Comment se libérer d'une mère toxique ? - Cosmopolitan.fr

Comment se libérer d’une mère toxique ?

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Comment se libérer d'une mère toxique ?
Une mère toxique n’autorise pas son enfant à exister et laisse de lourds traumatismes à l’âge adulte. Mais il est parfois difficile pour la victime d’admettre cette toxicité. Anne-Laure Buffet, thérapeute et spécialiste du sujet, nous donne les clés pour reconnaître et se défaire de cette emprise.

Un parent laisse une trace indélébile sur son enfant. La relation entretenue avec notre mère conditionne notre vie. Mais qu’en est-il de celle qui blesse, heurte ou ignore son enfant ? La mère toxique et destructrice empoisonne la vie de sa progéniture, en restreignant ses libertés individuelles et ignorant ses besoins au profit des siens. Le traumatisme de l’emprise maternelle est d’autant plus important qu’il est souvent tu. 

Comment définir une mère toxique ?

Une mère toxique est un parent qui n’autorise pas son enfant à exister. C’est une mère qui nuit au développement de ce dernier, empêchant son individualisation, sa responsabilisation. Il en existe différents profils, comme la mère intrusive, celle qui est autoritaire, la défaillante, la jalouse, la dominante... «Ces mères sont, le plus souvent, en apparence, de très bonnes mères. Elles vont sembler proches de leur enfant (quand elles sont fusionnelles), ou au contraire les aidant à s’autonomiser (quand elles sont négligentes), valorisantes car elles en parlent volontiers (alors qu’elles cherchent à se narcissiser à travers leur enfant) ou au contraire pudiques (car elles n’en parlent jamais)», analyse Anne-Laure Buffet, thérapeute et autrice de Les mères qui blessent (Eyrolles, 2018).

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La toxicité se manifeste par la dévalorisation, le contrôle excessif ou au contraire l’indifférence, la parentalisation de l’enfant, la manipulation, la dépersonnalisation... La liste est longue. L’une des caractéristiques de la toxicité maternelle est la répétition des comportements inadaptés. «La maltraitance se caractérise par la répétition, ainsi que par l’absence de considération pour l’enfant et les conséquences sur sa croissance émotionnelle, psychique, physique et sociale», souligne la thérapeute. 

On distingue plusieurs types de mères toxiques

  • La mère immature

Elle se défausse constamment sur son enfant, le rendant responsable en pensées et en actions de ce qu’elle-même refuse de faire ou ne peut assurer. «Elle oblige son enfant à grandir bien plus vite qu’il ne le devrait», note Anne-Laure Buffet. Elle manque à son devoir de protection. 

  • La mère narcissique

«Elle n’est pas mère, elle a un enfant. Elle le détient et s’y reflète pour admirer sa propre image». Cette mère a la volonté d’imposer à son enfant un mode de vie correspondant à son unique bon vouloir et à ses uniques ambitions. 

  • La mère possessive :

Comme la mère narcissique, la mère possessive détient son enfant. «Elle lui retire toute individualité, toute capacité à s’autonomiser et acquérir une identité qui lui convient. Elle envahit toute sa vie, l’enfermant peu à peu dans une toile d’araignée dont il aura du mal à se défaire.»

  • La mère contrôlante :

«On appelle les mères trop contrôlantes des "control freak". Omniprésentes, elles cherchent à tout savoir, tout régenter, rien ne peut ni ne doit leur échapper. Elles se présentent comme détentrices d’un savoir, d’une connaissance que rien ne doit remettre en cause», détaille la thérapeute.

Pourquoi certaines mères sont-elles toxiques ?

La toxicité d’une mère découle souvent de son histoire personnelle. Elle reproduit un schéma vécu durant sa propre enfance. Une mère toxique a pu manquer d’amour maternel ou avoir souffert d’un manque de soins. Hantée par un passé émotionnel dramatique, elle rejette son mal-être sur son enfant. Elle manipule pour conserver l’enfant sous son emprise, avec une phobie intime : la peur de l'abandon et de la solitude. «Être mère n’est ni une assurance ni une garantie d’équilibre psychique, moral, affectif. La mère avant d’être mère est femme, avec son histoire, sa construction, sa propre conscience d’elle-même (ou pas), sa confiance en elle (ou pas), ses vulnérabilités et ses failles. Et c’est avec tout cela qu’elle devient mère», explique Anne-Laure Buffet.

Pour Anne-Laure Buffet, les injonctions sociales ou familiales qui pèsent sur les femmes sont l’une des causes de la toxicité maternelle. «On fait porter aux femmes une injonction, celle d’être forcément "bonne" mère – ce que l’on n’impose pas aux pères, comme si être mère rendait forcément bon, attentif et attentionné, dévoué, conscient des conséquences de nos actes et de nos pensées sur nos enfants», détaille-t-elle. «De plus, la liberté des femmes à disposer de leur corps et à contrôler leur sexualité est récente, et pas encore généralisée. Nombreuses sont les femmes à être devenues mères sans le désirer, mais en réponse à un devoir familial ou social, une obligation à procréer, ou suite à un viol», ajoute la spécialiste.

