Vivre avec la poésie, en compagnie de Sylvain Tesson

Vivre avec la poésie, en compagnie de Sylvain Tesson

Illustration de bande-dessinée satirique britannique ©Getty - Ilbusca
Illustration de bande-dessinée satirique britannique ©Getty - Ilbusca
Illustration de bande-dessinée satirique britannique ©Getty - Ilbusca
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De Péguy à Laforgue, en passant par Aragon, Apollinaire et Hugo, Sylvain Tesson et Alain Finkielkraut convoquent les poètes qui les aident à vivre.

Avec

Comme en témoigne admirablement son dernier ouvrage,  Avec les fées (Equateurs, 2024), Sylvain Tesson voit le monde mieux que nous autres, les affairés, nous ne savons le faire. Intrigué et fasciné par la qualité de son regard, Alain Finkielkraut a souhaité lui demander d’évoquer, citations à l’appui, les poètes qui l’accompagnent dans sa quête éperdue de la beauté du monde. Tous deux bardés de livres, Alain Finkielkraut et Sylvain Tesson se lancent sur le chemin des poètes, et se demandent ce que cela veut dire de vivre avec la poésie.

Mieux voir et comprendre le monde

Il arrive souvent, grâce au talent du génie d’un poète, que le verbe colle parfaitement à la chose. Cela pourrait être une définition de la poésie ; ce contact parfait entre la parole, le mot, et le réel organique” avance Sylvain Tesson. Au sein d’un premier corpus constitué au hasard de la discussion et des échos par lesquels s’appellent entre eux les poètes, Sylvain Tesson évoque la manière dont la poésie permet de révéler le monde et les choses dans leur étonnante simplicité.

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Après avoir convoqué l’hypnotique Peguy, l’émerveillé Hugo, et le classique Aragon, Sylvain Tesson invite Apollinaire, ce “géant qui ressemble à un léger.” “Pour moi, la poésie est transperçante quand elle arrive à ce contact entre la chose et le mot, par la simplicité la plus absolue. Non seulement Apollinaire y arrive, à cette nudité, ce dégraissage du mot, mais il théorise là-dessus dans un poème d’une beauté terrifiante”. Le 17 décembre 1915, dans les tranchées, Apollinaire écrivit : “Mais ici comme ailleurs je le sais / la beauté n’est la plupart du temps que la simplicité.

A cet idéal de simplicité répond la pureté éloquente de l’alexandrin. Selon Sylvain Tesson, “contrairement à ce que l’on pense, cette fluidité, qui conduit communément à l’exposition très simple d’une situation ou bien à l’expression dénuée d’atours d’un sentiment, est souvent l’expression d’une pensée et un raccourci théorique extraordinaire.” Il poursuit : “quelque chose que je me permets souvent de demander à la poésie - si tant est qu’il faille définir quel bénéfice l’on peut tirer à lire de la poésie - c’est sa capacité à préciser. Il n’y a rien de moins vague que la poésie. La voilà l’exactitude ! Le vers, l’alexandrin notamment, permet de synthétiser, de verbaliser, de confirmer parfaitement une pensée.

La Conversation scientifique
1h 00

Survivre et mieux vivre

Se souvenant de l'image d’Apollinaire, composant quelques vers d’ode à la simplicité pour conjurer la douleur et l’enfer des tranchées, Sylvain Tesson formule l’une des fonctions de la poésie. “Comme l'hyène préhistorique reculait quand on tendait devant ses yeux le brandon de feu, c’est peut-être à cela que sert la poésie. Dans les tranchées, il y a eu quelques artistes : Mathurin Méheut qui faisait des aquarelles de fleurs, Jacques Delamain l’ornithologue qui recueillait le chant des oiseaux entre deux bombardements...”

Après la guerre vient l’angoisse”, et son cortège de poètes du désespoir. Dans les années 50, “c’est le gouffre” Beckett, Ionesco et Tardieu ont le rire jaune de ceux qui vivent avec l’absurde.

A rebours d’une conception grandiloquente de la poésie et de la figure romantique du poète "sur son promontoire comme être tourmenté devant n’établir une conversation que devant l’immense” Sylvain Tesson rappelle que des poètes affirment que, de poétique, “il n’y a pas que l’océan, le cosmos, la guerre, le ravage et le cœur blessé : il y a la douceur des choses.” Paul Fort, Valéry Larbaud, Jules Laforgue, Paul-Jean Toulet, Léon-Paul Fargue disent ainsi la prose des jours ; parfois l’ennui d’une certaine médiocrité de l’existence, parfois aussi la simple tendresse et la légèreté.

Quelques poèmes cités au cours de l'émission :

  • Péguy, Charles, “Eve”, “Le porche des mystères de la deuxième vertu”
  • Aragon, Louis, “La guerre et ce qui s’en suivit” et “Brocéliande”
  • Hugo, Victor, “Pasteurs et troupeaux”, “J’aime l’araignée et j’aime l’ortie”, “Du rayon et des ombres”
  • Apollinaire, Guillaume “Chant de l’honneur”
  • Racine, Jean, Bérénice et Phèdre
  • Tardieu, Jean, “La môme néant” et Monsieur Monsieur
  • Laforgue, Jules, “Complainte sur certains ennuis” et Locution des Pierrots XVI
À écouter : Antoine de Saint-Exupéry : "Faites que le rêve dévore votre vie"
Les Nuits de France Culture
39 min

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