Le maréchal Ney, le courage et l'inconstance - Boojum

Le maréchal Ney, le courage et l’inconstance

Ancien boursier de la fondation Napoléon, Franck Favier est actuellement professeur en classes préparatoires. On lui doit déjà plusieurs biographies de maréchaux de Napoléon comme Bernadotte (ellipses, 2010), Berthier (Perrin, 2015) et Marmont (Perrin, 2018). Il s’attaque ici à la figure de Michel Ney, le « brave des braves », fusillé en décembre 1815.

Un soldat sorti du rang

La vie de Michel Ney, natif de Sarrelouis, ressemble à celle de bien des maréchaux de Napoléon. Fils de tonnelier, il s’engage à 19 ans en 1788 dans un régiment de hussards. Les guerres de la Révolution et l’émigration de nombreux officiers nobles lui ouvrent la voie d’un avancement rapide. Courageux, intrépide, Ney se fait vite remarquer par ses camarades. Affecté à l’armée de Sambre et Meuse, il devient ami avec Moreau, Bernadotte et surtout Kléber. S’il se révèle un bon meneur d’hommes, il s’avère vite que Ney manque de réflexion et de sens tactique. Et puis il est ombrageux, susceptible… peut-être à cause d’un complexe d’infériorité.

Un héros et un chef hésitant

Franck Favier nous montre un Bonaparte, devenu consul, qui décide de s’attacher des soldats comme Ney issus de cette armée de Sambre et Meuse un peu trop « républicaine » à son goût. Alors il séduit le futur maréchal, se l’attache par des gratifications et finit même par le marier à une belle jeune fille issue de la maison de madame Campan où sont passées Hortense de Beauharnais et Caroline Bonaparte. Ney est de la première vague de nomination au maréchalat, se fait remarquer à Elchingen en 1805 mais se montre hésitant lors de la campagne d’Allemagne en 1806. Jomini, le fameux stratège, l’assiste tactiquement et le maréchal brille à Friedland. Ney est ensuite en Espagne pendant plus de deux ans et il ne brille pas. Il se dispute même avec ses collègues et surtout avec Jomini. Trop ombrageux…

Gloire… et traîtrise ?

Durant la campagne de Russie, Ney s’impose par son courage au combat et son intrépidité. Il est véritablement un des héros de la retraite : c’est sa gloire. Mais Ney est fatigué des guerres, comme ses collègues. En avril 1814, il pousse Napoléon à abdiquer, joue un jeu trouble à Paris face au tsar : a-t-il été manipulé par l’entourage de Talleyrand ? Durant la première Restauration, il ne trouve pas sa place, ronge son frein face aux officiers de retour d’émigration. Il commet ensuite sa grande erreur en mars 1815, promettant à Louis XVIII, qui n’en demandait pas tant, de « ramener l’usurpateur dans une cage de fer ». Mais il doute, est travaillé par des émissaires bonapartistes et tourne casaque. Conscient d’avoir commis l’irréparable et de ne pas avoir retrouvé la confiance de Napoléon (qui ne lui pardonne pas sa « trahison » de 1814), il cherche la mort sur le champ de bataille de Waterloo mais ne la trouve pas… Manipulé par Fouché, il contribue à retourner la chambre des députés par un discours défaitiste et à pousser à cesser les combats face aux alliés. Il sera tout de même fusillé en décembre 1815.

Par manque de caractère, par inconstance politique, Ney réussit le tour de force d’avoir trahi Louis XVIII et Napoléon. C’est sa mort qui fait oublier ses « fautes » et fait de lui un martyr, contrairement à un Marmont qui portera toute sa vie sa trahison. Excellente biographie.

Sylvain Bonnet

Franck Favier, Le maréchal Ney, Perrin, mars 2023, 400 pages, 24 euros

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