Football. En Australie, Damien Da Silva n'a rien oublié de Caen

Damien Da Silva a créé la surprise lors du mercato hivernal en rejoignant l'Australie. Élu MVP de son club, il raconte ce choix, sa carrière et le SM Caen où il a explosé.

Damien Da Silva a surpris le milieu du football en s'engageant en Australie en janvier 2023.
Damien Da Silva a surpris le milieu du football en s’engageant en Australie en janvier 2023. ©Aline Chatel
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Il faudrait bien plus qu’un long voyage à l’autre bout du monde pour changer Damien Da Silva. Le défenseur central au parcours hors du commun, passé par le National et la Ligue 2 avant de se révéler en élite avec le Stade Malherbe Caen (2014-2018), promène toujours une personnalité attachante très loin des stéréotypes qui collent à son milieu.

Départ surprise en Australie

En février 2023, il a surpris le monde du football en résiliant le contrat qui le liait encore à Lyon pour s’engager en faveur de Melbourne, en Australie. L’intégration a été rapide. Elle a valu au joueur formé à Bordeaux, qui ne l’avait pas conservé, d’être élu MVP de son club à l’issue de la saison.

Je me suis tout de suite senti bien. Les mecs de l’équipe sont vraiment des mecs cool, simples. Je me suis vite retrouvé là-dedans.

Damien Da Silva, ex joueur du SM Caen, du Stade rennais et de l’Olympique lyonnais, parti jouer en Australie

L’Australie, Lyon, Malherbe, le foot… Damien Da Silva, 35 ans, nous a accordé un long entretien. 

« Quand j’ai quitté Caen, je pensais à l’étranger »

Damien, comment es-tu passé de Lyon à Melbourne ?

Cela faisait un petit moment que j’avais envie de vivre une expérience à l’étranger. Quand j’ai quitté Caen, déjà, je pensais à l’étranger. Rennes, qui jouait la coupe d’Europe, était venu. C’était impossible de refuser et je suis content d’y être allé. Après Rennes, j’ai de nouveau pensé à l’étranger. Pour moi, c’était clair. Mais Lyon est venu… C’était très dur de refuser aussi. C’était un très grand challenge, pour moi, et j’adore ça.À Lyon, j’ai eu moins de temps de jeu qu’espéré (29 matchs en une saison et demie, ndlr). Je me suis dit que c’était vraiment le bon moment pour partir à l’étranger. En parallèle, j’avais envie de trouver quelque chose de sympa sur le plan humain. On a fait un choix avec ma femme. On voulait une ville sympa, un pays attractif. Melbourne collait bien.

« J’ai été confronté au problème de l’âge »

Quand on pense à l’étranger, on imagine plutôt l’Europe occidentale que l’Australie…

Pour jouer en Europe dans un bon championnat, j’ai été confronté au problème de l’âge. Ils s’arrêtent trop rapidement sur ce paramètre. En France, les gens me connaissent et savent que je suis en forme. À l’étranger, on le sait peut-être moins. J’ai eu quelques difficultés à ce sujet, malheureusement. Melbourne ne s’est pas arrêté à ça. J’aurais peut-être pu aller aux États-Unis également. La distance ne nous faisait pas peur, ma femme et moi.

En étant encore compétitif, n’as-tu pas peur de te faire oublier à l’autre bout du monde ?

Je n’ai jamais joué pour les gens. J’ai toujours joué pour moi-même, pour ma famille. Ce qui peut me manquer, c’est la présence de ma famille, de mes proches. Peut-être un peu égoïstement, j’ai voulu prendre en considération mon plaisir personnel. Vivre cette expérience, c’est une chance dans une vie. Je me suis même dit : il vaut mieux aller à Melbourne et jouer tous les matchs, que rester à Lyon, être malheureux et ne pas jouer. D’une, je suis malheureux. De deux, ma condition physique ne va pas s’améliorer et les gens vont voir que je ne joue pas.C’est toujours mieux de jouer, peu importe où. Je sais très bien qu’en France, on ne regarde pas les matchs du championnat australien. Je ne suis pas naïf. Les gens qui me connaissent bien savent que je suis quelqu’un de sérieux et que si je reviens, en France, je serai en forme. 

Damien Da Silva s'est très vite imposé parmi les meilleurs joueurs du championnat australien.
Damien Da Silva s’est très vite imposé parmi les meilleurs joueurs du championnat australien. ©Damien Da Silva

« Un paquet de fois en décalage »

Comment te projettes-tu sur ton futur sportif ?

Je n’ai jamais été beaucoup dans les projections, tout au long de ma carrière. Je me suis toujours dit : je verrai à la fin de la saison comment je ressens les choses. Je peux rester cinq ans ici comme je peux revenir en France beaucoup plus rapidement. Pour être sincère, je n’en ai aucune idée.

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Tu évoquais des coéquipiers simples, sympas. C’est ce qui colle à ton image et on sent qu’être entouré de ces gens-là est quelque chose d’important pour toi.

Honnêtement, ça a été l’un des critères de mon choix. Je me suis dit que j’allais surement trouver des gars simples, tranquilles, avec une ambiance d’équipe. Je voulais prendre du plaisir sans me prendre la tête, tout en travaillant, tout en étant exigeant. 

