Rabah Saâdane, le “maître” des Coupes du monde
Épisode 1, Les rois du coaching africain : Rabah Saâdane (Others)

De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas. Durant ses trente cinq années de carrière en tant qu'entraîneur, Rabah Saâdane a été autant aimé que détesté. Celui qui a dirigé l’équipe nationale algérienne pendant onze ans en cumulé, a également été l'entraîneur le plus remercié par la fédération algérienne (cinq fois).

Mais Rabah Saadane, de son surnom le “cheikh”, qui veut dire le “sage” ou le “maître”, a surtout marqué l’histoire de l’Algérie lors des qualifications à la Coupe du monde. “J’ai participé aux trois qualifications à une phase finale de la Coupe du monde (1982, 1986, 2010), expliquait Saâdane en 2013 dans une interview pour France Football, avant les matches des barrages de l’Algérie à la Coupe du monde 2014 contre le Burkina Faso.

“En 1981, nous sommes allés gagner au Nigeria (0-2) avec des joueurs exceptionnels comme Madjer, Dahleb ou Belloumi. En 1986, je suis à la tête de l’équipe et on s’est qualifié en s’imposant 4-1 en Tunisie. Et pour finir, on a réussi un exploit en battant l’Egypte à Omdurman (1-0) lors d’un match incroyable. Je suis un pragmatique, j’ai participé à trois Coupe du monde…”, rappelait le “sage”, à l'entraîneur des Fennecs Vahid Halilhodzic qui parviendra lui aussi à qualifier le pays au Mondial 2014.

Des premières expériences glorieuses

Lors de sa première incursion en tant qu'entraîneur adjoint, aux côtés d'Abdelhamid Kermali, les deux hommes ont marqué l'histoire en devenant les premiers Algériens à guider une équipe nationale vers une compétition mondiale. En 1979, ils ont réalisé l'exploit de qualifier les jeunes juniors pour la Coupe du Monde des moins de 20 ans au Japon.

Les Algériens parviennent jusqu'aux quarts de finale, mais subissent une défaite cuisante face à l'Argentine de Diego Maradona, qui décroche alors sa première Coupe du Monde. L'année suivante, Saadane dirige l'équipe d'Algérie lors de sa toute première participation aux Jeux Olympiques de 1980, où elle atteint les quarts de finale avant d'être éliminée par la Yougoslavie.

Rabah Saâdane avec la sélection algérienne aux côtés d'Abdelaziz Bouteflika. (Reuters)

Il rejoint ensuite le staff de l'équipe nationale en préparation de la Coupe du Monde de 1982, où il prend part en tant que membre du personnel technique. Malgré les succès obtenus contre la RFA et le Chili, l'Algérie est malheureusement éliminée lors de la phase de poules, suite au controversé “match de la honte”, où les Allemands et les Autrichiens arrangent le résultat de manière à assurer leur propre qualification.

L’exil de 1986

À l'issue de la compétition, il prend congé de sa fonction, mais est rappelé à la fin de l'année 1984 pour remplacer Mahieddine Khalef. Son retour intervient alors que l’Algérie doit se qualifier pour la Coupe du Monde de 1986, ce que parviennent à faire les Fennecs sous les ordres du “cheikh”. Malheureusement, après un match nul face à l'Irlande du Nord et des défaites contre le Brésil et lors de la troisième rencontre, il abandonne soudainement son poste sans prévenir quiconque.

Il s'embarque dans un avion et rentre à Alger le jour même du match Algérie - Espagne, qui s'achève par une défaite 3 à 0. Ce manquement, bien que dissimulé tant bien que mal au public algérien, demeure une tache sombre dans la carrière de Saâdane. Son départ inattendu a laissé l'équipe d'Algérie sans entraîneur lors de cet événement mondial, et les Algériens sont éliminés avant d'atteindre les huitièmes de finale. Cette issue décevante provoque une grande désolation dans le pays, et la responsabilité de cet échec est inévitablement imputée au sélectionneur.

Par la suite, il sera révélé que l'expérience mexicaine avait mis en lumière diverses discordes, incluant des rivalités entre joueurs et des contestations dirigées contre le sélectionneur. Des tensions liées aux primes et des sorties nocturnes non autorisées sont également venues se greffer à cette situation.

Un parcours brillant en club, mais jamais loin de l’Algérie

Après son départ, Saâdane choisit de s'exiler et assume le rôle d'entraîneur, notamment au sein du Raja Club Athletic au Maroc. C'est avec ce club qu'il parvient à conquérir la Coupe des clubs champions africains en 1989, se mesurant aux Algériens du MC Oran. Quelques années plus tard, il prend en main l'Étoile sportive du Sahel en Tunisie.

En 1999, il est rappelé brièvement au poste d'entraîneur de l'équipe nationale d'Algérie pour un match éliminatoire de la Coupe d'Afrique des nations 2000. En juillet 2003, la fédération fait de nouveau appel à ses compétences pour la Coupe d'Afrique des nations de 2004. Sous sa direction, les Algériens parviennent à se qualifier pour la phase finale, mais ils sont finalement éliminés de justesse en quarts de finale par les Marocains (1-3 a.p.).

Après une expérience éphémère en tant que sélectionneur du Yémen, Saâdane prend les rênes de l'Entente sportive de Sétif. Avec ce club, il réalise un exploit marquant en remportant la Ligue des champions arabes en 2007, une première pour cette équipe.

2010, et le renouveau du football algérien

En octobre 2007, il est sollicité une nouvelle fois pour prendre les rênes de l'équipe nationale de l'Algérie, en remplacement de Jean-Michel Cavalli. Ce dernier avait été démis de ses fonctions après que la sélection algérienne a été écartée de la course à la Coupe d'Afrique des Nations 2008.

Le 6 septembre 2009, à la faveur d'une victoire contre la Zambie (1-0), il parvient à sécuriser la qualification de l'Algérie pour la CAN 2010, réalisant ainsi l'objectif majeur qui lui avait été assigné. Quelques semaines plus tard, le 18 novembre 2009, il obtient la qualification de l'Algérie pour la Coupe du Monde 2010 en triomphant de l'Égypte (1-0) au cours d'un match décisif se jouant au Soudan.

Rabah Saâdane lors de la Coupe du monde 2010. (Reuters)

Vingt-quatre ans après son départ surprise lors du Mondial 1986 au Mexique, le “sage” requalifie donc les Fennecs pour un Mondial. Lors de cette Coupe du monde en Afrique du sud, l'Algérie quitte la compétition en n'ayant marqué aucun but, à la dernière place de son groupe.

Cependant, en janvier 2010, l'équipe d'Égypte, lors de la demi-finale de la CAN, inflige une défaite cinglante à l'Algérie (4-0). Une déroute qui sonne la fin de Saâdane sur le banc de touche algérien.

Un homme respecté malgré tout

Le cheminement de Saâdane n'a pas été épargné par les obstacles. Des moments de triomphe aux échecs, il a su affronter les défis avec une persévérance et une détermination inébranlables. Ses multiples retours au poste de sélectionneur témoignent de son engagement profond envers le football algérien et de son désir ardent de contribuer à son progrès.

Au-delà des compétitions, Rabah Saâdane incarne des valeurs d'intégrité, de passion et de dévouement envers le sport. Son influence pérenne sur le football algérien en fait finalement une figure respectée et admirée, et son héritage continue de nourrir l'inspiration des générations futures de joueurs, d'entraîneurs et de fervents amateurs du football.

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