Étienne Pasquier, un avocat à l’éloquence herculéenne dans la République des Lettres
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Dossier : Les juristes dans la République des lettres

Étienne Pasquier, un avocat à l’éloquence herculéenne dans la République des Lettres

Baptiste Robaglia

Résumés

Cet article traite de l’identification d’Étienne Pasquier à l’éloquence civilisatrice de l’Hercule gaulois. Dans le contexte troublé du xvie siècle, le juriste-humaniste s’identifie lui-même à cette éloquence qu’il met en œuvre dans le but de participer à la civilisation entreprise par la République des Lettres. Pasquier veille ainsi à diffuser son savoir, mais aussi à civiliser les actes royaux en les confrontant à un idéal de justice. Derrière cette double acception de l’éloquence se dessine alors les traits du héros gaulois décrit par Lucien de Samosate.

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Texte intégral

  • 1 A. Valladier, Labyrinthe royal de l’Hercule gaulois triomphant […], Avignon, Bramereau, 1601.
  • 2 Ibidem, p. III.

1Dans son Labyrinthe royal de l’Hercule gaulois triomphant1, André Valladier (1565‑1638) célèbre la paix apportée par Henri IV (1553‑1610) qu’il représente sous les traits du mythique Hercule gaulois. À l’instar des douze travaux accomplis par le héros grec, le nouveau roi triomphe des troubles confessionnels qui gangrènent le royaume depuis un demi-siècle. Pourtant, l’Hercule gaulois n’est pas toujours la reprise d’une image mythique servant la propagande royale. Au contraire, le héros a d’abord été un personnage original réputé, non pour sa force, mais pour sa puissante éloquence. Si Valladier la mentionne à peine2, celle-ci connu une importante diffusion tout au long du xvie siècle.

  • 3 Lucien de Samosate, Opuscules, texte établi et traduit par J. Bompaire, Paris, Les Belles-Lettres, (...)
  • 4 Ibid., p. 61.
  • 5 A.-M. Favreau-Linder, « Lucien et le mythe d’ Ἡρακλῆς ὁ λόγος : le pouvoir civilisateur de l’élo (...)
  • 6 Ibid., p. 6.

2À l’origine, l’Hercule gaulois est une figure développée dans un des opuscules de Lucien de Samosate (120‑180)3. Lors d’un voyage en Gaule, le rhéteur grec raconte sa stupéfaction face à la peinture d’un vieil Hercule. Un « celte » lui indique que la puissance du héros n’est plus physique, mais orale4. En réalité, cette image est une création littéraire de Lucien. Elle vise à restaurer son autorité rhétorique, affaiblie par son éloignement d’Athènes5. De plus, cette représentation du héros lui permet aussi de montrer la diffusion de la culture grecque. La puissante voix du héros civilise les peuples barbares en leur délivrant le savoir grec6. Or, à la Renaissance, les traits et l’éloquence du héros répondent au renouvellement de la rhétorique commencée par les humanistes italiens du quattrocento. Dans ce prolongement, l’éloquence du héros gaulois suscite l’intérêt de nombreux auteurs, à commencer par Érasme (1466‑1536) et Thomas More (1478‑1535).

  • 7 Lucien de Samosate, […] Hercules gallicus […] Des. Erasmo Roterod. interprete. Aliquot item ex eode (...)
  • 8 I. Deligiannis, « Production et diffusion des traductions latines de Lucien à la période de la fin (...)
  • 9 A. Alciat, Emblemata [1551], traduction de P. Laurens, Paris, Les Belles Lettres, 2016, p. 194.
  • 10 G. Tory, Champfleury, Paris, Gourmont 1534, Livre I, p. 3.

3L’Hercule gaulois reste peu connu avant d’être redécouvert par Érasme. En 1521, l’humaniste de Rotterdam traduit, avec More, les opuscules de Lucien, dont l’Héraclès7. La traduction érasmienne se diffuse ensuite rapidement dans l’Europe atteignant l’Italie et la France8. André Alciat (1492‑1550) propose ainsi l’une des premières iconographies de l’Hercule gaulois dans ses Emblemata9. Dans son emblème, l’humaniste italien met en lumière la nouvelle force orale du héros de Lucien. Puis, Geoffroy Tory (1480‑1533) procède à la traduction française de la version d’Érasme dans son Champfleury10. Le héros gaulois lui sert alors d’illustration pour démontrer les qualités rhétoriques de la langue française.

  • 11 G. Budé, Annotationes […] in XXIIII pandectarum libros ad Ioannem Deganaium Franciae Cancellarium, (...)
  • 12 Idem, Le livre de l’institution au Prince, Paris, Fouher, 1547, fo. 42 vo et 43 ro.
  • 13 C. La Charité, « Henri IIIrhéteur, nouvel Hercule Gaulois », New Chapters in the history of Rhetori (...)
  • 14 M.-R. Jung, Hercule dans la littérature française du xvie siècle : de l’Hercule courtois à l’Hercul (...)

4Cette figure est ensuite reprise par Guillaume Budé (1467‑1540) dans ses Annotations aux Pandectes11, mais aussi dans son Institution au Prince12. Dans ces deux textes, l’éloquence de l’Hercule gaulois sert à montrer l’existence des qualités rhétoriques de la France par rapport à celles portées par l’Antiquité. Au même moment, une vision classique de l’Hercule est appliquée à la figure du roi de France pour célébrer sa puissance. Cependant, la propagande royale évolue, n’hésitant pas à reprendre le héros gaulois de Lucien pour illustrer l’éloquence d’Henri III13. Rapidement, la figure de l’Hercule n’est plus utilisée seulement par le pouvoir royal, mais par de nombreux humanistes afin de célébrer une rhétorique nationale14. Celle-ci occupe alors une place de plus en plus importante dans les débats pédagogiques influencés par le renouveau intellectuel des xve et xvie siècles.

  • 15 J. Delumeau, La civilisation de la Renaissance, Paris, Arthaud, 1967 ; A. Jouanna, La France de la (...)
  • 16 E. Garin, L’éducation de l’homme moderne, Paris, Fayard, 1968, p. 81.
  • 17 Id., « Le philosophe », L’homme de la Renaissance, dir. E. Garin, Paris, Seuil, 2002 [1990], p. 196
  • 18 Id., L’éducation de l’homme moderne, op. cit., p. 95.

5La Renaissance15 place l’homme au centre du monde lui donnant la capacité de rétablir sa dignité par la connaissance16. Ce mouvement se caractérise essentiellement par un retour aux sources. Il faut faire renaître le sens authentique des textes classiques pour accéder à leur antique philosophie. Pour cela, les humanistes mettent en œuvre de nouvelles méthodes nécessitant non pas un savoir unique, mais encyclopédique. L’humaniste se doit être « un homme universel de la Renaissance » pour reprendre les mots d’Eugenio Garin. L’homme de la Renaissance ne doit connaître aucune frontière des savoirs17 car c’est par leur union qu’il peut philosopher sur le monde des hommes18.

  • 19 Rabelais, Pantagruel [1532], Genève, Droz, texte établi et commenté par V. L. Saulnier, Genève, Dro (...)
  • 20 Ibid., p. 30.
  • 21 Ibid., p. 41‑48.
  • 22 Ibid., p. 44‑47.
  • 23 A. Jouanna, « Pierre de la Ramée », Dictionnaire de la France de la Renaissance, dir. A. Jouanna, D (...)
  • 24 M.-D. Couzinet, « L’encyclopédie comme programme éducatif chez Pierre Ramus : Conjonction ou réduct (...)
  • 25 Ibid. p. 73.

6De ces bouleversements sont nées de virulentes réactions contre les enseignements médiévaux. Rabelais dénonce ainsi les anciennes méthodes enfermant l’esprit humain dans un formalisme exacerbé19. Les gloses des docteurs médiévaux ne sont plus que de la « merde » sur les beaux textes des compilations de Justinien20. Contre ces traditions, Rabelais élabore un programme d’éducation humaniste à travers la voix de Gargantua21. Le géant invite son fils, le jeune Pantagruel, à acquérir un véritable savoir encyclopédique22. De même, Pierre de la Ramée (1515-1572)23 élabore un programme pédagogique conjoignant tous les arts ensemble24. Par cette méthode, Ramus souhaite donner à l’étudiant une parfaite philosophie en vue de sa participation à la vie de la cité25.

  • 26 A. Vuilleumier, « Pierre de la Ramée, Loys Le Roy : deux philosophes français au milieu du xvie siè (...)
  • 27 R. Ramis Barcelo, Petrus Ramus y el Derecho, Madrid, Dykinson, 2015, p. 129.
  • 28 J.-L. Thireau, « Loisel Antoine », Dictionnaire historique des juristes français (xiie-xxe), dir. P (...)
  • 29 B. Basdevant‑Gaudemet, « Pithou Pierre », ibid, p. 818-820.

7Ramus vise à former des citoyens capables de prendre la parole dans la cité26. S’ils peuvent discourir, c’est parce qu’ils ont appris les arts conjointement avec la rhétorique. Ils sont ainsi en mesure de déclamer un discours éloquent transmettant leur philosophie. La pensée de Ramus a influencé de nombreux juristes humanistes27 tels Antoine Loisel (1536‑1617)28, Pierre Pithou (1539‑1596)29 ou encore Étienne Pasquier (1529‑1615).

  • 30 Sur la vie d’Étienne Pasquier, une bibliographie conséquente existe : É. Pasquier, Œuvres choisies (...)
  • 31 O. Descamps, « Brisson Barnabé », Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 177‑1 (...)
  • 32 J.-L. Thireau « De Thou Christofle », ibid., p. 966‑967.
  • 33 G. Leyte, « Robert Anne », ibid, p. 880.
  • 34 M.-F. Renoux-Zagamé, « Faye Jacques », ibid, p. 421‑422.
  • 35 J. Boucher, « Harlay », Histoire et dictionnaire des guerres de Religion, op. cit., p. 961‑962.

