Bûcher

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Exécution des Templiers.

Le bûcher (ou bucher[1]) est un amas de bois, parfois complété d'autres combustibles, destiné à brûler soit un cadavre humain au cours d'un rite funéraire, soit un individu condamné à mort.

Connu depuis l'Antiquité, le bûcher funéraire est toujours pratiqué de nos jours, notamment en Inde et au Népal.

Comme peine de mort, il fut utilisé en Occident, du Moyen Âge jusqu'au XVIIIe siècle, pour exécuter :

Histoire[modifier | modifier le code]

Représentation erronée du supplicié : il ne montait pas au bûcher mais était enfermé à l'intérieur, seuls son buste et sa tête émergeant[2].

Le bûcher a beaucoup été utilisé tout au long de l'Histoire : dans l'Antiquité (comme bûcher funéraire), sous l'Empire romain (pour le martyre des premiers chrétiens ; certaines hagiographies montrent que des tentatives échouèrent et que les condamnés durent avoir la tête tranchée), sous l'Empire byzantin (le bûcher était réservé aux zoroastriens récalcitrants car ces derniers rendaient un culte au feu) et dans les civilisations précolombiennes d'Amérique du Sud comme sacrifice.

Exécution du chevalier de Hohenberg et de son valet pour sodomie sous les remparts de Zurich en 1482.

Le supplice est réinventé en Occident un peu avant la réforme grégorienne. Le premier bûcher, mentionné sans précisions, date de 1010 et s'inscrit dans le cadre d'une campagne de persécution contre les Juifs[3] commencée par leur expulsion de Mayence[4]. Le procédé est renouvelé douze ans plus tard au terme du procès des « hérétiques d'Orléans ». Cette condamnation, à caractère politique, se veut exemplaire, et vise à instaurer un climat de terreur[5]. Elle inaugure le « printemps des hérésies » que le zèle des prédicateurs s’emploie à éradiquer par le feu en Artois, à Vertus, Chalons, Montfort près d'Asti, Poitiers, Charroux, dans la campagne périgourdine, à Toulouse[6]… Ce qui ne s'appelle pas encore un autodafé est souvent, comme dans les cas d'Abélard, de La Porete, d'Amaury de Bène, utilisé dans un premier temps comme une forme d'avertissement, ce qui permet de réserver le bûcher au relaps et de l'éviter au repentant, seule la « persévérance étant diabolique ».

Pour bâtir un bûcher, on fichait d'abord un poteau en terre, puis on disposait « autour de lui de la paille, des fagots et des bûches, en alternance, jusqu'à arriver à hauteur d'homme et en laissant un espace en façade pour pouvoir accéder au poteau »[7]. L'estrade en hauteur[8] afin que le peuple ne perdît rien du spectacle, favorisait la prise d'air par en dessous et la combustion du bois, le supplicié se trouvant davantage rôti que brûlé[7],[9]. Le supplice pouvait être allongé en employant du bois vert qui brûlait plus lentement mais provoquait une mort par asphyxie, ou accéléré en ajoutant de la poix, en frottant les pieds du supplicié avec du lard afin qu'ils brûlassent plus vite[10]. Quelquefois, on couvrait la victime de soufre ce qui l’asphyxiait ou on lui mettait sur la poitrine un sac de poudre à canon ou dans la bouche un éteuf plein de poudre qui explosait[9]. A contrario, un retentum pouvait parfois abréger les souffrances en étranglant ou en assommant préalablement le condamné, voire en lui enfonçant dans le cœur un croc de fer par le bourreau placé derrière pour ne pas être vu par les spectateurs[11].

En Inde, les épouses des castes supérieures avaient obligation de se jeter dans le bûcher funéraire de leur mari (coutume du Satī), et supposées ne pas souffrir si elles étaient de bonnes épouses. Il fut également utilisé pendant les guerres de Religion à l'encontre des réformés. Dans certaines régions reculées, des accusations pour « crime de sorcellerie » sont toujours proférées. Des exécutions au bûcher ont notamment eu lieu en 2000 en Inde, en 2008 au Kenya[12], en 2014 au Nigéria[13] et en 2016 en Papouasie-Nouvelle-Guinée[14].

Comportements condamnés[modifier | modifier le code]

Sorcellerie[modifier | modifier le code]

Femme brûlée pour sorcellerie à Willisau (Suisse) en 1447.

Urbain Grandier est mis à mort en raison de l'affaire des démons de Loudun en 1634[15], ainsi que Catherine Deshayes, dite La Voisin, brûlée à Paris, place de Grève en 1680. Elle était avorteuse, pratiquait des messes noires et fut mêlée à l'affaire des poisons[16].

