« Saint-Clair » : Benjamin Biolay, le retour d'un artiste surdoué
Le chanteur sort « Saint-Clair », un nouvel album tout aussi réussi que ses précédents, aux textes crus, riches de références autobiographiques. Rencontre.
Ce qui passionne Benjamin Biolay dans la vie, « c'est de faire des chansons, donner naissance à quelque chose… Je compare ça à de l'artisanat, comme fabriquer un meuble par exemple. Le guitariste Pierre Jaconelli est un complice idéal, il sait exactement où j'ai envie d'aller, on bosse ensemble depuis plus de vingt ans. Mais côté paroles, je cherche encore. Il y a plein de gens qui écrivent des textes magnifiques mais quand c'est trop bien tourné, trop élégant, ça ne me convient pas. J'ai besoin de quelques mots crus pour que ça soit plus naturel… »
Rends l'amour
« Saint-Clair », son nouvel album, revient plusieurs fois le verbe « baiser », notamment dans le single Rends l'amour. Mais le chanteur ne donne jamais dans la vulgarité, plutôt dans le réalisme cher à la littérature américaine, de John Fante à Jim Harrison, avec la cruauté qui pointe au détour d'une phrase. Car en vingt ans de carrière, Benjamin Biolay a acquis une épaisseur équivalente, se montrant capable de ranimer la flamme de ses aînés (Salvador, Gréco, Valérie Lagrange…) en surfant sur sa réputation de jeune prodige. Auteur-compositeur-interprète révélé grâce à son cinquième disque, « La Superbe », l'artiste est désormais une personnalité de premier plan.
Tragique « traversée »
L'authenticité est une des clés de sa réussite. Le quartier de Buenos Aires évoqué dans Palermo Hollywood n'est pas un fantasme mais une ville d'adoption; les courses automobiles de son précédent disque, « Grand Prix », sont pour lui l'objet d'une vraie fascination. Son nouvel opus s'intitule « Saint-Clair » en hommage au mont de Sète, une ville dont sa famille est originaire. « J'aime profondément cette ville. C'est comme ça qu'est née la chanson 'La Traversée'. J'étais en mode contemplatif devant la mer, jusqu'à ce qu'une association du genre SOS Méditerranée me rappelle que des gens y mourraient chaque jour en tentant de la traverser, pour gagner une vie meilleure. C'est la réalité effrayante qui nous rattrape. »
C'est une des chansons remarquables de l'album, riche de nombreuses références autobiographies. Dans « Lumières de la ville » par exemple, il se souvient de son enfance morose et de ses rêves d'ailleurs. A bientôt 50 ans, la croisière proposée par ce capitaine musicien est toujours aussi savoureuse.
Christian Eudeline
« Saint-Clair », Benjamin Biolay, 1 album, Polydor.