�mile Zola
EAN : 9782266159210
288 pages
Pocket
(04/10/2006)
3.79/5
5771 notesTh�r�se Raquin
R�sum� :
�mile Zola
Th�r�se Raquin
� vingt-sept ans, en 1867, �mile Zola ne s�est pas encore attaqu� aux Rougon-Macquart, son �uvre g�ante. Comment s�imposer "quand on a le malheur d��tre n� au confluent de Hugo et de Balzac" ? Comment r�crire La Com�die humaine apr�s ce dernier ? Les grands cr�ateurs sont parfois g�nants pour ceux qui viennent apr�s eux. Mais ses t�tonnements sont brefs. Th�r�se Raquin, son premier grand roman, obtient un vif s...
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Tel l'oisillon tout tremblotant au bord du nid, cette critique peine � prendre son envol : c'est que l'auteur impressionne !
Ce n'�tait pas le cas en 1867, ann�e de la parution de �Th�r�se Raquin�. Les chroniqueurs, imbib�s de sentimentalisme romantique, tir�rent � boulet rouge sur ce roman d'une noirceur extr�me. Ces plumitifs comprendront plus tard leur m�prise, certains d'entre eux intronisant m�me Emile Zola chef de file d'une nouvelle �cole litt�raire appel�e naturalisme.
�a s'est pass� un dimanche, un dimanche au bord de l'eau. Un mari tromp�, Camille, ne reviendra jamais d'une promenade en barque sur laquelle avaient �galement pris place sa femme Th�r�se et son ami Laurent.
Jouant la com�die � merveille, les amants meurtriers ont bien tromp� leur monde. Dans quelques mois ils pourront se marier et l'h�ritage de Camille leur appartiendra.
Les tourtereaux ont tout pr�vu, sauf que les affres du remords sit�t le crime accompli commencent � les ronger l'un et l'autre. Du tr�fonds de leur �me ourdit peu � peu une justice d'un genre particulier qui au fil des mois va s'av�rer bien plus terrible encore que la justice des hommes.
La pr�face r�dig�e par l'auteur apporte des �l�ments pr�cieux quant � la psychologie des deux personnages principaux. Les amants, Th�r�se et Laurent, sont respectivement de nature nerveuse et sanguine et leurs amours cruelles r�sultent de d�traquements c�r�braux. Il est donc important d'avoir � l'esprit que �Th�r�se Raquin� est le fruit d'une analyse scientifique dont le point de d�part est �l'�tude du temp�rament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances�.
A seulement 27 ans, le chemin d�j� parcouru par le jeune Zola dans l'exploration de l'�me humaine ne laisse pas de surprendre. Sous �Th�r�se Raquin� perce la plume aff�t�e d'un �crivain de tout premier plan cherchant la connaissance de ses semblables dans l'observation et l'exp�rimentation.
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C'est un roman coup de poing que nous offre ici Emile Zola et si un lecteur du XXI�me si�cle le per�oit tel quel, que penser du lecteur de la seconde moiti� du XIX�me !
Roman psychologique assez court mais tr�s violent, "Th�r�se Raquin" dissimule entre ses pages un drame passionnel percutant qui catalyse les sept p�ch�s capitaux, provoquant ainsi la chute sans fin de l'homme dans le vice et illustrant l'impossible r�demption des "m�chants".
Th�r�se est une orpheline recueillie par sa tante, madame Raquin, et mari�e � son cousin maladif, Camille. Venu installer � Paris son commerce de mercerie, le trio Raquin m�ne une existence assez lugubre, faite d'ennui et d'oisivet�, jusqu'au jour o� la paix monotone de leur existence vole en �clats avec l'arriv�e dans leur cercle familial de Laurent, un ami d'enfance de Camille. Le ver est dans la pomme et la pomme �tant d�j� bien farineuse et tavel�e, elle n'avait pas vraiment besoin de �a mais comment lutter contre la nature ? Si le ver mange la pomme ; l'homme ronge de m�me sa propre existence.
