Valle de los Caídos

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Valle de Cuelgamuros
Présentation
Type
Architecte
Pedro Muguruza
Diego Méndez, sculpteur Juan de Àvalos
Construction
Ouverture
Hauteur
152,4 mVoir et modifier les données sur Wikidata
Propriétaire
Patrimonialité
Red List of Endangered Heritage item (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Site web
Localisation
Pays
Communauté autonome
Commune
Emplacement
Valle de Cuelgamuros (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Coordonnées
Carte

El Valle de Cuelgamuros, précédemment Valle de los Caídos[1], est un monument espagnol de l’époque franquiste, situé dans la vallée de Cuelgamuros (Sierra de Guadarrama), sur la commune de San Lorenzo de El Escorial dans la Communauté autonome de Madrid, à moins de 50 km au nord-ouest de la capitale espagnole.

La construction du monument, qui regroupe une basilique catholique, une abbaye et une croix haute de 150 mètres[2], fut ordonnée par le dictateur espagnol Francisco Franco en 1940. L'édification, menée entre 1940 et 1959, fut l'œuvre de quelque 20 000 prisonniers politiques républicains condamnés aux travaux forcés[3],[4].

Par la suite, en 1958, le Caudillo décida d'en faire un mausolée pour l'ensemble des combattants morts de la guerre civile y compris les combattants républicains, pourvu qu'ils fussent catholiques.[réf. nécessaire].

Les restes de 33 833 personnes sont disséminés dans le monument[5], jusque dans les fondations[6],[7]. La sépulture de Francisco Franco, enterrée dans la crypte depuis 1975, fut exhumée le 24 octobre 2019 pour sa relocalisation au cimetière de Mingorrubio d'El Pardo. Celle de José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Phalange espagnole, demeure également dans la crypte. Son exhumation et postérieure relocalisation a été décrétée le 20 avril 2023[8].

Construction[modifier | modifier le code]

Dirigée par les architectes Pedro Muguruza et Diego Méndez, la construction de la basilique, au cœur de la Castille, au nord-ouest de Madrid, à quelques kilomètres de l'Escurial dans la vallée de Cuelgamuros, commence en 1942. L'inauguration a lieu, en présence du général Franco, le .

Cet hommage fait aux morts de la guerre civile est édifié officiellement pour réconcilier républicains et franquistes, en permettant à toutes les régions d'Espagne d'envoyer les dépouilles qui allaient se retrouver privées de sépulture, dix ans après leur inhumation[réf. nécessaire]. En effet, à cause d'un décret encore en vigueur, la sépulture d'origine ne pouvait être utilisée indéfiniment sans donner lieu à un transfert des restes vers une fosse commune ou un caveau pour les plus aisés. C'est pourquoi, par ordre ministériel daté du , ladite basilique entend offrir une demeure éternelle à des Espagnols morts, ayant été baptisés et dont les proches en ont fait la demande. Selon le décret-loi du , 33 000 corps peuvent désormais y reposer sans distinction sociale ou politique et ce en dépit de l'opposition du jésuite P. Guerrero. Celui-ci réclame en , dans un article de la Razón y Fe, que le repos éternel soit accordé aux seuls morts de son camp.

En dépit des donations privées pour 234 450 574 pesetas[réf. nécessaire], les retards dans sa construction donnent lieu à des réévaluations du budget, obligeant les autorités publiques à solliciter d'autres types de financement comme les bénéfices de la loterie annuelle du et diverses manifestations de charité. Contrairement à certains projets moins solennels, les contribuables espagnols, eux, ne participent pas.

Excepté les condamnés à perpétuité, qui voient leurs peines commuées à 30 ans, les autres volontaires obtiennent deux jours de réduction pour un jour travaillé. Sur un total de 2 643 ouvriers, 243 seulement sont concernés par la proposition de réduction des peines. Celle-ci est mise en place pendant les premières années et ensuite abandonnée par manque de volontaires spécialisés.[réf. nécessaire]

Parmi eux, se trouvent l'écrivain Manuel Lamana et Nicolas Sánchez Albornoz, deux étudiants, condamnés aux travaux forcés pour avoir tracé des graffiti sur les murs de l'université en 1948, qui réussissent par la suite à s'enfuir et dont l'histoire est racontée dans le film Los años bárbaros de Fernando Colomo en 1998. Selon les chiffres officiels, entre 14 et 18 personnes au total sont mortes dans ce chantier situé en pleine montagne.[réf. nécessaire]

Le monument, créé sous le patronage d'une fondation du chef de l'État, est placé sous la surveillance du patrimoine national par un décret du . Depuis 1982, il dépend administrativement du nouvel organisme chargé de la gestion des biens culturels.

Architecture[modifier | modifier le code]

Tombe du Général Franco jusqu'au 24 octobre 2019.

