Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce — Le Dévorateur

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Quelle est ma pièce de théâtre française préférée ? C'est peut-être bien Juste la fin du monde. Jean-Luc Lagarce avait en tout cas écrit ici son chef-d'œuvre. L'histoire est très touchante, on s'identifie facilement à diférents personnages tour à tour. Mais surtout le texte est bouleversant. Une lecture rapide, mais qui restera en mémoire pendant de très longues années.

POURQUOI LIRE Juste la fin du monde ?

  • Le livre : il s’agit d’une pièce de théâtre, courte, avec peu de personnages : Louis, la mère, la sœur Suzanne, le frère Antoine et sa femme Catherine.
  • Le décor : il importe peu. Cela pourrait être n’importe quelle maison familiale d’un village de France.
  • Le genre : je ne connais pas les genres du théâtre, mais Juste la fin du monde fait partie de ses pièces où les informations sur les décors et les didascalies sont inexistantes.
  • Le style : ce qui caractérise également les pièces de Jean-Luc Lagarce, c’est une volonté de parler juste. Les dialogues sont précis, minutieux, les personnages reprennent souvent des bouts de phrases qu’ils développent, ce qui donne un effet très oral.

Résumé

L’histoire est très simple. Louis a 34 ans et il sait qu’il va bientôt mourir. La cause de sa maladie n’est jamais évoquée dans la pièce. Il va passer une journée dans sa famille où il va retrouver sa mère (qui n’a pas de nom), sa sœur Suzanne et son frère Antoine. Il va faire la rencontre de la femme de celui-ci, Catherine.

On comprend très vite que Louis n’est pas rentré depuis longtemps (il ne connaît pas Catherine ou les enfants de son frère). Qu’il a fui. Il rentre parce qu’il a une nouvelle à annoncer à sa famille : sa mort. Il veut leur faire ses adieux.

Une pièce sur l’impossibilité de dialoguer

Le texte de cette pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce est très particulier. Les personnages semblent sans cesse rechercher le mot juste. Ce qui fait ressembler le texte à une suite de reformulations. Les phrases sont très longues (elle s’étendent sur de nombreuses lignes), coupées par des incises, des passages entre parenthèses, des subordonnées juxtaposées.

On trouve dans Juste la fin du monde, cette pratique poussée à l’extrême. Et cela sert le propos : l’impossibilité pour Louis de dire la vérité aux membres de sa famille. Pour eux, l’impossibilité de s’exprimer comme ils le souhaiteraient (leurs rancunes, leurs questions, leurs regrets) face à cet écrivain.

Les personnages de la pièce hésitent aussi sur la grammaire et la conjugaison des mots. C’est une langue orale, dans le sens où elle est faite pour la scène. Mais c’est aussi une langue parlée, dans le sens où elle n’est pas littéraire. Les erreurs dans le français, un lexique peu recherché, mettent aussi la pièce dans un contexte social particulier. Auquel il est très facile de s’identifier. Et qui à mon avis ajoute au côté tragique de cette pièce.

« Parfois, tu nous envoyais des lettres,

parfois tu nous envoies des lettres,

ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ?

de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien, comment est-ce qu’on dit ?

elliptiques.

« Parfois tu nous envoyais des lettres elliptiques. »»

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

un drame très important pour Lagarce

Juste la fin du monde n’est pas le seul écrit de Jean-Luc Lagarce qui traite de sa maladie, le sida, et de la difficulté d’en parler, et de faire ses adieux aux autres et au monde.

Ce n’est pas la seule œuvre dans laquelle Lagarce questionne ces thématiques. La pièce Le Pays lointain les aborde aussi, en traitant surtout de l’échec. De qui on a été et de qui on aurait voulu être. Des questions aussi évoquées dans Juste la fin du monde. Mais surtout ce qui deviendra Juste la fin du monde, a également été traité dans un autre texte Des adieux, un roman qui ne sera jamais édité.

La difficulté de se faire entendre donc, la difficulté d’écrire ces textes (sur lesquels il travaillera plusieurs années et qu’il remaniera souvent), la difficulté de les faire publier. C’est tout ça qu’on ressent également à la lecture de Juste la fin du monde. Qu’il est difficile de dire sa vérité, de s’ouvrir. D’autant que les personnes autour de nous ne sont sûrement pas prêtes à nous écouter.

Mais c’est une étape nécessaire, parce que, comme le dit le personnage de Louis dans Juste la fin du monde, c’est en gardant le contrôle sur ce qu’on dit de nous, qu’on continue – peut-être – de décider de ce qu’il nous arrive.

« pour annoncer,

dire,

seulement dire,

ma mort prochaine et irrémédiable,

l’annoncer moi-même, en être l’unique messager,

et paraître

– peut-être ce que j’ai toujours voulu, voulu et décidé,

en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir –

et paraître pouvoir là encore décider, »

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

CE QUE J’EN AI PENSÉ

J’ai été bouleversé par cette pièce de théâtre. Et c’était la première fois que ça m’arrivait en lisant une pièce. J’ai déjà été ému au théâtre, plusieurs fois, mais jamais sans les acteurs, leurs intonations et leur jeu. Il me manquait toujours quelque chose.

Mais Jean-Luc Lagarce a changé la donne. Cette courte pièce m’a beaucoup touché. De par son sujet évidemment, mais aussi par le texte, magnifique, hésitant, juste. Comme si pour la première fois, je faisais attention au texte d’une pièce de théâtre. L’écriture de Lagarce semble frêle, mais est très puissante. Et j’ai maintenant envie de découvrir toutes ses pièces. Et si je pouvais aussi les voir, ce serait encore mieux !

OÙ TROUVER le livre Juste la fin du monde ?

Le texte de la pièce Juste la fin du monde a été publié aux éditions Les Solitaires intempestifs, qui est d’ailleurs une maison d’édition fondée par Jean-Luc Lagarce, qui publie principalement du théâtre. Vous la trouverez peut-être dans une librairie près de chez vous.

QUE LIRE APRÈS ?

Si vous ne l’avez pas encore vue, je vous conseille aussi l’adaptation de Juste la fin du monde par Xavier Dolan. J’avais beaucoup aimé, et c’est ce qui m’avait donné envie de découvrir la pièce. J’ai d’ailleurs envie de revoir maintenant le film pour pouvoir comparer les deux.

J’ai très envie de continuer à découvrir Jean-Luc Lagarce par ses autres écrits, autant ses pièces de théâtre, que ses journaux.

  • Le pays lointain
  • Music-Hall
  • Journal

Et je voudrais lire également ces autres pièces d’auteurs gays :

  • Dans la solitude des champs de coton, Bernard-Marie Koltès
  • Une visite inopportune, Copi
  • Angels in America, Tony Kushner

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce est un livre qui se passe en France.

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