Avec Laurent, c'est la paresse, l'orgueil, la gourmandise, l'envie et une avarice qui s'exprime par un �go�sme aigu qui p�n�trent chez les Raquin. S�duite par cet homme qui incarne l'oppos� d'un mari qu'elle n'aime pas, Th�r�se, croyant enfin na�tre � la vie, finit par apporter au tableau de ce pseudo-peintre les derni�res pierres qui manquaient � l'�difice : la luxure et la col�re. Partant de l�, le d�cor est complet ; le crime s'empare de l'existence de ces quatre protagonistes pour mener chacun � sa ruine.
Zola, comme � son habitude, n'y va pas avec le dos de la cuill�re et sa narration, servie par sa plume exceptionnelle, est puissante et grave. Elle fouille la noirceur des sentiments, elle fa�onne la boue des vices pour �riger des personnages tristement r�alistes et cruellement cr�dibles. Le lecteur suit la lente descente aux Enfers des personnages et voit s'�lever les martyrs et s'�crouler les criminels. D'abord spectateur impuissant et presque complaisant des deux complices bien d�termin�s � supprimer le mari g�nant, le lecteur en vient tr�s rapidement � m�priser les meurtriers, suffoqu� par leur audace et leur duplicit�, et � crier justice sans faillir jusqu'� se r�jouir d'un d�nouement aussi mis�rable que mis�ricordieux.
De la grande litt�rature, du Zola.
Challenge ABC 2014 - 2015
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Un roman d'une force exceptionnelle, un classique d'
Emile Zola certes, mais quel ouvrage !
Madama Raquin se d�voue corps et �me pour son fils unique Camille, qu'elle marie avec sa cousine Th�r�se, �lev�e dans le m�me cocon familial. Si Th�r�se n'aime pas particuli�rement cet homme fragilis� par les d�bordements de soins et d'amour de sa m�re, elle accepte son sort, r�sign�e, tra�nant son ennui derri�re le comptoir d'un commerce sordide, fr�quent� par des personnages ennuyeux, jusqu'� sa rencontre avec Laurent, un peintre rat�, vivant dans l'oisivet� totale. La passion de ces deux �tres d�prav�s, d�pourvus de toute moralit� va les mener � noyer le mari g�nant, lors d'une promenade en barque. Cette complicit� diabolique se retournera contre eux. Au lieu de s'aimer librement, une haine farouche va s'initier entre ces deux amants. Th�r�se, hant�e par le souvenir de Camille, ayant perdu toute exaltation pour Laurent, la passion des amants se trouve d�sormais alt�r�e. Chaque jour deviendra le cauchemar de l'autre, se rejetant mutuellement la faute, les menant dans une guerre perp�tuelle, jusqu'� la folie.
Une oeuvre superbement camp�e, la relation des deux amants d�crite efficacement nous d�montre combien l'amour peut parfois devenir destructeur.
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Le crime ne paie pas . C'est ce que vont comprendre nos deux amants maudits, Th�r�se et Laurent.
Tout avait mal commenc� pour Th�r�se : confi�e � sa tante par son p�re, elle est �lev�e en compagnie de son fr�le cousin, dix fois sauv� de la mort par sa m�re, qui entend bien marier ces deux-la et y parvient. Mais l'irruption de Laurent, parasite et ben�t notoire, dans la vie r�gl�e de la famille Raquin, s�me le trouble. Th�r�se aspire a plus de passion que ne peut lui en proposer son ch�tif �poux. Laurent et Th�r�se fautent. Mais cela devient bien vite insuffisant : une seule issue, se d�barrasser de l'avorton. Une sortie en barque leur en donne l'occasion, Camille bascule dans l'eau, non sans s'�tre d�battu, mordant profond�ment son meurtrier au cou . Les amants vont-ils enfin atteindre la f�licit�? Que nenni! Cauchemars et hallucinations hantent leurs nuits. Il leur semble que le mariage pourraient les d�livrer de leurs angoisses. Il faut attendre la fin du veuvage et pr�senter prudemment l'affaire, sans �veiller les soup�ons. La na�vet� et la b�tise de leur entourage leur vient en aide. Plut�t que de les apaiser, leurs angoisses unies d�cuplent et fait de leur vie un enfer.