8En 1546, Étienne Pasquier30 commence ses études de droit à Paris en écoutant les leçons publiques de François Hotman et de François Baudoin. L’année suivante, il part suivre son cursus à la faculté de droit de Toulouse où il suit les premières leçons de Jacques Cujas (1522‑1590). Il termine son cursus à Pavie et à Bologne auprès d’André Alciat et de Marianus Socin le jeune. Il revient ensuite à Paris en 1549 pour prêter son serment d’avocat devant le parlement. Au fil de sa carrière, Pasquier rencontre au Palais les grands magistrats et avocats de son temps : Barnabé Brisson (1531‑1591)31, Christophe de Thou (1508-1582)32, Antoine Loisel, Anne Robert (1559‑1617)33, Jacques Faye (1543-1590)34 ou encore Achille de Harlay (1536-1616)35. Tout au long de son activité d’homme de loi, Pasquier entretient avec ces juristes une importante correspondance.

  • 36 F. Autrand, Naissance d’un grand corps de l’État : les gens du Parlement de Paris : 1345-1454, Pari (...)
  • 37 M. Houllemare, Politique de la parole, op. cit., p. 188-190.
  • 38 Ibid., p. 189.
  • 39 La République des Lettres, dir. H. Bots et F. Waquet, Paris, Belin, 1997, p. 13.

9Ces hommes de loi forment alors une véritable communauté partageant des valeurs et des idéaux communs36. Si une hiérarchie existe entre ces robins, elle n’est aucunement rigide. Tous se rejoignent dans une mission commune : assurer la justice. À ce titre, les Lettres d’Étienne Pasquier montrent bien l’absence d’une stricte hiérarchie entre les juristes du parlement de Paris37. Ce recueil de lettres représente parfaitement cet « espace civil »38 dans lequel ces hommes de robe conversent sur leurs préoccupations communes. Ce lieu de dialogue renvoie directement au sens polysémique donné à la République des Lettres par Françoise Waquet39. Cette communauté savante peut se matérialiser dans une multiplicité d’échanges variant dans leurs formes et dans leurs fonds. Dans le cas présent, elle se caractérise dans les dialogues entre ces magistrats érudits cherchant à enrichir un savoir : la Jurisprudence.

  • 40 C. Revest, « La naissance de l’humanisme comme mouvement au tournant du xve siècle » Annales. Histo (...)

10Par la voix de l’Hercule gaulois, notre avocat entend participer à l’œuvre civilisatrice du Palais, véritable République des Lettres de son temps. Dans un royaume troublé, les hommes du parlement de Paris cherchent à civiliser le royaume en maintenant la justice. En parallèle, ils partagent et diffusent leurs savoirs dans leurs œuvres et leurs correspondances, en vue d’enrichir leur République des Lettres40. Membre de cet « espace civil », Pasquier se met en quête de participer à cette œuvre civilisatrice grâce à la puissante éloquence du héros gaulois.

  • 41 A.-M. Favreau-Linder, « Lucien… », op. cit., p. 6.
  • 42 R. Ramis Barcelo, Petrus Ramus y el Derecho, op. cit., p. 129 ; C. Magnien-Simonin, « “La forte gue (...)

11Pour définir cette éloquence érudite, nous reprenons l’image de l’Hercule gaulois de Lucien. À travers son héros, le rhéteur grec veut montrer la diffusion de la culture grecque dans la Gaule romaine41. Lucien donne ainsi une portée nouvelle à l’éloquence du héros gaulois, reprise et enrichie tout au long de la Renaissance. Chez Pasquier, le même sens est donné à cette rhétorique gauloise. Influencé par les enseignements de Ramus42, notre auteur cherche à diffuser son savoir par son éloquence. Cette transmission prend forme ainsi dans ce réseau érudit matérialisé dans ses Lettres. Abordant tout sujet, Pasquier assure le partage de ses textes et de ses idées. Cette parole épistolaire donne ainsi vie à son éloquence civilisatrice destinée à contribuer à sa République des Lettres.

  • 43 A. Ernout et A. Meillet, « Civis », Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1985 [193 (...)
  • 44 F. Gaffiot, « civilis », Le grand Gaffiot dictionnaire latin-français, Paris, Hachette, 2000 [1934] (...)
  • 45 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité : éléments pour une autre histoire », Dr (...)
  • 46 E. Huget, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, Paris, Champion, 1932, t. 2, p. 3 (...)
  • 47 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité », op. cit.

12Cette éloquence entend aussi défendre une certaine conception de la justice auprès du pouvoir royal. Pour comprendre cette action, il faut reprendre la racine du mot « civilisation » : « civilis ». L’étymologie de ce terme provient de civis qui désigne le citoyen d’une cité43. Le mot « civilis » apparaît plus tardivement renvoyant à la cité et à son droit44. À partir de ce terme, la doctrine médiévale construit progressivement la notion de « civilité »45 renvoyant au bien public, à la société46. À partir des xve et xvie siècles, cette expression est présente de manière quasi systématique dans les discours des avocats et des magistrats, avant de tomber dans l’oubli au xviie siècle47.

  • 48 É. Pasquier, Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean-Petit Pas, 1619, t. 1, Livre 2, Lettre à (...)
  • 49 F. Calasso, Introduzione al diritto commune, Milan, Guiffrè, 1970 [1951], xiii+391 p. ; E. Cortese, (...)
  • 50 A. Guzman Brito, Ratio scripta, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 1981, 160 p. ; M.-F. Renoux-Zag (...)

13Chez Pasquier, ce terme apparaît à plusieurs reprises pour qualifier et encadrer l’acte royal48 . Il s’agit de vérifier si la volonté royale est civile, autrement dit, conforme à une idée de Justice. Pour cela, il faut donc la soumettre à la « civilité de la loi ». Derrière cette notion de « civilité », il faut entendre le sens porté par le ius civile dans la doctrine du ius commune49. Il ne s’agit pas du droit romain en tant que tel, mais plutôt de ses qualités intrinsèques de justice naturelle50. Ainsi, soumettre la volonté royale à la « civilité de la loi », c’est rechercher à la mettre en conformité avec une certaine idée du juste portée par le ius civile. Or, dans plusieurs de ses plaidoiries, Pasquier vise justement à civiliser l’acte du roi pour mieux lui démontrer l’incivilité de sa volonté.

14Cette éloquence civilisatrice se manifeste dans différents discours de Pasquier. Nous voulons ainsi la saisir à travers une approche interdisciplinaire permettant de mieux saisir la qualité de juriste humaniste de notre auteur. En effet, cette éloquence prend d’abord forme à travers les traits de l’Hercule gaulois, représentation héroïque de l’orateur dans ses Lettres, ses Recherches et ses Jeus poetiques. Notre auteur explique également les fondements de cette première forme dans ses discours épistolaires et juridique dans le but de la mobiliser devant les cours souveraines. Face à la multiplicité de ces manifestations, nous avons donc resserré notre recherche à un corpus de sources précis.

  • 51 C. Magnien, Étienne Pasquier (1529-1615) et l’édition de ses œuvres, Szeged Scriptum, 1999, p. 23.
  • 52 É. Pasquier, Les œuvres d’Estienne Pasquier, contenant ses recherches de la France […] Ses lettres  (...)
  • 53 C. Magnien, Étienne Pasquier épistolier, thèse d’habilitation à diriger des recherches, Paris IV, 1 (...)

15Le premier élément de notre corpus est la dernière édition du recueil des Lettres d’Estienne Pasquier publié en 1619. Parue initialement en 1586, Les Lettres comprennent alors dix livres reprenant la correspondance des années 1550 à 1586. Il faut attendre ensuite 1615, soit la veille de la mort de Pasquier pour le voir demander à ses enfants d’augmenter son œuvre de douze nouveaux livres51. L’édition augmentée ne paraît ensuite qu’en 1619, avant d’être reprise pour l’ultime édition des œuvres de Pasquier en 172352. La similarité des sources peut ainsi autoriser le chercheur à se fonder sur les deux textes. Cependant, nous préférons la source de 1619 pour sa proximité avec la volonté de l’auteur. En effet, il s’agit, pour reprendre la pensée de Catherine Magnien, de rester au plus proche des mots, de la ponctuation et de la construction voulue par Pasquier53.

  • 54 É. Pasquier, Les Recherches de la France, Paris, Louis Billaine, 1665, p. 397.
  • 55 Id., Les Recherches de la France [1665], édition critique dirigée par M.‑M. Fragonard et F. Roudaut (...)

16Autre source, nous retenons Les Recherches de la France, œuvre emblématique de Pasquier. Celui-ci a écrit et enrichi ses Recherches tout au long de sa vie, de 1560 à 1621. La dernière édition augmentée paraît en 1621, incorporant les ultimes manuscrits de Pasquier. Si cette édition apparaît être le résultat des dernières recherches de Pasquier, le texte de 1665 propose une interprétation aux derniers manuscrits collationnés. En effet, l’éditeur prend la décision de transférer les chapitres du dixième livre dans le cinquième en raison de leur thématique commune sur l’histoire mérovingienne54. Son but est ainsi de proposer une vision aboutie du travail de Pasquier, non accompli donc par le précédent éditeur. C’est justement sur le fondement de ce texte que François Roudaut et Marie-Madeleine Fragonard ont établi l’édition critique du texte des Recherches55. Leur immense travail permet de guider le lecteur au travers des innombrables références historiques, littéraires, philosophiques, théologiques ou encore juridiques.

  • 56 Id., Interprétation des Institutes de Justinian, Paris, Videcoq, 1847.
  • 57 Ibid., p. xcviii-xcix.

