PORTRAIT. Qui est Luka Elsner, l'entraîneur qui va peut-être mener le Havre AC en Ligue 1 ?

Luka Elsner est bien parti pour porter Le Havre AC jusqu'en Ligue 1. Décryptage de la personnalité, du parcours et de la méthode de l'entraîneur slovène avec ceux qui l'ont connu.

Luka Elsner porte le HAC au sommet de la Ligue 2, en bonne voie vers l'élite.
Luka Elsner porte le HAC au sommet de la Ligue 2, en bonne voie vers l’élite. (©Havre AC)
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Voilà bien longtemps que le Havre AC n’en a pas été aussi proche. Leader de Ligue 2 avec 11 points d’avance sur le troisième, le club doyen est lancé comme jamais vers une Ligue 1 qu’il n’a plus croisée depuis 2009. À la barre du navire Ciel et Marine, Luka Elsner. Une révélation pour beaucoup. Une évidence pour Mathieu Bodmer.

Bodmer l’amène en bord de mer

« C’était mon seul et unique choix, jure le directeur sportif, arrivé au Stade océane en juin 2022, avec le beau gosse slovène dans sa valise. J’ai pris un coach qui ne me faisait pas beaucoup jouer. » C’est d’ailleurs en Ligue 1 que les deux hommes, qui n’ont que trois mois de différence, se rencontrent en 2019, à Amiens, le club qu’ils affronteront samedi 28 janvier 2023. Mathieu Bodmer vit alors sa dernière saison en short.

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La première chose qu'il a faite, c'est de m'appeler pendant les vacances pour m'expliquer que c'était le nouvel entraîneur, m'expliquer le rôle que j'allais avoir dans l'effectif, ce qu'il attendait de moi... J'avais trouvé la démarche intéressante. À la reprise, on a discuté de pas mal de choses, l'effectif, la façon de jouer, quelques points tactiques et ça a bien accroché.

Mathieu BodmerDirecteur sportif du HAC et ancien joueur d'Amiens

Même de l’extérieur, la connexion saute aux yeux. Le gardien de but Matthieu Dreyer peut en témoigner : « Ils étaient super proches. Ils se comprenaient vraiment dans tout ce que le coach (Luka Elsner) recherchait. Mathieu connaît le foot comme personne, il a une vision qui est tellement en avance qu’il vaut mieux l’avoir avec que contre soi. Quand tu entraînes un joueur de sa trempe, ce n’est pas anodin, il a toujours quelque chose à t’apporter. »

La fiche de Luka Elsner

Date de naissance : 2 août 1982 (40 ans)
Lieu de naissance : Ljubljana (Slovénie)

Clubs (joueur) : NK Domžale (2004-2010), Austria Kärnten (2010), Muharraq SC (2010), NK Domžale (2011-2012)/
Clubs (entraîneur) : NK Domžale, adjoint (2012-2013), NK Domžale (2013-2016), Olimpija Ljubljana (2016-2017), Paphos FC (2017-2018), Royale Union SG (2018-2019), Amiens SC (2019-2020), KV Courtrai (2021), Standard de Liège (2021-2022), Le Havre AC (2022-?).

Palmarès :
Championnat de Slovénie en 2007 et 2008 avec le NK Domžale.
Coupe de Slovénie en 2011 avec le NK Domžale (finaliste en 2010).
Supercoupe de Slovénie en 2007 et 2011 avec le NK Domžale (finaliste en 2008).
Championnat de Bahreïn en 2011 avec le Al Muharraq Club.

La descente en Ligue 2

Pourtant, l’expérience amiénoise tourne au vinaigre. 19e de Ligue 1, le club se retrouve relégué en Ligue 2. Luka Elsner est limogé en début de saison suivante. La faute, notamment, à un championnat arrêté à une dizaine de journées de la fin à cause de la pandémie de Covid-19. Et puis, le coach n’avait pas la totale confiance de ses dirigeants, pointent certains observateurs en coulisses. « Il n’avait pas forcément les joueurs pour le style de jeu qu’il demandait, appuie Matthieu Dreyer. Il n’a pas eu assez de temps pour mettre les choses en place. »

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« Il a toujours été franc et honnête »

Malgré tout, l’actuel portier de l’AS Saint-Etienne, comme presque tous ceux que nous avons interrogé, n’a que des éloges à l’égard de Luka Elsner. « C’est un super homme, au delà du côté sportif. Tout ce qu’il voulait mettre en place, la façon dont il abordait les choses, il était très humain, se souvient-il. Il a toujours été franc et honnête, ne se prend pas pour quelqu’un d’autre. Il est constamment dans la discussion, la bienveillance, ce qui est plutôt rare. »

Sous l’œil de son père

Des valeurs transmises par son père, Marko, décédé en 2020. Quand Luka débutait sa carrière de footballeur à l’US Cagnes (2002-2004), son paternel n’était jamais bien loin. Il restait dans un coin, avec sa mère, et observait silencieusement. « Il regardait les matchs mais n’est jamais intervenu, rapporte Stéphane Izzo, ancien coéquipier de Luka. Après, comme il jouait le même poste, je suppose qu’il devait lui donner des conseils le soir. »

« Il avait cette fibre d’éducateur »

C’est d’ailleurs à cette époque que le jeune homme d’une vingtaine d’années dispose ses premiers plots. En parallèle de ses matchs avec la CFA 2 (National 3) et de la fac de sport, il prend en charge l’équipe des Poussins (U11). « Ce n’était jamais les mêmes séances, poursuit Stéphane Izzo, qui gérait la génération du dessus. Souvent, il s’asseyait, regardait les entraînements des autres coachs du club, prenait des notes et les remettait à sa sauce. Il avait cette fibre d’éducateur. »

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Le plus exigeant

À cela s’ajoutent une rigueur et une discipline sans faille. Sasha Aneff s’en est aperçu au NK Domžale, l’un des trois principaux clubs de Slovénie. « C’est le coach que j’ai eu avec les entraînements les plus exigeants, souffle le footballeur uruguayen. Il fallait travailler de la même manière qu’on jouait les matchs le week-end. Si tu t’entraînais pas à 100%, tu ne jouais pas le week-end. »

« Il vomit la défaite »

Luka Elsner n’a que 31 ans lorsqu’il prend les rennes de l’équipe. Certains joueurs sont d’anciens coéquipiers, parfois même plus âgés que lui. Peu importe, il dirige son vestiaire avec fermeté et dans toutes les langues. « Il vomit la défaite, décrit Thomas Buanec, son ancien agent. Il est très ambitieux car il veut gagner tous les matchs. »

On sentait déjà l'autorité naturelle et le vrai respect que les gars avaient pour lui. Tout ce qu'il disait était assumé. Il était assez directif et dur.

Antonin TrillesAncien joueur du NK Domžale

« Je ne lui pardonnerai jamais »

Un caractère qui plaît, souvent, mais qui peut gêner, rarement. C’est le cas d’un joueur que nous avons contacté souhaitant rester anonyme : « Je faisais mes premiers pas en tant que footballeur professionnel et il ne m’a pas du tout aidé. À cette époque, j’avais besoin de soutien, d’aide et d’apprentissage, car j’avais un grand potentiel et, venant de l’une des meilleures académies de jeunes du monde, je voulais grandir. Il m’a tenu à l’écart de nombreuses séances d’entraînement, je ne participais même pas aux exercices. J’ai été traité de cette façon sans aucune explication et je ne lui pardonnerai jamais. Ce que j’ai appris d’Elsner, c’est comment ne pas faire les choses si un jour je décide de devenir coach. »

Le directeur sportif Mathieu Bodmer (à droite) et Luka Elsner se sont rencontrés à Amiens en 2019 avant de se retrouver au HAC.
Le directeur sportif Mathieu Bodmer (à droite) et Luka Elsner se sont rencontrés à Amiens en 2019 avant de se retrouver au HAC. (©Havre AC)

« Il ne la fait pas à l’envers »

Voilà l’unique retour négatif que nous avons recueilli sur l’actuel coach du HAC. Une vision que Thomas Buanec ne supporte pas. « Luka est une super personne. Plus professionnel que lui, c’est impossible, tranche-t-il. Il est droit, ne la fait pas à l’envers. Il ne ment pas aux joueurs. » Dans le même sens, Antonin Trilles remarque un homme « très minutieux et exigeant », mais avec « une vraie capacité à fédérer ».

« Tu aurais dû faire du tennis »

Justement, pour Elsner, l’ambiance dans le groupe est primordiale. À Domžale, il pousse régulièrement les cadres à organiser des activités extra-sportives entre joueurs, comme des repas ou des sorties. Et ceux qui resteraient dans leur coin, comme Sasha Aneff, auraient droit à un tête-à-tête. « Un jour, il m’a dit : ‘Sasha, tu es un très bon joueur, mais tu aurais dû faire du tennis. Tu es un solitaire et le football se joue en équipe. Tu devrais te faire des amis dans le groupe.’ Ça m’a beaucoup aidé dans les clubs suivants où j’ai joué. »

« Il a été une révélation pour moi »

A la Royale Union Saint-Gilloise, en Belgique (2018-2019), il fait installer des lits dans les infrastructures du club pour que les joueurs s’y sentent bien et ne soient pas pressés de rentrer chez eux après l’entraînement. « Il venait super motivé avec ses nouvelles idées. Tu sentais le mec qui voulait faire une grande carrière, garantit le défenseur Thibaut Peyre. Il a été une révélation pour moi. Il était toujours en train d’innover, de nous surprendre. »

Une bibliothèque au centre d’entraînement

Mieux encore, au delà du préparateur mental qu’il engage pour aider ses hommes à gérer leurs émotions, il aménage une bibliothèque. « Il y avait des livres sur Michael Jordan, Zlatan Ibrahimovic, Carlo Ancelotti… C’était pour nous pousser à nous élever dans notre carrière, tant sur le plan de la connaissance que du vrai foot, se rappelle Thibaut Peyre. Les mecs qui ne lisaient jamais prenaient un livre le soir et le ramenaient le lendemain. »

Du coup, quand les joueurs chaussent les crampons, ils sont à 200% derrière leur entraîneur. S’il leur demande de répéter encore et encore une sortie de balle parce que le positionnement n’est pas très précisément celui qu’il demande – ça peut se jouer à 50 centimètres près -, ils s’exécutent sans broncher. Sans doute ont-ils compris qu’en cas de faux pas, ils pourraient le rejoindre sur le banc de touche. Justement, Luka Elsner a bien connu la guérite qu’il retrouvera samedi soir à Amiens avec le HAC. Mathieu Bodmer aussi, d’ailleurs.

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