Homosexualité[modifier | modifier le code]

Selon le Lévitique (20, 13), deux hommes coupables de sodomie devaient être punis de mort. Le , l'empereur romain Théodose Ier proclame un édit condamnant au bûcher les sodomites. En 1120, le concile de Naplouse institue la peine de mort sur le bûcher pour les sodomites du royaume de Jérusalem.

L'accusation d'homosexualité pouvait être utilisée, même lorsque la personne n'était pas homosexuelle, en l'absence d'autres raisons, pour condamner des hérétiques.[réf. nécessaire]

En 1440, Gilles de Rais fut accusé de nombreux crimes, et parmi eux de sodomie (il s'agissait principalement de pédophilie), et meurt sur un bûcher. En 1554, le poète et humaniste Marc-Antoine Muret, inculpé mais en fuite en Italie, est condamné au bûcher pour sodomie par le Parlement et brûlé en effigie et donc par contumace.

Régicides[modifier | modifier le code]

Ravaillac, assassin du roi de France Henri IV, comme Robert-François Damiens qui tenta d'assassiner Louis XV, furent condamnés, selon la peine réservée aux régicides, au bûcher après écartèlement. Le cadavre de Jacques Clément, assassin de Henri III et tué juste après son acte, fut également brûlé.

En 1806, en Martinique, Émilie, esclave de la maison de la Pagerie, fut brûlée vive à Fort-de-France, pour tentative d'empoisonnement contre Rose Claire des Vergers de Sannois, mère de l'impératrice Joséphine de Beauharnais[17].

Martyrs selon leur religion[modifier | modifier le code]

Juifs[modifier | modifier le code]

Juifs portant la rouelle condamnés au bûcher. Manuscrit médiéval.

À l'origine, la pointe aval de l'île de la Cité à Paris se terminait par trois îles : l'île aux Juifs, l'île aux Treilles et l'îlot de la Gourdaine. Elles furent réunies à l'île de la Cité par Henri IV pendant la construction du pont Neuf. L'île aux Juifs tenait son nom des nombreuses exécutions de Juifs organisées à cet endroit durant le Moyen Âge. C'est à ce même endroit que fut brûlé Jacques de Molay en 1314. Ailleurs, les exécutions ont concerné : Salomon Molkho, marrane qui se reconvertit au judaïsme, se proclama Messie, et périt par le feu pour apostasie. Les Juifs subissent de nombreuses persécutions et spécialement, pendant la peste noire, malgré la protection du pape Clément VI. Accusés d'empoisonner les puits, environ 2 000 d'entre eux seront brûlés vifs à Strasbourg le .

Martyrs chrétiens[modifier | modifier le code]

Au temps de l'Empire romain, selon certains auteurs, des chrétiens furent exécutés par le feu selon une méthode particulière : le corps était entièrement enduit de poix et de résine à laquelle on mettait le feu. Selon leur hagiographie, certaines saintes ont réchappé au supplice du feu :

Sainte Agnès fut condamnée à être brûlée sur la place publique comme sorcière. Mais le feu épargna la jeune fille et détruisit ses bourreaux. Finalement, Agnès fut égorgée. Sainte Olive subit le même sort : elle fut condamnée à mourir sur le bûcher. Toutefois, les flammes refusant de la toucher, ses bourreaux se résolurent finalement à la décapiter. Sainte Eugénie aurait subi le même martyre en 257 : l'épreuve du bûcher ayant échoué, on lui trancha la tête.

Henri Voes et Jean Van Eschen furent les premiers martyrs protestants, brûlés le 1er juillet 1523 à Bruxelles. Anne du Bourg, calviniste, condamné en 1559 comme hérétique à être pendu en place de Grève, puis son corps brûlé. 1762 : Jean Calas, calviniste, accusé à tort d'avoir assassiné son fils, roué vif place Saint-Georges à Toulouse, étranglé puis brûlé.

Bûcher funéraire[modifier | modifier le code]

Bûcher funéraire au Népal (2004).

Le bûcher funéraire est un amas de bois sur lequel sont mis, dans certaines cultures, les cadavres pour leur crémation. Cette pratique s'observe depuis la préhistoire et perdure dans plusieurs cultures modernes.

Mythologie[modifier | modifier le code]

Selon la légende, le phénix transforme son nid en bûcher puis s'immole. Après trois jours, un nouveau phénix apparaît d'entre les cendres. Polyxène, princesse troyenne, fut immolée par les Grecs (notamment Néoptolème) sur le tombeau d'Achille. Achille fait édifier un bûcher pour son ami défunt Patrocle.