Quelles sont les conséquences de cette relation ?

Qu’elle soit bonne ou mauvaise, la relation que l’on entretient avec sa mère aura une influence déterminante sur notre personnalité, nos comportements et nos agissements futurs. Garçons ou filles, les conséquences de la maltraitance maternelle sont les mêmes et tout aussi dévastatrices : absence d’estime de soi, de cadre sécurisant et de limites, peur du conflit, manque d’affirmation, besoin d’être aimé qui peut se traduire par une dépendance affective, culpabilité et honte... 

L’enfant est dans une quête perpétuelle d’amour maternel. «Mal aimé ou maltraité, il se pense cependant aimé et croit que sa mère est une bonne mère, qu’elle agit normalement», indique Anne-Laure Buffet. Ce n’est qu’à l’adolescence que l’enfant peut percevoir ce comportement comme dangereux ou toxique pour lui.«Il court derrière ce qu’il pense être de l’amour, portant cette croyance archaïque qu’une mère est naturellement aimante, et il se heurte à cette vérité qu’il nie : être l’enfant d’une mère mal-aimante».Elle explique : «L’adolescent est en danger, affectif, psychique, social, parfois physique et sexuel. Le vide causé par la défaillance maternelle le met en difficulté dans toutes ses relations et avant tout avec lui-même. C’est ainsi que l’on voit apparaître des comportements à risque (troubles du comportement alimentaire, phobie scolaire, phobie sociale, comportements délictueux, addictions…), des troubles du lien affectif, une tendance à chercher la validation et la reconnaissance auprès de tiers qui peuvent devenir abusifs et toxiques».

À l’âge adulte, «s’il n’a pas pris conscience et accepté la défaillance maternelle, les comportements vécus à l’adolescence s’aggravent», ajoute la thérapeute. L’adulte victime se sent coupable de ne pas avoir été aimé. La prise de conscience prend parfois du temps. 

Comment se libérer de son emprise ?

«Certaines mères deviennent toxiques car leurs comportements sont inadaptés, mais elles peuvent également changer, se faire aider, évoluer et élaborer ce qui est nécessaire à restaurer la relation», remarque Anne-Laure Buffet. S’il est possible que la mère évolue et qu’elle accepte de se remettre en cause, la relation peut changer. «C’est un travail qui demande du temps, qui se fait non sans douleur et en demandant une grande bienveillance, une écoute de l’autre, une acceptation de ce qui est, de ce qui a été, et de ce qui peut changer», note la thérapeute. Si ce n’est pas le cas, «la meilleure protection est la distance, parfois complète». «Ne plus voir, ne plus échanger, ne plus croire au changement, et essayer de s’apporter à soi-même, en étant adulte, ce dont on a manqué en étant enfant.» 

Il est possible de se libérer de l’emprise d’une mère toxique. «À condition non seulement de le vouloir mais également de mettre en œuvre ce qui est nécessaire à cette libération, sans attendre de la mère qu’elle l’accepte, qu’elle participe… En fait, en apprenant à ne plus rien attendre de sa mère», insiste Anne-Laure Buffet. Car la mère ne va pas abandonner son emprise. «Elle n’a pas une pleine conscience de la personne qu’est son enfant, si ce n’est dans ce qu’il peut lui apporter de satisfaisant.» C’est pourquoi se détacher d’une mère nocive suppose en général une aide extérieure. «La thérapie ouvre alors non seulement la possibilité d’une consolation mais aussi celle d’une construction de la personne», rappelle l’experte. 

Faut-il couper les ponts avec une mère toxique ?

Ce n’est pas systématique, mais cela peut s’avérer nécessaire, voire même vital. Tout dépend du degré de gravité de la situation avec la mère. «Ce questionnement est le plus personnel qui soit, comme la question du pardon», estime Anne-Laure Buffet. «Les deux vont d’ailleurs souvent de pair ou en parallèle. On ne peut forcer personne à pardonner à l’autre ce qui a fait souffrir, tout comme on ne peut forcer personne à couper définitivement les ponts avec sa mère», explicite-t-elle. 

Si conserver un lien empêche une évolution positive, interdit un travail sur soi et empêche la guérison, il est parfois préférable de s’éloigner. «Certains adultes, le temps de la thérapie, ont pris la décision de couper totalement avec leur mère. Une fois « réparés », ils ont repris contact. D’autres ont évolué sans couper les ponts, mais au prix de nombreux conflits, nombreux doutes, et beaucoup de peines», raconte Anne-Laure Buffet. D’autres, malgré de multiples tentatives de réconciliation, ont mis un terme à la relation. «Il n’y a pas LA bonne solution universelle. Il y a LA solution la plus adaptée, la plus en accord avec la personne, celle qu’elle définit et à laquelle elle se tient, même si le prix à payer semble parfois douloureux», conclut la psychologue.

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