Winnaretta Singer-Polignac, la mécène des temps modernes

Winnaretta Singer-Polignac, la mécène des temps modernes

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Winnaretta Singer-Polignac, la mécène des temps modernes

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Portrait de la princesse Winnaretta Singer de Polignac
Portrait de la princesse Winnaretta Singer de Polignac
© Getty

Injustement méconnue, la princesse Winnaretta Singer de Polignac fut l’une des femmes les plus importantes de l’histoire de la musique moderne. Pianiste et organiste avertie, elle met sa fortune au service des arts et en particulier de la musique, qu'elle « aime par-dessus tout ».

Sans la princesse de Polignac, de nombreux artistes n’auraient pu avoir la carrière qu’on leur connaît aujourd’hui. De Stravinsky à Proust en passant par Diaghilev, elle a contribué à la création de grandes œuvres du répertoire moderne et au succès de compositeurs et interprètes. 

Winnaretta Singer naît le 8 janvier 1865 à Yonkers au nord de New York. Elle est la fille d’Isaac Singer, richissime industriel dont le nom reste associé aux machines à coudre et d’Isabella Boyer, issue de la bourgeoisie franco-britannique. Elevée dans un milieu privilégié, elle étudie la peinture et le piano, comme tout enfant bien né. Très vite, elle fréquente les salons organisés par sa mère et les cafés parisiens et côtoie les aristocrates, artistes plasticiens, écrivains et musiciens. Si elle apprécie leur compagnie sa timidité limite ses participations, et c’est l’intensité de son écoute qui lui permet de se faire remarquer.  

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A 21 ans, elle touche son héritage qui s'élève à un million de francs et souhaite protéger son capital et acquérir un statut social. Pour cela, elle épouse le prince Louis-Vilfried de Scey-Montbéliard, prince Franc-Comtois issu de la vielle aristocratie française. Le mariage permet à Winnaretta d'obtenir un titre et à son époux de l’argent. La légende raconte qu’à  sa nuit de noces, son mari la retrouve perchée sur une commode, parapluie dégainé tandis qu’elle crie « Si vous me touchez je vous tue ! ». Cinq ans plus tard, le mariage est annulé par ordonnance papale. 

«  Il est bien entendu que, dans ce projet, il ne faut pas qu’elle  s’attende à un autre mariage que blanc, c’est-à-dire que je garderai ma  chambre, elle aura la sienne, mais nos intérêts artistiques s’aideront mutuellement et j’espère pouvoir la rendre très heureuse par l’admiration que nous avons tous les deux pour le grand Art”. Voici de quelle façon Edmond de Polignac, prince, homosexuel, et compositeur ruiné fait part de son intention d’épouser Winnaretta Singer, à Elisabeth Greffulhe leur amie commune et mécène également. L’union a lieu le 15 décembre 1893 et fait surtout naître une amitié et un attachement profonds ainsi qu’une entre-aide musicale. 

La vie de mécène 

En-dehors du capital indispensable à la vie de mécène, il faut ajouter à cela des rencontres, des placements, de l’amitié, de l’amour et de la société. Grâce à sa naissance et sa fortune, Winnaretta est très vite entourée des plus grandes personnalités de son temps. A sa rencontre, la danseuse – qui deviendra aussi sa belle-sœur - Isadora Duncan la décrit en ces mots : « On aurait cru voir un visage d’empereur romain, mais une expression de  froideur hautaine venait contredire les promesses voluptueuses de ses yeux et de ses traits. […]. J’ai compris par la suite que cette froideur et ce ton de voix lui servaient en réalité de masque pour cacher, en dépit de sa haute noblesse, une timidité extrême et douloureuse ». 

Portrait d'Isadora Duncan
Portrait d'Isadora Duncan
© Getty

A cette timidité s’ajoute la dépression dont elle souffre une grande  partie de sa vie, exacerbée au moment des décès de son ses proches, et  probablement déclenchée par celui de son père quand elle n’avait que 10 ans, ce dont elle ne se remettra jamais. Très attachée à ses proches, Winnaretta est une personne qui se révèle extrêmement généreuse, douée d’une grande sensibilité, et dotée d’un humour pince sans-rire. A Hélène Caraman-Chimay qui s’étonne que la princesse se confesse, elle répond « Mais oui, j’aime assez avoir l’opinion de quelqu’un qui s’en fout ». 

La vie de Winnaretta est marquée par ses relations amoureuses. Elle semble avoir un  magnétisme puissant, trois de ses conquêtes ont eu le coup de foudre – rarement réciproque - pour elle. La compositrice Ethel Smyth l’aimera  passionnément près de quarante ans, et elle fréquenta de nombreuses années la baronne Olga de Meyer, mais aussi la peintre Romaine Brookes, Violet Trefusis et Isaure de Miramont

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Une vie au service de la musique 

La priorité de Winnaretta  Singer – Polignac a toujours été de promouvoir la musique de son mari.  Elle la fait jouer dès qu’elle en a l’occasion dans ses salons, et est  interprétée et écoutée par les grands musiciens et compositeurs de son temps : son ami Gabriel Fauré, Emmanuel Chabrier, Francis Poulenc, Igor Markevitch, Maurice Ravel, ou encore Claude Debussy, dont on apprend par l'écrivaine Colette, grande amie de la mécène, qu’il « portait quelques fois des anneaux d’or aux oreilles ». 

Si son soutien aux artistes passe surtout par son salon de musique, la Princesse de Polignac est également prolixe en commandes d’œuvres. C’est le cas en 1910, lorsqu’elle commande à Igor Stravinsky le Renard, laborieusement terminé 16 ans plus tard, ou encore en 1916 avec Erik Satie, à qui la princesse commande Socrate, et en 1923 avec Germaine Tailleferre (Le Marchand d’oiseau et son Concerto pour piano). Outre ce mécénat particulièrement musical, Winnaretta Singer – Polignac fait également preuve d’une grande philanthropie et s’investit dans diverses causes. Elle aide Marie Curie à récupérer des  automobiles pour son laboratoire et à financer ses recherches sur la radiation, et participe à la création du Palais de la femme pour aider les femmes battues et en rupture familiale et à la Cité du refuge destiné à aider les personnes défavorisées, en leur offrant un abri et des services sociaux. 

Lorsque débute la Seconde Guerre mondiale, la princesse se réfugie en Angleterre où elle maintient ses salons. Amplifiée par la guerre, son  anxiété est devenue permanente et sa santé décline. Elle multiplie les crises d’angine de poitrine et décède à 78 ans d’une défaillance  cardiaque le 25 novembre 1943. Winnaretta est enterrée dans la crypte familiale à Torquay, en Angleterre. 

Fascinante, la vie de la princesse de Polignac reste dans les mémoires grâce à sa plus célèbre création : la Fondation Singer – Polignac qui vient en aide aux jeunes compositeurs et interprètes. Toujours aussi active, elle accueille aujourd’hui des artistes tels que le trio Xenakis, le quatuor Agate ou le compositeur Bahaa el Ansary

Bibliographie  

KAHAN Sylvia, Winnaretta Singer – Polignac, Princesse, mécène et musicienne, 2018, Paris, éd. Les Presses du réel, 800 pages.

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