Un escalier monumental mène à l'entrée du complexe, qui comprend également un monastère bénédictin depuis le . Les quinze mystères du rosaire sont représentés sur la massive porte d'entrée en bronze de 10 m de hauteur, et juste en dessous, les douze apôtres. L'ensemble a été réalisé en 1956 par le sculpteur Fernando Cruz Solis.

Dès l'entrée de la basilique, un panneau en marbre indique que « Francisco Franco, Caudillo de España », a inauguré le monument le et que le pape Jean XXIII l’a érigé en basilique le .

La principale particularité architecturale de la basilique est d'avoir été creusée sous une colline de la Sierra de Guadarrama. La longueur totale de la crypte est de 262 mètres sous terre. Le long tunnel (axe d'entrée) qui mène à la croisée et au transept se divise en plusieurs parties. La première partie comprend l'accès avec vestibule (long de 11 mètres), le second vestibule et un espace intermédiaire, alors que la deuxième partie est la nef haute et large de 22 m avec de chaque côté trois chapelles. Un dernier tronçon mène à la croisée et au transept (long de 41 m). Quatre grands personnages disposés de chaque côté de ce dernier tronçon et vêtus comme les pleureurs du Moyen Âge rappellent le caractère de mausolée du transept. Ces allégories représentent respectivement l'armée de terre, de l'air, la marine et les milices. De chaque côté de la croisée sont situées la chapelle du Saint Sacrement et celle de la Sainte Mise au Tombeau. La Sacristie jouxte ces deux chapelles alors que les sépultures de Primo de Rivera et du général Franco sont situées de part et d'autre de la croisée, l'une tournée vers l'axe d'entrée et l'autre vers le chœur des moines.

Croix[modifier | modifier le code]

La croix et ses statues.

Une croix de pierre de 150 mètres de haut, la plus grande du monde, surmonte la montagne [9]. Construite entre 1950 et 1956, elle est située au-dessus-même de la croisée. Huit statues monumentales sont représentées aux quatre coins de sa base (les quatre évangélistes et les quatre vertus cardinales).

Un monument symbolique[modifier | modifier le code]

« Tombés pour Dieu et l'Espagne ».

Les sépultures de José Antonio Primo de Rivera (du au ) et de Franco (de jusqu'au , date de son exhumation) sont situées au pied de l'autel, du côté de la nef. Les ossuaires réunissent également les dépouilles de 33 872 combattants inhumés anonymement dans des ossuaires[réf. nécessaire]. Outre ses aspects figuratifs, l'ensemble architectural était doté d'une fonction idéologique : en rassemblant des morts des deux camps, Franco développait ainsi la rhétorique mystique et nationaliste caractéristique du franquisme tout en cherchant à imposer un symbole d'unité nationale[réf. nécessaire]. Mais comme Javier Martín Artajo se le demandait dans Ya daté du , « sera-t-il possible que les efforts des uns et des autres permettent aux morts ou aux vivants d'un bord et de l'autre, voire du milieu, de retrouver l'apaisement que suppose un pareil monument ? ».

Tous les , une Sainte Messe au Caudillo y est célébrée dans le cadre des célébrations au général Franco. Y sont célébrées l'œuvre de Franco lorsqu'il dirigeait l'Espagne et les valeurs franquistes (l'ordre, le catholicisme, la tradition et la patrie).

Le chercheur Francisco Ferrándiz du CSIC décrit le monument comme « une tranchée franquiste protégée par l'extrême-droite[10] ».

Polémiques[modifier | modifier le code]

Une première polémique eut lieu le quand le journal de centre-gauche El País publia les protestations de ceux qui entendaient s'opposer aux exhumations de Franco et Primo de Rivera. Joaquín Leguina qualifia un pareil projet « d'absurde et d'arbitraire », ajoutant « ils font partie de notre Histoire, laissons-les en paix ».[réf. nécessaire]

En 2005, le monument a été au centre d'une polémique quand les formations politiques de gauche alliées dans la coalition du premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero ont demandé la fermeture sinon la réhabilitation du mémorial, faisant part de leur souhait que la tombe du dictateur et celle du dirigeant phalangiste José Antonio Primo de Rivera soient transférées vers des cimetières privés.[réf. nécessaire]

En visite officielle en Espagne en , le président russe Vladimir Poutine a effectué un parallèle inattendu entre le lieu abritant la dépouille du général Franco (lieu qu'il avait visité lors d'une visite privée dans les années 1990) et le mausolée qui expose celle de Lénine à Moscou, conservé « pour éviter de semer la division dans la société ». S'opposant à tout parallèle entre les deux régimes, il faisait remarquer que si la personnalité de Franco était controversée, il avait été enterré dans un Panthéon avec tous les honneurs, et que les Russes n'avaient pas moins souffert que les Espagnols pendant leur propre guerre civile.[réf. nécessaire]

Une recommandation du Conseil de l'Europe de , condamnant « avec fermeté les multiples et graves violations des droits de l'homme commises en Espagne par le régime franquiste de 1939 à 1975 », demande que soit mise en place une exposition permanente et pédagogique sur le franquisme, rappelant les souffrances des prisonniers républicains sous le régime et, en particulier, « expliquant comment elle [la Basilique] a été construite par des prisonniers républicains ». La polémique existe en effet, puisque chacun d'eux obtenait un jour de réduction de peine pour deux jours travaillés[11].

