Hamlet - William Shakespeare - Babelio
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Fran�ois-Victor Hugo (Traducteur)
EAN : 9782290335291
127 pages
Librio (28/01/2004)
4.12/5   3135 notes
R�sum� :
� Un homme peut sourire, sourire, et n��tre qu�un sc�l�rat. �

Le roi du Danemark, p�re d�Hamlet, est mort. Son fr�re Claudius a pris le pouvoir et �pous� Gertrude, femme du d�funt souverain. Mais le spectre du monarque appara�t et r�v�le � son fils qu�il a �t� assassin� par Claudius. Le jeune Hamlet sait qu�il doit accomplir la vengeance de son p�re et faire tomber son oncle. Simulant la folie pour mener � bien son projet, il adopte un �trange comport... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (209) Voir plus Ajouter une critique
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Que valent nos avis ? Pas grand-chose !...
Ma premi�re rencontre avec le grand Shakespeare remonte aux temps ch�ris � autant que r�volus � de ma fragile innocence, de ma fringante jeunesse sous le ciel immacul� de mes vingt-deux ans. Ce fut avec Hamlet que la rencontre se fit et je lus Hamlet, donc, et il ne me plut point. J'en gardais alors le souvenir d'une d�convenue, de beaucoup de bruit pour rien, d'un texte aux couleurs fades et aux contours ampoul�s, bref, d'un redoutable ennui.
Je ne me sentais pourtant pas moins vive en ce temps-l�, ni moins prompte � m'enflammer, ni moins sensible aux choses du verbe que je ne le suis actuellement, or � oui or, car il y a un or � or, donc, je ne fus point s�duite par le verbe de nagu�re, qui n'est point si distant, je crois, du verbe de maintenant. Seule ma culture dramatique �tait � un seuil dramatiquement bas.
Aujourd'hui, forte de quelques plis suppl�mentaires au coin des yeux et de deux ou trois trag�dies ramass�es deci-del� sur mon parcours, prise d'un l�gitime regret je me relance � l'abordage de cette oeuvre.
Certes j'ai pris quelque temps et mis quelque z�le � choisir une traduction qui puisse me convenir. C'est sur celle d'Andr� Marcowicz que j'ai jet� mon d�volu cette fois (l'autre fois c'�tait celle de Fran�ois-Victor Hugo).
Et alors ? C'est le jour et la nuit. (Chapeau pour cette traduction Monsieur Marcowicz !) Je n'en reviens pas. Comment peut-on, �tant la m�me personne, ressentir les choses aussi diff�remment � quelques ann�es d'�cart ?
J'ai ador� la l�g�ret�, l'humour, la finesse, la profondeur, la qualit� d'�criture de l'ensemble de la pi�ce (pas trop le final cependant). C'�tait un autre Hamlet et celui-l� j'en garderai un souvenir �mu et chaleureux.
Comment vous dire ?... Il y a des poussi�res d'Hamlet diss�min�es tellement partout que c'est � peine si j'ose, que je ne sais par o� le prendre. Peut-�tre par le plus futile de tous ? Pourquoi pas ?
Les clins d'oeil � Hamlet sont fr�quents dans les oeuvres destin�es � la jeunesse.
Goscinny s'en donne � coeur joie dans l'album La Grande Travers�e (Parodiant la r�plique de Marcelus de l'acte I, le chef viking �bsen dit en regardant un cr�ne : � Il y a quelque ch�se de p�urri d�ns mon r�y�ume� � Ker�sen quant � lui dit : � Suis-je un d�c�uvreur �u ne le suis-je pas ?... �tre �u ne p�s �tre, telle est l� questi�n� �). de m�me, tout le sc�nario du film de Walt Disney le Roi Lion est une resuc�e quasi-int�grale de la trame d'Hamlet. M�me le fant�me du vieil Hamlet apparaissant � son fils a son pendant dans le film. Chez les �crivains un peu plus chevronn�s, on peut mentionner que Rudyard Kipling, dans son ouvrage destin� � la jeunesse Histoires Comme �a, a ins�r� le fameux po�me � IF � qui est tr�s largement inspir� de la tirade de Polonius (Acte I, Sc�ne 3).
Dans la litt�rature dite adulte, Hamlet, en �poux volage, a aussi fait des petits un peu partout (par exemple, la fameuse sc�ne hilarante du chapitre XXXI des Grandes Esp�rances de Charles Dickens). Mais c'est quoi Hamlet ? � quoi ou � qui peut-il nous faire penser ?
Tout d'abord, si l'on s'int�resse � sa filiation, et l'on sait � quel point Shakespeare �tait f�ru de trag�die grecque, on y voit une ascendance tr�s nette en la personne d'Oreste. Lui aussi est fils d'un roi qui s'est fait trucider et dont la m�re s'est remari�e au nouveau souverain usurpateur. (Oreste, fils d'Agamemnon et de Clytemnestre, fr�re d'�lectre ne supporte pas l'assassinat de son p�re et d�cide de devenir le meurtrier de sa m�re qui a foment� le r�gicide.)
Le th�me de la trahison, du doublage par un fr�re (le vieil Hamlet est assassin� par son fr�re Claudius) est un th�me qui semble fort et important pour l'auteur (cf. Le Roi Lear, Jules C�sar, etc.), c'est d'ailleurs le corps de l'ultime drame de Shakespeare, La Temp�te, o� Prospero a �chapp� in extremis � la mort et s'est fait subtiliser le tr�ne par son fr�re.
Le th�me de la mort, ou plus particuli�rement de l'inutilit� de la vie, est �galement un sujet de pr�dilection du grand dramaturge anglais et qui figure au coeur d'Hamlet, d'o� cette fameuse tirade du � �tre ou ne pas �tre �.
