Burkina Faso - Alain Traoré : "on s’est toujours menti, aujourd’hui ça nous rattrape" [Exclu]

Burkina Faso – Alain Traoré : “on s’est toujours menti, aujourd’hui ça nous rattrape” [Exclu]

Dans cet entretien exclusif qu’il a accordé à Afrik-Foot.com, Alain Traoré fustige ce qu’il qualifie de mensonges qui entourent la non-sélection de son frère Bertrand Traoré lors du dernier rassemblement de l’équipe nationale du Burkina Faso. L’ancien milieu offensif des Etalons (35 ans) est également revenu sur ses ambitions avec son club djiboutien d’Arta Solar 7.

Par Yoro Mangara,

Avez-vous tiré un trait sur la sélection ?

Officiellement non, mais aujourd’hui il y a de bons joueurs, de jeunes joueurs qui montent. L’équipe nationale a un bon groupe. Nous avons fait notre temps avec d’excellents résultats, il est temps de passer la main aux plus jeunes. Je me répète encore une fois, rien n’est officiel, même si je sais que je me dirige vers la sortie.

Vous évoluez dans le championnat djiboutien, quel est le niveau du football à Djibouti ? 

Le football à Djibouti est pour le moment amateur, c’est ce qui explique notre présence ici. Nous voulons aider le football de ce pays à décoller et à aller de l’avant. Je suis dans la transmission à Arta Solar Le Président Tommy Tayoro Nyckoss met beaucoup de moyens afin de développer le football dans ce pays. Et pour l’instant, ça marche.

Quelles sont les ambitions d’Arta Solar ?

Les ambitions du club, c’est grandir. Faire en sorte que, dans quelques années, des footballeurs issus d’Arta Solar puissent évoluer dans les grands championnats européens mais également voir Arta Solar rayonner dans les compétitions africaines. Nous sommes sur la bonne voie car le projet n’existe que depuis sept ans. Je suis là depuis trois ans, et chaque année nous sommes en Afrique. On arrive à gagner le championnat maintenant nous devons nous imposer en Afrique.

Vous-avez évolué avec le Sénégalais Diafra Sakho et le Camerounais Carlos Kaméni dans ce club, mais vu de l’extérieur, nous avons l’impression que le projet stagne ?

Nous avons quand même pu avoir de bons résultats dans les compétions africaines pour un club novice. Malheureusement, nous tombons souvent sur des équipes qui sont meilleures que nous, avec plus d’expérience. Vous savez, le règlement djiboutien n’autorise que cinq étrangers par club. Et, dans une équipe, si vous avez cinq footballeurs d’un bon niveau associés à six autres d’un niveau moyen, c’est difficile de gagner en Afrique. Il faut être patient, avec le temps ça va venir. C’est un projet, il faut le construire tout en étant patient. Il faut investir aussi dans la formation. Je vous rappelle que nous avons battu le grand Zamalek du Caire en coupe de la CAF. Les choses bougent !

“Répéter la même chose qu'à Berkane”

Pourquoi avez-vous choisi Arta Solar ?

Personnellement, je l’ai choisi parce que c’est un projet ambitieux. C’est très difficile de trouver un tel projet en Afrique. Le président met les moyens qu’il faut pour le développement de son club. C’est un pays où tout est à construire. C’est excitant comme challenge. J’étais au Maroc, j’ai vu comment Berkane a progressé année après année. Avant mon arrivée, la RS Berkane avait zéro titre. J’ai aidé le club à en gagner trois. Depuis, il ne cesse de gagner. C’est la raison pour laquelle j’ai quitté le club marocain. Je me suis dit, qu’ils n’ont plus besoin de moi, maintenant ils peuvent gagner sans moi. Aujourd’hui, je veux répéter la même chose avec Arta Solar.

Revenons sur les Etalons du Burkina Faso, votre frère Bertrand était absent de la dernière liste des Etalons, la première du nouveau sélectionneur Brama Traoré. Pourquoi ?

