les candidats se réfèrent à lui » au cours des prochaines campagnes électorales.
La rare maladie de Waldenström
Son engagement et la brutalité des coulisses du monde politique vont être « ce qui va causer sa perte », croit Jean-Pierre Cottet. Georges Pompidou meurt à 63 ans de la maladie de Waldenström.
« La cruauté du pouvoir a été un facteur d’aggravation de son mal », dit le réalisateur qui voit, au fil de son travail, le visage de l’ancien président se transformer par la prise de médicaments et une intense souffrance. « Même s’il faut dire qu’il n’avait pas une vie très saine. On le voit avec une cigarette sans arrêt dans la bouche. Ce destin nous pousse à une certaine réflexion sur le pouvoir. Je connais peu de politiques, à part Jacques Delors, qui ont eu le courage de refuser de hautes fonctions au nom de la protection de leur vie et de leur vie privée. »
La maladie de Waldenström est très rare : trois ou quatre cas par an et par million d’habitants. Il s’agit d’un cancer du sang qui a emporté quatre chefs d’État contemporains : Georges Pompidou donc, en 1974 ; le président algérien Houari Boumedienne, en 1978 ; le shah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi en 1980 et la première ministre israélienne Golda Meir (même si des doutes persistent sur le diagnostic), en 1978.
Olivier PIROT
Journaliste, service des informations générales, Tours