Vierge, Mère ou Reine?
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Vierge, Mère ou Reine?

Apparitions mariales à Madagascar
Sophie Blanchy
p. 135-154

Résumés

Les premières apparitions mariales, survenues récemment à Madagascar, fournissent matière à une réflexion sur les représentations des êtres divins et sur l’indigénisation du christianisme, présent depuis près de deux siècles sur les Hautes terres. Les trois facettes du personnage de Marie, généralement mis en valeur dans les discours et les pratiques chrétiennes, sont examinées dans leur rapport aux conceptions locales de la sainteté féminine et dans le contexte historique du développement des Églises et des relations entre religieux et politique.

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Texte intégral

  • 1 Démarches interprétatives accompagnant la traduction, processus d’emprunts et de déplacement, inco (...)

1Les récentes apparitions mariales à Madagascar et leurs effets habituels de ferveur populaire donnent à réfléchir sur l’appropriation indigène du christianisme. Des processus de traduction culturelle opèrent depuis près de deux siècles pour rapprocher un christianisme importé, d’origine et d’obédience variées, de pratiques et de perceptions ancrées dans le contexte des interactions sociales et des rapports politiques (Comaroff J. & J.L., 1997; Mary, 2000). Après avoir présenté le récit de ces apparitions, on rappellera comment la notion de divin a été conceptualisée à Madagascar avant et depuis la christianisation, et quelles représentations en ont résulté. L’absence d’élaboration d’images divines rendait en effet improbable l’appropriation indigène d’une icône aussi normée que celle de Marie. On examinera alors les conditions de réussite de ces mariophanies malgaches et les diverses facettes de Marie retenues par l’iconographie et les pratiques, et l’on s’interrogera sur la complexité et les paradoxes de la translation1 culturelle.

Les apparitions

  • 2 Des enquêtes ont été faites en 2005 et 2006 avec la collaboration de Andriampianina Raharijesy (In (...)
  • 3 Ra- est un suffixe de nomination généralement accolé au prénom chrétien usité dans la vie courante
  • 4 En particulier de l’association allemande Missio.

2Elles eurent lieu treize fois dans le village d’Anosivolakely, entre 1990 et 2000, à plusieurs heures de piste de la capitale. Les livrets en malgache diffusés lors des pèlerinages rapportent les premières descriptions de l’expérience vécue et décrite par le visionnaire ainsi que les grâces que disent avoir reçues les pèlerins2. Patrice Raharimanana, modeste agriculteur, père d’une famille nombreuse, catéchiste catholique actif et fils de catéchiste, avait déjà bâti deux chapelles, dont l’une dans son village, à l’époque de sa première vision. Celle-ci prit la forme d’un éclair, d’une flamme puis d’une sorte de brouillard, enfin d’une grotte dans laquelle lui apparut une femme vêtue d’un long vêtement blanc et d’un voile à bordure dorée, tenant un chapelet noir, pieds nus, ceinte d’un tissu bleu à bordure dorée également (Raharimalala, [1996]: 7). La figure est conforme dans la précision même de ses détails à la norme catholique, n’était-ce le Nouveau Testament qu’elle tenait ouvert dans la main gauche, tandis qu’elle levait la main droite. Bien que «d’apparence européenne» (tarehim-bazaha), elle parlait un malgache simple et clair. Elle se présenta comme «Sainte Marie reine, et mère de Jésus-Christ» et se dit «envoyée par son fils». Après le soutien du curé d’une paroisse d’Antananarivo, l’association Ave Maria qui se créa permit l’organisation de pèlerinages très suivis. De multiples réseaux s’intéressèrent à l’homme et aux apparitions; en quelques années, Rapatrice3, comme on le nomme, réussit à mobiliser de l’aide4 pour construire une église inaugurée en 1995, le jour de la fête du Christ-Roi selon la demande de la vision.

3Lors de ses apparitions, Marie s’exprimait en citant le Nouveau Testament ou en indiquant les références à lire. Son premier discours reprenait les thèmes de l’actualité économique en faisant état, comme la presse de l’époque, de chiffres fournis par les organismes internationaux. La pauvreté, qui touchait 60% des Malgaches, en menacerait 80% au terme d’une période de catastrophes naturelles. Marie Reine appelait à la conversion, au retour à Dieu. Elle se plaignait de la violence et du désordre qui agitaient la société malgache (amour de l’argent, vols de bœufs) et insistait plus fortement à chacune de ses apparitions pour que Rapatrice transmette son message au Président de la République et au cardinal. La douzième apparition eut lieu en 1996, année où il rencontra le président Zafy, et devait être la dernière, comme si un but avait été atteint. Mais Marie revint en 2000 pour constater tristement que de nombreux Malgaches ne s’étaient toujours pas convertis.

4Les années quatre-vingt-dix avaient été marquées par des crises politiques dont la population subissait le contrecoup économique. Malgré sa réélection en 1989 pour un troisième mandat, le président Ratsiraka faisait face à des tensions sociales grandissantes. Il dut accepter le multipartisme, puis affronter la montée des Forces Vives auxquelles les Églises participèrent en première ligne. Grèves et manifestations aboutirent, après une transition politique, à la proclamation de la Troisième République (1992), mais un conflit du nouveau président Zafy, avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, contribua à son échec. Ratsiraka, réélu en 1997, dirigea à nouveau le pays jusqu’à sa défaite difficilement acceptée, en 2002. Les messages de Sainte Marie Reine semblaient commenter l’actualité: le politique ne remplissait pas sa mission, situation que le peuple ne supportait plus.

  • 5 Certains pèlerins cueillent aussi de l’herbe en suivant le chemin de croix sur les collines avoisi (...)

5Deux statues de Marie figurent aujourd’hui à Anosivolakely. L’une, réalisée d’après la description de l’apparition, tient un livre dans la main gauche. Elle se dresse au-dessus du porche de l’église, accessible par un double escalier. Les pèlerins y montent pour formuler chacun à leur tour leurs demandes en tenant la main levée de l’icône. L’autre, un modèle standard importé aux mains jointes, se trouve dans la chapelle au toit de chaume antérieure à l’église. En 2006, un diadème de fausses perles était posé sur son front. Une femme glissait entre ses mains la photo d’enfants – à guérir, à protéger. Une autre prélevait une pincée de terre derrière la statue, dans une partie du sol non cimentée à dessein5. Cet important détail, qui révèle la coopération du visionnaire, semble marquer une assimilation de Marie aux figures divines de la dévotion populaire, féminines en particulier.

6Il faut replacer ces événements non seulement dans l’histoire du christianisme à Madagascar, mais aussi dans celle des cultes ancestraux afin d’en apprécier la nouveauté et la signification. La rupture opérée par l’introduction du christianisme a ouvert un espace sans cesse parcouru par les va-et-vient d’une double pratique, espace susceptible d’être habité par de nouvelles représentations du divin.

L’arrivée du christianisme à Madagascar

7Madagascar a été évangélisé dès 1820, mais surtout après 1861, à partir du royaume merina qui poursuivait son expansion des hautes terres centrales vers les côtes (Hübsch, 1993). Les contacts antérieurs sur les côtes, aux xvie et xviie siècles, étaient restés sporadiques et ponctuels. En 1869, la conversion de la reine entraîna celle du peuple; l’école missionnaire, obligatoire comme la conscription militaire et la corvée royale, servit d’abord une politique de contrôle et d’exploitation de la population (Raison-Jourde, 1991). Les Églises sont, aujourd’hui encore, perçues comme une partie du fanjakana, mot désignant les institutions du pouvoir, jadis royal, aujourd’hui de l’État. Elles remplissent d’ailleurs en partie la mission de celui-ci dans bien des domaines et les paroisses constituent un important cadre de sociabilité.

8Le roi Radama1er (1810-1828), qui avait accueilli les premiers missionnaires britanniques pour les écoles qu’ils offraient de créer, voulait former un personnel administratif civil et militaire nécessaire à l’expansion du royaume hérité de son père Andrianampoinimerina. Mais, dès 1823, il dut fixer des limites à un prosélytisme chrétien qui menaçait son autorité. Les missionnaires, en effet, se méprenaient sur la nature du dispositif politique et sa dimension religieuse: ils ne voyaient que de simples croyances à combattre dans la nature sacrée du roi, considéré par les habitants d’Imerina comme un dieu, qu’il soit vivant ou ancêtre, et dans les objets de puissance qu’il contrôlait, qualifiés d’idoles ou faux-dieux. À l’inverse, comme l’estime Huyghues-Belrose (2001: 379), les quatre mille Malgaches éduqués et catéchisés à l’école missionnaire, avant 1828, ne peuvent pas être considérés comme de réels convertis. En 1835, les idées chrétiennes menaçaient tant l’ordre politique en place que la reine Ranavalona1re (1828-1861) chassa les missionnaires du pays. Les chrétiens malgaches furent considérés comme des opposants politiques puisqu’ils rendaient un culte à des personnages étrangers et non aux ancêtres royaux et certains furent martyrisés. Campbell (1992) suppose que si des Malgaches s’intéressaient tellement au christianisme, qui représentait un ordre cosmique étranger, c’était que les puissances du panthéon chrétien leur paraissaient plus capables de restaurer l’ordre et la sécurité que les pouvoirs ancestraux autochtones qui se révélaient défaillants en cette époque troublée.

9La mort de Ranavalona permit le retour des étrangers. Après le règne bref et déstabilisant de Radama II, ouvert au christianisme et à toutes sortes d’innovations, et tandis que se développaient les missions britanniques, françaises et norvégiennes, les factions politiques concurrentes durent compter avec l’influence chrétienne. Finalement la nouvelle reine et le premier ministre se convertirent au protestantisme en 1869, et c’est sur ordre royal que se fit l’affiliation des populations aux Églises et à leurs écoles. Les paysans des hautes terres s’approprièrent progressivement l’idiome religieux des missionnaires, tout en le transformant pour l’adapter à leur propre culture. (Larson, 1997: 970; Comaroff J. & J.L., ibid.)

Ancêtres, rois et dieux

  • 6 Zanahary, andriananahary et andriamanitra traduisent la notion de dieu, et le Dieu unique du chris (...)
  • 7 Les ordres sociaux, encore pertinents dans certains contextes, comprennent les andriana et les esc (...)

10Avant les travaux d’anthropologie, c’est par les missionnaires, premiers traducteurs de la langue malgache, que l’on a disposé de descriptions des pratiques. Ce que les Européens entendent par divinité renvoie d’abord, dans la pensée autochtone, à une puissance extérieure arbitraire ne faisant qu’un avec les conditions d’existence et l’environnement naturel (Bloch, 1995: 94), puis plus concrètement à des entités de nature plurielle et à des esprits ancestraux6. Une énergie nommée hery est associée à la reproduction végétale, animale et humaine, et aux sources dont dépend toute la riziculture irriguée. Cette force doit être contrôlée par l’ordre social fondé sur la hiérarchie des âges et des statuts (Bloch, 1989). Au nom de leurs ancêtres (razana), les aînés des groupes de parenté, et jadis les rois, dirigent les rituels qui canalisent le hery et produisent du hasina redistribué sous forme de bénédictions. Les ancêtres protègent les vivants tant que ceux-ci entretiennent leur hasina par des rituels. Dans l’un d’eux, le famadihana, les ancêtres sortis des tombeaux sont enveloppés de nouveaux tissus de soie. Les ancêtres des andriana (parents des rois) font parfois l’objet d’un culte public sur leurs tombeaux et sont alors divinisés sous le nom de zanahary. Tous les ancêtres communiquent par le rêve et le pressentiment avec les vivants – leurs descendants ou, pour les zanahary, ceux des anciens esclaves7. Ces derniers communiquent aussi par la possession.

11Après le meurtre de RadamaII, en 1863, une «épidémie de possession» par les esprits des rois, le ramanenjana, toucha le petit peuple, mouvement que F.Raison (1976, 1991) analyse comme une contestation du christianisme «politique». À l’indépendance, en 1960, dans l’est et le sud de l’île, la possession joua comme communication directe en faveur des plus modestes, court-circuitant la voie hiérarchique de l’ordre social (Althabe, 2000). Le même processus opère au sein de la structure hiérarchique complexe de la société des hautes terres (Raison-Jourde, 1983).