Zola analyse et interpr�te les processus psycho-pathologiques qui conduisent les personnages au passage � l'acte, dans la tradition du roman naturaliste. Certes les th�ories sont hasardeuses et les descriptions cliniques tr�s subjectives, mais l'ensemble garde une certaine logique et correspond aux connaissances de l'�poque; il me semble pourtant que
Zola a fait beaucoup mieux lorsqu'il d�crit dans l' Assommoir un �pisode de delirium tremens.
Il s'en d�gage une impression de destin�e funeste, � laquelle aucun des personnages ne peut �chapper : chaque tentative accentue la descente aux enfers. Il semble que pour Th�r�se en particulier, tout �tait �crit d'avance. Quant � Laurent, incapable d'anticiper les cons�quences de ses actes, il se laisse guider par ses instincts les plus vils.
Zola dans sa pr�face, rendue n�cessaire par l'accueil d�favorable de la critique, avoue chercher en ses personnages la b�te. Il les jette dans un drame et se veut explorateur scientifique de leurs r�actions, conform�ment � leur nature ��sanguine�� pour Laurent et ��nerveuse�� pour Th�r�se. Il se lance dans une ���tude du temp�rament et des modifications profondes de l'organisme sous l'influence des milieux et des circonstances��.
Le thriller psychologique est-il l'h�ritier du roman naturaliste?
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http://kittylamouette.blogsp.. Commenter  J�appr�cie�         952
R�cit de la noirceur et de l'effroi,
Th�r�se Raquin annonce les futurs romans de
Zola quant aux th�mes de la mis�re, du crime et d'un univers m�diocre quand il n'est pas morbide.
Ce roman est donc bien du
Zola, � ceci pr�s qu'il est bref et va droit au but. Dans
Th�r�se Raquin, les descriptions de
Paris se concentrent sur le quartier o� se d�roule l'intrigue, entre le passage du Pont-Neuf et la Seine. de m�me, le nombre de personnages est minimaliste, et seuls les trois-quatre principaux sont minutieusement d�crits, contrairement aux autres qui ne sont tout au plus que des silhouettes esquiss�es.
Fataliste et cathartique, ce court roman tient en haleine; on y suit la lente et inexorable descente aux enfers de ce couple, Th�r�se et Laurent qui, pour vivre librement leur passion, d�cident de se d�barrasser du mari g�nant. S'ensuit hallucinations et terreurs pour ce couple livr� au regard immobile de Madame Raquin, m�re du mari, et celui de Fran�ois, le chat, t�moin de l'adult�re.
Ce roman est le d�veloppement de la nouvelle Un Mariage d'Amour, lui-m�me inspir� de la V�nus de Gordes de
Adolphe Belot et
Ernest Daudet. Contrairement aux personnages de la V�nus de Gordes, Th�r�se et Laurent �chappent � la justice, mais la culpabilit� fera son lent travail de gangr�ne.
J'ai �t� emport�e par la noirceur de ce r�cit et la description minutieuse et psychologique des personnages, l'un livr� � l'autre, jusqu'au d�nouement.
Il ne me reste plus qu'� d�couvrir maintenant la libre adaptation qu'en a faite
Marcel Carn� et qui a l'air tr�s int�ressante �galement.
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critiques presse (1)
Zola sonde, �tudie, diss�que pour comprendre et d�noncer. Contrairement � son habitude, il entend d�shumaniser ses personnages, livrant � son r�cit deux monstres froids, sans �me, devenus les jouets de leurs d�sirs et de leur destin.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Une crainte venait de le prendre : il redoutait de ne pouvoir plus dessiner une t�te, sans dessiner celle du noy�. Il voulut savoir tout de suite s'il �tait ma�tre de sa main. Il posa une toile blanche sur son chevalet ; puis, avec un bout de fusain, il indiqua une figure en quelques traits. La figure ressemblait � Camille. Laurent effa�a brusquement cette esquisse et en tenta une autre. Pendant une heure, il se d�battit contre la fatalit� qui poussait ses doigts. A chaque nouvel essai, il revenait � la t�te du noy�. Il avait beau tendre sa vonlont�, �viter les lignes qu'il connaissait si bien ; malgr� lui, il tra�ait ces lignes, il ob�issait � ses muscles, � ses nerfs r�volt�s. Il avait d'abord jet� les croquis rapidement ; il s'appliqua ensuite � conduire son fusain avec lenteur. Le r�sultat fut le m�me : Camille, grima�ant et douloureux, apparaissait sans cesse sur la toile. L'artiste esquissa successivement les t�tes les plus diverses, des t�tes d'anges, de vierges avec des aur�oles, de guerriers romains coiff�s de leur casque, d'enfants blonds et roses, de vieux bandits coutur�s de cicatrices ; toujours, toujours le noy� renaissait, il �tait tour � tour ange, vierge, guerrier, enfant et bandit. [...]