17L’Interprétation des Institutes de Justinian est aussi une des sources clefs de notre corpus. Restée manuscrite jusqu’en 1847, ce texte ressort de l’oubli grâce au chancelier Étienne‑Denis Pasquier, descendant lointain de notre Pasquier56. Initialement, il s’agit de leçons dictées par notre auteur à ses petits-enfants et au mari de l’une de ses petites-filles : Jacques Favereau. Charles Giraud reçoit ainsi pour mission d’éditer cet inédit de Pasquier à partir des quatre manuscrits existants57. Il s’agit aujourd’hui de la dernière édition parue, proposant un appareil critique utile pour la compréhension des références mobilisés par Pasquier.

  • 58 Id., La jeunesse d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1610.
  • 59 Id., Les jeus poetiques, édition critique de J‑P. Dupouy, Paris, Champion, 2001.

18Enfin, les Jeus poetiques sont les dernières pièces de notre corpus. Il s’agit d’un recueil de vers incorporé dans la Jeunesse d’Estienne Pasquier parue en 161058. Ce recueil comprend principalement des vers écrits dans la jeunesse de Pasquier. L’originalité de ce texte réside dans sa structure. En effet, notre auteur réorganise ses vers en cinq parties faisant référence aux périodes de la vie amoureuse. Cet encadrement narratif enrichit ainsi le sens initial des vers anciens et nouveaux. Pour celui-ci, nous reprenons les travaux de Jean‑Pierre Dupouy qui a mené une édition critique de ce texte permettant de comprendre la construction poétique de Pasquier59.

  • 60 Papillon, Étienne Pasquier (1529-1615), avocat général à la Chambre des comptes de Paris 1605, Pari (...)
  • 61 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295-296.
  • 62 Id., Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1619, t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien T (...)
  • 63 Ibid., t. 2, Livre 19, Lettre à Antoine Loisel, p. 474-477.
  • 64 Id., Les Recherches, op. cit., t. 3, Livre 9, chapitre 1, p. 1710.

19Dans ces quatre œuvres, nous interrogeons toutes les identifications d’Étienne Pasquier à l’Hercule gaulois et son éloquence civilisatrice. Pour cela, nous suivons deux approches. Dans un premier temps, nous étudions les sources dans lesquelles notre avocat s’identifie directement à l’Hercule gaulois. Deux sources identifient directement notre auteur en Hercule gaulois. Il s’agit d’un médaillon de bronze fabriqué en 160560 et d’un sonnet placé dans les Jeus poetiques61. À ces deux sources s’ajoutent également celles mentionnant le héros gaulois. Elles attestent ainsi de la lecture et la connaissance du mythe de Lucien. Parmi ces sources, nous retrouvons deux lettres, la première adressée à Adrien Turnèbe (1550)62 et la seconde à Antoine Loisel (environ 1605)63. S’ajoute également le premier chapitre du neuvième livre des Recherches de la France paru en 162164. Ces sources tracent la présence et une première identification de Pasquier à l’éloquence civilisatrice de l’Hercule gaulois.

  • 65 Id., Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1619, t. 2, Livre 22, Lettre à Achille (...)
  • 66 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 738-753 ; Ibid., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine (...)
  • 67 Ibid., t. 2, Livre 19, Lettre au seigneur Louis de Sainte Marthe, p. 582-593 ; Ibid., t. 2, Livre 2 (...)
  • 68 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à Favereau, p. 722‑725.
  • 69 Ibid., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 532‑539.
  • 70 Ibid., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.
  • 71 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à M. du Lys, p. 711‑717.
  • 72 Ibid., t. 1, Livre 2, Lettre à Monsieur de Marillac, p. 78‑82.

20Pour compléter cette première approche, nous étudions ensuite les manifestations de cette éloquence civilisatrice dans les discours épistolaires, judiciaires et juridique de notre avocat. Nous voulons ainsi mettre en lumière les identifications indirectes de notre auteur à la rhétorique de l’Hercule. Pour cela, nous retenons onze lettres, une envoyée à Achille de Harlay65, deux à Antoine Loisel66, deux à Louis de Sainte Marthe (1571‑1659)67, une à Jacques Favereau (1590‑1638)68, une à Théodore Pasquier69, une à Scévole de Sainte Marthe (1536-1623)70, une à Charles du Lys (1559‑1632)71 et une à Charles de Marillac (1510‑1560)72. Ces lettres permettent de voir les contours de cette éloquence civilisatrice dans la voix de Pasquier.

  • 73 Id., L’interprétation, op. cit., p. 12‑16.
  • 74 Paul Bouteiller procède au recensement des mentions du nom de Pasquier dans les registres de plaido (...)
  • 75 Dans notre article, nous entendrons la « civilité » sous un angle publiciste, c’est-à-dire lors du (...)
  • 76 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », au sujet de la verifica (...)
  • 77 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.

21À ces lettres, nous ajoutons l’Interprétation des Institutes de Justinian73 dans laquelle il présente les caractéristiques de la bonne éloquence de l’avocat. Celle-ci peut s’apprécier de manière pratique dans trois uniques plaidoiries prononcées contre le roi74. Ces trois plaidoiries ont la particularité d’être incorporées dans les œuvres de Pasquier, attestant sa volonté de diffuser son image d’avocat à la puissante éloquence. En outre, ces discours ont pour caractéristique commune de tendre à soumettre l’acte royal à « la civilité de la loi »75. Il s’agit précisément des deux remontrances devant la Chambre des comptes76 et de son plaidoyer en faveur de la ville d’Angoulême 77.

22À travers cette recherche, nous voulons voir comment l’identification d’Étienne Pasquier à l’Hercule gaulois contribue à enrichir l’espace civil du parlement de Paris. Pour cela, nous étudierons les différentes identifications directes de Pasquier à l’Hercule éloquent (I). L’identification au héros gaulois repose essentiellement sur les fonctions d’avocat et de magistrat de notre auteur. Or, selon Pasquier, le bon avocat ne doit tendre qu’à la justice. Or, notre homme de loi mobilise justement l’éloquence de l’Hercule dans ses plaidoiries pour civiliser ses causes (II).

I. L’identification d’Étienne Pasquier à l’éloquence civilisatrice de l’Hercule gaulois

  • 78 Sur ce modèle d’éloquence nationale, Alexandra Pénot aborde la vision de l’Hercule gaulois dans l’œ (...)

23Dans cette seconde moitié du xvie siècle, l’Hercule gaulois est avant tout un modèle d’éloquence nationale78. Justement, Pasquier s’identifie directement à l’image de l’Hercule gaulois. D’une part, le héros gaulois lui permet de souligner ses qualités rhétoriques (A). De cette façon, notre auteur rattache l’éloquence civilisatrice du héros à sa parole d’avocat général à la Chambre des comptes. L’Hercule et Pasquier ont ainsi ce même but de civiliser par la force de leur parole. Au moment de son retrait des cours, l’image de l’Hercule demeure une identification de notre Pasquier. Il reste ce héros dont la voix ne résonne plus dans le marbre du palais, mais dans ses correspondances. Désormais, Pasquier est ce « vieux Hercule » civilisant son cercle par la transmission de ses œuvres (B).

A. L’identification de la parole de l’officier à l’éloquence gauloise

  • 79 Papillon, Étienne Pasquier (1529-1615), avocat général à la Chambre des comptes de Paris 1605, Pari (...)
  • 80 F. Mazerolle, Les médailleurs français du xve siècle au milieu du xviie siècle, Paris, imprimerie n (...)
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  • 82 É. Pasquier, Choix des lettres sur la littérature, la langue et la traduction, publiées et annotées (...)

24Dans le fonds du département numismatique du Musée Carnavalet se trouve une médaille désignée ainsi : « Étienne Pasquier (1529-1615), avocat général à la Chambre des comptes de Paris, 1605 »79. Celle-ci porte sur l’avers le portrait de Pasquier et sur le revers l’Hercule gaulois tel que dépeint par Lucien. Il n’existe malheureusement aucune information sur son origine. Tandis que Fernand Mazerolle attribue sa conception à Jean Papillon80, le Trésor de numismatique ne fait que mentionner cette médaille, ajoutant seulement une brève biographie d’Étienne Pasquier81. Enfin, Dorothy Thickett l’attribue directement à Pasquier, sans justification véritable82.

25Si son origine reste inconnue, plusieurs éléments éclairent la date, la personnalité et le sujet de cette médaille. Papillon la fabrique en 1605, soit durant ses premières années d’activités qui s’échelonnent de 1605 à 1632. La conception de cette pièce date donc du vivant de notre auteur, ou peut-être des années suivant son décès. De plus, les inscriptions gravées permettent d’identifier notre auteur en officier de la Chambre des comptes. Sur le revers, nous retrouvons l’image de l’Hercule gaulois mis en avant pour son éloquence. Cette médaille est ainsi une source indispensable et originale identifiant Pasquier à l’éloquence civilisatrice du héros gaulois.

Image 1 : Avers de la médaille à l’effigie d’Étienne Pasquier conservée au Musée Carnavalet

Image 1 : Avers de la médaille à l’effigie d’Étienne Pasquier conservée au Musée Carnavalet

(CCØ Licence)

  • 83 Étienne Pasquier, maître des comptes du roi à Paris, âge 76 ans, année 1605.

26L’inscription gravée sur l’avers de la médaille : « Steph[anius] Paschasius Reg[iarum] Rat[iorum] Lut[ecis] Par[isis] Patron[us] 76 AN 1605 »83 désigne Étienne Pasquier, avocat général à la chambre des comptes de Paris, à l’âge de 76 ans, en 1605.

  • 84 P. Bouteiller, « Recherches sur la vie et la carrière d’Étienne Pasquier, historien et humaniste du (...)

27Notre auteur est alors sur le point de se retirer des affaires en résignant son office en faveur de son fils Théodore Pasquier84. Sa carrière est derrière lui. Cette pièce propose donc une représentation de son ancienne activité en tant qu’avocat général à la Chambre des comptes. Or, l’image que se donne Pasquier est celle de l’Hercule éloquent, tel que dépeint par Lucien.