En , le gouvernement a demandé et obtenu de la Fondation Francisco Franco que la cérémonie religieuse traditionnelle en l'honneur des morts de la guerre civile ne mentionne plus explicitement le Caudillo ni le fondateur de la phalange, Primo de Rivera, et que tous les insignes politiques et drapeaux de l'époque franquiste restent en dehors de la basilique[12]. Cette démarche eut lieu dans le cadre du projet de loi mémorielle déposé par le gouvernement Zapatero visant à retirer les symboles du régime franquiste des frontons des établissements publics appartenant à l’État espagnol.

Le , le Congrès des députés adopte une résolution fondée sur la loi sur la mémoire historique demandant au gouvernement que les dépouilles de Francisco Franco et de José Antonio Primo de Rivera soient exhumées de la basilique et déplacées vers un endroit du site moins en vue. Le gouvernement n'avait toutefois pas l'obligation de faire suite à cette demande[13]. En , le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez annonce vouloir transférer la dépouille de Francisco Franco vers un autre endroit[14], conformément à sa décision antérieure de faire du mausolée un monument dédié à « la reconnaissance et à la mémoire de tous les Espagnols[15] ». Le , le gouvernement espagnol adopte un décret qui établit que la dépouille de Franco devra être exhumée avant la fin de 2018[16]. Le , la Cour Suprême espagnole autorise l'exhumation du corps de Franco, afin que celui-ci soit inhumé dans le cimetière du Pardo[17], ce qui a été fait le .

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jefatura del Estado, Ley 20/2022, de 19 de octubre, de Memoria Democrática, (lire en ligne), p. 142367–142421
  2. « Sta. Cruz Del Valle de Los Caídos. Guía Turística | PDF | Religión y creencia », sur Scribd (consulté le )
  3. (es) « La historia no deformada del Valle de los Caídos », sur www.larazon.es, (consulté le )
  4. (es) « No, los presos del Valle de los Caídos no eran voluntarios: los datos que desmienten al prior Santiago Cantera », sur www.lasexta.com, (consulté le )
  5. « Estos son los otros muertos del Valle de los Caídos », sur web.archive.org, (consulté le )
  6. (es) Natalia Junquera et El País, « Fotos: Así están las tumbas del Valle de los Caídos por dentro », El País,‎ (ISSN 1134-6582, lire en ligne, consulté le )
  7. (es) Francisco Ferrándiz, « Guerras sin fin: guía para descifrar el Valle de los Caídos en la España contemporánea », Política y Sociedad, vol. 48, no 3,‎ , p. 481–500 (ISSN 1988-3129, DOI 10.5209/rev_POSO.2011.v48.n3.36425, lire en ligne, consulté le )
  8. (es) elDiario.es, « Primo de Rivera será exhumado el lunes en cumplimiento de la Ley de Memoria Democrática », sur elDiario.es, (consulté le )
  9. (en) Annie Bennett, « Inside Spain's most chilling and controversial tourist attraction », telegraph.co.uk, UK,‎ (lire en ligne)
  10. (en) Diego Torres, « Spain’s Franco plan: Bring up the body », Politico,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « APCE - Recommandation 1736 (2006) - Nécessité de condamner le franquisme au niveau international », sur assembly.coe.int (consulté le )
  12. El Valle de los Caídos quiere librarse de los 'ultras'
  13. Espagne: les députés réclament que Franco quitte son mausolée, La Libre Belgique, 11 mai 2017
  14. (en) Cat Contiguglia, « Hundreds in Spain protest transfer of Franco’s remains », Politico,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. (en) « Spain's government to remove Franco's remains from mausoleum », Reuters,‎ 18 j2018 (lire en ligne, consulté le ).
  16. « La famille de Franco s'occupera du corps du dictateur espagnol », La Libre Belgique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. [1].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (es) José Luis Sancho, Santa Cruz del Valle de los Caidos, Reales Sitios de Espana, Patrimonio Nacional, 2004
  • José Maria Gironella, Les Cyprès croient en Dieu .(2 tomes), éditions Plon, 1961
  • José Maria Gironella, Un million de morts (2 tomes), éditions Plon, 1963.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]