12La conversion royale puis la colonisation française avaient rendu inaudible ou silencieux un langage rituel qui se manifeste à nouveau depuis les années soixante par le développement des cultes sur les tombeaux royaux des alentours de la capitale et des sites historiques de l’Imerina (Rakotomalala & alii, 2001). Ces cultes rendent compte d’une perception et d’un usage du territoire comme lieu d’inscription et de mémorisation du passé historique et mythique.

Les représentations du divin

13C’est le tombeau, en tant que monument et emplacement, qui concrétise le mieux la réalité et la présence des ancêtres divinisés. Dans les cultes populaires, on y prie en touchant la pierre de tête, on y dépose l’eau de la source proche afin de la sanctifier, on y prélève de la terre, on cueille les plantes poussant alentour. La terre des tombeaux, rendue sainte par contact avec l’ancêtre et avec les offrandes rituelles (sang sacrificiel, alcool), substance «consommable» et renouvelable, se distingue ici des reliques des ancêtres divinisés du Nord-ouest, précieusement conservées et entretenues, tout en leur étant comparable à certains égards.

14L’absence de sépulture a sans doute constitué un obstacle à la naturalisation des martyrs malgaches en saints ancêtres. À l’inverse, le tombeau de la catholique Victoire Rasoamanarivo attire la ferveur populaire malgache. Dès lors qu’existe un tombeau, on trouve des équivalences réussies entre des récits de hasina local et de sainteté chrétienne, voire de martyre. Ainsi en est-il de Trimofoloalina, personnage célébré dans la tradition pour avoir accepté de donner sa vie pour le roi – qui lui en fit grâce au dernier moment (Callet, 1981: 315-20); il est l’objet d’un culte comme zanahary sur son tombeau supposé, à Antananarivo. D’après les récits, c’est un de ses descendants qui fonda le temple protestant du quartier, après avoir lui-même échappé de peu au martyre sous Ranavalona1re. Figures similaires et interchangeables ayant offert leur vie l’un à son roi, l’autre à son Dieu, ils sont aujourd’hui associés dans des textes oraux et écrits (Blanchy et alii, 2006: 163). Autre exemple, tandis que la mémoire du martyr Andriantsihamba est honorée dans le temple commémoratif de son supplice, dans la haute ville, il est invoqué par le culte populaire comme zanahary et masina (saint) sur un tombeau où reposeraient ses restes.

15À Madagascar, les idées du divin sont formées, partagées et transmises par la parole et le récit plus que par l’image. Même les objets de puissance des rois, les sampy, nommés dieux (andriamanitra) au xixe siècle et brûlés lors de la conversion royale, étaient décrits, dans leur histoire officielle, sous des aspects immatériels (Domenichini, 1985; Blanchy, 2008a). L’assemblage d’éléments qui les représentait, pris dans une corne ou un bois sculpté, symbolisait des êtres, des relations ou des actions – bois, terre, perles, argent, aiguilles, parties d’animaux –, et avait valeur de texte (Fontoynont, 1913). Le statut de cette chose-dieu était ambigu: ni icône, ni relique, elle pouvait transmettre la sainteté hasina, les bois pouvant aussi être grattés et les raclures emmenées comme remèdes. Dans le rituel aux zanahary, prières et dialogues déploient des représentations orales avec leur poétique faite d’assonance, de rythme et de métaphores. Aussi peut-on s’interroger sur le sens que la population attribua à la statuaire chrétienne introduite par les catholiques.

  • 8 Fondateur de Fort Dauphin pour la Compagnie française des Indes orientales.
  • 9 Comme en Inde, par exemple, où face aux langues locales «inadaptées», les termes clés du christian (...)

16Dès la première entreprise d’évangélisation, la traduction linguistique des idées religieuses se heurta à des difficultés. Dans le dictionnaire et le catéchisme publiés, en 1658, par Étienne de Flacourt8 avec son Histoire de la Grande Île (2007), les lazaristes eurent du mal à traduire les notions de Dieu et de son unicité, d’Esprit-saint, de Trinité, de prière, ou encore l’appellation Vierge Marie9 (Gueunier, 1997: 84; 2009: 90). Ils puisèrent dans le vocabulaire existant, non sans biais, mais ne trouvèrent rien pour la Vierge. L’état de virginité précédant simplement une vie sexuelle que l’on souhaite la plus féconde possible, la langue malgache n’offrait que des expressions négatives, parmi lesquelles le catéchisme retint le verbe miholé, «être réticent, paresseux, ne pas oser» [l’homme] comme on le dit encore en dialecte masikoro (Gueunier, 1997), tandis que le Dictionnaire donnait: «pas atteinte par l’homme». Un Vocabulaire réalisé, en 1773, aux Mascareignes, auprès de commerçants ne mentionne pas le mot vierge mais la formule tsiampisinga, «pas prostituée», pour «fille sage, vertueuse» (Gueunier, 1996; Larson, 2007b). L’expression découle de mpisinga, «libertine» – celle qui acceptait de devenir partenaire sexuelle des marchands et parfois leur intermédiaire commerciale – tandis que libertin était traduit par maro masay, «aux nombreuses deuxièmes épouses». Les missionnaires et les colons tenaient l’instabilité conjugale des Malgaches pour une des difficultés majeures de l’évangélisation, avec le culte aux ancêtres et la possession diabolique des esprits. Les traducteurs du xixe siècle en furent réduits à faire passer l’anglais virgin en malgache sous la forme virjiny.

17Mais les catholiques ne s’en appuyèrent pas moins sur son image. En 1871, le Père Finaz, premier missionnaire catholique en Betsileo, région colonisée par les Mérina, s’en remettait souvent à «Marie Immaculée», et dans son journal présente l’arrivée de trois sœurs de Cluny comme l’«apparition de vierges Chrétiennes jusqu’alors inconnues dans le pays», dont toutes les jeunes filles voulaient être les élèves (Finaz, 2005: 59). Une statue de la Vierge à l’enfant faisait partie de son matériel pédagogique (ibid.: 39), ainsi que des tableaux du Sacré-Cœur, du Christ en croix et un catéchisme en images qui attirèrent une foule curieuse. Des officiers merina, déjà affiliés au protestantisme concurrent, se dirent scandalisés et déclarèrent qu’on aurait dû brûler ces idoles avec les sampy détruits deux ans auparavant.