Image 2 : Revers de médaille représentant l’Hercule gaulois conservée au musée Carnavalet

Image 2 : Revers de médaille représentant l’Hercule gaulois conservée au musée Carnavalet

(CCØ Licence)

  • 85 « Hercules Gallicus ».
  • 86 Lucien, op. cit., « Héraclès », p. 61 : « C’est que ce vieillard Héraclès entraîne après lui une fo (...)
  • 87 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., p. 294-295 ; Lucien, op. cit., « Héraclès », p. 62.

28Sur le revers, la gravure représente l’Hercule gaulois85 suivant la description de Lucien86. Au nom de l’Hercule s’ajoute le terme « eloquentia », symbole de sa force. La gravure illustre la puissance de l’éloquence gauloise par des chaînes reliant la bouche du héros aux oreilles de son auditoire. L’Hercule semble hypnotiser un public habillé à l’antique87. Par cette représentation, le but est de montrer comment l’éloquence est capable de civiliser tous les hommes par une seule voix.

  • 88 A. Alciat, Emblemata [1551], op. cit., p. 194.
  • 89 G. Tory, Champfleury, op. cit., Livre I, p. 3.
  • 90 É. Pasquier, Les Recherches, op. cit., t. 3, Livre 9, chapitre 1, p. 1710 : « L’Hercule qui estoit (...)
  • 91 M.‑F. Wagner, « Représentation Allégorique d’Henri IV Rex Imperator » Renaissance and Reformation / (...)

29Cette gravure de l’Hercule rappelle celles des Emblèmes88 d’Alciat et du Champfleury89 de Tory, tirées de Lucien. De même, Pasquier reprend directement le passage du rhéteur dans ses Recherches pour justifier l’étude continue des « bonnes lettres » en Gaule90. À la même époque, la propagande royale utilise l’Hercule gaulois pour représenter Henri IV91. Cependant, il ne s’agit pas de l’orateur héroïque, mais plutôt du héros à la force colossale. Au contraire, Pasquier mobilise le héros pour son éloquence, pour mieux s’identifier à lui devant les magistrats de la Chambre des comptes.

  • 92 M. Marion, « Procureur général », Dictionnaire des institutions de la France aux xviie et xviiie si (...)
  • 93 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », opcit.

30En 1585, la Chambre des comptes de Paris reçoit Pasquier à l’office d’avocat général du roi92. Cette charge confère à son titulaire la mission de défendre les intérêts du roi avec le procureur général. Parmi ses fonctions, l’avocat général doit contrôler l’application des édits de finances. Or, la carrière de Pasquier se distingue par son opposition à deux reprises à l’enregistrement des édits de finances, notamment lors de la séance du 25 juin 158693.

  • 94 A. Jouanna, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, op. cit., p. 318-328.
  • 95 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 424 ro.
  • 96 Ibid., fo. 428 ro.
  • 97 Ibid., fo. 429 vo
  • 98 R. Doucet, op. cit., p. 191 : une réforme de 1511 divise la Chambre en deux bureaux. Le premier est (...)
  • 99 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 436 vo-43 (...)
  • 100 Ibid., fo. 438 vo-439 ro : « Avons par présent signé de nostre main suspendu et suspendons tous ceu (...)
  • 101 Ibid., fo. 438 ro – 438 vo : « a fin de faire lire publier et enregistrer en nostre dicte chambre a (...)
  • 102 Ibid., fo. 448 vo : « Ce jourd’huy quinziesme jour du dict mois de juillet au dict an Messire Antho (...)

31Le royaume connait alors une huitième guerre de Religion (1585‑1598)94. La levée de nouvelles armées contraint Henri III à prendre plusieurs édits de finances. L’un d’eux prévoit de rendre héréditaire l’ensemble des offices, hormis ceux de judicature95. Dans la nécessité, le roi envoie plusieurs de ses conseillers contraindre à l’enregistrement de son édit. Cette manœuvre ne fait qu’accentuer l’opposition de la Chambre et de ses officiers. Pasquier prononce alors une remontrance contre l’enregistrement de l’acte royal96. Notre magistrat critique cet édit qui ne fait que renforcer la vénalité des offices, véritable menace à l’égard des cours souveraines97. À la suite de ce discours, les officiers décident de quitter le bureau de la chambre98 pour montrer leur refus d’enregistrer l’édit99. Le roi décide alors de les révoquer100 et ordonne l’enregistrement de son acte101. La Chambre se plie à sa volonté et le premier président fait « supplication » de rappeler les officiers révoqués102.

  • 103 M. Houllemare, Politiques de la parole : le parlement de Paris au xvie siècle, Genève, Droz, 2011,  (...)
  • 104 C.‑G. Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle, Paris, Vrin, 1972.
  • 105 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 428 ro.
  • 106 Ibid., fo. 430 ro-430 vo.

32À travers sa remontrance, notre auteur s’identifie à l’Hercule et à son éloquence103. Ce personnage est la parfaite représentation d’un héros national104. Or, Étienne Pasquier est avocat général du roi, soit l’un des premiers défenseurs du royaume. De plus, le héros gaulois doit sa renommée à son éloquence civilisatrice. Notre magistrat formule en l’espèce un discours civilisateur puisé dans sa conscience d’officier105. Celle-ci guide sa parole vers la justice, lui permettant de civiliser la volonté du souverain. Grâce à cela, Pasquier assure le maintien de la justice106. Cette parole « civile » donne un sens à cette médaille identifiant notre auteur en Hercule gaulois. Il est cet orateur national dont la parole civilisatrice veille à la conservation du royaume.

  • 107 A. Loisel, Pasquier ou Dialogue des avocats du parlement de Paris, Paris, Videcoq, 1844.
  • 108 De manière générale, nous invitons à suivre l’analyse menée par J.-L. Thireau « Lumières et ombres (...)
  • 109 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 2, Livre 19, Lettre à Antoine Loisel, p. 476 : « Conclusion (...)

33Antoine Loisel célèbre également cette identification de manière plus implicite dans son Pasquier ou le Dialogue des avocats de 1602107. À travers la voix de Pasquier108, Loisel constate le déclin des avocats à l’aube du xviie siècle. Il le fait avec d’autant plus de force qu’il profite du renom de notre auteur. Par cette utilisation, Loisel perpétue ainsi la représentation de Pasquier en avocat éloquent. Pourtant, la même année, notre auteur se retire des affaires, laissant donc les cours sans Hercule civilisateur. Dans une lettre en date du cinq novembre, Pasquier enjoint Loisel à accepter une charge de procureur général, devenant ainsi un « vieux Hercule gaulois »109. Abandonne-t-il cette image pour autant ? Certes, il n’est plus officier, mais, il ne laisse pas l’Hercule de côté. Au contraire, il continue à s’y identifier en souvenir de sa jeunesse, mais surtout en image érudite de sa vieillesse.

B. L’identification du vieil avocat à la sage parole de l’Hercule

  • 110 Id., La Jeunesse d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1610.
  • 111 Id., Les Jeus poetiques, op. cit., « Introduction », p. 15‑16 : Monophile, Au Roy, congratulation [ (...)

34Au crépuscule de sa vie, Étienne Pasquier publie sa Jeunesse110, recueil de ses œuvres poétiques111. Dans ce livre figurent ses Jeus poetiques qui regroupent ses anciens et ses nouveaux vers. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une simple compilation, mais d’une lecture renouvelée de ses vers. En effet, Pasquier les répartit en cinq parties, représentant chacune l’opinion d’un personnage sur l’amour. Nous retrouvons ainsi celui qui exprime la Liberté, la Loyauté, l’Ambition, la Vieillesse amoureuse et la Vieillesse rechignée. Toutes ces voix ne sont pas directement des souvenirs de notre auteur. Il s’agit plutôt des préoccupations qui ont marqué son œuvre. Dans l’Ambition, Pasquier raconte par ses vers comment le jeune avocat écarte le sentiment amoureux au profit de sa réussite professionnelle. Or, parmi ces ambitions, il y a celle d’être un avocat éloquent comme un Hercule gaulois :

  • 112 Ibid., « Ambition », p. 295‑296.

Il n’y a rien de si grande merveille
Que voir un brave Advocat qui bien dit
Et a sur tous escoutans le credit
De leur succer les ames par l’aureille.
Ce grend Demon à son point les resveille
Ore assouplit, et ores les roidit,
Tantost eschauffe, et tantost refroidit,
Ny plus ny moins que sa langue les veille.
Gagner les cœurs, trafiquer les esprits,
Estre honoré en ce beau jeu de pris,
C’est ce qui luit en toute republique.
Ainsi je veux foudroier et tonner,
Ainsi le ciel et la terre estonner,Ainsi veux-je estre un Hercule Gallique112.

  • 113 Derrière cette idée de celui qui « bien dit », il y a la définition de la rhétorique donnée par Qui (...)
  • 114 Lucien, op. cit., p. 62. Nous pensons particulièrement à ce premier passage : « Bref, nous pensons (...)
  • 115 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 296 : « Ce grend Demon à son point les (...)
  • 116 Ibid., « Ambition », p. 296 : « Ainsi je veux foudroier et tonner, / Ainsi le ciel et la terre esto (...)
  • 117 Lucien, op. cit., p. 63 : « Ainsi donc, adieu force, vitesse, beauté et toutes les qualités physiqu (...)

35Pasquier identifie le « bien dit »113 à l’éloquence du héros gaulois dépeinte par Lucien114. L’avocat « succ[e] les âmes par l’aureille » tel l’Hercule qui « blesse l’âme » de son auditoire par la force de sa parole. Autrement dit, la puissance oratoire de l’avocat bouleverse les pensées intérieures de son public115, comme l’Hercule enchaînant son auditoire à sa langue. Les trois derniers vers116 font aussi écho à Lucien, notamment à sa réaction face à la représentation du vieil Hercule117. Tout comme l’ancien rhéteur grec, l’avocat fictif énonce son vœu d’être ce vieil Hercule éloquent. Derrière la voix ambitieuse de l’avocat, Pasquier s’identifie au vœu de Lucien d’être un Hercule gaulois. Celui-ci prend part entre deux moments de sa vie, à savoir sa jeunesse et son actuelle vieillesse.

