Mirwais

Musicien prodige, producteur légendaire, Mirwais a notamment relancé la carrière de Madonna dans les années 2000 avec le titre Music. Il a fait deux albums avec elle qui ont été vendus à plus de 30 millions d'albums. Elle l’appelle même le Génie. Mirwais a popularisé, et même révolutionné la musique électronique en France : « C’est le point commun que j’ai avec Madonna, elle regarde le futur et jamais le passé. » Bien avant Madonna, il y a eu Taxi Girl porté par un single qui va sortir le groupe de l’underground, « Chercher le Garçon » : « Dans mon livre, j’écris que c’est le premier tube queer moderne, on a créé un passage avec Daniel Darc. »

"Si vous ne voulez pas lire le livre, achetez-le pour la photo"

À la fin des années 70, Taxi Girl percute la scène musicale française et va durablement influencer le rock en France. Taxi Girl, un groupe arrogant, fier et déterminant comme on peut le lire sur la quatrième de couverture du livre de Mirwais où il raconte avec fureur cette histoire de cinq garçons branchés, comme le montre la photo de couverture : « Elle est intéressante cette couverture, et c'est la raison pour laquelle je l’ai choisie. Nous sommes cinq, c’est la formation originelle avec Stéphane qui est tout au fond qu'on a viré un an après, mais surtout, elle a été retouchée pour que le groupe semble surgir du néant comme un groupe actuel, car on avait une modernité que peu de groupes ont eu. Ensuite, il y a plein de détails sur cette photo ; Daniel porte un pochoir où il y a Staline, il y a écrit en russe le mot mort sur son T-shirt. Il y a des traces d'une bagarre sur le front de Daniel, car Pierre et lui s’étaient battus la veille. Et puis vu que nous sommes dans une période où les gens lisent moins, je me suis dit que comme pour les vinyles, si vous ne voulez pas lire le livre, achetez-le pour la photo. »

Pour Mirwais, avec Taxi Girl, le groupe avait autre chose en plus à proposer que leurs looks impeccables et leurs gueules d’ange : « On proposait autre chose dès le début. C'est difficile à comprendre aujourd'hui où les groupes ont des plans de carrière. Laurent de Taxi Girl traînait par exemple avec des gens d’Action Directe. C’était aussi l’époque des idéologies. Aujourd’hui, les groupes veulent faire The Voice. »

Une plongée dans une jeunesse ardente

Mirwais avait déjà publié un premier livre il y a deux ans, Les tout-puissant, il poursuit donc cette reconversion littéraire. Avec ce nouvel ouvrage, il raconte les trois ans d’existence de Taxi Girl et sa genèse, un groupe fou au succès éclair et à l’arrêt brutal. Pour Léa Salamé, c’est un livre percutant, incroyablement bien écrit, que l’on lit d’un souffle et qui nous plonge dans des années brûlantes d’excès. Mirwais nous emmène dans une jeunesse ardente qui a vécu en accéléré avant de s’y perdre. Il écrit "Je voulais décrire le chaos que fut le groupe de musique dans lequel j'ai joué. Il me fallait rendre compte du désordre dans lequel ma génération plongea avec une ardeur pour l'autodestruction".
« Je n’ai jamais été satisfait des biographies rock sur certains artistes ; en-tout-cas, c’était très éloigné de ce que j’ai vécu, notamment sur la genèse d’un groupe où il fallait passer par le chaos. Un groupe de rock à la fin des seventies, ce n’était pas des gens aimables. Il y avait une violence dans les rapports, on était tous arrogants, tout le monde voulait prendre le lead. »

Une génération sacrifiée

Et puis, il y a la drogue, partout, et l’autodestruction : « En 1978, notre génération s’est retrouvée face à l’héroïne. On ne savait pas ce que c’était et elle a cramé Taxi Girl. Moi, j’avais commencé la drogue très jeune comme le LSD et l’herbe. Aujourd’hui, je déconseille toutes les drogues, pour moi, c’est même un problème politique parce qu'aussi, je suis arrivé d’Afghanistan à l’âge de 6 ans et j’ai formé mon premier groupe à 12. Je voyais un groupe comme une nouvelle famille, donc j’ai tout arrêté dès que j’ai eu un super groupe comme Taxi Girl alors que les autres se sont enfoncés. »

"Quelque chose d'essentiel n'était pas au rendez-vous avec Taxi Girl"

Puis Pierre, du groupe, meurt d’une overdose en juillet 1981 : « Ce n’était pas un accident, à 19 ans, c’était un démon avec la drogue, il était obsédé par les aiguilles, il était dans un trip très glauque. D’ailleurs, il nous a tous initié. » Dans ce livre, Mirwais évoque la difficulté du deuil. Il écrit : "Il paraît que lors d'événements traumatiques, l'être humain passe par trois phases avant l'acceptation définitive de la réalité : le déni, la colère et enfin, la résignation. En ce qui concernait la mort de Pierre, la phase de déni commença dès le premier jour. Nous étions tous aveugles, il n'y a pas eu de deuxième phase, pas de colère et le deuil fut impossible car Jacques Wolfsohn, le père de Pierre, ne nous a pas conviés à son enterrement".

Avoir tout et tout mépriser

Jacques Wolfsohn, c’est une figure mythique du showbiz. L’homme a découvert Johnny Hallyday, il était ami de Françoise Hardy et Jacques Dutronc : « Ce deuil impossible a en partie fait exploser Taxi Girl. Nous avions tout pour nous, mais en même temps, tout nous manquait. Quelque chose d'essentiel n'était pas au rendez-vous de Taxi Girl. C’est difficile à comprendre aujourd’hui, mais la fin des seventies était caractérisé par l'idée du dédain du succès, c'est-à-dire avoir tout et tout mépriser. »

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