  • 10 Andriamihaja Nasolo-Valiavo, L’Express de Madagascar, 8/03/07.

18Pour les catholiques, Marie devint cependant une figure familière, bien qu’européenne (vazaha), car la grotte de Lourdes (lagraoty) a été utilisée comme instrument de mission à côté de chaque nouvelle église depuis la fin du xixe siècle, comme le furent au xviie siècle les statues introduites en masse en Orient chrétien où elles n’étaient guère courantes (Heyberger, 2003; Mayeur-Jaouen, 2009: 227). Ny lagraoty, deuxième intraduisible associé à la figure mariale après celui de virjiny, désigne le petit décor de rochers abritant la statue de sainte Marie, assorti d’un autel et d’une croix, ou même aujourd’hui la maisonnette que certains Malgaches érigent dans leur jardin et font bénir par un prêtre. Bien que ces rochers fleuris évoquent les sites des kalanoro (Esprits associés aux rochers et à l’eau) ou les sources à ondines (zazavavindrano, «jeunes filles de l’eau», sans aucune connotation de virginité) et à vazimba (esprits des prédécesseurs des Merina sur le territoire), l’image divine féminine placée dans ce paysage artificiel semble être perçue comme bien distincte. Ainsi devant la statue de la Vierge érigée au milieu du lac Itasy, un journaliste malgache constate que ce marquage catholique du territoire ne fait aucun écho à la mythologie locale et qu’il est toujours impossible d’expliquer le mot virjiny10.

19Sur le site de culte de la zanahary Rafotsirabodo, la gardienne, une catholique qui dialogue souvent en rêve avec cette ancêtre divinisée, assure qu’il ne peut s’agir de Marie car celle qu’elle voit « est malgache ». Marie reste donc vazaha (européenne) dans la vision populaire. Elle n’est pas naturalisée comme au Mexique la brune Virgen de Guadalupe (Stevens-Arroyo, 2002), ou au Tamil Nadu la Vierge au sari doré (Sebastia, 2002), ni appropriée par un groupe pour défendre une identité ethnique, comme l’est cette dernière en Inde et à Paris. Les « images » des zanahary ou des ancêtres familiaux perçues en rêve sont d’ailleurs peu visuelles : il s’agit d’une voix malgache au ton familier délivrant un conseil – tout au plus distingue-t-on une main quand l’ancêtre indique des plantes à cueillir, ou un détail identificatoire, comme la sagaie d’Andrianampoinimerina. Ce sont surtout les lieux où ils sont réputés demeurer qui permettent d’identifier leur présence.

Quelques figures sacrées féminines

20La tradition fait de Rafotsirabodo l’une des épouses d’Andrianampoinimerina (1787-1810), le roi unificateur de l’Imerina (Callet, 1981). Un culte populaire lui est rendu dans la «maison froide» de bois placée sur le beau tombeau de pierre. Des objets placés par les pratiquants – une robe longue de style européen, et le sigle royal appliqué sur les tentures – montrent qu’ils l’assimilent aux reines christianisées de la fin du xixe siècle. L’identification anachronique et syncrétique des zanahary aux chrétiens ou aux saints est fréquente: les pratiquants attribuent à Rafotsirabodo la fondation du temple protestant d’Ambohijoky, et les zanahary sont souvent décrits comme siégeant «à la droite de Dieu».

21Ranoro, un personnage plus mythologique, catégorisée comme zanahary mais aussi ondine ou vazimba, est toujours invoquée avec son fils Rakotomaditra «le Rebelle», auprès duquel les adeptes des arts martiaux viennent demander force et virilité. M.Bloch (1994) se fonde sur la présence d’une statuette de la Vierge sur son site et sur le témoignage d’une pratiquante pour établir un parallèle entre les deux paires mère-fils, auxquelles on peut également associer Ranavalona1re et son fils RadamaII. Nombreux cependant sont les statues chrétiennes figurant dans les bureaux d’experts rituels, de même que les Bibles et parfois les Corans (Blanchy et alii, 2006).

22Marie n’est pas la seule image à illustrer la sainteté chrétienne à côté de ces zanahary féminines. L’Église catholique malgache espère que Victoire Rasoamanarivo (1848-1894), béatifiée par Rome en 1989, deviendra bientôt la première sainte nationale. Parente des Premiers Ministres époux des dernières reines, elle fut baptisée en 1863 dès le retour des missions, résista aux injonctions familiales d’entrer dans le protestantisme et contribua au développement de la communauté catholique. Enterrée dans le tombeau familial à Isotry, elle fut longtemps réclamée par l’Archevêché qui obtint, en 1961, pour le centenaire de la Mission à Antananarivo, le déplacement de ses restes dans le mausolée des prêtres. En 1989, année de sa béatification et du voyage du Pape à Madagascar, l’Église catholique transféra à nouveau son corps dans une chapelle qui lui est dédiée en face de la Cathédrale, transfert que des textes affichés dans le sanctuaire définissent comme un famadihana. Victoire est ainsi désignée comme ancêtre non seulement de sa famille mais aussi des responsables catholiques et de la communauté chrétienne entière qui doivent se la partager, comme le corps d’une femme mariée est disputé, parfois, entre le tombeau de ses parents et celui de son mari et ses enfants. Dans les récits autorisés, c’est sa dévotion envers Marie qui est soulignée: élue, en 1873, première Présidente des Enfants de Marie ou Filles de Marie (Fourcadier, 1937), elle priait chaque jour devant l’autel de la Vierge et, sur son lit de mort, l’invoqua sous le nom de «Mère». Une statue de Marie a été placée dans la chapelle près de son tombeau.

  • 11 Neny ou Raneny, Mère, titre souvent donné aux guérisseuses; elle était de grande taille (lava).

23Il faut aussi évoquer les prophétesses du revivalisme protestant. L’une d’elle, Nenilava11, fonda à Ankaramalaza, dans le Sud-est, l’un des quatre mouvements de réveil malgache issus de l’Église luthérienne (Edland, 2002). Appelée par Jésus, dont elle avait de fréquentes visions, à répandre la Bible, elle soignait et exorcisait par imposition des mains. Elle aurait reçu de Jésus l’ordre de porter pour sa consécration, en 1983, une tenue de prêtre telle que décrite dans Ex28 et Dt28, à confectionner avec des matières uniquement malgaches, en particulier les pierres précieuses de la couronne. Le prix exorbitant de cette couronne fut payé par les adhérents qui y voyaient le signe de son autorité charismatique (Rabarihoela, 1999; Razafindrakoto, 2006: 125). Toutes ces figures féminines, malgré la diversité de leurs références dans le champ religieux, ont en commun de se présenter comme reines et mères.

