Chômeurs malmenés, patrons épargnés : face au déficit, la Macronie... chouchoute son électorat !

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Chômeurs malmenés, patrons épargnés : face au déficit, la Macronie... chouchoute son électorat !
Le Premier ministre a annoncé une série de mesures dans l'objectif de pallier l'augmentation du déficit public, en prenant grand soin de préserver l'électorat macroniste.
JULIEN DE ROSA / AFP

Chômeurs malmenés, patrons épargnés : face au déficit, la Macronie... chouchoute son électorat !

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Coupes dans l’assurance-chômage et les collectivités territoriales, refus de taxer les superprofits, marges dégagées aux chefs d’entreprise… Les mesures annoncées par Gabriel Attal et Emmanuel Macron dans le but de contrer l’augmentation du déficit public ont une logique commune : épargner soigneusement l’électorat macroniste, voire le flatter.

Le « Mozart de la finance » au chevet du déficit public. Ce dernier s’est élevé à 5,5% du PIB en 2023, d’après les données publiées par l’Insee le 26 mars. Un camouflet pour le gouvernement, qui s’est engagé à ramener le déficit public à 4,4% en 2024, puis sous la barre des 3% d’ici 2027. Emmanuel Macron a donc sonné le branle-bas de combat, en envoyant le Premier ministre Gabriel Attal annoncer une série de mesures censées redresser la situation, sur TF1, le mercredi 27 mars. On en a donc fait le bilan... Et sans surprise, celles-ci servent toutes les intérêts de l’électorat macroniste, des riches aux chefs d’entreprise, au grand dam des chômeurs et des collectivités territoriales.

Nouvelle attaque contre les chômeurs

Le Premier ministre a annoncé la préparation, avec les partenaires sociaux, d’une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, voulue « plus globale ». L’un des critères étudié serait la durée de l’indemnisation de l’assurance-chômage. « Aujourd’hui, c’est 18 mois. Une des pistes, c’est de réduire cette durée de plusieurs mois. Il ne faut pas que ça aille en dessous de douze mois », a affirmé Gabriel Attal. On pourrait presque y voir une manière pudique de dire son envie de fixer le plafond à douze mois...

Le chef du gouvernement souhaite aussi modifier le temps minimal qu’il faut avoir travaillé pour bénéficier du chômage, qui s’élève aujourd’hui à six mois lors des deux dernières années. Enfin, il a annoncé vouloir modifier le « niveau d’indemnisation », à savoir « combien vous touchez quand vous êtes au chômage et comment est-ce que (sic) ça baisse en fonction du temps ». Cette réforme, que Gabriel Attal souhaite voir entrer en vigueur à l’automne prochain, n’a pas pour objectif de s’en prendre « à tel individu ou aux chômeurs », a-t-il assuré, mais de « faire bouger un système pour inciter davantage à la reprise d’emploi ».

Le constat est toutefois clair : l’exécutif choisit donc de baisser le montant et la durée d’indemnisation des chômeurs. Au risque de les fâcher ? Pas de quoi effrayer la macronie : les chômeurs ne constituent pas pour eux une base électorale importante. Ils n’étaient que 12% avoir voté Emmanuel Macron, au premier tour de l’élection présidentielle 2022, contre 30% pour Jean-Luc Mélenchon, et 32% pour Marine Le Pen, d’après un sondage effectué par l’Ifop à la sortie des urnes le 10 avril. Au second tour, 58% d’entre eux ont préféré donner leurs voix à la représentante du Rassemblement national, d’après un sondage OpinionWay pour Les Échos.

Les riches et les chefs d’entreprise épargnés

S’il affirme n’avoir « aucun dogme » concernant la taxation des superprofits et celle des plus riches, Gabriel Attal n’appelle pas de ses vœux une nouvelle réforme en la matière. « La France n’est un paradis fiscal pour personne. 10% des Français payent 70 % des impôts sur le revenu. On a une taxe sur les hauts revenus », a-t-il indiqué. Une ligne qui ira sûrement très bien aux habitants des 10% de communes les plus aisées de France, où le candidat Emmanuel Macron a recueilli pas moins de 35,2% des voix, au premier tour de l’élection présidentielle 2022, d’après l’Insee.

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Dans le but de « désmicardiser » la France, Gabriel Attal souhaite également « revoir le système des allégements de cotisations », afin que cela incite « davantage à augmenter » les bas salaires.

Le gouvernement entend donc dégager de la marge de manœuvre financière aux chefs d’entreprise, en répercutant l’effort sur les recettes de l’État. Les 72% des cadres, professions intellectuelles supérieures qui ont glissé un bulletin de vote Macron, au second tour de l’élection présidentielle 2022, ne pourront qu'en être ravis.

Donner des gages au monde de la finance

Concernant le déficit public, Gabriel Attal a maintenu l’objectif de passer sous les 3 % en la matière d’ici à 2027, malgré les 5,5% enregistrés en 2023. La macronie craint sûrement que la note de la France soit dégradée par les agences de notation financière dans les prochaines semaines. L’une d’entre elles, Moody’s, a jugé « improbable » la réalisation des objectifs budgétaires français.

Le gouvernement entend donc donner des gages au monde de la finance, si cher à Emmanuel Macron. Celui-ci a d'ailleurs été largement soutenu, à ses débuts, par les dons massifs de financiers et start-uppers. À tel point que le Royaume-Uni a davantage contribué que les dix plus grandes villes françaises de province à la première campagne présidentielle d'Emmanuel Macron, en 2017.

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Les collectivités territoriales dans le viseur

« L’État prend ses responsabilités, mais les collectivités locales devront aussi prendre les leurs. » Cette phrase, signée Emmanuel Macron le 21 mars devant les cadres de la majorité, une petite semaine donc avant l'intervention télévisée de Gabriel Attal, n’annonce rien de bon pour les comptes des collectivités territoriales.

« Toutes les études montrent que les collectivités territoriales sont celles qui ont été les plus dépensières ces dernières années. C’est donc qu’il y a de la marge », a confié une figure de la majorité au Parisien. Se dessine le dernier segment du macronisme : Emmanuel Macron est ainsi arrivé en tête à Paris en 2022, à hauteur de 35,33 % des suffrages exprimés. Au second tour, l’énarque triomphait dans l'ensemble des plus grandes agglomérations, atteignant les 80% de voix dans la métropole du Grand Paris. Il était en revanche bien plus à la peine dans les petites villes et espaces ruraux. Le président des territoires urbains, densément peuplés, choisit donc de taper dans le budget des collectivités territoriales.

Pas de doute, au moment de tenter de mettre les bouchées doubles sur le déficit public, l'exécutif a décidé d'en revenir à ses fondamentaux.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne