Benjamin Biolay revient avec "Saint-Clair" : quelques pépites et beaucoup de faces B

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Benjamin Biolay revient avec "Saint-Clair" : quelques pépites et beaucoup de faces B
Benjamin Biolay sort son dixième album, Saint-Clair.
PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP

Benjamin Biolay revient avec "Saint-Clair" : quelques pépites et beaucoup de faces B

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Après « Grand prix » en 2020, Benjamin Biolay revient avec un dixième album, « Saint-Clair », du nom d’un quartier de Sète (Hérault), ville où il vit. Un album efficace dans la lignée du précédent, mais loin de se surpasser.

250 grammes de sucre, six œufs, une gousse de vanille, un peu de rhum… Comme pour le flan au caramel, il existe une recette Benjamin Biolay bien identifiée, mais depuis peu. Avant 2020, sa discographie étonnait, détonnait même. Des sonorités sud-américaines avec Palermo Hollywood ou Volver, une œuvre symphonique avec La superbe (certainement son album le plus vibrant). Mais après Grand Prix, immense succès commercial, le moteur ronronne. Son nouvel album, Saint-Clair, est certes réussi. Mais il demeure un simple prolongement, reprenant à l’identique certaines clés de son efficacité, mais aussi quelques facilités.

Actuellement en pleine promotion de ce disque, Biolay assume d’ailleurs la filiation entre les deux disques. « J’aime les diptyques », confesse-t-il notamment à l’AFP. C’est visible dès la pochette. Pour Grand Prix comme pour Saint-Clair, l’artiste pose de la même façon : de profil, lunettes de soleil sur le nez. Seul change son équipage, sportif pour le premier, festif pour le second (rappelant les différents acteurs des fêtes de Sète, ville célébrée par ce disque). Mais entre assumer une continuité entre deux objets et réussir à créer une complémentarité, il y a parfois un monde.

Tendresse et transgression

Dans le contenu (sonore cette fois-ci), il y a malgré tout de belles réussites dans ces 17 titres (!). Rends l’amour, premier extrait de l’album, est d’une efficacité redoutable malgré quelques rimes pauvres et des tentatives ratées de transgression (« Et je m’en vais te cueillir des fraises, si tu veux même j’te baise »). Dans De la beauté là où il n’y en a plus, titre léger et lumineux, Biolay parvient à célébrer ces petites choses qui transforment un mort en vivant : les nuits d’amour (« J’ai trouvé ça beau mon trésor, que tu aies sur moi le droit de mort »).

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Biolay est particulièrement grand quand le tempo ralentit et que les mots ont davantage d’espace pour exister, même très peu habillés. Les lumières de la ville, titre ombrageux mais relevé par un synthé hypnotique, nous ramènent prodigieusement aux « années perdues » à errer, entre sa personne « moyenne » et les « mauvaises rencontres ». Sans nostalgie ni amertume, seulement avec la tendresse de ceux qui en sont revenus. C’est d’ailleurs ce revanchard qui autrefois a « touché le fond de la baignoire » qui s’exprime dans le doux (Un) Ravel : « Je me plains, mais au fond j’aime bien ça. Je l’aime cette belle putain de vie, son gros cul, ses cheveux gras ». Reste, pour les perdants d’hier comme d’aujourd’hui, Sainte Rita, avocate des causes désespérées, saluée joliment dans une lente balade tout en guitares.

Quand Biolay quitte les rives de la profonde mélancolie, le disque change de couleur : plus rock, riche en riffs et en guitares calquées sur celles que peuvent produire The Strokes, influence assumée par le chanteur. Même moins triste, le Lyonnais ne quitte pas le rétroviseur du regard. Petit chat se souvient d’un homme qui fut avant d’être avalé par une ombre (« Avant tu sais j’étais pas comme ça, promis juré j’étais pas comme ça. J’étais un condensé d’amour, de joie, et je croyais en l’amour fou »), quand Forever, pour sa part, fait l’éloge d’une rupture passée. La rupture : unique façon de rendre éternel ce qui ne doit plus être, semble-t-il chanter.

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Des chansons qui partagent un ADN commun avec Grand Prix, mais qui en plus de ne pas se compléter (aucun récit commun ni trait d’union au-delà des atermoiements passés ou présents de l’auteur et interprète) sont loin d’être au même niveau. D’autant qu’à ces prolongements s’ajoutent des tentatives ratées, à trouver du côté des morceaux clubs, plus dansants : Numéro magiques et Les pieds dans le sable, notamment. Dans l’ensemble, l’album manque de cohérence. Les pépites côtoient les ébauches, et les faces B (bien que de qualité) sont beaucoup trop nombreuses… Rien de dramatique : même surdosé, un flan c’est toujours réconfortant.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne