"Hillary Clinton, une certaine idée de l'Amérique", par Jean-Luc Hees

"Hillary Clinton, une certaine idée de l'Amérique", par Jean-Luc Hees

Le président Bill Clinton et la Première Dame Hillary Rodham Clinton, 18 mai 1994 ©Reuters - Rick Wilking
Le président Bill Clinton et la Première Dame Hillary Rodham Clinton, 18 mai 1994 ©Reuters - Rick Wilking
Le président Bill Clinton et la Première Dame Hillary Rodham Clinton, 18 mai 1994 ©Reuters - Rick Wilking
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Qui est Hillary Clinton ? L'ancien PDG et correspondant aux États Unis de Radio France, Jean-Luc Hees, publie sa biographie. Carapace de rhinocéros et darwinienne de la politique.

Il ne s’est pas passé une journée cette semaine sans qu’on parle d’Hillary Clinton. Jean-Luc Hees, ancien PDG de maison Radio France, ancien correspondant aussi aux Etats-Unis, publie une biographie consacrée la candidate démocrate : 434 pages pour se mettre dans la peau d'Hillary Clinton. Jean-Luc Hees le rappelle, Hillary Clinton se réfère souvent à une autre femme de président : Eléonore Roosevelt, qui a écrit :

Toute femme qui entre en politique doit se faire une peau de rhinocéros.

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On pourrait ajouter, pour Hillary, un rhinocéros capable de faire le grand écart. Et de s’asseoir sur ses contradictions… Peau dure et grand écart résument assez bien sa vie.

Elle commence en politique en soutenant un républicain, Barry Goldwater ; son père est très républicain. Et, en même temps, avec un jeune pasteur qui roule dans une Chevrolet impala décapotable et qui écoute Dylan, elle découvre les travailleurs saisonniers pauvres de Chicago, ou les discours de Martin Luther King...

Une femme qui s'est toujours construite avec ses contradictions...

Une battante aussi, on pourrait même dire une guerrière. Plus faucon que colombe. Elle était contre le retrait en Irak, et à la mort de Kadhafi, elle paraphrase César "Veni vidi vinci" en anglais ça donne :

We came, we saw, he died.

Et en même temps ce n'est pas non plus une Va-t 'en-guerre. Elle a aussi manifesté contre la guerre du Vietnam. Et puis - toujours dans cette idée de contradiction -, elle a aussi essayé d’entrer dans l'armée dans sa jeunesse, à une époque où les femmes n'avaient pas franchement la possibilité d'y aller...

Provocation féministe ? Sûrement, mais même dans son féminisme, il y a de la contradiction...

Enfin disons plutôt du pragmatisme. Par exemple, ils se marient en 1975 avec Bill. Vous connaissez l'histoire : ils se sont rencontrés à la bibliothèque de l'université de Yale... Bill, paraît-il, la dévore des yeux... C'est la légende, le storytelling... selon la légende, donc, elle s'approche de lui et lui dit : "Si tu dois continuer à me fixer ainsi, et moi à en faire autant, nous ferions mieux de nous présenter. Je m’appelle Hillary Rodham". Ils marièrent et eurent un enfant...

Et quand ils se marient Hillary refuse de prendre le nom de Clinton, elle tient son nom et ne veut pas être "la femme de".

Mais à la sortie de Yale, alors qu'elle peut entrer dans un grand cabinet d'avocat, elle préfère suivre son mari dans l’Arkansas. Là, Bill perd une élection, Hillary s'interroge, pourquoi cette défaite... et l’une des causes qu’elle retient, c’est ce nom : Rodham. L'électeur de l’Arkansas n’aime pas que la femme du gouverneur ne porte pas le nom de son mari. Dans un état rural comme celui-là, ça ne se fait pas. Donc que fait la féministe Hillary Rodham ? Elle le prend le nom de Clinton...

En 1983, Bill redevient gouverneur et Hillary Clinton first lady de l’Arkansas, avant d'être first lady à la Maison Blanche. Elle déteste qu’on l’appelle first lady, elle trouve que c’est le nom d’une selle de cheval !

Cela fait sa force et son ambiguïté en même temps : elle est capable de s’asseoir sur ses principes pour arriver où elle veut. C’est une darwinienne politique, sûre d’elle-même.

Il y a une anecdote que raconte Jean Luc Hees que je trouve géniale : en 1992, après l’élection de Bill Clinton à la Maison Blanche, ils se rendent à Chicago. Leur limousine s'arrête pour prendre de l'essence, et là, le pompiste reconnaît Hillary. Il lui dit : "tu te souviens de moi ? Nous sortions ensemble au lycée ?" Les Clinton font le plein, la limousine repart et Bill finit par dire : "Je suis sûr que tu ne regrettes pas d'avoir quitté ce garçon". Hillary demande pourquoi, Bill répond, parce que il est pompiste et moi président des États-Unis.Et, Hillary, impassible : "oui mais si je l'avais épousé, c'est lui aujourd'hui qui serait président"...

Je suis curieux de connaître l'échange qu'auront Bill et Hillary, si jamais elle devient le 45e président des États-Unis, et si d'aventure ils retournent 25 ans après, à cette station-service...

Hillary Clinton une certaine idée de l’Amérique de Jean Luc Hess aux éditions Baker Street.

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