Mais si tout cela est vrai et fort, ce qui me semble plus fort et plus �vident que tout � et qui m'avait totalement �chapp� � la premi�re lecture � c'est la r�flexion sur le th��tre qui est contenue dans cette tragi-com�die et c'est la th�orie que je vais d�fendre ci-dessous.
Pour bien analyser la question, observons l'architecture, la structure de l'oeuvre :
Acte I � r�v�lation du meurtre de son p�re � Hamlet et de l'usurpation de son tr�ne. Hamlet est par cons�quent renvoy� � un r�le subalterne.
Acte II � la � folie � d'Hamlet, prise de position sur le th��tre et mise en ab�me (le th��tre montre le th��tre). R�v�lation du stratag�me du � th��tre � du roi et de la reine pour cerner Hamlet dans ses amours. Mise en �vidence d'un double discours dans ce � th��tre �. Incompr�hension d'Hamlet et d'Oph�lie.
Acte III � Hamlet, � son tour, utilise le stratag�me du th��tre. le th��tre appara�t alors en tant que r�v�lateur de la v�rit� de l'�me humaine derri�re les apparences. R�v�lation de leur propre trahison au roi et � la reine. Assassinat par Hamlet de Polonius, le courtisan int�ress� et qui s'�tait cach�.
Acte IV � le pouvoir veut emmener Hamlet en Angleterre pour le tuer. R�apparition de La�rte, fils de Polonius, sorte de d�doublement d'Hamlet, qui lui aussi veut venger la mort de son p�re.
Acte V � On en a oubli� Oph�lie qui meurt sans qu'on s'en soit trop occup�, on ne sait que la pleurer. R�flexion sur la mort � l'occasion de l'enterrement d'Oph�lie. Combat organis� par le roi entre Hamlet et La�rte. Mort des deux opposants qui entra�nent dans leur fin celle du roi.
Voil�, tr�s grossi�rement l'ossature de la pi�ce. Permettez-moi simplement maintenant de vous dire ce que ces personnages m'�voquent :
Hamlet, C'EST le th��tre, dans l'acception la plus noble du terme. C'est lui le r�v�lateur, c'est lui qui voit clair dans le jeu orchestr� par le roi et c'est lui qui est d�chu par la vilenie du pouvoir.
Le roi symbolise �videmment le pouvoir, en tant qu'autorit� qui muselle l'activit� artistique de peur qu'elle ne montre trop explicitement ses propres exactions.
La�rte, c'est l'autre th��tre, le th��tre d'�tat, le th��tre qui dit ce que le roi veut entendre, celui qui est aux bottes du pouvoir.
Les deux th��tres se livrent une lutte � mort, et qui est sacrifi� au milieu d'eux ? le public, �videmment, et ici le public est symbolis� par Oph�lie, qui devient folle.
La reine repr�sente la conscience, la morale � qui l'on a tordu le cou pour avaler des couleuvres.
Polonius repr�sente les seconds couteaux, le peuple nombreux des courtisans hypocrites qui l�chent les savates de tout pouvoir, quel qu'il soit, et qui se font �triller par le th��tre (pensez aux bourgeois, aux savants ou aux religieux chez Moli�re, par exemple) car si l'on ne peut taper sur le pouvoir, on peut tout de m�me se faire la main sur les courtisans. Mais on peut aussi (et surtout) voir dans Polonius, l'arch�type du puritain (voir les conseils qu'il donne � son fils), tr�s en vogue et toujours plus pr�s du pouvoir � l'�poque de Shakespeare.
Et la moralit� de tout cela, c'est qu'un pouvoir qui n'est pas capable de se regarder en face sous le r�v�lateur, sous le miroir de v�rit� qu'est le th��tre, tellement il a honte de lui-m�me est vou� � dispara�tre.
Pour conclure, si l'on recontextualise la gen�se de cette pi�ce avec les �v�nements historiques dont l'auteur �tait le t�moin, ce qu'il faut voir dans Hamlet, ce n'est ni une trag�die (ou tragi-com�die), ni un quelconque message m�taphysique, mais bien plut�t une supplique politique pour maintenir les th��tres publics �lisab�thains et leur libert� d'expression face aux attaques toujours plus virulentes des puritains qui essaient d'imposer leur th��tre moralisateur. On sait par ailleurs que les craintes de Shakespeare �taient fond�es car les puritains obtiendront gain de cause avec la fermeture des th��tres publics en 1642 (notamment le Th��tre du Globe o� �tait jou� Shakespeare).
Vu comme cela, cette pi�ce est absolument lumineuse, forte, pleine de sens et de d�sillusions, bref, essentielle. Une oeuvre, donc, qu'il faut absolument lire, mais, comme je l'ai exp�riment� moi-m�me, peut-�tre pas trop t�t et pas sans s'�tre muni au pr�alable d'une petite patine en mati�re de th��tre, du moins c'est mon minuscule avis face � cette immense pi�ce, c'est-�-dire, pas grand-chose.
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"Though this be madness, yet there is method in't"
(Acte II, sc�ne II)

Malgr� la temp�rature printani�re relativement douce et les oiseaux qui chantent dans le jardin, j'ai les doigts qui tremblent, quand je me d�cide enfin � �crire ces quelques mots sur "Hamlet".
Hamlet, c'est Hamlet. Je ne vais pas pousser ma pr�tention jusqu'� vouloir en faire une quelconque analyse, et je trouve superflu de raconter l'intrigue une fois de plus.
Ainsi, ceci n'est pas vraiment une "critique", et, de toute fa�on... "Words, words, words !"