Les images malgaches de Marie

  • 12 Masina Andrianampoinimerina 1790-1810 Radama I 1810-1823 Ravola masina mampivelona sy mpanome tamb (...)

24Et si l’on examine les termes par lesquels on s’adresse à Marie, les icônes qui la représentent et les textes qui lui sont associés, on voit qu’elle est surtout perçue, elle aussi, comme une mère (reny) et comme une reine (mpanjakavavy), les attributs de vierge et d’Immaculée Conception restant cantonnés aux textes d’Église. Le clergé catholique, à défaut de promouvoir la virginité, encourage plutôt la dévotion à Marie chez les mères de famille chrétiennes, tenues pour responsables d’une stabilité conjugale toujours considérée comme insuffisante. C’est dans cet esprit qu’a débuté l’éducation des femmes par les missionnaires étrangers (Skeie, 1999; Predelli, 2000). Les prières des Filles de Marie à leur Mère spirituelle restent cependant générales et abstraites. Rien de comparable avec la demande de fécondité, puis de protection des enfants, adressées à des zanahary féminines, comme à Ravola, par exemple, qui demeure dans un petit bassin proche du tombeau de l’ancêtre principal à Ankazomalaza, haut-lieu du culte aux ancêtres divinisés près de la capitale. Son nom est inscrit, avec celui de deux ancêtres rois, sur une pierre en forme d’île de Madagascar. Elle y est définie comme «celle qui fait vivre et qui donne des tambavy»12, tisanes utilisées principalement pour les maladies de la mère et de l’enfant. Le recours spontané à de telles zanahary, à leurs eaux et à leurs gardiennes, se distingue de la prière à Marie formatée par l’institution ecclésiale, mais celle-ci n’en est pas moins une pratique spécifiquement féminine, et il est rare qu’un homme se rende devant la grotte.

  • 13 Masina Maria Virjiny, Mpanjakan’ny raozery.
  • 14 Arahaba ry renin’Andramanitra.
  • 15 Arahaba ry Mpankavavy.
  • 16 Maria manjaka.
  • 17 Jen [Gn] III raconte la chute, quand le serpent trompa la femme, et Apc.XII, rapporte la vision, d (...)

25L’image de reine est également bien établie grâce à l’appellation la plus courante et la plus populaire de Masina Maria Mpanjakavavy, Sainte Marie Reine. On remarque par les inscriptions qui les accompagnent que, selon le lieu de leur implantation, les statues placées dans les grottes ne reçoivent pas les mêmes noms: «Sainte Marie Vierge, Reine du rosaire»13 à l’église de Faravohitra, dans la haute ville d’Antananarivo, «Salut ô Mère de Dieu»14 dans le grand centre catholique d’Ihazolava, gros village à une heure sur la route du Sud, «Salut ô Reine»15 dans un petit village plus éloigné, Ambalavao (mais aussi «Marie règne»16, nom d’un collège catholique de la capitale). La statuaire se répartit entre des icônes importées, où le modèle de Lourdes domine, et d’autres fabriquées localement avec ou sans moule, comme celle d’Ambalavao dont la silhouette tassée, sans chapelet, donne un effet d’indigénisation convaincant. Enfin, les statues sont entourées d’autres textes révélant le rôle de divers acteurs: outre les plaques votives, les plaques de jubilés des nombreuses associations chrétiennes témoignent à l’église de Faravohitra d’une appropriation du christianisme dans l’histoire malgache, tandis que les inscriptions millénaristes17, gravées en l’an 2000 autour de la grotte d’Ambalavao, révèlent l’aide d’une paroisse nord-américaine, Saint Robert Bellarmin, où eurent lieu, en 1970, des apparitions de la Vierge.

Indigénisation ou résistance?

  • 18 Après un rappel de l’autorité de l’Église par le concile de Trente (1569), pour contrôler le culte (...)

26Inspirées ou non par la connaissance que le catéchiste pouvait avoir d’autres apparitions mariales, celles d’Anosivolakely en reprennent les principales caractéristiques (apparence de la vision, rôle de médiation de Marie auprès de son fils, milieu rural pauvre du visionnaire, emploi de la langue locale) s’inscrivent elles aussi dans une forme d’expression du catholicisme populaire observée aussi ces dernières années en Afrique, en Amérique latine et au Proche-Orient. La «réussite» des apparitions tient à l’obéissance des protagonistes au magistère de l’Église et à la portée universelle du message (Bouflet et alii: 444)18. Bien que l’Église ne se soit pas prononcée sur les apparitions d’Anosivolakely, la présence active de prêtres et de religieuses, et la mobilisation des paroisses, valident leur effet d’authentique appel à la conversion.

La réussite des mariophanies: l’appel au repentir

  • 19 Malanjaona Rakotomalala, enquêtes de 1998.
  • 20 Les zanahary utilisent souvent le jaillissement de sources pour signaler leur présence, et toute s (...)
  • 21 Madagascar Laza no291, 18/11/05.

27La première condition de succès tient, comme à Lourdes, à la disqualification d’un certain nombre de visionnaires (Albert-Llorca, 2007; Laurentin, Sbalchiero, 2007; Claverie, 2003). À Madagascar, d’autres apparitions de Marie n’ont eu qu’un impact limité sur la population chrétienne et n’ont pas fait autorité dans le milieu catholique. À la même époque que Rapatrice, par exemple, une femme guérisseuse par massages a vu Marie lui apparaître près d’Antananarivo19. Enceinte, elle reçut l’annonce qu’elle aurait des jumeaux et qu’une source jaillirait pour lui permettre de soigner les gens20. Près de cette source (ancienne d’après ses détracteurs), et chez elle, elle a installé deux doubles statues représentant sainte Anne et sainte Marie. Ces deux femmes, mère et fille fécondes et saintes, évoquent les zanahary féminines entourées des mêmes symboles (sources, jumeaux) à qui sont demandés les enfants. En 2005, fut également signalée, entre Imerina et Betsileo, l’apparition de sainte Marie à un garçonnet de douze ans, annonçant des catastrophes si le peuple malgache ne se repentait pas21. La comparaison de l’âge et du sexe des visionnaires donne à l’apparition d’Anosivolakeky une dimension politique que confirment les autres éléments.