  • 118 A. Jouanna, « André Turnèbe », Dictionnaire de la France de la Renaissance, Paris, Robert Laffont, (...)
  • 119 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 6. Dans la même page (...)
  • 120 Ibid., p. 16.
  • 121 Nous pensons bien entendu à la Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay (...)
  • 122 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 9.
  • 123 Ibid., p. 10 : « Et neantmoins si vous puis-je dire, que jamais nostre France, anciennement appelée (...)

36S’agissant de ce souvenir de jeunesse, il faut citer cette lettre de Pasquier adressée à André Turnèbe (1512‑1565)118 au lendemain de son serment d’avocat. Notre auteur l’interpelle ainsi : « Quoy ? Nous porterons donc le nom de François, c’est-à-dire, de francs et libres, & neantmoins nous asservirons nos esprits souz une parole aulbaine ? »119. Datée de 1552120, cette lettre s’inscrit dans un mouvement de défense de la langue française121 apte à former un bon discours122. Or, pour illustrer cette capacité, Pasquier reprend l’image de l’Hercule gaulois123.

  • 124 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à Monsieur Louys de Saincte Marthe, p. 672. L’affaire porte sur la qu (...)
  • 125 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 750‑751 : « Je suis le mesme Pasquier que j’esto (...)

37La référence à l’éloquence gauloise est présente dès le début de sa carrière juridique. Lors de sa « premiere planche à [s]on avancement au Palais »124, il est possible qu’il ait déjà en tête la parole du héros gaulois. Cependant, il ne faut pas oublier le contexte de rédaction de ses jeus. Pasquier regroupe ses nouveaux et anciens écrits créant ainsi une œuvre poétique originale. À l’hiver de son existence, la saison de sa jeunesse est derrière lui. Mais, il affirme demeurer « le mesme Pasquier que j’estois »125, continuant son œuvre, dépouillé des vices de sa jeunesse et de la pression des affaires.

  • 126 C. Magnien, « Étienne Pasquier (1529-1615) ou le vieillard qui n’avait “rien de vieux que l’âge” » (...)
  • 127 Nous bénéficions à ce titre de son testament olographe qui contient, néanmoins, très peu d’informat (...)
  • 128 Nous soulignons l’article de C. Magnien qui a étudié l’importance de l’éducation chez Étienne Pasqu (...)
  • 129 A.‑M. Favreau-Linder, « Lucien… », op. cit., p. 4.
  • 130 Lucien de Samosate, op. cit., p. 63 : « Ainsi donc, adieu force, vitesse, beauté et toutes les qual (...)

38Catherine Magnien a étudié la manière dont Pasquier appréhende sa vieillesse126. Alors âgé, notre avocat se plonge dans une quête de transmission de ses biens127 et de son savoir à ses enfants128. Justement, cette attitude de Pasquier fait écho à celle de Lucien dans la rédaction de son Héraclès. En direction d’Athènes, le rhéteur s’interroge sur sa position et sa maîtrise de la rhétorique129. L’image d’un Hercule âgé lui sert à reconstruire son autorité130. De la même manière, Pasquier a conscience qu’il n’est plus ce jeune avocat éloquent. Il veut cependant maintenir son éloquence en assurant la transmission de son œuvre à la postérité.

  • 131 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 2, Livre 22, Lettre à Achille de Harlaye, p. 770 : « J’ay d’ (...)
  • 132 Ibid., Lettre à Antoine Loisel, p. 738.
  • 133 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à M. du Lys, p. 711.
  • 134 Ibid., Lettre à Favereau, p. 722. Pasquier remercie Favereau pour l’envoi de son Mercure ; t. 2, Li (...)

39Jusqu’à la fin de sa vie, Pasquier continue à cultiver son savoir131, augmentant ses Recherches et ses Lettres. Ses enfants ont ainsi récupéré ses ultimes manuscrits pour les intégrer à l’augmentation finale de son œuvre historique. En parallèle, il poursuit ses échanges épistolaires avec ses anciens amis du barreau, tel Antoine Loisel132, mais aussi avec de jeunes poètes comme Charles Du Lys133. Il échange ainsi avec eux ses livres, ses vers et leur fait part de ses commentaires sur les parutions récentes134. Il a aussi le souhait de transmettre son œuvre à la postérité et notamment à ses enfants.

  • 135 Ibid., Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 721. Pasquier présente et rappelle l’ensemble de ses (...)
  • 136 Ibid., Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 720. Dans cette lettre, Pasquier se déclare être l’au (...)
  • 137 Id., Les Ordonnances généralles d’amour [1574], édition critique par J.‑P. Dupouy, Paris, Classique (...)
  • 138 Id., Le catéchisme des Jésuites [1602], édition critique par C. Sutto, Montréal, Les éditions de l’ (...)
  • 139 Id., L’Interprétation des Institutes de Justinian [1609], Paris, Videcoq, 1847.
  • 140 Id., « L’Interprétation des Institutes de Justinian, divisés en quatre livres, avec la conferance d (...)
  • 141 Il s’agit du cœur de notre thèse en préparation, centrée sur le « Droit de la France » selon Étienn (...)

40Il entreprend ainsi l’inventorisation de ses œuvres, récapitulant l’ensemble de sa production135. Il lève l’anonymat de plusieurs textes136 comme il l’avait fait pour ses Ordonnances généralles d’amour137 ou son Catéchisme des Jésuites138. Il prend également en charge l’éducation de ses petits-enfants comme l’atteste son l’Interprétation des Institutes de Justinian139. En effet, l’un des manuscrits nous indique justement que ce texte a été dicté par Pasquier en 1602 à ses petits‑enfants et à Jacques Favereau140. Le contenu de ce texte est un véritable traité d’élaboration d’un « Droit de la France »141, attestant du vœu de notre auteur de diffuser son savoir juridique.

  • 142 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295.
  • 143 Ibid.

41Derrière cette « grand merveille »142 d’avocat, assimilé à l’Hercule gaulois, se cache le souvenir d’un homme de loi retiré des cours. Pasquier « voit »143 seulement l’avocat, car il ne l’est plus. Cependant, il cherche à maintenir son image d’Hercule gaulois en continuant à mobiliser une éloquence civilisatrice. Celle-ci se manifeste dans sa correspondance avec les citoyens de la République des lettres et lors des cours donnés à ses petits-enfants. Il maintient ainsi son image d’orateur éloquent et érudit.

  • 144 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 533 ; parlant de l’avocat (...)

42Jeune avocat, Pasquier veut tendre vers cet idéal d’éloquence gauloise, véritable fierté nationale. Cette image n’est pas faite pour lui seul, mais aussi pour son public, cette République des Lettres, prenant forme dans les cours souveraines. Dans ce « théâtre »144, notre avocat se représente en Hercule à l’éloquence civilisatrice. Cette identification demeure toujours lors de son retrait des affaires. Discourant avec des anciens amis et de jeunes auteurs, Pasquier continue de porter cette voix herculéenne dont le but est de civiliser. Cependant, pour l’accomplir parfaitement, il faut à notre auteur une prudence et une prudhommie dont le respect lui permet d’assurer la justice dans ses discours.

II. L’application de l’éloquence gauloise dans les plaidoiries d’Étienne Pasquier

  • 145 Ibid., p. 534.

43L’identification de Pasquier à Hercule se manifeste également dans ses plaidoiries. Il les compose à partir de deux éléments : « part en la Jurisprudence, part en l’Oratoire »145. Cependant, les deux parties reposent en réalité sur la première part, à savoir la justice. S’il fonde la première sur la prudence de l’avocat (A), il écarte la seconde au profit de la prudhommie (B). À travers celle-ci, Pasquier vise le devoir d’honnêteté, synonyme de justice, opposé à l’art oratoire. Or, en tendant à la justice, il veut par ses plaidoiries civiliser la cause en procès. Dès lors, ces deux éléments apparaissent comme les moteurs de son éloquence civilisatrice, le rattachant au héros gaulois.

A. La prudence, condition à la formulation d’un discours juste

  • 146 Id., Jeus poétiques, op. cit., « Ambition », p. 295.
  • 147 Cicéron, L’Orateur, Paris, Les Belles Lettres, 1964, 32, 114, p. 40.
  • 148 Quintilien, Institution oratoire, Paris, Les Belles Lettres, 1976, Livre 2, 21, 4, p. 106.
  • 149 E. Garin, « Le philosophe », L’homme de la Renaissance, op. cit., p. 215‑216.

44Selon Pasquier, « il n’y a rien de si grande merveille que voir un brave Advocat qui bien dit »146. Encore faut-il développer un certain savoir pour bien dire. Cicéron estime que l’orateur doit tout savoir147. De même, Quintilien considère que l’orateur doit être capable de s’exprimer devant tout type d’auditoire par la maîtrise d’un large savoir148. Eugenio Garin a montré aussi l’importance pour l’homme de la Renaissance de rétablir sa dignité par l’acquisition d’un savoir encyclopédique149. Or, sa formulation dépend d’une bonne maîtrise de la rhétorique. Toutefois, dans la seconde moitié du xvie siècle, les cours souveraines luttent contre la rhétorique perçue comme un danger dans l’accomplissement de la justice.

  • 150 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 10 : « Donnons que c (...)
  • 151 M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence, Genève, Droz, 2009 [1980], p. 489‑491.
  • 152 F. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l’an 420 jusqu’à la révolutio (...)
  • 153 M. Houllemare, Politique de la Parole, op. cit., p. 204.
  • 154 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine Loisel, p. 446 : « Ceste nouvel (...)
  • 155 P. Arabeyre, « Louis Le Caron », Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 625‑62 (...)
  • 156 S. Geonget, « Contre “les rabules et impudens criards, vraie peste des barreaux” », Les recueils de (...)

45Pasquier s’attaque à plusieurs reprises à la rhétorique considérée comme un « artifice » visant à tromper l’auditoire150. Cette critique s’inscrit dans la lutte des magistrats contre « la rhétorique des citations »151. Pourtant, depuis le xiiie siècle, plusieurs ordonnances dressent une série d’injonctions aux avocats. Ces derniers doivent être brefs, clairs et ne répondre qu’aux causes justes152. Par l’intermédiaire de ses magistrats, le roi veille ainsi à encadrer la parole des avocats153. Mais, à en croire Pasquier154, la rhétorique des citations se développe sous la présidence de Christophe de Thou. Les avocats multiplient les citations afin de flatter son érudition. À la mort du président, la rhétorique judiciaire est mise en réflexion. Plusieurs auteurs enjoignent les avocats à renforcer leur ethos contre le pathos cicéronien. En parallèle, ces mêmes juristes humanistes, tel Louis le Caron (1534‑1613)155, demeurent très attachés à ce désir d’érudition156.

  • 157 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine Loisel, p. 446 : « Or puis qu’i (...)
  • 158 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 539.
  • 159 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12.
  • 160 La lettre est adressée à son fils sous forme de « conseil ». L’interprétation des Institutes est un (...)

46Pasquier a une attitude différente : il cherche à maintenir, voire à renforcer son ethos157. Ce mouvement est particulièrement perceptible dans sa définition des « parts » de l’avocat, notamment dans la connaissance de la « Jurisprudence ». Dans une lettre adressée à son fils, Pasquier, en « bon père »158, l’enjoint à faire davantage preuve de prudence que d’érudition. Pour comprendre, cette recommandation, il faut se plonger dans l’Interprétation des Institutes159. Grâce à la lecture de ces deux textes160, il est possible de saisir précisément le sens de la Jurisprudence selon Pasquier.

  • 161 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12.
  • 162 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534 : « Au regard du prem (...)
  • 163 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Les anciens estimoient que la science (...)
  • 164 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Et, de faict, encorres sommes-nous en (...)
  • 165 Id., Pourparlers, Paris, Champion, 1995, p. 85 ro : Pasquier perçoit le droit romain comme un « lab (...)
  • 166 Id., Les Lettres, op. cit, p. 534.
  • 167 Ibid., p. 534.

47Pasquier commence par réfuter les opinions de Cicéron161 et des « Anciens »162. Selon eux, la connaissance du droit dépend de la mémoire163. Notre auteur souligne la réception de cette idée parmi la « populace » qui considère seulement les allégations de l’avocat, symbole de son érudition164. En reprenant cette idée, Pasquier critique cette manière d’accumuler les autorités qui obscurcit la justice165. Au contraire, dans sa lettre, il « combat pour le jugement » car la « mémoire sans jugement n’est rien en l’Advocat »166. Il justifie succinctement son opinion par le terme même de Jurisprudence qui enjoint à la prudence, non à la mémoire167. Cependant, il ne développe pas plus sa position, contrairement au texte de l’Interprétation.

  • 168 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Toutefois la vérité est que le droict (...)
  • 169 Ibid.

48Pasquier énonce la même « vérité » : « le droict versatur magis circa prudentiam quam circa memoriam » 168. Il appuie sa définition de la jurisprudence sur l’appellation donnée au droit par Justinien. Il ne s’agit pas d’une iuris scientiam, mais bien de la iuris prudentiam169. La prudence est ainsi la première qualité du juriste, avant la mémoire.

  • 170 Pline le Jeune, Lettres, Paris, Les Belles Lettres, 2011, Livre 4, Lettre 10, p. 14.
  • 171 D. 1. 1. 7.
  • 172 Inst. 1. 2. §8.
  • 173 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., p. 12.
  • 174 Ibid., p. 12-13.
  • 175 D. 1. 2. 2. §37 : « Gaius Scipio Nasica, qui optimus a senatu appellatus est ».
  • 176 « Optimus ».

49Pour démontrer cette qualité, Pasquier reprend Pline le Jeune (61‑113)170, le Digeste171 et le paragraphe reponsa prudentum172 des Institutes. À partir de ces textes, il souligne que les juristes étaient appelés « prudentes »173. Notre auteur rattache ensuite cette qualité romaine à celle utilisée dans le « commun formulaire » de « nos anciens juges subalternes françois »174. Ceux-ci qualifient leur cour de justice de « conseil des sages ». La récurrence de ce qualificatif pour désigner les juristes permet alors à Pasquier de rattacher la prudence à la notion romaine de sagesse. Notre auteur prend pour fondement le Digeste,175 mais aussi le poète Ennius (239‑169 avant notre ère). Dans le fragment, Pasquier souligne que le juriste Scipio Nasica est appelé « optimus », soit le « meilleur »176. Les vers d’Ennius, quant à eux, qualifient le juriste Aelius Sextus de « catus », c’est-à-dire de sage. Par cela, Pasquier démontre le caractère immémorial et constant du qualificatif du prudent et de la sagesse des juristes. De cela, il peut alors affirmer la raison de cette reconnaissance en associant prudence et sagesse.

  • 177 Ambroise de Milan, Des offices, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 154 : « Ainsi donc la première (...)
  • 178 Ibid.
  • 179 J.‑L. Thireau, « Préceptes divins et normes juridiques dans la doctrine française du xvie siècle », (...)
  • 180 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534 : « Ceste pru (...)

50Pasquier recherche donc ensuite la « raison » de cette prudence. Il l’établit sur le fondement du De officis d’Ambroise de Milan (339‑397). Celui-ci fonde l’existence de la justice sur la prudence177. En prolongement, notre auteur affirme ainsi qu’il n’y a pas de prudence sans justice178. Cette définition éclaire la sacralisation de la justice chez Pasquier et ses contemporains179. En reprenant un père de l’Église, Pasquier donne une portée sacrée et universelle à cette prudence. L’avocat doit donc être particulièrement prudent pour formuler un discours juste. Cependant, cette prudence ne peut être acquise spontanément. Elle ne peut être comprise qu’au terme d’un « long usage » d’étude dans les cours souveraines180.

  • 181 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.

51Ce conseil semble être en parfaite adéquation avec les injonctions du Palais. Pasquier n’a pas été sourd à ces demandes, cherchant toujours à démontrer le caractère juste de ses causes. Précisément, c’est grâce à cette prudence qu’il peut mettre en œuvre cette éloquence civilisatrice dans son « plaidoyer » en faveur de la ville d’Angoulême181.

  • 182 J. Boucher, « François d’Anjou » Dictionnaire des guerres de religion, op. cit., p. 932‑934.
  • 183 A. Jouanna, op. cit., p. 240.
  • 184 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 324 : « et (...)

52Au sortir de la cinquième guerre de religion (1574-1576), Henri III est défait par les Malcontents menés par son frère François d’Anjou (1554-1584)182. La trêve prévoit la remise de plusieurs places de sûreté, dont Angoulême183. Cependant, celle-ci a refusé d’ouvrir ses portes aux représentants du roi menés par le Duc de Montpensier. L’affaire est portée devant le parlement de Paris où le procureur général du roi accuse la ville de crime de lèse-majesté184.

53Pasquier est le premier à plaider. Sa tâche n’est pas évidente. Il doit défendre la cité sans porter préjudice à l’autorité royale. Conscient de sa position, notre avocat élabore son plaidoyer sur le fondement de la prudence. Son but est de démontrer le caractère juste de l’attitude et de la remontrance d’Angoulême. Il construit son plaidoyer en quatre temps : le rappel de l’obéissance des Angoumois, le caractère incivil de la trêve, la faculté de la ville à émettre des remontrances et ses moyens.

  • 185 Ibid., p. 325 : « Si jamais ville fut obeissante à son Prince, certainement c’est celle d’Angoulesm (...)
  • 186 Ibid., p. 332.
  • 187 Ibid., p. 327.
  • 188 Gouverneur de l’Angoumois (1575‑1585).
  • 189 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 328 : « La (...)
  • 190 Ibid. p. 331 : « Estans advertis de sa venue, nous le receuillons comme un Officier venant de vostr (...)

54Pour rendre juste la cause de la ville, Pasquier rappelle prudemment l’obéissance de la cité à l’égard de l’autorité royale185. Il procède donc à « l’histoire generale de nostre faict »186. Il commence par affirmer la constante obéissance au roi et au duc de Montpensier187. À cela, il ajoute que la paix du roi n’est pas critiquée. Au contraire, notre avocat raconte comment Philippe de Volvire (1524-1586)188, gouverneur de l’Angoumois, a voulu respecter le « mandement » du roi189. À l’appui, Pasquier rappelle que l’huissier royal a bien été reçu par la cité190. En rappelant l’attitude respectueuse d’Angoulême, l’avocat rétablit la vérité contre les « bruits » l’accusant de rébellion.

  • 191 Id., Recherches, op. cit., Livre 2, chapitre 2, p. 42 : « qui estoit comme metoyenne entre le Roy e (...)

55Notre avocat restaure ainsi le lien entre le roi et ses sujets. Or, cette argumentation est développée devant le parlement de Paris chargé, par Pasquier, de maintenir la relation entre le roi et ses sujets191. Par son discours, notre avocat n’est pas le simple avocat d’une cité. Il est un acteur direct de la conservation du royaume en démontrant l’obéissance continue de la cité Angoumoise. Pasquier annonce ainsi sa volonté de civiliser son auditoire ainsi que la trêve royale en cause. Il peut alors commencer sa réponse aux « objections ».