Apprenant l'infidélité de sa femme Alcmène, Amphitryon la condamne au bûcher mais Zeus éteint les flammes par une averse soudaine.

Après la mort de Baldr, les Ases brûlent son corps sur son vaisseau en guise de funérailles.

Destruction d'objets[modifier | modifier le code]

Un autodafé consiste à brûler des livres considérés comme païens, blasphématoires, immoraux ou contraire à une idéologie.

Sur le bûcher des vanités, on déposait des objets considérés comme luxueux — notamment des bijoux — pour expier ses péchés d'orgueil, d'avarice ou d'envie. Jérôme Savonarole, qui en avait dressé à Florence en 1497, périt pendu puis brûlé.

Personnalités condamnées[modifier | modifier le code]

La liste qui suit ne saurait être exhaustive. Elle recense des suppliciés dont l'Histoire a retenu le nom.

Sous l'Empire romain[modifier | modifier le code]

En Allemagne[modifier | modifier le code]

En Autriche[modifier | modifier le code]

En Belgique[modifier | modifier le code]

Au Canada[modifier | modifier le code]

Deux des 8 martyrs canadiens morts pour leur foi chrétienne :

À Cuba[modifier | modifier le code]

Aux États-Unis[modifier | modifier le code]

En France[modifier | modifier le code]

Exécution de Jeanne d'Arc.

À Haïti[modifier | modifier le code]

Dans les îles Britanniques[modifier | modifier le code]

En Italie[modifier | modifier le code]

Au Japon[modifier | modifier le code]

Au royaume de Kongo[modifier | modifier le code]

À Malte[modifier | modifier le code]

En Ouganda[modifier | modifier le code]

Aux Pays-Bas[modifier | modifier le code]

Au Pérou[modifier | modifier le code]

En Pologne[modifier | modifier le code]

Au Portugal[modifier | modifier le code]

En Suisse[modifier | modifier le code]

Galerie d'images[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Académie française, « Orthographes recommandées par le Conseil supérieur de la langue française », sur academie-francaise.fr.
  2. Michel Ragon, L'Espace de la mort, Éditions Albin Michel, , p. 157.
  3. L. Dasberg, Untersuchungen über die Entwertung des Judenstatus im 11. Jahrhundert, EPHE VIe section "Études juives", Paris, novembre 1965.
    H. Liebeschûtz (de), Synagoga und Ecclesia - Religionsgeschichtliche Studien über die Auseinandersetzung der Kirche mit dem Judentum im Hochmittelalter, 1938, réed. Lambert Schneider, Heidelberg, 1983 (ISBN 9783795302276).
  4. R. Chazan, « 1007-1012 Initial Crisis for Northern-European Jewry », Proceedings of the American Academy for Jewish Research, no 38-39, p. 101-118, Ann Arbor (Michigan), 1971.
  5. R. Landes, « La vie apostolique en Aquitaine en l'an mil, Paix de Dieu, culte des reliques et communautés hérétiques », dans Annales « Économies, Sociétés, Civilisations », vol 46, no 3, p. 584, EHESS, Paris, 1991.
  6. R. Landes, « La vie apostolique en Aquitaine en l'an mil, Paix de Dieu, culte des reliques et communautés hérétiques », dans Annales « Économies, Sociétés, Civilisations », vol 46, no 3, EHESS, Paris, 1991.
  7. a et b Benoît Garnot, La peine de mort. Du Moyen Âge à 1981, Humensis, , p. 133.
  8. L'estrade pour Jeanne d'Arc fut trop haute, si bien que le bourreau ne put pratiquer le retentum. Cf Colette Beaune, Jeanne d'Arc. Vérités et légendes, Éditions Perrin, , p. 87.
  9. a et b Frédéric Armand, Les bourreaux en France. Du Moyen Age à l'abolition de la peine de mort, Éditions Perrin, , p. 169.
  10. Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris.
  11. Jacques Delarue, Le Métier de bourreau. Du Moyen Âge à aujourd'hui, Fayard, , p. 127.
  12. « Kenya : des « sorcières » brûlées vives », sur lci.tf1.fr, (consulté le ) via Internet Archive.
  13. « Une femme soupçonnée d’être sorcière brûlée vive », Netafrique, 7 mai 2014.
  14. « En Papouasie-Nouvelle-Guinée, on brûle des sorcières… », HuffingtonPost, 23 janvier 2016.
  15. « L'affaire des possédées de Loudun (1630-1634) », sur histoire-pour-tous.fr (consulté le ).
  16. « 22 février 1680 », sur herodote.net (consulté le ).
  17. « Rompre avec un silence : Joséphine et l’esclavage », sur musees-nationaux-malmaison.fr (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]