Économie : le décrochage français, un choix politique ?

Économie : le décrochage français, un choix politique ?

Quartier de la Défense à Paris : comment expliquer et dissiper les intempéries de l'économie française ? ©Getty - Image Source
Quartier de la Défense à Paris : comment expliquer et dissiper les intempéries de l'économie française ? ©Getty - Image Source
Quartier de la Défense à Paris : comment expliquer et dissiper les intempéries de l'économie française ? ©Getty - Image Source
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Dette qui explose, déficit qui se creuse, retour annoncé de l’austérité : les "Jours heureux" de l'économie française sont-ils derrière nous ? Aurions-nous pu prévoir et désamorcer ce décrochage plus tôt ? Pour comprendre les racines d’une économie en crise, nous recevons l'historien Felix Torres.

Avec

Dans Le décrochage français, histoire d’une contreperformance politique et économique (1983-2017) paru ce mois-ci au PUF, Felix Torres et son co-auteur Michel Hau proposent une lecture critique des politiques économiques françaises sur les quarante dernières années. Au menu, déni de la fin des Trente Glorieuses et du besoin de réorienter l’économie vers une offre plus compétitive tournée vers les marchés mondiaux. L’entrée de la France dans la globalisation a-t-elle été un échec ?

Concurrence et spécialisation

Leur ouvrage analyse dans le temps long les racines des difficultés économiques françaises, sans cesse pointées du doigt depuis plusieurs décennies, alimentant une sensation diffuse et persistante de "décrochage". En se concentrant sur la période entre 1983 et 2017, ils soulignent que le pays a manqué son entrée dans la mondialisation, cherchant à rester un producteur général au lieu de se spécialiser dans le marché global : "comparons-nous avec nos voisins de ce qu'on appelle avec Michel Hau, l'Europe rhéno-alpine. Je parle ici de la Suisse, de l'Autriche, du Danemark, des Pays-Bas ou de la Suède. Tous ces pays font mieux que nous, peut-être parce que ce sont justement des petits pays. Prenant acte de leur taille limitée, ils ont été obligés de se spécialiser dans la compétition internationale depuis les années 1980. Ils ont investi des niches, ont cherché le haut de gamme pour créer de la valeur ajoutée. Un effort, je dirais, de spécialisation et de rapport qualité-prix que ne fait pas la France."

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Un problème structurel

Dans la concurrence internationale, la France se devrait alors de ne pas rester dans la moyenne, mais d’être à la hauteur. D’autant que, Felix Torres le rappelle, les mauvais résultats économiques tricolores engendrent chômage et désindustrialisation, sources d’inégalités et de souffrances sociales profondes à travers le pays. En cause, une surcharge de l’État-providence et une politique répétée de la demande qui veut gonfler la consommation des ménages sans pour autant soutenir la production française, elle, soumise à plus de fiscalité et de réglementation que ses concurrents étrangers. Les dépenses des plans de relance ne feraient alors qu'alimenter le retard français comme si le pays avançait avec "des semelles de plomb".

Les deux chercheurs y voient aussi un problème politique : "depuis les années 1980, nous vivons une étonnante séquence où nous avons pratiquement eu un Premier ministre tous les deux ans. Dans les autres grands pays occidentaux, les leaders du gouvernement restent au pouvoir, généralement cinq, huit, dix ans. Ils sont réélus une ou deux fois. En France, la reconduite d’une majorité n’est pas arrivée depuis 1978. C’est le signe d’un problème, d’une stroboscopie politique. Je suis un peu schématique, mais il y a un curieux chassé-croisé entre les gouvernements de droite et de gauche, où c’est justement la gauche qui a décidé d’initier une modernisation néolibérale tout en échouant sur le plan de la rigueur. Cet entre-deux du social-libéralisme a été problématique." Pour l’historien, aucun gouvernement de gauche de la période n’a assumé son libéralisme, créant un cycle répété de déceptions chez leur électorat. La droite n'est pas non plus épargnée par leur analyse et c'est finalement toute la classe politique des quarante dernières années qui se trouve dans le viseur. Pourtant, au delà de la valse des gouvernements, c'est surtout une réflexion "structurelle" sur le modèle français face à ses voisins étrangers qu'il faut mener.

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