Qatar 2022: Bernard Challandes: «La meilleure Suisse de tous les temps» - lematin.ch

Qatar 2022: Bernard Challandes: «La meilleure Suisse de tous les temps»

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Qatar 2022Bernard Challandes: «La meilleure Suisse de tous les temps»

Le technicien neuchâtelois décortique le parcours de l’équipe nationale et se projette dans le choc face au Portugal. Il évoque notamment la qualité des relations humaines au sein du groupe.

Nicolas Jacquier
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Nicolas Jacquier
Pour Bernard Challandes, la Suisse de 2022 s’impose déjà comme la plus forte de tous les temps.

Pour Bernard Challandes, la Suisse de 2022 s’impose déjà comme la plus forte de tous les temps. 

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Bernard Challandes, quel regard portez-vous sur la qualification suisse?

La Suisse a abordé ses trois matches de poule de manière différente, chacune très intéressante. Elle a d’abord bien su gérer l’équilibre défense/attaque contre le Cameroun. Elle a ensuite livré une prestation défensive très aboutie contre le Brésil, en parvenant à contenir la vague jaune pendant 83 minutes. Contre les Serbes, on l’a vue davantage jouer. Mais si la Suisse s’est lâchée, c’est aussi parce que son adversaire lui a permis de se lâcher. La défense serbe, ce n’est quand même pas celle du Brésil!

«Par le passé, il manquait toujours quelque chose pour être complet. Cette fois, pour la première fois, on a tout»

Bernard Challandes

On a le sentiment que la Suisse a franchi un palier, qu’elle s’est désormais affranchie de ses propres craintes. C’est aussi votre avis?

C’est en tout cas une véritable équipe, portée par un groupe qui vit très bien ensemble, avec une hiérarchie acceptée. Les leaders font leur job, sans marcher sur les autres. C’est une équipe humaine qui possède de belles ressources. On sent du respect les uns envers les autres. Personne ne fanfaronne mais tout le monde est conscient de ses forces. C’est incontestablement la meilleure équipe de Suisse de tous les temps.

À quel niveau?

Mais à tous les niveaux! Alors qu’il reste les meilleures équipes du monde, la Suisse en fait partie. Parce qu’elle dispose de véritables qualités footballistiques, elle nous donne envie de la soutenir. Excepté Shaqiri, la majorité des joueurs évoluent dans les plus grandes ligues, que ce soit en Angleterre, en Italie ou en Allemagne. On produit aussi du jeu, ce qui n’était pas toujours le cas par le passé. On a connu l’époque des guerriers, l’organisation tactique à la Hodgson, etc. Mais avant, il manquait toujours quelque chose pour être complet. Cette fois, pour la première fois, on a tout. On a le mental, la sérénité, la technique, on sait être créatif et mettre de la folie quand il le faut, les joueurs ne sont jamais empruntés tactiquement. Dans ce Mondial, les très bonnes équipes sont celles qui possèdent de bons côtés. Or avec Rodriguez et Widmer, on a de très bons couloirs. À chaque match, nos latéraux, par la qualité de leurs centres, amènent des occasions de marquer qui se transforment souvent en but.

«On sent qu’il existe un potentiel bien sûr énorme. Mais on n’a pas l’impression que le Portugal forme une vraie équipe»

Bernard Challandes

À l’inverse, que vous inspire le parcours du Portugal jusqu’ici?

Il est en demi-teinte. On sent qu’il existe un potentiel évidemment énorme. Mais on n’a pas l’impression que le Portugal forme une vraie équipe. Contrairement à l’Espagne où tout le monde interprète la même partition, on sent des dissonances dans l’orchestre. Collectivement parlant, ce n’est pas encore ça. L’équipe vit beaucoup sur le talent individuel.

Le changement de formule, avec le début des matches couperet, peut-il changer la donne?

Le Portugal ne fait pas mystère de son objectif. Dès l’instant où elle se retrouve sur des rails, c’est une équipe capable de se focaliser sur l’événement. Jusqu’à présent, c’est vrai, le Portugal ne respirait pas une immense sérénité. Ça discute beaucoup de l’entraîneur… On assiste à un changement générationnel. Les anciens sont toujours là mais les jeunes poussent déjà.

Xherdan Shaqiri dans ses œuvres contre la Serbie. «On a besoin de joueurs comme lui. Quand il faut frapper, il frappe et ça ne part pas dans les nuages», estime le Neuchâtelois.

Xherdan Shaqiri dans ses œuvres contre la Serbie. «On a besoin de joueurs comme lui. Quand il faut frapper, il frappe et ça ne part pas dans les nuages», estime le Neuchâtelois.

AFP

Le Portugal aux yeux du grand public, c’est d’abord Cristiano Ronaldo…

Mais aussi extraordinaire soit-il, il n’y a pas que lui. Ce serait dangereux de réduire le Portugal au seul Ronaldo. Le danger est multiple. Mais on possède les défenseurs susceptibles de donner une bonne réplique. Il faudra gérer ça en équipe, collectivement. C’est ce que la Suisse sait faire de mieux.

Dans son genre, Shaqiri n’est-il pas notre Ronaldo?

Xherdan a incontestablement lui aussi quelque chose en plus. On a besoin de joueurs comme lui. Quand il faut frapper, il frappe et ça ne part pas dans les nuages. Il voit clair, il lit le jeu, c’est bien plus qu’un petit taurillon, rôle dans lequel on l’a parfois cantonné à tort.

«La Suisse championne du monde? Pourquoi pas! […]»

Bernard Challandes

S’il fallait désigner un favori pour le rendez-vous de mardi soir…

Malgré tout, cela ne peut être que le Portugal, c’est indéniable. La Suisse avait certes remporté le dernier affrontement en Ligue des nations (ndlr: 1-0 le 12 juin dernier à Genève) mais souvenons-nous du 4-0 encaissé ce même printemps à Lisbonne à l’aller. Ce soir-là, on n’avait pas existé.

Six mois plus tard, la Suisse peut-elle devenir championne du monde?

Pourquoi pas? C’est la magie du foot que de nous offrir de pareilles épopées. Les Grecs avaient bien été couronnés champions d’Europe en 2004. À partir des huitièmes, tout est concevable, tout devient possible. Aujourd’hui, on sent naître une euphorie, avec la volonté de ne pas en rester là. Sans tomber dans l’excès de confiance, la Suisse possède cette assurance qui lui permet de prendre des risques. Mais allons-y marche après marche, case après case. En aucun cas, je ne mettrais le titre mondial comme objectif pour la Suisse, je le mettrais comme un rêve.

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