  • 192 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 332.

56La défense de Pasquier débute par l’énumération des trois griefs192 : à savoir une « irreverence » à l’égard du duc de Montpensier, la possibilité de « disputer la volonté du Prince » et la question de la recevabilité des remontrances de la ville.

  • 193 Ibid., p. 333 : « Nous avons fermé nos portes. A qui ? Non à autres qu’à Langoran, craignans que so (...)
  • 194 Ibid., p. 334.
  • 195 Ibid., p. 335.

57Sur l’atteinte au duc, Pasquier réfute l’idée d’une opposition à l’autorité royale. Au contraire, il invoque la crainte de la ville d’être surprise par une troupe menée par « Langoran »193. Notre avocat renverse ainsi la situation : Angoulême n’est pas coupable. Elle est plutôt une victime collatérale du récent conflit mené par le roi194. Cela permet ainsi à Pasquier de s’attaquer au véritable coupable : la trêve. Il invite donc le duc de Montpensier à venir recevoir les remontrances de la cité lésée par cette trêve incivile195.

  • 196 Ibid. p. 336 : « Que l’ancien ordre de ceste Monarchie portoit, que jamais tresve de telle importan (...)
  • 197 Ibid., p. 337‑338 : « Si jamais ordre politic fut sainement et sainctement observé en quelque Repub (...)
  • 198 Ibid., p. 338.
  • 199 Ibid., p. 339 : « Et bien que quelques uns vueillent dire que les affaires d’Estat n’aient rien de (...)

58En effet, celle-ci est contraire au droit, à la « loy generale de France » car elle n’a pas été « verifiee et emologuee » au parlement196. De ce constat d’incivilité, Pasquier rappelle que « l’ordre politic » de la monarchie est « sainement et sainctement observé » par le parlement197. Pour assurer cet ordre, la cour confirme « les affaires generales »198 à condition que le roi se soumette à la « civilité de la loi » condition à l’obéissance de ses sujets199. De manière implicite, Pasquier justifie ainsi la désobéissance des sujets par leur respect de « l’ordre politic ». Les sujets ont désobéi au roi, non à la monarchie. Notre avocat civilise le roi et sa trêve qui ne peut être appliquée sans les « confirmations » du parlement.

  • 200 Ibid., p. 341 : « qui ne voit que par ceste Tresve on aliene les villes du Roy ? »
  • 201 Ibid. : « Davantage en matiere d’aliénation du domaine de la couronne, soit qu’elle soit perpetuell (...)
  • 202 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe., p. 340 : « C (...)
  • 203 Ibid. : « Si tant est que la religion soit (comme elle est) fondement de toute république bien ordo (...)
  • 204 Ibid., p. 342 : « Toutes ces considerations doncques sont passées par l’esprit des citoyens d’Angou (...)

59Il précise ensuite les raisons pour lesquelles la trêve doit être vérifiée et enregistrée devant le parlement. D’une part, elle aliène une partie du domaine royal200, en l’espèce, la ville d’Angoulême. Or, l’ordonnance de Moulins de 1566201 consacre l’inaliénabilité du domaine sauf en cas de nécessité. Dans ce cas, le roi doit soumettre sa demande d’aliénation au parlement. D’autre part, cette trêve modifie l’exercice de la religion202 dans le royaume. Pasquier rappelle alors que les précédents édits de pacification avaient fait l’objet d’une vérification et d’un contrôle devant le parlement203. Sur ces deux raisons, Pasquier démontre ainsi le caractère incivil de la trêve fondant le droit de remontrance204.

  • 205 Ibid., p. 344‑345 : « Je ne veux point mettre en memoire toutes ces longues questions des Docteurs (...)

60Pasquier s’attache ensuite à défendre la forme de la remontrance. Derrière cette question se pose indirectement celle du consentement du peuple à l’acte royal. Le sujet devient épineux pour notre auteur. Tout en feignant de ne « mettre en mémoire ces longues questions des Docteurs », Pasquier rappelle leur opinion. Or, celle-ci énonce que le roi doit obtenir le consentement de ses sujets s’il les place sous une autorité étrangère205. Une telle idée semble alors tout à fait étonnante dans la bouche d’un avocat attaché au pouvoir royal et opposé aux États généraux.

  • 206 Ibid., p. 345 : « Ceste cause est de trop grande importance pour y avoir recours aux Docteurs ».
  • 207 Ibid. : « Et si pour dire cecy, je peche ma faute provient de la débonnaireté de nos Roys, qui l’on (...)
  • 208 Ibid. : « Mais estant né François, plaidant pour un peuple François au premier tribunal de la Franc (...)
  • 209 Ibid.
  • 210 Ibid.

61Conscient de marcher sur une ligne de crête, Pasquier écarte la majeure partie de la solution des docteurs206, mais en garde un élément : la possibilité du peuple d’exprimer sa voix. Il fait cette opération en transposant la solution médiévale au cas français. Il admet la solution coutumière207 suivant laquelle le peuple peut émettre des remontrances au Prince208. Il appuie cette transposition en distinguant le pouvoir de l’empereur de celui du roi. Le pouvoir impérial décide seul de ce qui est juste. Au contraire, le pouvoir royal recherche le juste par une « parole plus douce et plus civile »209. Autrement dit, le pouvoir du roi dépend de la justice, contrairement à celui de l’empereur absolu. Le roi doit donc se conformer au juste en écoutant les remontrances de son peuple dont l’autorité est attestée « de tout temps et de toute ancienneté »210.

  • 211 Ibid., p. 345‑346. Pasquier mentionne le traité de paix marquant la fin de la guerre du Bien public (...)
  • 212 P‑A. Mellet, Les traités monarchomaques, confusion des temps, résistance armée et monarchie parfait (...)

62Pasquier construit cette reconnaissance coutumière à partir d’une série de précédents historico-juridiques. Il prend ainsi en exemples plusieurs traités de paix211 à l’occasion desquels les sujets ont adressé leurs remontrances au souverain. Pourtant, ces requêtes ont été adressées lors de réunions des États généraux, institution reprise par les monarchomaques212. Dans l’esprit de notre auteur, il ne s’agit pas de laisser un pouvoir au peuple dans l’élaboration des lois. Pasquier ne rompt pas avec la monarchie. Il veut seulement restreindre la volonté du roi en le soumettant à la civilité de la loi. Dans le cas présent, il convient de soumettre la trêve au droit mais surtout à la remontrance d’Angoulême.

  • 213 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 347 : « Le (...)
  • 214 Ibid., p. 347 : « Et quand nous n’aurions privileges, si estimons nous estre assistés d’une infinit (...)
  • 215 Ibid., p. 348‑350.
  • 216 Ibid., p. 352‑358.

63Pasquier justifie le fond et la forme du droit de remontrance angoumoisine. Il lui reste à démontrer la recevabilité des moyens invoqués. Pasquier cite deux arguments, à savoir les privilèges de la ville213 et les guerres de religion214. Il retrace l’histoire des privilèges de la ville pour mieux assurer leur autorité contre le traité215. Puis, il ajoute le contexte des guerres de religion qui ont affaibli la ville216.

  • 217 Ibid., p. 350 : « Le Roy doncques encore un coup nous les conservera en leur entier, s’il luy plais (...)
  • 218 Ibid., p. 359 : « Permettez-nous user d’une exception politique, je dis d’une exception qui soit es (...)
  • 219 Ibid., p. 324 : « En fin les parties sont appointées au conseil, et ordonné que l’on verrait les ch (...)

64Tout en laissant au roi faire ce qui lui « plaist »217, Pasquier argue une « exception politique », une « exception de nature » sur le fondement des statuts et du contexte entourant la ville218. De cette manière, il défend l’idée d’un droit propre face au droit commun du roi. En prudent, notre auteur enjoint le Palais et le roi à faire preuve de justice en conciliant la particularité de la ville et la trêve. C’est ce que semble laisser apparaître la décision du parlement qui appointe l’affaire au conseil en attendant la prise en compte des statuts219.

65Pour atteindre cette juste décision, Pasquier mobilise une prudence organisant l’ensemble de son plaidoyer. Il prouve ainsi l’incivilité de la trêve pour démontrer la civilité de la remontrance d’Angoulême. La première est contraire au ius civile, soit au droit propre du royaume, car elle n’a pas été soumise au parlement. La seconde est conforme au droit applicable et donc opposable au pouvoir royal. Tel Hercule, il met donc ainsi en pratique une parole civilisatrice visant l’application de la justice.

  • 220 Ibid., t. 2, Livre 12, Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 790‑794.
  • 221 Id., Pourparlers, édition critique par Béatrice Périgot, op. cit., fo. 97 ro.

66L’éloquence de Pasquier doit être mise en lien avec le contexte du règne d’Henri III. Notre avocat perçoit le dernier Valois comme un prince absolu220 qui ne se soumet pas à son parlement221. La monarchie est donc menacée dans l’esprit de notre auteur. Pourtant, le roi continue d’imposer ses volontés en matière de finances. La prudence ne suffit plus, il faut aussi que Pasquier se présente en prudhomme.

B. La prudhommie indispensable à l’accomplissement de la justice

  • 222 É. Pasquier, Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295.
  • 223 Quintilien, op. cit., Livre 2, chapitre 15, §1, p. 75.
  • 224 Ibid., Livre II, chapitre 15, §33, p. 83.

67Tous les avocats ne peuvent pas forcément « bien dire », encore faut-il qu’ils soient « braves »222. Selon Huget, le « brave » est l’homme courageux, habile, bon ou excellent en un genre. Or, cette idée du bon avocat ne doit pas être séparée de la définition quintilienne de l’orateur. En effet, le maître de rhétorique considère que cet art n’est réservé qu’à « l’homme de bien »223, « car on ne peut bien parler sans être homme de bien »224.

  • 225 M. Houllemare, Politique de la parole, op. cit., p. 503-504.
  • 226 Ibid., p. 424.

