Pauvres créatures, piètre farce féministe sur Canal +
Lion d'or à Venise l'an passé, ce conte fantastique de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone se voulait subversif. Il est surtout grotesque. Pauvres créatures, inédit à la télévision, est diffusé ce mardi 3 septembre à 21h10 sur Canal + .
Passer la publicitéLe jury de la 80e Mostra de Venise, présidé par le réalisateur américain Damien Chazelle, n'a pas déjoué les pronostics en septembre 2023. Pauvres créatures, de Yorgos Lanthimos, avait la faveur des festivaliers. Il a logiquement remporté le lion d'or, confortant le statut du cinéaste grec, accueilli en triomphe sur la lagune en 2018 avec La Favorite (grand prix du jury), avec Olivia Colman et déjà avec Emma Stone. Damien Chazelle, qui a dirigé l'actrice dans La La Land, lui a offert un beau lot de consolation. La star n'avait pas pu se rendre dans la cité vénitienne en raison de la grève à Hollywood.
Visage couturé
Trop beau pour un conte fantastico-érotique grotesque et simpliste. En quelques films (Canine, The Lobster, Mise à mort du cerf sacré), Yorgos Lanthimos s'est taillé une réputation de misanthrope, adepte du malaise et du sarcasme. Pauvres créatures joue dans cette même cour, du moins en apparence. Il s'inspire d'un roman de l'écrivain écossais Alasdair Gray. Soit la mise en scène de Willem Dafoe en chirurgien au visage couturé et aux idées farfelues. Le savant fou récupère le corps d'une femme enceinte réchappée de la noyade (un suicide raté) pour remplacer son cerveau par celui de son enfant à naître.
La créature est plus sexy que Frankenstein puisqu'elle a les traits d'Emma Stone. Mais elle a le comportement d'un bébé capricieux qui balbutie ses premiers mots et fait du tricycle dans son manoir londonien. Dafoe engage un de ses étudiants pour documenter au quotidien les progrès de Bella Baxter (c'est le nom de la pauvre créature), interdite de sortie. Un avocat débauché (Mark Ruffalo) la fait échapper. Ils s'enfuient à Lisbonne, puis sur un paquebot en route pour Athènes. Bella Baxter découvre les plaisirs de la chair. Entre deux galipettes, la belle ignorante lit des livres sur les conseils de Hanna Schygulla.
Poupée lubrique et mécanique
Son langage enfantin se fait de plus en plus sophistiqué. Mais son émancipation se fait essentiellement par le corps. L'avocat reste sur le carreau et Bella Baxter entre dans un bordel à Paris pour continuer son apprentissage. « Le sexe est brutal mais pas déplaisant », constate la prostituée néophyte qui se noue d'amitié avec une socialiste. Elles n'ont guère le temps d'échanger des idées. Les clients s'enchaînent et ont des profils variés. Damien Bonnard, père de famille pédagogue, emmène ses deux fils en stage d'observation pour leur apprendre à copuler. Baxter fait penser à Barbie découvrant le vrai monde, en plus trash et nymphomane.
Que les contempteurs du « male gaze » (le regard masculin) se rassurent, rien n'a été fait sans le consentement d'Emma Stone. Au contraire, l'actrice américaine est productrice du film, et c'est peu dire qu'elle donne de sa personne. La star hollywoodienne ne recule pas devant la nudité. Dans toutes les positions. Enfin, pas toutes, et le travail de la coordinatrice d'intimité se fait sentir, transformant Bella en poupée lubrique et mécanique. Cette éducation sexuelle se déroule dans des décors hideux, faits de couleurs criardes et d'effets numériques. L'esthétique douteuse du film est aggravée par l'abus que fait Lanthimos du grand-angle fisheye, ou œil de poisson, qui entraîne une distorsion de l'image. Au spectateur de faire preuve à son tour d'endurance pour aller au bout des 2 h 21 de ce film monstrueux, dans tous les sens du terme.
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