Dans ma vie, il y avait des moments o� je d�testais Shakespeare de tout mon coeur. Il est vrai qu'il nous a laiss� "Richard III" et les sonnets pour la Dark Lady, mais il a fait mourir Hamlet - dans cet instant crucial o� tous les rouages d�r�gl�s d'un monde compl�tement fou s'imbriquent enfin, et recommencent � fonctionner � peu pr�s normalement. Je n'ai jamais pu le lui pardonner.

Hamlet, l'adolescent d�s�quilibr�, qui a envie d'en finir.
Hamlet, qui ne vit plus que pour la vengeance.
Hamlet, le seul �tre lucide, oblig� de pr�tendre la folie au milieu des fous d'amour, du pouvoir, de l'ascension sociale ?
Hamlet, qui aime Oph�lie � mourir, et qui l'envoie dans un couvent.
Hamlet avec le cr�ne de Yorick..
Si ce sont seulement des fous qui peuvent aimer Hamlet le fou, alors j'ai envie de revendiquer la folie et chercher une bande d'acteurs pour aider � d�masquer les tra�tres.

J'ai vu pas mal d'interpr�tations, et m�me si � chaque fois Hamlet-acteur meurt � la fin, m�me la plus mauvaise n'a pas tout � fait r�ussi � tuer Hamlet-pi�ce.
Mais je crois que pour moi, Hamlet va garder � tout jamais le visage de l'acteur Laurence Olivier.
Vous avez tout, dans ce film. La d�pression g�niale qui vous tombe dessus quand vous arpentez les fortifications glaciales d'Elseneur, le go�t de la folie et le d�sir de r�gner, la terreur que vous inspirent les �mes d�chir�es des protagonistes principaux. Vous allez vous incliner jusqu'� terre devant les nobles dialogues - sans jamais comprendre comment ce sacr� Will a pu faire.
Ses mots caressent, et en m�me temps, d�lib�r�ment, tuent.
La terrible passion servie dans la coupe de vin empoisonn� de la reine Gertrude.

"Je suis Hamlet. La violence, j'en veux pas.
Moi sur la couronne danoise, j'ai crach�.
Mais, � leurs yeux, je voulais �tre roi
et mon rival, j'ai massacr�.

Un vrai d�lire, cette �ruption g�niale.
La mort voit la vie comme une malfa�on.
Tous, nous avons une r�ponse d�loyale
Sans jamais trouver une bonne question"

(Vladimir Vyssotski, po�te et chanteur russe. Excellent Hamlet sur sc�ne)

