Il avait la voix douce et le rock plutôt tranquille, alors c’est sans doute sans faire grand bruit que Jean-Louis Murat est allé frapper à la porte de l’au-delà. L’assez discret auteur-compositeur-interprète français né Jean-Louis Bergheaud est mort jeudi à l’âge de 71 ans.

Murat a publié 21 albums en près de quatre décennies. Son premier, Passions privées, est paru en 1984, mais c’est avec Cheyenne Autumn, lancé cinq ans plus tard, qu’il s’est fait connaître du grand public. Entre autres pour les chansons Si je devais manquer de toi et Te garder près de moi, qui ont mis la table pour Regrets, chantée en duo avec nulle autre que Mylène Farmer. Une association qui semble incongrue tant les manières de l’un et de l’autre sont opposées.

Grand sentimental, Jean-Louis Murat a toujours manifesté son attachement pour un rock doux, aux arrangements soignés souvent inspirés du folk, du country et même du blues des États-Unis. Jim, titre qui ouvre son album Mustango, est d’ailleurs inspiré par l’écrivain Jim Harrison, auteur entre autres de Légendes d’automnes, dont les récits se déroulent souvent dans les grands espaces américains.

Mustango (1999) demeure l’un des jalons de sa discographie, dont l’un des sommets restera son album Dolorès, publié en 1996. Fort Alamo, qui ouvre ce disque, est typique de la manière Murat : un ton empreint de nonchalance, une finesse dans la parole et une élégance dans la mise en scène. Et si sa manière restait assez classique, il ne rechignait pas à explorer avec des sonorités synthétiques comme on peut l’entendre dans Perce neige, l’une de ses nombreuses chansons où il est question de désir.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Spectacle de Jean-Louis Murat à L’Astral, en 2010

Au Québec

Murat, au Québec, n’a jamais vraiment fait courir les foules, même s’il est venu en spectacles à quelques reprises au fil des ans. Il a connu ses heures de gloire chez nous entre ses albums Le manteau de pluie (1991) et Le moujik et sa femme (2002), disque sur lequel on retrouve notamment des titres comme assez folk-pop comme L’amour qui passe et L’au-delà.

Mi-poète mi-cowboy imaginaire, le faiseur de chansons était aussi une espèce de rockeur littéraire, qui a aussi repris Ferré mettant en musique Baudelaire (Charles et Léo).

Sa disparition laissera un vide dans le champ gauche de la chanson française et dans le cœur de ceux qui s’étaient attachés à sa voix traînante et à ses groove doux.

Par un curieux hasard, le tout premier recueil de ses plus grands succès doit paraître ce vendredi, alors qu’il avait longtemps refusé de voir son œuvre — qui compte aussi quantité d’enregistrements en spectacle, de projets littéraires et de musiques de film — résumée en une compilation.

Jean-Louis Murat venait d’achever sa dernière tournée, le 19 mai, en appui à son dernier album, La vraie vie de Buck John, qui a été lancé en 2021. Cet artiste farouchement indépendant est mort chez lui, en Auvergne, sa région natale, à laquelle il était resté attaché. En sa mémoire, on réécoutera Nu dans la crevasse, morceau de bravoure d’une durée de 10 minutes coiffé d’un poignant chœur empreint de soul et de l’idée du gospel.

Avec Pierre-Marc Durivage, La Presse