Il s'imaginait ce qu'aurait �t� son oeuvre ; il voyait sur les �paules de ses personnages, des hommes et des femmes, la face blafarde et �pouvant�e du noy� ; l'�trange spectacle qu'il �voquait ainsi lui parut d'un ridicule atroce et l'exasp�ra.
Ainsi il n'oserait plus travailler, il redouterait toujours de ressusciter sa victime au moindre coup de pinceau. S'il voulait vivre paisible dans son atelier, il devrait ne jamais y peindre. Cette pens�e que ses doigts avaient la facult� fatale et inconsciente de reproduire sans cesse le portrait de Camille lui fit regarder sa main avec terreur. Il lui semblait que cette main ne lui appartenait plus.
Au bout de la rue Gu�n�gaud, lorsqu�on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor �troit et sombre qui va de la rue Mazarine � la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ; il est pav� de dalles jaun�tres, us�es, descell�es, suant toujours une humidit� �cre ; le vitrage qui le couvre, coup� � angle droit, est noir de crasse.
Par les beaux jours d��t�, quand un lourd soleil br�le les rues, une clart� blanch�tre tombe des vitres sales et tra�ne mis�rablement dans le passage. Par les vilains jours d�hiver, par les matin�es de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble.
� gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, �cras�es, laissant �chapper des souffles froids de caveau. Il y a l� des bouquinistes, des marchands de jouets d�enfant, des cartonniers, dont les �talages gris de poussi�re dorment vaguement dans l�ombre ; les vitrines, faites de petits carreaux, moirent �trangement les marchandises de reflets verd�tres ; au-del�, derri�re les �talages, les boutiques pleines de t�n�bres sont autant de trous lugubres dans lesquels s�agitent des formes bizarres.
� droite, sur toute la longueur du passage, s��tend une muraille contre laquelle les boutiquiers d�en face ont plaqu� d��troites armoires ; des objets sans nom, des marchandises oubli�es l� depuis vingt ans s�y �talent le long de minces planches peintes d�une horrible couleur brune. Une marchande de bijoux faux s�est �tablie dans une des armoires ; elle y vend des bagues de quinze sous, d�licatement pos�es sur un lit de velours bleu, au fond d�une bo�te en acajou.
Au-dessus du vitrage, la muraille monte, noire, grossi�rement cr�pie, comme couverte d�une l�pre et toute coutur�e de cicatrices.
Le passage du Pont-Neuf n�est pas un lieu de promenade. On le prend pour �viter un d�tour, pour gagner quelques minutes. Il est travers� par un public de gens affair�s dont l�unique souci est d�aller vite et droit devant eux. On y voit des apprentis en tablier de travail, des ouvri�res reportant leur ouvrage, des hommes et des femmes tenant des paquets sous leur bras ; on y voit encore des vieillards se tra�nant dans le cr�puscule morne qui tombe des vitres, et des bandes de petits enfants qui viennent l�, au sortir de l��cole, pour faire du tapage en courant, en tapant � coups de sabots sur les dalles. Toute la journ�e, c�est un bruit sec et press� de pas sonnant sur la pierre avec une irr�gularit� irritante ; personne ne parle, personne ne stationne ; chacun court � ses occupations, la t�te basse, marchant rapidement, sans donner aux boutiques un seul coup d��il. Les boutiquiers regardent d�un air inquiet les passants qui, par miracle, s�arr�tent devant leurs �talages.