Cinq sur cinq, cancre de Stratford. Saura-t-on jamais qui tu �tais, pour pouvoir �crire des mots pareils ?
That is the question...
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La pi�ce d�marre par la vision du spectre d'un d�funt, le roi du Danemark, le p�re d'Hamlet qui s'appelle lui aussi Hamlet et qui s'adresse � son fils. C'est une injonction, il lui r�v�le que celui qui est mont� au tr�ne apr�s son d�c�s, son fr�re Claudius, celui qui a aussit�t �pous� la m�re d'Hamlet, est un assassin et un usurpateur de la couronne, c'est lui qui a empoisonn� le roi qu'il �tait...
Le spectre crie vengeance et d�s lors son fils lui promet de le venger... C'est une question d'�thique.
Le propos fondateur de la pi�ce est donc celui-ci : comment r�tablir la couronne, la l�gitimit�, la dignit�, le sens de l'existence ?
Maintenant je vais vous raconter une autre histoire, celle d'un lecteur, le lecteur que je suis, peu amateur de lectures th��trales jusqu'ici...
Pour venir � Hamlet, j'ai choisi la traduction d'Yves Bonnefoy, po�te que j'aime beaucoup depuis l'adolescence. Pour venir � Hamlet, j'ai pris mon temps, l'ouvrage sommeillait dans ma biblioth�que. S'il m'est arriv� de voir quelques repr�sentations de pi�ces de William Shakespeare comme le Roi Lear, je n'ai jamais vu Hamlet sur une sc�ne th��trale. Il m'est m�me arriv� il y a bien longtemps de m'inscrire dans une association qui proposait des cours de th��tre afin de vaincre ma timidit� � m'exprimer en public et j'ai ainsi jouer un petit r�le dans La Nuit des Rois devant un cercle exclusivement compos� de copains, mais c'�tait il y a bien longtemps...
Voil� pour ma seule exp�rience v�cue avec Sir William Shakespeare.
Cet �t�, un de mes coups de coeur litt�raires fut Hamnet, bouleversant roman de Maggie O'Farrell, sorte de biographie du c�l�bre homme de th��tre sans jamais le nommer, �voquant la mort tragique de son fils... Dans ce roman on devine ais�ment � combien le destin douloureux de son enfant et le chagrin qui s'ensuivit, lui donna l'inspiration pour �crire l'une de ses plus belles trag�dies th��trales...
Alors, je m'�tais promis � la fin de l'�t� de lire Hamlet et dans la lecture de cette pi�ce que je viens de terminer et qui m'a emport�, bouscul�, o� je n'ai pas tout compris je vous l'avoue humblement, j'ai cru entrevoir quelque chose, non pas un spectre mais mon ressenti : Shakespeare, dans l'impossibilit� de tenir son r�le, sa place dans sa propre existence va trouver un lieu pour agir, le th��tre, agir en jouant sur sc�ne, en mettant en sc�ne la vie, il y met justement ici en sc�ne le combat que l'on peut jouer et perdre contre la mort...
Avant de lire Hamlet, j'avais appris que lors des premi�res repr�sentations de la pi�ce, Shakespeare jouait lui-m�me le r�le du spectre du d�funt, s'adressant ainsi au personnage de son fils Hamlet... C'est un peu comme s'il avait voulu � travers cette incarnation s'�clipser du monde des vivants et rejoindre celui des morts pour mieux s'adresser � son fils qui venait de mourir quelques mois auparavant. J'imagine que cela fut pour lui une �preuve et peut-�tre aussi une d�livrance. Mais �a, c'est mon interpr�tation et elle n'est pas vraiment th��trale...
Quelle puissance ! Tout y est ici, le th��tre de la vie, l'id�e du sens de la vie, une mani�re de douter avec art, dans une superbe gestuelle qui nous demande de laisser tomber les mots, les mots, les mots pour agir sur la sc�ne de la vie... Quel comble ! Un texte qui nous dit de laisser tomber les mots... Quelle audace tout de m�me !
Qui ne conna�t pas Hamlet, pi�ce injustement r�duite � peut-�tre la plus c�l�bre r�plique th��trale universelle, mais que se cache-t-il derri�re cette r�plique ?
� Ou inclusif �, � ou exclusif �, telle est peut-�tre la vraie question ! Il n'y a pas d'entre-deux lorsque Shakespeare nous invite dans Hamlet � nous interroger sur ce questionnement du sens de la vie.
Emport� par les mots, j'y ai vu une gigantesque �nigme, j'y ai vu des portes � ouvrir � l'infini... Il me reste d�sormais � les franchir. Il est jouissif qu'un texte vous r�siste un peu, ne vous tende pas d'un seul coup toutes les clefs du royaume.
Hamlet c'est l'histoire d'un �chec et c'est peut-�tre ce qui rend fou son h�ros ou lui donne cette impression de devenir fou aupr�s des autres.
Toute la pi�ce est dans la m�ditation d'une action qui n'agit pas, la hissant jusqu'� � nos propres existences. Et c'est beau.
Formuler des mots, n'est-ce pas d�j� agir ? Pour Shakespeare, monter sur une sc�ne, avoir une parole po�tique, c'est l'acte supr�me.
Hamlet est touchant dans son impuissance et son �chec � faire l'acte qui lui permettrait d'atteindre l'�thique dict�e par le spectre de son p�re. Tuer ce roi nouveau et usurpateur. Pourquoi ne le fait-il pas alors ? C'est toute l'�nigme de la pi�ce qui montre la n�cessit� de l'acte sur les paroles mais en m�me temps son �chec.
Cette impossibilit� est pos�e au centre m�me de la pi�ce. Hamlet convoque des com�diens pour jouer une pi�ce qui ressemble � sa propre vie, de mani�re grotesque, presque ridicule, sous forme d'une autod�rision... Pourtant le nouveau roi s'enfuit devant ce qui est repr�sent�, se sentant vis�, touch�, pan dans le mille, ce qui d�montre peut-�tre que c'est sans doute et seulement l� qu'Hamlet a atteint son objectif.
Apr�s avoir lu ou vu Hamlet, on ne peut plus retourner dans sa vie d'avant comme si de rien n'�tait.
� Ce n'est pas l'inqui�tude qui rend fou Hamlet, c'est la certitude. � disait Nietzsche.
Entre l'�tre et le n�ant, il y a peut-�tre le faire.
Pourquoi aimons-nous le th��tre ? Pourquoi lisons-nous du th��tre ? Pourquoi allons-nous au th��tre ? Pour entendre peut-�tre une parole po�tique qui transforme nos vies...
J'ai aim� Hamlet pour cela et j'ai envie d'y revenir.

Il est mort, il est mort, madame,
Il est mort, il est enterr�,
� sa t�te est l'herbe fra�che,
Une pierre est � ses pieds.
Oh ! Oh !
[Acte IV, sc�ne V]
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Tout arrive : j'ai enfin lu Shakespeare ! Apr�s trente ans � h�siter et me rencogner, je dois dire que la d�couverte d'Hamlet fut une belle surprise.

Pour ce qui est de l'histoire, je laisse � Horatio, fid�le d'Hamlet, le soin de dire de quoi il retourne : � Vous entendrez parler d'actes charnels, sanglants, contre nature ; d'accidents expiatoires ; de meurtres involontaires ; de morts caus�es par la perfidie ou par une force majeure ; et, pour d�nouement, de complots retomb�s par m�prise sur la t�te des auteurs. �

Imposant programme. D'autant que dans Hamlet il est aussi question de trahison, de vil�nie, de courtisanerie affligeante. Mais encore et surtout des affres du jeune Hamlet, ravag� de haine envers son oncle, de rancoeur envers sa m�re qui l'a �pous� et d'envie de venger son p�re assassin� mais n'osant passer � l'acte.

Le plus surprenant pour mon oeil neuf � l'univers de Shakespeare, c'est l'humour, qui �maille la pi�ce entre deux tirades fabuleuses tout comme ces sc�nes aux accents gouailleurs et populaires, dans un joyeux m�lange des genres. On y sent un th��tre tr�s vivant, plein des bruits de la vie, bien loin du solennel empes� que j'imaginais.