T’es-tu senti parfois en décalage dans un milieu du foot qui peut être différent de ton caractère ?

Oui, ça m’est arrivé un paquet de fois. J’ai eu la chance de rencontrer des bons mecs. Je me suis fait pas mal d’amis dans le milieu. Je n’ai pas été esseulé. Mais c’est vrai que certains côtés de ce milieu-là ne me plaisaient pas, ou ne me faisaient pas sentir à ma place. Là où je me suis toujours senti bien, c’était sur le terrain, en match.Dans le milieu du football, le mauvais côté – que tout le monde connaît, le business, l’individualisme – ne m’a jamais plu. Plein de fois, je me suis dit : j’ai envie d’aller loin de tout ça. À Melbourne, par exemple (sourire). Avant, j’avais tellement de chance de pouvoir jouer des choses en France qui étaient énormes pour moi que je me disais : non, pense aussi à toi, et garde ce côté compétiteur que tu as en France. Mais je me suis posé plusieurs fois la question de partir avant.

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« Je n’étais pas heureux à Lyon »

Le fait de moins jouer à Lyon a-t-il constitué une vraie opportunité ? 

Le jour où j’ai signé à Lyon, je savais très bien que j’allais partir à l’étranger après cette expérience-là. Je ne me voyais pas resigner dans un club en France parce que j’étais monté petit à petit dans ce championnat et je savais très bien que Lyon, ça allait être dur mentalement, dur sportivement. C’était mon dernier gros challenge, dans le sens où je voulais aller grappiller encore un peu au-dessus de mon niveau. Ça s’est fait un peu plus rapidement que prévu.

Tu n’étais donc pas heureux à Lyon ?

Clairement, non. Je n’étais pas heureux. C’est d’abord parce que je ne jouais pas. Je savais que ça allait être le plus dur. C’était un de mes challenges, de ne pas lâcher et d’essayer de gratter des matchs. Il y a eu des périodes un peu longues sans jouer. C’est ce qui me manquait le plus. J’adore travailler, mais il faut que je puisse me défouler en compet’ à la fin. Rester sur le banc a été très, très dur pour moi. Je me suis toujours dit : je préfère largement jouer dans un club d’un niveau inférieur que d’être dans un grand club et ne pas jouer. C’était un challenge, je l’ai pris, mais ça a été dur. 

Le côté atypique qu’on évoque souvent à ton sujet se traduit-il aussi par cet esprit peu carriériste ?

Je pense être quand même un peu carriériste, mais je trouve un équilibre dans cette approche. Je le suis parce que j’ai toujours voulu aller plus haut dans ma carrière. J’ai toujours aimé me tester, arriver dans un club en devant faire mes preuves. Je n’ai jamais aimé le confort. À Caen, j’étais super bien. Je pense que j’aurais pu y rester et continuer de jouer. J’ai voulu me mettre un peu plus en difficulté en partant. J’ai reproduit le schéma une deuxième fois à Rennes. Ça m’est arrivé de me dire : tu abuses un peu, tu étais bien là-bas. Mais sur le moment, c’est mon raisonnement. 

Comme Jordan Adéoti, Manu Imorou et Hervé Bazile, Damien Da SIlva va découvrir la Ligue 1 sous le maillot du Stade Malherbe.
Damien Da SIlva avait 25 ans quand il a découvert la Ligue 1 avec le SM Caen. ©Liberté

« Je suis fier des choix que j’ai faits »

Il y a toujours le compétiteur en toile de fond.

Je ne voulais pas avoir de regrets dans ma carrière. C’est comme ça que j’ai fait le choix de Lyon. Ça a été un choix très, très compliqué. Mais je me suis dit : si ça se trouve, plus tard, tu regretteras de ne pas avoir joué dans un club comme ça. On ne sait jamais ce qui peut se passer. Tu peux gagner une coupe, tu peux jouer le titre avec Paris, tu fais la coupe d’Europe… Je ne voulais pas passer à côté de ça.

Tu es fier de ce que tu as accompli, avec toutes les difficultés que tu as rencontrées ?

Franchement, oui. Je suis fier des choix que j’ai faits. Je suis content parce que j’ai tout fait pour ça. Je suis content d’avoir pu être récompensé en découvrant le haut niveau en France. Mais je ne suis pas encore dans la phase où je regarde derrière moi et je fais un bilan. J’ai encore beaucoup envie de jouer et j’ai peut-être encore des choses à faire en France. Je fais tout pour pouvoir durer longtemps. 

Tu es arrivé plus tard que d’autres à haut niveau, cela t’a-t-il permis de garder de la fraîcheur physique et mentale ?

Je suis arrivé plus tard, effectivement, et j’ai toujours été très sérieux. Je pense que ça aide à perdurer. À notre époque, il y a beaucoup plus de joueurs qui jouent plus longtemps, du fait de l’évolution qu’on peut connaître dans la récupération et dans le travail. Mais il y a surtout l’envie. J’ai toujours envie et je pense que c’est la base de tout. Honnêtement, je n’arrive pas à me dire que je suis en fin de carrière. Je n’y pense pas une seconde parce que je me sens bien. Quand je n’arriverai plus à courir derrière les mecs, je me poserai la question. Pour l’instant, ça va. 