� ce moment, cette sensation �trange qui pr�vient de l�approche d�un danger fit tourner la t�te aux �poux, d�un mouvement instinctif. Ils se regard�rent. Th�r�se vit le flacon dans les mains de Laurent, et Laurent aper�ut l��clair blanc du couteau qui luisait entre les plis de la jupe de Th�r�se.
Ils s�examin�rent ainsi pendant quelques secondes, muets et froids, le mari pr�s de la table, la femme pli�e devant le buffet. Ils comprenaient. Chacun d�eux resta glac� en retrouvant sa propre pens�e chez son complice. En lisant mutuellement leur secret dessein sur leur visage boulevers�, ils se firent piti� et horreur. Mme Raquin, sentant que le d�nouement �tait proche, les regardait avec des yeux fixes et aigus. Et brusquement Th�r�se et Laurent �clat�rent en sanglots. Une crise supr�me les brisa, les jeta dans les bras l�un de l�autre, faibles comme des enfants. Il leur sembla que quelque chose de doux et d�attendri s��veillait dans leur poitrine. Ils pleur�rent, sans parler, songeant � la vie de boue qu�ils avaient men�e et qu�ils m�neraient encore, s�ils �taient assez l�ches pour vivre. Alors, au souvenir du pass�, ils se sentirent tellement las et �c�ur�s d�eux-m�mes, qu�ils �prouv�rent un besoin immense de repos, de n�ant. Ils �chang�rent un dernier regard, un regard de remerciement, en face du couteau et du verre de poison. Th�r�se prit le verre, le vida � moiti� et le tendit � Laurent qui l�acheva d�un trait.
Ce fut un �clair. Ils tomb�rent l�un sur l�autre, foudroy�s, trouvant enfin une consolation dans la mort. La bouche de la jeune femme alla heurter, sur le cou de son mari, la cicatrice qu�avaient laiss�e les dents de Camille. Les cadavres rest�rent toute la nuit sur le carreau de la salle � manger, tordus, vautr�s, �clair�s de lueurs jaun�tres par les clart�s de la lampe que l�abat-jour jetait sur eux. Et, pendant pr�s de douze heures, jusqu�au lendemain vers midi, madame Raquin, froide et muette, les contempla � ses pieds, ne pouvant se rassasier les yeux, les �crasant de regards lourds.
Rien n�est plus douloureusement calme qu�un cr�puscule d�automne. Les rayons p�lissent dans l�air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, br�l�e par les rayons ardents de l��t�, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de d�sesp�rance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre.
Un peu avant dix heures, la vieille dame se r�veillait. On fermait la boutique, et toute la famille montait se coucher. Le chat tigr� suivait ses ma�tres en ronronnant, en se frottant la t�te contre chaque barreau de la rampe.
En haut, le logement se composait de trois pi�ces. L�escalier donnait dans une salle � manger qui servait en m�me temps de salon. � gauche �tait un po�le de fa�ence dans une niche ; en face se dressait un buffet ; puis des chaises se rangeaient le long des murs, une table ronde, tout ouverte, occupait le milieu de la pi�ce. Au fond, derri�re une cloison vitr�e, se trouvait une cuisine noire. De chaque c�t� de la salle � manger, il y avait une chambre � coucher.
La vieille dame, apr�s avoir embrass� son fils et sa belle-fille, se retirait chez elle. Le chat s�endormait sur une chaise de la cuisine. Les �poux entraient dans leur chambre. Cette chambre avait une seconde porte donnant sur un escalier qui d�bouchait dans le passage par une all�e obscure et �troite.
Le mari, qui tremblait toujours de fi�vre, se mettait au lit ; pendant ce temps, la jeune femme ouvrait la crois�e pour fermer les persiennes. Elle restait l� quelques minutes, devant la grande muraille noire, cr�pie grossi�rement, qui monte et s��tend au-dessus de la galerie. Elle promenait sur cette muraille un regard vague, et, muette, elle venait se coucher � son tour, dans une indiff�rence d�daigneuse.
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