Officiellement, le nouveau sélectionneur voulait voir de nouveaux joueurs pour cette fenêtre internationale. C’était des matches amicaux, donc voilà ! C’est après que j’ai entendu qu’il voulait mettre de la discipline dans la sélection. C’est ce qui s’est dit après les matches. Une sortie que je ne comprends pas. Nous sommes en train de parler de footballeurs qui ont évolué au haut niveau en Europe dans les plus grands clubs, depuis plus de 10 ans. Nous n’avons jamais entendu, les concernant, des cas d’indiscipline.

« Qu'on nous dise quels ont été les cas d’indisciplines à la CAN ! »

L’ancien sélectionneur du Burkina, qui n’a pas 25 ans hein, qui a entrainé dans pas mal de pays, (Hubert Velud, ndlr) avait dit qu’il n’avait jamais géré une équipe aussi disciplinée en Afrique. Selon lui, les joueurs avaient un comportement exemplaire. Venir quelques mois plus tard pour annoncer le contraire, c’est choquant. C’est un faux débat ! Les responsables du football burkinabè doivent venir nous expliquer quels ont été les cas d’indisciplines notés lors de la dernière coupe d’Afrique des nations.

Comment votre frère l’a-t-il pris ?

L’équipe nationale n’est pas la maison de quelqu’un. Il peut arriver qu’un joueur ne soit pas sélectionné. C’est juste la manière de communiquer qui frustre. Qu’on te fasse passer pour quelqu’un que tu n’es pas, après avoir tout donné pour son pays, avec tout ce qu’il a fait pour le pays qu’il aime bien, c’est agaçant ! Maintenant je vais vous dire une chose, l’équipe nationale c’est une vitrine mais notre gagne-pain, c’est les clubs !

Alain Traoré, Burkina Faso
© Iconsport

Comment avez-vous vécu l’élimination précoces des Etalons à la CAN ?

Je l’ai mal pris. Quoi qu’on dise, aujourd’hui, c’est très facile de tirer sur les joueurs, de dire qu’ils n’ont pas de qualités, etc. Moi je crois qu’on se doit de poser les bonnes questions. Je pense qu’au Burkina on ne se pose pas souvent les bonnes questions. On s’est toujours menti, on s’est toujours caché derrière les faits, et aujourd’hui ça nous rattrape.

Regardez bien, l’équipe nationale du Burkina fait partie des cinq meilleures équipes africaines de ces dix dernières années. Elle a fait trois demi-finales, une deuxième place, une troisième place et une quatrième place (à la CAN, ndlr). Donc les joueurs ont fait ce qu’ils avaient à faire. Peut-on dire la même chose pour nos dirigeants ? Combien de dirigeants burkinabè font partie des meilleurs dirigeants africains ? Voila les questions que nous devons nous poser et avoir des réponses…

« On parle de Bertrand comme si sa carrière était derrière lui »

Comment jugez-vous la carrière de votre frère cadet Bertrand ?

Je suis très fier de ce qu’il a accompli jusqu’ici. C’est un footballeur qui vient du Burkina, qui n’a pas eu la même formation que les jeunes Européens. Il quitte son Burkina natal pour l’Europe, il s’impose et joue dans les plus grands clubs. Je ne peux qu’être admiratif de ce qu’il réalise. On parle de Bertrand comme si sa carrière était derrière lui, je vous rappelle qu’il n’a que 28 ans. Il arrive à maturité.

C’est vrai, qu’il a été souvent blessé, mais Bertrand en possession de tous ses moyens, c’est un joueur de classe mondiale. Actuellement en Espagne (à Villarreal, ndlr) il a retrouvé la forme, et ça se voit ! On a retrouvé le Bertrand de ses belles années de l’Ajax. Il a été titulaire 3 fois, et c’est trois victoires.

Quelle est la différence entre Alain et Bertrand ?

Je crois que c’est le caractère. Je suis impulsif, je m’énerve vite. Bertrand est très calme, très réservé !

Qui a la plus lourde frappe ?

(Rires) je crois que c’est Bertrand !

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Yoro Mangara