Décès de Jean-Louis Murat : toi l’Auvergnat, elle est à toi cette chanson
Cela fait 40 ans que Jean-Louis Bergheaud, dit Murat, publiait des albums à un rythme soutenu. Après deux albums EMI passés inaperçus en 1982 et 1984, il connaîtra le succès cinq ans plus tard avec l’album Cheyenne Autumn et en particulier le titre Si je devais manquer de toi. C’est à ce moment-là que nous faisons connaissance avec l’homme aux yeux clairs et au franc-parler. Pour les télévisions, Jean-Louis devient le bougon de service, le Jean-Pierre Bacri de la chanson, le râleur s’en prenant à tout ce qui l’énervait : les modes, les inepties, le superficiel, l’esprit parisien.
Celui qui n’a jamais voulu quitter son Auvergne natale, chantant les grands espaces sauvages qui l’entouraient et l’amour impossible, n’était pas du tout comme ça dans la vraie vie. Chaque fois que nous l’avons rencontré pour la quasi-totalité de ses 20 albums, c’était un vrai plaisir tellement l’homme était drôle et cultivé. Oui, il pouvait se montrer parfois dur et cruel mais c’était là son humour et son intelligence : il savait donner aux médias ce qu’on attendait de lui. Ce jeu de massacre en règle cachait surtout une grande sensibilité. Il n’y avait pas homme plus cultivé et plus attaché à sa terre que Jean-Louis. Ses valeurs étaient celles des hommes sensés, simples et pas du tout prétentieux.
Le blues des désespérés
L’artiste avait en lui le blues des désespérés. Ses chansons rendant hommage à la plus belle des poésies chansonnières étaient comme une longue symphonie existentielle. Il chantait son mal-être et son désespoir avec un désenchantement on ne peut plus raffiné. Son blues avait l’allure de la grande tradition country à la française.
Son influence, c’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’il l’a trouvée, se transformant de plus en plus en un Neil Young blanchi sous le harnais. Murat n’était pas un homme à tubes (même si le hasard veut qu’un Best Of paraisse ce vendredi). Mais bien à grands albums d’une musicalité jamais prise en défaut : Le manteau de pluie, Dolorès, Mustango, Le Moujik et sa femme, Lilith, Grand Lièvre, Toboggan, Babel… jusqu’au dernier La vraie vie de Buck John paru en 2021. Autant de chefs-d’œuvre de la grande chanson française aux allures rock.
Sur scène, Jean-Louis pouvait s’énerver (comme c’est arrivé une fois à l’AB), renvoyer ses musiciens parce que le son l’insupportait et continuer seul son set. Il pouvait aussi être très drôle, tendre et passionnant. On l’aimait parce qu’il était différent, refusant de suivre la horde d’opportunistes courant les couloirs et plateaux parisiens pour faire le beau. Jean-Louis était un vrai, dans la lignée des Brassens et Ferré. On était tellement habitué de le retrouver pratiquement tous les ans qu’il va d’autant plus nous manquer. Ciao l’ami ! Et merci pour tout…