Et comme je pressens � cette premi�re lecture qu'Hamlet est une oeuvre � tiroir, avec des pi�ces dans la pi�ce ouvrant sur de multiples interpr�tations, je pr�vois d�j� de le relire un jour, certaine que s'ouvriront lors des prochaines lectures de nouvelles portes sur de nouveaux plaisirs
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Il y a quelque chose d'alambiqu� dans l'�dition de Hamlet.

D'apr�s Pierre Iselin, qui signe la pr�face de mon exemplaire, il existe en effet trois Hamlet : un � premier Hamlet � de 1603, un � second Hamlet � de 1604, le plus long et le plus connu, et une version de 1623. le premier est apparemment une pi�ce en un acte mais 18 sc�nes. Toujours d'apr�s Iselin, il s'agirait d'une version reconstitu�e de m�moire par des acteurs de la troupe. La version de 1623 serait quant � elle la version la plus proche de celle jou�e du temps de l'auteur.

J'ai les deux premi�res versions, mais n'ai lu que la seconde. Les spectres, �a va un moment.
Bon je parle � tort et � travers et n'ai m�me pas un cr�ne � qui d�blat�rer mes �neries ; juste un paquet de Kleenex devant moi, �a fait pas pareil.
Et � part �a, c'�tait bien ?
Oui et non.
Mais encore ?
Encore ? Oui et non.
Non, abruti, d�veloppe ! Ya des gens qui essaient de te lire l� !
Ah bon ? Les pauvres ! Bon, allons-y gaiement alors ! le fond de l'histoire est �ternel et omnipr�sent, commun � tous les r�cits, point invariant de toutes les transformations s'appliquant � l'ensemble multidimensionnel des histoires : un roi gouverne (le p�re de Hamlet qui est aussi un Hamlet), il est assassin� (par le fr�re du roi qui devient le ROI) et la reine reste reine car elle se console dans les bras de l'usurpateur (tsss, on se croirait dans la savane chez les lions). le fils Hamlet n'a d�s lors qu'une id�e : venger son p�re.
C'est tout. Remballez.

Bon, je continue devant tant d'insistance. le g�nie de Shakespeare m'est � nouveau apparu comme le spectre � Horatio. Il faut voir la pi�ce comme une bataille psychologique o� chacun emploie des tactiques pour d�couvrir l'adversaire. le ROI se demande : Hamlet est-il fou ? Quelle est la raison de sa folie ? Fait-il semblant ? Est-il un danger pour moi ? Et avec l'aide de son chambellan Polonius � un personnage indispensable tellement il met de vie dans la pi�ce, m�me quand il meurt � il va chercher � pi�ger Hamlet. de son c�t�, le prince ne veut pas se contenter de la parole du spectre de son p�re qui se dit assassin� par le pr�sent ROI. Il veut une preuve physique, du genre qui condamne direct dans les tribunaux. Et il monte ses propres plans avec l'aide d'une troupe de com�diens afin de subjuguer le ROI.
Jusque-l� c'est class ! Un suspense d'enfer, car le spectateur est autant ignorant des v�rit�s.
Jusqu'� ce que, au cours d'une courte tirade � � part �, le ROI d�voile sa culpabilit� au public.
MAIS POURQUOI IL FAIT �A ?
Ventrebleu ! le suspense d'enfer s'�tiole comme un tournesol priv� de soleil. On retombe dans le classique. On sait que le ROI est un assassin. Il se persuade que Hamlet sait. Il veut l'�loigner en Angleterre. En r�alit� il veut le faire buter.

Qui dit bataille, psychologique ou pas, dit victimes collat�rales. C'est le cas de la pauvre Oph�lia qui se fait balader par le vrai/faux amour de Hamlet, qui entre comme un brave pion dans le jeu d'�chec du c�t� des noirs (le ROI et son p�re Polonius). Elle en prend plein la tronche et en perd la t�te. Elle ressemble � la brave Rosette de � On ne badine pas avec l'amour � De Musset. Son p�re sera aussi pris pour un rat et ira servir de plateau repas aux vers du cimeti�re � c�t�.

La derni�re partie est un festival de plan de meurtre, de coups d'�p�e, de poison, de faux-semblants, d'honneur perdu et retrouv�. Un beau petit carnage en vers ; oui, les vers seront � nouveaux contents (bon, en fait c'est en prose mais comme �a g�chait mes effets, hein, vous me pardonnerez cette licence po�tique). C'est surjou�, c'est certainement irr�el. C'est du th��tre quoi, comme il faut l'aimer!

A part le truc du suspense d�voil� trop t�t, il y a des trucs que j'ai pas trop aim� ?
Oui, les longueurs, surtout les trop longues tirades de Hamlet qui m'ont souvent incit� � prendre le fameux raccourci de la diagonale. Cette pi�ce � cette version de la pi�ce � est trop longue.

Pitich ! D�j� presque deux pages de blabla. Mais je crois avoir atteint mon but.
Vous trouvez que j'ai fait trop long ? C'est un hommage � Hamlet.
Vous trouvez que c'est une critique d�cousue ? C'est un hommage � Hamlet.
Vous avez envie de me passer une �p�e en travers du corps ? C'est un hommage � Hamlet.
Sur ce je vous laisse. Je vais essayer d'�tre pour r�pondre � la question du Prince.
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Citations et extraits (381) Voir plus Ajouter une citation
Extrait 1 :
Hamlet reproche � sa m�re La Reine d�avoir �pouser le fr�re de son mari r�cemment d�c�d� et de ne point porter le deuil. A l��vidence Hamlet lui en tient rigueur :
La Reine : � Qu�y a-t-il dans ton cas qui te semble si singulier ?
Hamlet : - Qui me semble, madame ? Oh non : qui est ! Je ne sais pas ce que sembler signifie ! Ce n�est pas seulement mon manteau d�encre, ma ch�re m�re, ni ce deuil solennel que l�on porte selon l�usage, ni les vains geignements des soupirs forc�s, ni les fleuves intarissables n�s des yeux, et non plus l�air abattu des visages ou rien qui soit une forme ou un mode ou un aspect du chagrin, qui peut me peindre au vrai. Ce ne sont l� que semblance en effet, ce sont l� les actions qu�un homme peut feindre, les atours, le d�cor de la douleur, mais ce que j�ai en moi, rien ne peut l�exprimer.
Le Roi : - C�est votre bon, votre louable naturel, Hamlet, qui rend � votre p�re ces devoirs fun�bres. Mais, ne l�oubliez pas, votre p�re perdit un p�re, ce p�re avait perdu le sien ; et, s�il convient que par piti� filiale le survivant garde un moment la tristesse du deuil, s�obstiner dans cette affliction, c�est faire preuve d�ent�tement impie, d�un chagrin indigne d�un homme, c�est marquer une volont� contraire au Ciel, un c�ur sans �nergie, une �me sans frein, un jugement d�bile et in�duqu�. Car ce que nous savons qui doit advenir, ce qui est ordinaire autant que la chose la plus commune, pourquoi nous faudrait-il, dans notre absurde r�volte, le prendre � c�ur ? Allons donc, c�est p�cher contre le ciel, p�cher contre les morts et contre la nature, et c�est absurde surtout devant la raison, dont le lieu commun est la mort des p�res, elle qui toujours a cri�, depuis le premier mot jusqu�� aujourd�hui, � Il doit en �tre ainsi �� Jetez, nous vous en prions, cet impuissant chagrin dans la poussi�re [�]
Hamlet (seul) : - O souillures, souillures de la chair ! Si elle pouvait fondre, et se dissoudre et se perdre en vapeurs ! Ou encore, si l�Eternel n�avait pas voulu que l�on ne se tue pas soi-m�me ! O Dieu, � Dieu, qu��puisant et vici�, insipide, st�rile me semble le cours du monde ! [...] En �tre l� ! Et seulement deux mois apr�s sa mort. Deux mois ? Non, m�me pas. Un roi, si grand qui fut � celui-ci ce qu�Hyp�rion est au satyre ; et pour ma m�re, si tendre qu�il ne permettait pas que les vents du ciel passent trop durement sur son visage. Cieux et terre ! Est-ce � moi de m�en souvenir ? Quoi, elle se pendait � lui comme si son d�sir d��tre rassasi� ne cessait de grandir, et pourtant, en un mois� Que je n�y pense plus ! Faiblesse, tu es femme ! Un petit mois. Ces souliers ne sont pas us�s avec lesquels elle a suivi son triste corps. [�] Un simple mois, et avant que le sel des larmes menteuses e�t cess� d�irriter ses yeux rougis, elle se remariait. Oh, quelle h�te criminelle, de courir si ardemment aux draps incestueux ! �

Extrait 2 :
Hamlet voyant le spectre de son p�re :
Hamlet : � Ministre de la gr�ce, anges, secourez-nous ! Que tu sois un �lu ou un d�mon, que tu apportes l�air c�leste ou les bouff�es de l�enfer, que tes fins soient malignes ou charitables, tu viens sous un aspect si myst�rieux que je te parlerai, que je te nommerai Hamlet, mon roi, mon p�re et Danemark ! Oh, r�ponds-moi ! Ne fais pas que j��touffe d�ignorance, dis pourquoi tes os b�nis dans leur coffre fun�bre ont perc� leur linceul ? Et pourquoi le s�pulcre, dans lequel je t�ai vu reposer en paix, a soudain desserr� ses m�choires de marbre pour te jeter ici-bas ? O toi corps mort et de nouveau debout dans l�acier, que veut dire que tu viennes revoir les lueurs de la lune, et faire affreuse la nuit, et nous, les dupes de Nature, si durement nous �branler dans tout notre �tre par des pens�es que l��me n�atteint pas ? Pourquoi cela, pourquoi ? Dis, que veux-tu de nous ? �
[�]
Le spectre : Je suis l�esprit de ton p�re, condamn� pour un certain temps � errer la nuit, et � je�ner le jour dans la prison des flammes tant que les noires fautes de ma vie ne seront pas consum�es. Si je n��tais astreint � ne pas d�voiler les secrets de ma ge�le, je pourrais te faire un r�cit dont le moindre mot d�chirerait ton �me, glacerait ton jeune sang, arracherait tes yeux comme deux �toiles � leur orbite, et d�ferait tes boucles et tes tresses, dressant s�par�ment chaque cheveu comme un piquant de l�inquiet porc-�pic. Mais le savoir de l��ternel est refus� aux oreilles de chair et sang. [�] Ecoute, Hamlet, on a dit que, dormant dans mon verger, un serpent me piqua. Et tout le Danemark est ainsi abus�, grossi�rement, par cette relation menteuse. Mais, mon fils, toi qui es jeune et qui es noble, sache-le : le serpent dont le dard tua ton p�re porte aujourd�hui sa couronne. �

