Les crabiers du Saint-Laurent dépendent d’un marché américain saturé, selon une étude de l’IRÉC

Quelque 93% du crabe capturé sur la Côte-Nord est exporté aux États-Unis. (Photo Archive Jean St-Pierre, Macotenord.com)

En chute de 67,5% entre 2022 et 2023, le prix versé par les usines aux pêcheurs de la Côte-Nord n’est pas appelé à se redresser ce printemps. Une étude publiée ce lundi matin par l’Institut de recherche en économie contemporaine conclut que le marché américain, qui constitue 93 % des exportations du crabe du Saint-Laurent, est saturé.

La rentabilité des crabiers apparaît de nouveau compromise en 2024 pour les zones de pêche où il y aura des baisses de quotas, selon l’étude de l’IRÉC. En 2023, le marché japonais s’est vu inondé de produits russes bon marché, privant l’industrie de l’est du Canada d’un grand acheteur potentiel.

Conjoncture inquiétante

Ajusté à l’inflation, le prix au débarquement observé l’an dernier s’approche d’un creux qui n’avait pas été atteint depuis plus de 12 ans. Il replonge les crabiers québécois dans une situation similaire à la stagnation vécue entre 2005 et 2010, atteste le chercheur Gabriel Bourgault-Faucher.

Entrevue avec Gabriel Bourgault-Faucher, chercheur IRÉC

L’étude de l’IRÉC constate que dans sa structure même, l’économie du crabe des neiges a toujours vogué au gré des conjonctures, et aux dépens de ses pêcheurs et de ses transformateurs. Cette pêcherie, dépendante des marchés d’exportation, n’a que peu d’emprise sur les contextes économique et écologique global dans lesquels elle se place.

Plan conjoint zone 16

Même les outils de négociation collective des conditions de mise en marché, dont se dotent certains pêcheurs afin de bénéficier d’une certaine stabilité et prévisibilité dans les prix au débarquement, ne parviennent plus à jouer leur rôle. C’est le cas du plan conjoint des crabiers de la zone 16, entre Pointe-des-Monts à Natashquan sur la Côte-Nord.

En avril 2023, la Cour supérieure du Québec tranchait en faveur des crabiers afin de faire respecter le prix fixé par la convention de mise en marché. Les transformateurs, captifs des conditions du marché de Boston, sont parvenus à faire plier les pêcheurs pour qu’ils acceptent un prix inférieur, analogue à celui en vigueur dans les autres zones de pêche du Québec maritime.

Premiers débarquements

Le poids de la concurrence étrangère semble donc l’emporter sur tout mécanisme institutionnel dont disposent les pêcheurs pour encadrer les forces du marché et assurer la viabilité de leurs entreprises, conclut l’IRÉC.

Les premiers débarquements de crabe des neiges ont été effectués hier à Baie-Comeau et en Haute-Côte-Nord. Les pêcheurs de la vaste zone 16 sont autorisés à prendre la mer dans moins d’une semaine, mais un échec de la négociation sur le prix versé en 2024 par les usines de transformation pourrait retarder la saison.