« Caen a été le ressort pour moi »

Est-ce au Stade Malherbe que ta carrière a pris son élan ?

Clairement. Caen, ça a été le ressort, pour moi. Quand je suis arrivé à Caen, mon but était de découvrir la Ligue 1, de faire un an. Je me disais que j’allais sûrement retrouver la Ligue 2 ensuite. Pour moi, c’était grandiose. J’étais comme un gosse ! Je me disais : « c’est génial, je vais jouer au moins un an en Ligue 1, je vais faire au moins un match ! ». Au bout de cette année, je savais que le plus dur, ça allait être de confirmer. Le plus dur, ce n’est pas de jouer en Ligue 1. C’est d’y rester. Chaque saison, j’ai gardé ça en tête : « il faut que tu fasses une bonne saison si tu veux rester en Ligue 1 ». 

Et à Caen, tu as fait des bonnes saisons.

On n’a pas mal souffert, mais cela a été positif dans le sens où on s’est maintenu. Ça a été très dur, on a bien souffert ensemble. Ce qui est beau dans le foot, c’est aussi de pouvoir souffrir en équipe. Et je me rappelle : à Caen, on a beaucoup souffert. Énormément. Les supporters et les dirigeants aussi. On savait que ça allait être compliqué en Ligue 1. 

Il y a quand même eu une belle saison…

Oui, ma deuxième saison, quand il y avait Andy Delort (Caen avait fini septième en 2015-2016, ndlr). C’était énorme. On avait un jeu atypique. On n’avait pas beaucoup le ballon, mais quand on l’avait… J’aimais bien notre jeu. Il nous avait bien réussi. 

À Caen, tu avais un petit groupe sympa avec Manu Imorou, Jordan Adéoti, Dennis Appiah.

Tout le groupe était cool. Nous quatre, on était tout le temps ensemble. D’ailleurs, on nous appelait les quatre fantastiques. Tous les matchs de Ligue des Champions, on allait les voir ensemble dans un restaurant à Caen. On avait nos rituels. C’était l’ambiance que j’adorais. On est toujours en contact. Ce sont des gars qui resteront des amis.

Caen gardera une place à part dans ton parcours ?

Oui. C’est très particulier pour moi, Caen. J’ai très envie de revenir dans la ville, de revoir le stade… J’adorais le stade. Quand je jouais à Caen, je n’étais plus moi. Je me sentais tellement bien dans ce stade-là ! Je sentais que les gens étaient derrière nous. J’ai vraiment de très, très bons souvenirs. Le stade était quasiment toujours plein. Et j’aimais aussi la ville. 

Damien Da Silva a été la pierre angulaire de la défense caennaise cette saison.
Damien Da Silva a été la pierre angulaire de la défense caennaise cette saison. ©Liberté

Les supporters t’appréciaient. Tu ressemblais à l’identité du club. Ce sentiment de symbiose doit être agréable.

Beaucoup de supporters aiment le joueur qui va se battre et tout donner. Pour moi, c’est le minimum que tu puisses faire. Après, il y a bien évidemment plusieurs styles de joueur. Mais quand tu joues le maintien, si tu ne veux pas te battre, il faut que tu ailles dans un autre club ou en Ligue 2.

Est-ce que tu continues de suivre le Stade Malherbe ?

Bien sûr. Je suis supporter de Caen en Ligue 2. Ils ont fait plutôt une belle saison, même si je n’ai pas vu tous les matchs. J’espère qu’ils vont monter, même si on sait que c’est très dur. 

« Quand un copain marque, tu ressens un truc »

Resteras-tu dans le foot après ta carrière ?

J’ai souvent dit que j’allais quitter ce milieu après ma carrière. On n’a qu’une vie, il faut voir autre chose. Mais petit à petit, je me dis : « on ne sait jamais ». Tout va dépendre des personnes avec qui je vais travailler. J’y réfléchis doucement.

D’autres choses te font-elles envie ?

Je pense que j’aurai la même approche dans ma vie future qu’au cours de ma carrière. Je verrai au jour le jour. J’ai la chance, entre guillemets, de pouvoir choisir les choses que je voudrais faire. C’est une chance que tout le monde n’a pas. D’autres milieux m’intéressent. L’immobilier, l’architecture, la construction, j’adore. Je suis curieux d’un peu de tout. Peut-être que j’aurai l’opportunité dans un domaine et que je me dirai : « allez, on va voir comment ça se passe ». 

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Le côté humain, c’est ce que tu retiendras dans le foot ? 

C’est ce qui m’a créé le plus d’émotions. Quand un bon mec marque un but, par exemple, c’est comme si tu avais marqué. Tu ressens un truc. Dans le football, on a la chance de pouvoir vivre des émotions énormes – et c’est ce qui me manquera le plus, d’ailleurs. C’est décuplé quand c’est avec des mecs avec qui tu t’entends bien. C’est un sentiment vraiment très fort. 

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