28Par ailleurs, le catéchiste Rapatrice ne fait rien de son expérience que l’Église catholique ait à condamner et celle-ci accompagne prudemment le développement du culte, laissant des centaines d’autobus affrétés par les paroisses amener les pèlerins sur place. Son premier but reste d’obtenir la canonisation de Victoire Rasoamanarivo. La statue de la bienheureuse commence à apparaître dans la cour des églises. C’est le cas à Faravohitra, mais en parallèle, la célébration, en décembre 2009, du jubilé des cinquante ans de la grotte consacrait l’autonomie du sanctuaire marial vis-à-vis de l’Église.

29Le succès des pèlerinages à Anosivolakely auprès des chrétiens laïcs et clercs, les longues queues formées à toute heure devant les confesseurs assis ça ou là sur une simple chaise, mettent en évidence le réel travail de conversion qui s’y fait. La confession, technique de l’aveu et apprentissage du repentir, a développé chez les chrétiens la conscience du péché dans une nouvelle conception de la personne, à Madagascar comme dans les missions du Nouveau Monde (Klor de Alva, 1992b): le conflit moral interne est censé remplacer l’ancienne transgression des interdits de la vie païenne. Le dialogue de la confession est à l’opposé de la communication avec les zanahary, qui s’expriment sur les sites de culte par la bouche des possédés: l’expert rituel penche bien son oreille, comme le prêtre, vers le pratiquant, mais c’est pour saisir les ordres de la divinité et non pas les aveux du pécheur.

Rassemblement et revivalisme

30Les chrétiens de toutes les Églises qui participent aux pèlerinages organisés, trois fois par an, à Anosivolakely se disent frappés par la ferveur nouvelle qu’on y ressent. L’effet «rassembleur» de Marie, qui ailleurs s’exerce sur les clivages ethniques ou religieux (Aubin-Boltanski, 2007; Stevens-Arroyo, ibid.; Mayeur-Jaouen, 2009; Keriakos, 2009) se fait sentir ici entre congrégations ou mouvements chrétiens, entre statuts et entre classes sociales.

31L’accent très protestant mis sur le livre que l’apparition tenait à la main se distingue du symbole catholique le plus courant, l’intraduisible rosaire. Le chapelet n’est plus passé autour du bras droit mais glissé sous la ceinture de la statue, les deux mains étant mobilisées pour la lecture publique du texte évangélique; on note même, sur les icônes dues à un artiste local comme celle d’Ambalavao, l’absence pure et simple de ce symbole catholique. En 1868, déjà, lors de son couronnement, la reine, qui allait se faire baptiser dans le protestantisme un an plus tard, avait sa Bible à ses côtés. Le livre saint est devenu à Madagascar une représentation de la nation christianisée et attachée à cette identité; il apparaît comme symbole national dans le monument commémorant la première impression de la Bible en malgache, en 1835. L’édifice érigé en 1995 représente une Bible ouverte portant en malgache l’inscription: «Vivante et puissante la parole de Dieu» (de l’Épître aux Hébreux, He 4,12). Derrière, Madagascar se dresse comme une pierre levée, sous sa forme géographique, selon le modèle du monument de l’Indépendance reproduit dans tout le pays.

  • 22 En Tanzanie, un prêtre à qui la «Sainte Mère» était apparue créa, dans les années soixante-dix, un (...)

32Mais le Nouveau Testament souligne plus particulièrement la dimension évangélique propre aux revivalismes protestants et catholiques. Il est en effet possible que les apparitions comblent chez les catholiques malgaches l’absence de réveil institutionnalisé22. Le message transmis par Rapatrice, «se repentir» (mibebaka) et, comme le disent surtout les catholiques, «se confesser» (mikonfesy), fait écho à celui du réveil luthérien malgache dès sa fondation en 1894 (Blanchy, 2009: 240-250). Le réveil, en permettant une prise en main du christianisme par les Malgaches, a également ouvert à l’indigénisation et à un certain syncrétisme. Ainsi, le combat des «bergers» expulsant les esprits malgaches par des manipulations physiques renvoie plus aux manières des guérisseurs qu’à celles des pasteurs formés au maniement de la parole biblique. L’apparition mariale se situe dans ce mode d’interaction émotionnel plutôt que rationnel, malgré sa constante référence aux Écritures: de même, le libre accès des pèlerins aux deux icônes, le contact avec la main levée de l’une, avec la terre de l’autre.

Des réseaux catholiques mondialisés

  • 23 http://notre-dame-de-france.com.
  • 24 Ry Maria Mpanjakavavy tsy misy pentina.
  • 25 Projet lancé dans les années quatre-vingts, par deux laïcs sur une ancienne idée des assomptionist (...)
  • 26 Brochure Fiot, texte intégral, L’Île-Bouchard (8 au 14 décembre 1947). Les faits mystérieux de L’Î (...)

33Les paroissiens malgaches sont exposés à de nombreuses informations sur les apparitions mariales par les réseaux d’aide des congrégations catholiques. Tout centre chrétien s’occupe d’action sociale et d’aide au développement grâce à un soutien international complexe, à la fois religieux et matériel, peu aisé à décrypter. Une adduction d’eau a été installée dans le village d’Anosivolakely par des ONG chrétiennes suisses et malgaches liées à un réseau humanitaire privé américain de tendance œcuménique. Les images diffusées dans ces réseaux témoignent de courants spirituels où la Vierge miraculeuse tient une place centrale. Le mouvement catholique Notre Dame de France relie à «l’engagement du P.Castets, datant de 1867» la dévotion à Marie devant les nombreuses grottes de Notre Dame de Lourdes édifiées à Madagascar23. Ce compagnon du P.Finaz avait composé un cantique débutant ainsi: «O Marie, Mère sans souillure, nous, peuple malgache, nous vous choisissons pour notre Patronne et notre force», dénomination reprise dans l’inscription placée derrière la statue de l’église d’Anosivolakely: «O Marie Reine sans souillure»24. L’icône reste un instrument de mission, comme le montrent les Vierges pèlerines promenées dans des villes côtières malgaches depuis 200025. L’ordre religieux de la Salette, créé à la suite d’apparitions mariales à des enfants, en 1846, un peu avant celles de Lourdes, est présent à Madagascar depuis 1899, et des cinq cathédrales malgaches dédiées à Notre Dame, deux le sont plus précisément à celle de la Salette. Devant celle d’Antsirabe, l’histoire des apparitions est retracée, scène par scène, par une série d’ensembles statuaires. Après les apparitions de 1947, à L’Île-Bouchard près de Chinon, une des religieuses qui enseignait aux fillettes visionnaires fut envoyée dans une mission à Madagascar et l’on peut supposer qu’elle y anima la dévotion mariale26.

Une reine malgache

  • 27 Dans le contexte européen du xixe siècle, c’est la valorisation de la virginité féminine que renfo (...)

34L’occupante de la grotte catholique n’est pas assimilable aux esprits des eaux et de la fertilité féminine, mais elle est perçue comme une reine douée de sainteté, ce qui semble constituer la meilleure translation en des termes malgaches du sacré qu’elle personnifie. Elle souligne elle-même le statut de Christ-Roi de son fils en choisissant la date de l’inauguration de l’église. Elle délivre un message au peuple et aux autorités politiques et religieuses par l’intermédiaire de son porte-parole Rapatrice en citant la parole fixée du texte évangélique. On pense aux envoyés qui portaient jadis la parole royale dans les provinces (Raison-Jourde, 1991): c’est le poids politique de la parole royale et divine qui est valorisé par la reconnaissance populaire malgache27. Le renvoi à une référence locale est une condition de toute traduction culturelle, et l’insistance mise à Madagascar sur la royauté s’explique par la proximité structurelle des figures (Rafael, 1993; Cruz, 2009). Condition nécessaire mais non suffisante: ainsi, malgré l’importance du culte des reliques, en pays sakalava surtout, le passage à Madagascar de celles de Sainte Thérèse de Lisieux, en 2003, lors de leur tournée mondiale, n’a pas provoqué d’émotion populaire.

35Les messages mariaux/royaux empruntaient le style des discours politiques. De manière réciproque, ceux de la campagne de 2002 se sont volontiers appuyés sur des citations néotestamentaires, les candidats laissant même entendre qu’ils avaient des liens plus directs avec l’invisible. L’utilisation des écritures saintes par l’apparition d’Anosivolakely est un trait partagé des mariophanies, mais la manière dont elle le fait est bien malgache: elle consiste à reprendre une parole d’autorité venue d’avant, celle des ancêtres ou de la Bible, en combinant déférence et citation comme dans tous les rituels (Bloch, 2004). Les apparitions de Marie peuvent aussi être lues, à l’instar de la possession ramanenjana des années 1860, comme une manière également malgache pour les dominés d’interpeller leurs dirigeants en période de crise, en utilisant le discours d’un ancêtre, d’un roi, d’un esprit divin, le seul qui fasse autorité. Apparition «catholique» et possession «malgache» utiliseraient alors des processus comparables.

Complexité de la translation culturelle

36Le message de Marie n’est pas univoque: elle ne joue qu’un rôle d’envoyée pour transmettre la parole venant de plus haut, non de ses ancêtres ici, mais de son fils Jésus, figure centrale du christianisme, en particulier du réveil protestant et du pentecôtisme. Bien éloigné d’une divinité abstraite (Andriamanitra), Jésus personnalise l’appel au repentir, comme dans les mouvements évangéliques: de là sans doute la ferveur œcuménique des pèlerins malgaches. Ceci montre que ces relations complexes font sens à Madagascar sur fond d’oppositions multiples: celle des «idolâtres» pratiquant le culte aux zanahary et des chrétiens s’en défendant; celle des catholiques, tolérant certaines coutumes locales, et des protestants, aux rituels plus rigoureux; celle enfin des Églises historiques et des mouvements revivalistes ou pentecôtistes.

  • 28 Rivo Steph, Les Nouvelles, 29/09/06. Idées qui renvoient d’ailleurs plus au rétablissement des rel (...)

37L’ethnographie présentée ici montre que les apparitions mariales doivent être considérées en lien avec les cultes aux ancêtres royaux et les rituels aux ancêtres familiaux. Depuis le concile de Vatican II (1962-1965), le famadihana est officiellement permis chez les catholiques au titre de l’inculturation, tandis qu’il reste interdit pour les protestants, bien que largement pratiqué. Aussi, une question lancinante, qui ressort régulièrement dans les journaux, taraude-t-elle certains Malgaches: les coutumes ancestrales (fombandrazana) sont-elles de l’idolâtrie (fanompoan-tsampy)? La question a une acuité particulière pour les andriana, héritiers d’un surcroît de hasina qui légitime leur statut, mais majoritairement convertis au protestantisme, et dont certains tombeaux ancestraux sont des sites de culte populaire. Ils tentent d’en reprendre le contrôle par une démarche de patrimonialisation, et pour écarter les soupçons d’idolâtrie, christianisent les rituels auxquels ils participent en faisant appel à une idée proche du repentir, celle de pardon. Ainsi, fêter le premier de l’an malgache sur le tombeau royal à Anosimanjaka constitue, aux dires des descendants Zana-dRanavalona, l’occasion de se pardonner mutuellement et de se réconcilier28. Les pratiquants des cultes aux zanahary, quant à eux, font preuve d’un syncrétisme interne à la culture en faisant passer tous les esprits pour des ancêtres et nombre d’entre eux pour des chrétiens: on construit aux personnages invisibles une vie, chrétienne s’il le faut, et un tombeau, ce qui les rapproche des ancêtres généalogiques ou royaux.

38Pour autant, Marie restait jusqu’ici étrangère à la terre malgache, contrairement à l’Égypte où on la prie sur les lieux de son passage (Keriakos, 2009: 264-265). Reine, son royaume semblait bien distant. Or, à Anosivolakely, la conformité de son message aux normes malgaches de communication des figures divines signe une indigénisation que certaines pratiques confirment.

39Le succès de ces mariophanies constitue la première reconnaissance de la relation directe de Marie avec un Malgache et de son intervention dans la vie de la nation (où les Églises jouaient déjà un rôle actif). Cette indigénisation redonne une voix au peuple à travers lequel Marie a choisi de s’exprimer, ce qui explique l’enthousiasme de celui-ci à lui répondre. C’est sous la puissance d’une reine et la protection d’une mère qu’il se place en se rendant sur les lieux des apparitions. La forte inscription territoriale caractérise en effet la relation au divin à Madagascar, de même que l’importance de la parole que les médiateurs sont chargés de transmettre et de répéter. Loin d’empêcher l’action personnelle, être porte-parole est la seule forme que celle-ci peut prendre: c’est au nom des ordres reçus que l’on peut faire preuve de ténacité et de compétence. La citation des Écritures, comme la possession par les ancêtres royaux zanahary, permet de parler au nom d’un Autre dont l’autorité n’est pas contestable. Les apparitions de Marie ne sont pas à cet égard une rupture, bien que les événements se soient inscrits dans des formes acceptables par l’Église. Elles favorisent le repentir et donc la prise en charge par le sujet de sa propre responsabilité.

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Notes

1 Démarches interprétatives accompagnant la traduction, processus d’emprunts et de déplacement, incorporation d’intraduisibles linguistiques.

2 Des enquêtes ont été faites en 2005 et 2006 avec la collaboration de Andriampianina Raharijesy (Institut de Civilisations, Université d’Antananarivo).

3 Ra- est un suffixe de nomination généralement accolé au prénom chrétien usité dans la vie courante.

4 En particulier de l’association allemande Missio.

5 Certains pèlerins cueillent aussi de l’herbe en suivant le chemin de croix sur les collines avoisinantes. Ces gestes fréquents ailleurs aussi, comme en Orient (Mayeur-Jaouen, 2005), sont à interpréter dans le contexte malgache.

6 Zanahary, andriananahary et andriamanitra traduisent la notion de dieu, et le Dieu unique du christianisme ou de l’islam. Zanahary, qui renvoie à la force de la création, désigne à la fois les esprits invoqués sur des sites naturels et les ancêtres royaux divinisés dont le tombeau reçoit un culte populaire.

7 Les ordres sociaux, encore pertinents dans certains contextes, comprennent les andriana et les esclaves andevo, ainsi que les roturiers hova. L’ensemble des Blancs (andriana et hova) libres s’oppose aussi aux Noirs (andevo).

8 Fondateur de Fort Dauphin pour la Compagnie française des Indes orientales.

9 Comme en Inde, par exemple, où face aux langues locales «inadaptées», les termes clés du christianisme restèrent en portugais (Clémentin-Ojha, 1998: 15).

10 Andriamihaja Nasolo-Valiavo, L’Express de Madagascar, 8/03/07.

11 Neny ou Raneny, Mère, titre souvent donné aux guérisseuses; elle était de grande taille (lava).

12 Masina Andrianampoinimerina 1790-1810 Radama I 1810-1823 Ravola masina mampivelona sy mpanome tambavy. Le «tombeau» voisin, simple cénotaphe dédié à «saint Andrianamponimerina», le célèbre roi, est surmonté d’une croix et assorti d’une table autel et d’un mât pour hisser le drapeau malgache (Blanchy et alii, 2006).

13 Masina Maria Virjiny, Mpanjakan’ny raozery.

14 Arahaba ry renin’Andramanitra.

15 Arahaba ry Mpankavavy.

16 Maria manjaka.

17 Jen [Gn] III raconte la chute, quand le serpent trompa la femme, et Apc.XII, rapporte la vision, dans la fin des temps, de la Femme qui met au monde un fils exceptionnel et échappe aux attaques du Dragon.

18 Après un rappel de l’autorité de l’Église par le concile de Trente (1569), pour contrôler le culte des saints, des reliques et des images, des conditions «d’approbation» par l’évêque d’une apparition, furent établies au xviiie siècle par le futur BenoîtXIV, puis au xixe apparut le modèle «attestataire» fondé sur la présence de témoins nommés (Albert-Llorca, 2002: 15).

19 Malanjaona Rakotomalala, enquêtes de 1998.

20 Les zanahary utilisent souvent le jaillissement de sources pour signaler leur présence, et toute source suppose une présence sacrée (Blanchy & alii, 2006; Blanchy, 2008b).

21 Madagascar Laza no291, 18/11/05.

22 En Tanzanie, un prêtre à qui la «Sainte Mère» était apparue créa, dans les années soixante-dix, un mouvement fondamentaliste sous l’égide de Marie; suspendu de son ministère en 1990, il a toujours de nombreux adhérents (Sivalon, Comoro, 1998). L’information sur les apparitions mariales dans le monde est diffusée par des réseaux catholiques de type revivaliste.

23 http://notre-dame-de-france.com.

24 Ry Maria Mpanjakavavy tsy misy pentina.

25 Projet lancé dans les années quatre-vingts, par deux laïcs sur une ancienne idée des assomptionistes.

26 Brochure Fiot, texte intégral, L’Île-Bouchard (8 au 14 décembre 1947). Les faits mystérieux de L’Île-Bouchard, http://www.ilebouchard.com/archives/fiot/fiot.htm.

27 Dans le contexte européen du xixe siècle, c’est la valorisation de la virginité féminine que renforçait la validation par l’Église catholique des apparitions à des jeunes filles ou des femmes (Albert-Llorca, 2002).

28 Rivo Steph, Les Nouvelles, 29/09/06. Idées qui renvoient d’ailleurs plus au rétablissement des relations sociales sur le modèle de la parenté fihavanana, et à l’esprit de consensus qu’au repentir chrétien.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sophie Blanchy, « Vierge, Mère ou Reine? », Archives de sciences sociales des religions, 150 | 2010, 135-154.

Référence électronique

Sophie Blanchy, « Vierge, Mère ou Reine? », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 150 | avril-juin 2010, mis en ligne le 27 septembre 2010, consulté le 26 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/assr/22209 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.22209

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Auteur

Sophie Blanchy

CNRS, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, sophie.blanchy@mae.u-paris10.fr

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