Extrait 3 :
Hamlet se fait passer pour fou afin de pouvoir davantage berner son oncle. Sa tendre amie Oph�lie le d�couvre ainsi en proie � sa folie :
Oph�lie : � Oh ! Quelle �me noble voici d�truite ! Les mani�res d�un prince, la parole d�un savant, et le glaive d�un soldat, l�esp�rance et la fleur d�un heureux royaume, le miroir du haut go�t, le mod�le de l��l�gance, le centre de tous les regards, tout cela, tout cela bris�, et moi, de toutes les femmes la plus accabl�e, la plus triste, ayant go�t� au miel de ses beaux serments, voir maintenant cette raison noble et royale comme un doux carillon d�saccord� g�mir, et cette gr�ce sans rivale, cette jeunesse fleurie dans l��garement se fl�trir ! Oh ! Quel est mon malheur d�avoir vu ce que je voyais, et de voir maintenant ce que je vois ! �

Extrait 4 :
Le Roi prenant conscience de son crime :
Le Roi : � Oh, mon crime est f�tide, il empeste le ciel, la plus vieille mal�diction, celle du premier fratricide, p�se sur lui ! Et je ne peux prier ! Si grands soient mon d�sir et ma volont�, la grandeur de ma faute les accable et comme un homme astreint � deux travaux je demeure h�sitant au lieu d�entreprendre et ne fais rien. Pourtant, cette main maudite, serait-elle doubl�e dans son �paisseur par le sang fraternel, n�y a-t-il pas assez de pluie aux cieux cl�ments pour la laver et la faire aussi blanche que la neige ? La merci, c�est de consid�rer le p�ch� en face, et la pri�re, n�est-ce pas la vertu double qui peut nous retenir au bord de la faute ou nous en vaut le pardon ? Je pourrais relever la t�te, mon p�ch� serait aboli� H�las ! Quelle pri�re me conviendra ? � Pardonne-moi mon horrible meurtre � ? Certes non s�il est vrai que je jouis encore de ce gain dont l�app�t me fit meurtrier, ma couronne, ma reine et l��clat du pouvoir. Peut-on trouver le pardon sans se d�tacher du crime ? De par les voies corrompues de ce monde, la main du crime pleine d�or peut bien �carter la justice, et souvent l�on voit le gain m�me de l�acte r�prouv� permettre d�acheter le pardon de la loi, mais il en va l�-haut tout autrement. L�, plus de faux-fuyants, l� nous sommes astreints, devant la face grima�ante de nos fautes, � nous justifier� Alors, que reste-t-il ? Essaierais-je du repentir ? Oui, que ne peut-il pas ? Mais aussi que peut-il quand on ne peut se repentir ? O situation mis�rable ! O conscience noire comme la mort ! Ame englu�e qui, en se d�battant pour se lib�rer, s�enlise de plus en plus ! Anges, secourez-moi ! Essayez, mes genoux r�tifs, de vous plier, et vous, fibres d�acier de mon c�ur, devenez les tendres nerfs de l�enfant nouveau-n� Tout va changer, peut-�tre. �

Extrait 5 :
Hamlet tentant de montrer � sa m�re l�erreur qu�elle a commise en �pousant le fr�re de son mari :
La Reine : � Qu�ai-je fait pour que tu oses darder ta langue si durement contre moi ?
Hamlet : - Un acte tel qu�il souille de la pudeur la rougeur aimable, taxe d�hypocrisie la vertu, arrache la rose du tendre front d�un innocent amour et y imprime son fer ! Oh, une action qui fait du voeu nuptial le m�me mensonge qu�un serment de joueur, et qui retire de tout contrat son �me, et de la douce religion fait un vain bruit de mots ! En rougit la face du ciel, et la compacte et l�impassible lune, le visage enflamm� comme � la veille du Jugement, en est malade de d�go�t.
La Reine : - Dieu, quelle est cette action qui tonne et qui rugit dans ce prologue ?
Hamlet : Regardez ce tableau, puis celui-ci ! Ce sont les portraits de deux fr�res, et voyez quelle gr�ce �tait sur ce front ! Les boucles d�Hyp�rion ! De Jupiter ! Le front de Mars cet �il qui commande et menace, et la prestance de Mercure, le messager, quand il se pose sur un fa�te aupr�s du ciel. En v�rit� ce fut une alliance, une forme o� chaque dieu semblait y apposer son sceau pour faire � l�univers la promesse d�un homme. Il fut votre mari� Maintenant, voyez l�autre, votre nouveau mari, la nielle noire qui a d�truit le bon grain. Etes-vous aveugle, avez-vous pu quitter la superbe montagne pour pa�tre dans ce marais ? Ah ! Etes-vous aveugle ? Ne d�tes pas que c�est par amour : � votre �ge l�ardeur du sang se calme et, ma�tris�e, se fie � la raison. Et quelle raison choisirait celui-ci apr�s celui-l� ? Vous avez des sens, sinon vous seriez inerte, mais vos sens sont paralys�s, s�rement. Car la folie ne d�lire jamais ni ne trouble les sens au point de ne savoir m�me plus distinguer �tres si dissemblables. Quel d�mon vous a ainsi dup�e � colin-maillard ? Les yeux sans le toucher, le toucher sans la vue, les oreilles sans yeux ni mains, l�odorat seul, la plus faible partie d�un unique vrai sens ne serait pas si stupide. Honte, rougiras-tu ? Et toi, enfer rebelle, si tu peux secouer les os d�une matrone, que la vertu ne soit pour l�ardente jeunesse qu�une cire, qui fonde dans son feu ! Plus de vergogne quand bondira la passion d�vorante, puisque le gel lui-m�me est un feu si vif et la raison l�entremetteuse du d�sir !
La Reine : - Hamlet, tais-toi ! Tu tournes mon regard vers le fond de mon �me et j�y vois de si noires taches, dont la teinte ne dispara�tra plus !
Hamlet : - Oui et cela pour vivre dans la rance sueur d�un lit graisseux, et croupir dans le stupre, et b�tifier, forn
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HAMLET. - Etre, ou ne pas �tre, c'est l� la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'�me � subir la fronde et les fl�ches de la fortune
outrageante, ou bien � s'armer contre une mer de douleurs et � l'arr�ter
par une r�volte ?. Mourir... dormir, rien de plus ;... et dire que par ce
sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures
naturelles qui sont le legs de la chair : c'est l� un d�nouement qu'on doit
souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-�tre r�ver ! Oui, l�
est l'embarras. Car quels r�ves peut-il nous venir dans ce sommeil de la
mort, quand nous sommes d�barrass�s de l'�treinte de cette vie ?. Voil�
qui doit nous arr�ter. C'est cette r�flexion-l� qui nous vaut la calamit�
d'une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les
flagellations, et les d�dains du monde, l'injure de l'oppresseur,
l'humiliation de la pauvret�, les angoisses de l'amour m�pris�, les
lenteurs de la loi, l'insolence du pouvoir, et les rebuffades que le m�rite
r�sign� re�oit d'hommes indignes, s'il pouvait en �tre quitte avec un
simple poin�on ?. Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous
une vie accablante, si la crainte de quelque chose apr�s la mort, de cette
r�gion inexplor�e, d'o� nul voyageur ne revient, ne troublait la volont�,
et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous
lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ?. Ainsi la conscience fait
de nous tous des l�ches ; ainsi les couleurs natives de la r�solution
bl�missent sous les p�les reflets de la pens�e ; ainsi les entreprises les
plus �nergiques et les plus importantes se d�tournent de leur cours, �
cette id�e, et perdent le nom d'action...
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Doute que les �toiles soient de feu,
Doute que le Soleil se meut,
Doute que la verit� mente elle-m�me
Mais ne doute pas que je t'aime.
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(Voici le passage qui inspira Rudyard Kipling pour son fameux po�me " If ", parfois plus connu en fran�ais sous le nom " Si tu veux �tre un homme ".)
POLONIUS : Grave dans ta m�moire ces pr�ceptes.
Ne donne pas de langue � tes pens�es,
Ni d'acte � des pens�es hors de mesure.
Sois familier, ne sois jamais vulgaire ;
�prouve les amis que tu te fais
Puis retiens-les par un grappin de fer,
Mais n'use pas ta paume � accueillir
Un quelconque blanc-bec, un spadassin.
Tiens-toi loin des querelles, mais, forc�,
Fais que ton adversaire te redoute.
Offre l'oreille � tous, � peu la voix,
Prends l'avis de chacun, mais garde tienne
Ton opinion ; que ton habit soit riche,
Dans la mesure o� le permet ta bourse ;
Mais point d'exc�s de fantaisie : du riche,
Pas voyant ; l'habit, souvent, dit l'homme,
Et, en France, les nobles les plus hauts
Mettent leur point d'honneur dans la d�pense.
Ne sois ni emprunteur ni cr�ancier :
Qui pr�te perd � son pr�t et ses amis �
Et qui emprunte �mousse le tranchant
De son esprit d'�pargne ; mais, surtout,
Toi-m�me, reste vrai avec toi-m�me,
D'o� il suivra, mieux que la nuit le jour,
Que tu ne seras faux avec personne.

Acte I, Sc�ne 3.
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HAMLET : Voudriez-vous jouer de ce pipeau ? [...]
GUILDENSTERN : Je n'en connais pas une note, monseigneur.
HAMLET : C'est aussi facile que de mentir. Gouvernez ces ouvertures avec les doigts et le pouce, donnez-lui souffle � l'aide de votre bouche, et il vous fera des discours d'une musique des plus �loquentes. Regardez, les touches sont l�.
GUILDENSTERN : Mais je ne peux pas leur ordonner la moindre expression d'harmonie. Je n'en ai pas la technique.
HAMLET : Regardez quelle chose indigne vous faites de moi. Vous voulez jouer de moi, vous voudriez sembler conna�tre toutes mes touches, vous voulez m'arracher mon myst�re du c�ur, vous voulez me sonder depuis ma note la plus basse jusqu'au sommet de mon registre ; et ce petit instrument, qui contient tant de musique, qui a une voix si belle, vous ne savez pas le faire parler. Bon sang, croyez-vous qu'on puisse jouer de moi plus facilement que d'un pipeau ? Prenez-moi pour l'instrument que vous voulez, irritez toutes mes cordes, vous ne me jouerez pas.

Acte III, Sc�ne 2.
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Les livres ont dessin� l'Europe bien avant qu'elle ne devienne une r�alit� politique, �conomique et culturelle. Lire Hom�re, Chr�tien de Troyes, Dante, Cervant�s, Shakespeare, Goethe, Flaubert, Dickens, Baudelaire, ou Dosto�evski, c'�tait d�j� en quelque sorte �tre europ�en. Mais aujourd'hui qu'est-ce que �a signifie pour un auteur, � part le fait de vivre et d'�tre publi� dans un pays europ�en ? Est-ce avant tout h�riter d'un patrimoine litt�raire consid�rable ? Ou plut�t une fa�on d'�tre et de voir le monde ? Ou encore le sentiment d'appartenance � un id�al d�mocratique et humaniste ? Mario Desiati - Chris Kraus - Olivier Guez
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