«Les Producteurs»: Serge Postigo et Tommy Joubert brillent dans l’adaptation québécoise de la comédie musicale de Mel Brooks
Délicieusement irrévérencieuse et scabreuse, mais surtout franchement tordante, la mouture québécoise de la comédie musicale Les Producteurs vient faire honneur autant aux lumières de Broadway qu’au génie de Mel Brooks. Un spectacle un peu long, mais dont on ressort aussi repu qu’hilare.
On en a fait grand bruit: Les Producteurs est la comédie musicale la plus primée de l’histoire de Broadway, ayant remporté pas moins de 12 prix Tony au cours d’une seule et même soirée. Si l’œuvre de Mel Brooks avait jusqu’ici connu peu d’échos auprès du public québécois, celui-ci peut désormais en apprécier toute la grandeur.
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On découvre ainsi cette histoire d’un producteur de Broadway au bord du gouffre (Serge Postigo) cherchant à tout prix à renflouer ses coffres. Et quand un comptable (Tommy Joubert) lui apprend qu’un flop monumental pourrait s’avérer plus profitable financièrement qu’un succès retentissant, les deux hommes tenteront de mettre en scène la pire comédie musicale jamais écrite, en l’occurrence une ode à... Adolf Hitler.
Le génie – tordu, avouons-le – de Mel Brooks a soigneusement été préservé dans l’adaptation aujourd’hui présentée sur les planches du Théâtre St-Denis. Est-ce que c’est choquant, calomnieux et impertinent? Oh que oui! Mais c’est surtout franchement et, à bien des égards, à hurler de rire.
Car si Les Producteurs ne fait pas dans la dentelle, le spectacle le fait avec une transparence et un désaveu évidents. Oui, les gags sont d’une irrévérence sans nom, tirant à boulets rouges sur différents pans et groupes de la société. Mais ils sont surtout livrés avec une telle grandiloquence qu’il est impossible de les prendre (trop) au sérieux, ou même de s’en offusquer. Résultat: on rit de bon gré, fort et souvent.
Coup de maître pour Serge Postigo
Cette œuvre, elle est aujourd’hui portée à bout de bras par un Serge Postigo au sommet de son art. Le comédien et chanteur ne nous a jamais paru en aussi grande forme vocale, prenant le personnage de Max Bialystock à bras le corps pour en embrasser chaque nuance, chaque réplique. L’expression «coup de maître» prend ici tout son sens.
À ses côtés, Tommy Joubert brille tout autant dans la peau de Leo Bloom, insufflant bonhomie et panache à un personnage moins exubérant de nature. Après de récentes apparitions très remarquées dans Rock of Ages et La famille Addams, il complète ici un tour du chapeau impressionnant avec une performance irréprochable et sans faille. Bref, un nom qui devient rapidement un gage d’excellence.
Marianne Orlowski complète ici le trio de têtes d’affiche, faisant forte impression pour sa toute première présence sur une scène québécoise. Aussi redoutable dans le jeu que le chant et la danse, la Française est l’incarnation même de ce que les Américains se plaisent à appeler le «triple threat».
Ensemble épatant
Les trois personnages principaux sont également flanqués d’un ensemble de danseurs particulièrement épatants, venant élever d’un cran la qualité des numéros musicaux.
Du lot, on s’en voudrait de passer sous silence la présence de Kathline Gréco et de Megan Brydon, toutes deux absolument étincelantes. Au fil des ans, on les a vues dans maintes productions du genre, les deux danseuses prouvant à chaque occasion qu’elles font partie de l’élite québécoise dans leur domaine. Même chose pour Tommy Durand, dont les prouesses physiques spectaculaires sont particulièrement bien utilisées dans Les Producteurs.
Ça, c’est en partie grâce au travail de Steve Bolton; on reconnaît aisément la signature du chorégraphe, capable d’insuffler pep et oumph à tout spectacle auquel il se frotte.
Des longueurs
Le principal bémol? La durée du spectacle. Durant les quelque deux heures et 45 minutes, on se dit à quelques reprises que le matériau source aurait gagné à être élagué, quitte à en retirer une poignée de saynètes pour tonifier le résultat final. Les numéros de groupe, quant à eux, perdent en clarté sonore, bon nombre de phrases devenant incompréhensibles quand plus de deux chanteurs unissent leurs voix.
La fluctuation presque constante entre les niveaux de langage et les accents vient également faire tiquer, les personnages passant régulièrement du français normatif aux accents québécois francs et caricaturaux au gré des scènes. Était-ce nécessaire de parsemer les dialogues de sacres et de grossièretés? On en doute.
N’empêche, on ressort d’une représentation des Producteurs avec un sourire estampé en plein visage et la nette impression d’avoir vu la comédie musicale la plus drôle que le Québec ait montée depuis belle lurette.
- La comédie musicale Les Producteurs est présentée au Théâtre St-Denis de Montréal jusqu’au 14 avril. Elle s’installera au Théâtre Capitole de Québec à compter du 27 juin.
