Il a travaillé avec Schumacher, Räikkönen et Prost, rencontre avec Noël Cavey, ancien ingénieur F1 varois d'adoption - Monaco-Matin

Il a travaillé avec Schumacher, Räikkönen et Prost, rencontre avec Noël Cavey, ancien ingénieur F1 varois d'adoption

Ex-ingénieur en F1, le Fréjusien d’adoption Noël Cavey a travaillé aux côtés de Schumacher, Senna ou Prost. Encore aujourd’hui, il fait tourner son esprit à plein régime pour développer le territoire.

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Textes: Pierre Panchout ppanchout@nicematin.fr Publié le 19/04/2024 à 09:00, mis à jour le 19/04/2024 à 09:00
Noël saisit une proposition de Jean Todt qui l’invite à rejoindre Ferrari en 1996, en même temps qu’un certain Michael Schumacher. Photo DR

Un casque porté par Michael Schumacher. Plusieurs pièces des monoplaces de la Scuderia Ferrari qu’il a contribué à développer. Quelques photos d’époque où on le voit poser aux côtés du moteur Renault ayant signé le retour gagnant de la marque au losange en F1, au début des années quatre-vingt-dix.

Dans son étroit bureau à l’étage de sa villa perchée sur les hauteurs de Saint-Aygulf, Noël Cavey ne garde qu’une poignée de souvenirs de ses dix-neuf années en Formule 1. Une carrière lui ayant permis d’amasser 18 titres – moteur et constructeur – et côtoyé les coureurs les plus légendaires de l’histoire du sport automobile. Pourtant, rien ne prédestinait le Normand d’origine à ce destin hors du commun. Né en 1958 de parents agriculteurs, le jeune Noël voit son père travailler 24h sur 24h dans son exploitation. "J’étais le fils du paysan et pour moi il était évident que je finirai paysan", s’amuse-t-il.

Mais les très bons résultats du jeune homme à l’école, notamment en mathématiques, sont vite remarqués. "Une professeure m’a dit un jour: “tu seras ingénieur". Je ne savais même pas ce que c’était que ce métier ". Il est également incité à se lancer pied au plancher dans les études par son père, lequel prophétise pour lui "un travail dans les bureaux. C’était pour lui un gage de réussite. Moi je ne comprenais pas ce qu’il y avait de gratifiant à s’enfermer dans un bureau alors que l’agriculteur, lui, est libre".

"Avec Ayrton, le travail était très humain"

Après avoir obtenu son Bac, il est admis en classe de mathématiques supérieures, spécialité technique. Sorti de classes préparatoires, Noël ne sait toujours pas ce qu’il veut faire. Le déclic vient finalement à la lecture d’un magazine. "Un numéro de Sport Auto qui parle de la Lotus à effet de sol de Colin Chapman. Je me suis dit Put***, c’est mon truc ça!" À partir de ce moment, le jeune homme carbure pour lier son destin à celui de la F1. "Je me suis renseigné sur les ingénieurs qui bossaient sur le V6 turbo chez Renault. Ils venaient de l’École nationale supérieure d’arts et métiers, alors je me suis lancé là-dedans. Puis j’ai fait l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs."

À sa sortie d’études, en 1983, il ne peut néanmoins pas embrayer directement sur la F1. "Il n’y avait plus grand-chose en France avec l’arrêt de Renault Sport. Mais j’ai malgré tout rejoint leur centre technique en me disant “le jour où Renault revient en Formule 1, je serai là". »

"Après le gel moteur, ça ne m’intéressait plus"

Et lorsque, en 1988, le motoriste tricolore annonce son retour, Noël envoie son CV dans la foulée. Dès la saison suivante, ses méninges tournent à plein régime pour fiabiliser le moteur. Et après quelques débuts difficiles et plusieurs casses, la Renault-Williams permet à Nigel Mansell de remporter haut la main le championnat en 1992.

"Puis, en 1993, j’ai travaillé avec Alain Prost avant d’être aux côtés d’Ayrton Senna. Ce dernier m’a enseigné une méthode scientifique de réflexion et de travail. Il me demandait mon programme puis me donnait le sien et on avançait ensemble avec en ligne de mire la question: est-ce qu’on peut faire mieux? Il y avait aussi avec lui un aspect humain extraordinaire, et je l’adorais pour ça. Avec Prost c’était plus: “c’est toi l’ingénieur, débrouille-toi pour que ça marche". »

Malheureusement, Ayrton Senna s’est tué en course, en 1994. "Ca a été dur psychologiquement. J’ai perdu une idole et un ami ce jour-là. L’année suivante je suis resté chez Renault mais quelque chose s’était cassé avec la mort de Senna." Noël saisit alors une proposition de Jean Todt qui l’invite à rejoindre Ferrari en 1996, en même temps qu’un certain Michael Schumacher. "C’était un beau challenge. À l’époque, les casses moteur étaient récurrentes chez eux."

À partir de là se forme autour du pilote allemand ce que les rouges ont appelé la dream team. "Michael avait une disponibilité extraordinaire pour développer le passage du V12 à un V10. On a mis un peu de temps à remporter le championnat mais on faisait neuf développements par an sur le moteur. Ça c’était passionnant."

Douze années se sont ainsi écoulées avec les succès que l’on connaît. Puis survient, en 2006, la nouvelle réglementation imposant le gel de l’évolution des moteurs. De quoi faire monter Noël dans les tours: "Je me suis alors dit “et mon boulot à moi alors?" Ç a ne m’intéressait plus".

Alors, à la fin de l’année 2007 auréolée d’un ultime titre avec Kimi Räikkönen, il quitte la F1. S’installant à Fréjus, il travaille sur plusieurs projets avant de prendre sa retraite. Mais, les neurones toujours prêts à se mettre en branle et à partir sur les chapeaux de roues, il ne manque jamais de partager ses réflexions sur les enjeux de son territoire. Notamment sur les questions environnementales. Comme en 2016 lorsqu’il crée le Ceerf, "au départ un réservoir de pensée" qui s’est retrouvé au cœur de la fronde contre le projet d’immeuble de la place de la poste de Saint-Aygulf.

Depuis, il expose régulièrement ses réflexions: au sein du Conseil de développement de feu la Cavem, en conseil de quartier, dans les registres des concertations publiques ou encore dans ses livres parmi lesquels La Formule Un est condamnée à mort: Récit d’une vie ou encore Talents de la cité de demain - Le citadin pense la cité de 2050. "J’apporte avec humilité le fruit de mes réflexions. Est-ce que je raisonne comme un ingénieur? En tout cas, j’aime proposer des solutions pour améliorer les choses plutôt que de me contenter de râler".

Si vous étiez un lieu du territoire?

Saint-Aygulf. C’est calme ici.

Si vous étiez une qualité?

L’empathie. J’ai toujours été attiré vers les autres. En F1, le travail d’équipe nécessitait cette ouverture pour s’entendre d’un coup d’œil.

Si vous étiez un défaut?

Paradoxalement, je suis aussi un taiseux, un peu renfermé.

Si vous étiez un objet?

Un stylo-plume. J’ai toujours de quoi prendre des notes sur moi.

Si vous étiez un plat?

Les pasta. J’ai passé 16 ans de ma vie en Italie.

Si vous étiez un sport?

La marche. Le rythme cadencé de mes pas m’aide à réfléchir.

Si vous étiez un animal?

Le cheval. Quand j’étais petit, mon père agriculteur n’avait pas encore de tracteur mais des chevaux. Et puis c’est aussi l’emblème de Ferrari.

Si vous étiez une chanson?

J’aime l’Ode à la joie de Beethoven, mais pas jusqu’à savoir réciter le texte en Allemand.

Si vous étiez un film?

L‘étoffe des héros. C’était une époque révolue où les ingénieurs pouvaient encore oser.

Si vous étiez un livre?

J’ai des livres partout, comment choisir? Dernièrement La panthère des neiges de Sylvain Tesson m’a marqué.

Si vous étiez une devise?

Apprendre à oser.

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