68Il n’est donc pas étonnant de retrouver cette exigence dans la procédure d’accession aux charges de judicatures. Des officiers sont ainsi chargés de surveiller les mœurs des candidats à la robe. De même, les mercuriales visent à encadrer la moralité des magistrats en leur rappelant leurs devoirs de justice225. Ce contrôle des mœurs s’exacerbe à partir notamment de la condamnation d’Anne de Bourg lors d’une mercuriale226. Dans ce contexte, la nécessité d’être un homme de bien est plus que jamais obligatoire pour l’avocat qui souhaite bien dire.

  • 227 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534.
  • 228 Ibid., p. 535.

69Conseillant son fils aîné, Pasquier l’enjoint à être un homme de bien. Cette qualité est placée avant la forme du discours. Elle conditionne l’existence du « bien dire ». Parlant de l’art oratoire de l’avocat227, Pasquier met directement l’accent sur la personne de l’orateur, non sur le discours : « Tout l’artifice que j’entends ici vous donner, est de n’user point d’artifice : je veux que vous soyez prudhomme : quand je dis ce mot, je di tout »228.

  • 229 Ibid.
  • 230 Ibid., p. 536.
  • 231 F. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l’an 420 jusqu’à la révolution (...)
  • 232 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., p. 13‑16.

70La raison de cette prudhommie est rapidement illustrée à travers Démosthène229. Pasquier le paraphrase pour définir la « prudhommie » comme une « belle ordonnance du corps et de la parole ». À cela, il ajoute un exemple pratique. L’avocat ne peut convaincre des juges par des artifices, mais en choisissant des causes justes230. Pasquier reprend ainsi les injonctions royales faites aux avocats231. Mais il s’arrête à cela, sans préciser le véritable sens de cette prudhommie. C’est dans son Interprétation que notre auteur justifie son opinion232.

  • 233 Ibid., p. 13 : « honeste vivere, neminem laedere, et jus suum cuisque tribuere ».
  • 234 Ibid., p. 14.
  • 235 J.-L. Thireau, « Préceptes divins et normes juridiques dans la doctrine française du xvie siècle », (...)

71Après avoir cité les Institutes de Justinien (1. 1. 3.), Pasquier « conjoint » ces « théorèmes du droit »233 avec les fragments D. 1. 1. 1. §1 et D. 1. 1. 10. §1. Celui-ci définit le rôle des juristes comme de véritables « sacerdotes » chargés de révéler le juste et l’injuste. Pasquier en tire la conclusion suivante : « on ne saurait représenter propositions plus chrestiennes que celles la »234. Cette christianisation du droit romain n’est pas propre à Pasquier235. Cependant, le plus étonnant réside dans le long développement qu’il fait sur le premier précepte : « honeste vivere ».

  • 236 D. 23. 2. 43. Accurse Gl. : « Honestum sit. f. de aequitate : ut j. de reg. iur. l. semper. et pone (...)
  • 237 D. 50. 17. 144. Accurse Gl. : « Semper. Sponsa filii mei non est mihi nurus : et sic licet mihi cum (...)
  • 238 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 14.
  • 239 D. 1. 1. 10.
  • 240 Inst. 1. 1. §3.
  • 241 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 14 : « autrement, ils eussent manqué de sens commun d’a (...)

72Notre auteur commence par défendre le caractère obligatoire du précepte d’honnêteté. Il relève qu’Accurse et « les docteurs de droict » n’attribuent aucune force à ce principe d’honnêteté dans leurs commentaires des fragments D. 23. 2. 43236 et D. 50. 17. 144237. Ces deux fragments traitent de la question du contrat de mariage dont la validité ne dépend pas de l’honnêteté des parties. Contre ces opinions, Pasquier énonce que l’honnêteté n’est pas « une simple civilité » mais une nécessité238 en s’appuyant sur Ulpien239 et Justinien240. L’absence de « nécessité » serait contraire au « sens commun » du fait que les autres principes sont obligatoires241.

  • 242 Ibid., p. 14.
  • 243 Cicéron, Des devoirs, Paris, Les Belles Lettres, 1970, t. 2, Livre 3, chapitre 4, §20, p. 80.
  • 244 Plutarque, Vies, Paris, Les Belles Lettres, 1961, t. 2, Vie de Thémistocle, §20, p. 125.
  • 245 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 15.

73Pour fonder le caractère nécessaire de l’honnêteté, Pasquier s’appuie sur le De officis de Cicéron ainsi que sur celui d’Ambroise de Milan. Les deux auteurs énoncent que l’honnêteté et la licéité sont complémentaires242. De ces passages, notre avocat consacre que ce qui est licite est honnête. Il appuie son principe par un exemple historique raconté par Cicéron243 et Plutarque244. Alors en guerre contre Sparte, Thémistocle prévoit une stratégie et la révèle à Aristide. « Grand prud’homme », il condamne ce plan militaire qu’il juge malhonnête et injuste. À partir de ce fait historique, notre auteur déduit que « le juste et l’honnête » ne sont qu’une même chose245.

  • 246 Id., Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), Paris, BNF, ms Français 2302 (...)

74En se fondant sur Ambroise de Milan et Cicéron, Pasquier donne la même valeur au principe d’honnêteté, qu’à celui de prudhommie. Tous les hommes doivent donc être honnêtes pour être justes. L’avocat n’y échappe pas. Au contraire, il doit particulièrement faire preuve d’honnêteté pour tendre à la justice. Grâce à sa prudhommie, il pourra distinguer les causes justes et injustes. Mais, chez Pasquier, cette prudhommie n’est pas seulement une exigence théorique. Il la met directement en application pour formuler sa remontrance de 1587 devant la Chambre des comptes246.

  • 247 Depuis près de cinq années, le royaume connait une huitième guerre de Religion opposant le parti pr (...)
  • 248 É. Pasquier, Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., 1587, fo. 4 (...)
  • 249 Ibid., fo. 464 vo.
  • 250 Ibid., fo. 466 vo.
  • 251 Ibid., fo. 467 ro.

75En pleine guerre civile247, Henri III a plus que jamais besoin de subsides pour financer ses compagnies de gens d’armes. Il décide donc de créer de nouveaux offices : deux présidents et douze maîtres aux comptes248. L’édit est soumis à la Chambre qui refuse son enregistrement249. Cependant, la lettre patente est portée par Charles II de Bourbon, cardinal de Vendôme (1562-1594). Celui-ci énonce sa commission ordonnant l’enregistrement expresse de l’édit250. Étienne Pasquier prend alors la parole pour s’opposer à l’acte royal251.

  • 252 Ibid., fo. 467 vo.
  • 253 Ibid., fo. 471 vo.

76La position de Pasquier est délicate au regard de sa fonction d’avocat général à la Chambre des comptes. Il est censé défendre les intérêts du roi, non s’opposer à sa volonté. Notre auteur paraît donc injuste, peu enclin à éclairer la vérité. Pour cette raison, il affirme au début de sa remontrance que son office est « particulierement affectez au service du roi »252. Ce service engendre deux devoirs : « vérité » et « obéissance ». Leurs raisons ne sont expliquées qu’à la fin de la remontrance de Pasquier. Notre magistrat rappelle que son devoir de vérité est « charge fonciere, annuelle a [s]a conscience et a [s]on estat »253. Cette conscience, éclairée de justice, lui permet de mobiliser une prudhommie et de révéler la vérité à son roi.

  • 254 Id., Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 536 : « Ne vous chargez point (...)
  • 255 Id., Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., fo. 470 ro.

77Ce devoir de vérité est lié à l’exigence de prudhommie. Pasquier enjoint son fils à ne tendre qu’à la vérité, expression de la justice254. Dans sa remontrance, il clarifie sa position en affirmant son « service » et ses « devoirs » aux représentants du roi. Par cela, il manifeste sa prudhommie, émanation de sa « conscience ». Il restaure ainsi son autorité en énonçant la vérité, soit la justice pour son roi, bien qu’elle puisse être contraire à sa volonté. Si le roi reste libre de sa volonté, Pasquier rappelle les conséquences institutionnelles de cette vérité, à savoir la sauvegarde des institutions du royaume255.

  • 256 M.-F. Renoux-Zagamé, « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire (...)
  • 257 Ibid., p. 158.

78Cette prudhommie est mise en application dans la remontrance de Pasquier. Notre magistrat cherche à montrer le caractère juste de son opposition à l’acte royal. Cette quête est celle de la conscience d’un homme de loi cherchant à conformer la volonté royale au droit. Cette attitude n’est pas propre à notre auteur. Elle se développe à travers le modèle du « bon juge » au cours de la seconde moitié du xvie siècle. Peu à peu, les magistrats manifestent leurs consciences marquant une certaine indépendance dans l’interprétation de la loi256. En dernier recours, en conscience, les magistrats font appel à Dieu pour conformer la loi des hommes avec la loi naturelle expression de sa justice divine257.

  • 258 J.-L. Thireau, « Le bon juge chez les juristes français du xvie siècle », La conscience du juge dan (...)
  • 259 M.-F. Renoux-Zagamé, « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire (...)
  • 260 É. Pasquier, Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., fo. 470 ro.
  • 261 Ibid., fo. 470 vo.

79Dans le cas présent, il y a cette rencontre entre la notion cicéronienne et chrétienne du droit naturel258. Le divin inscrit dans la conscience certains principes de droit259. La conscience de Pasquier le pousse ainsi à démontrer l’incivilité de l’acte royal à l’égard des cours souveraines. Autrement dit, il s’agit de s’opposer à cet acte contraire aux institutions « subtanciels et naturelles » du royaume260. La justice défendue par Pasquier est ce droit propre au royaume mis en danger par l’acte incivil du roi261.

  • 262 Ibid., fo. 469 ro.

80Dans cette opposition, notre avocat est prudhomme car il révèle la vérité, c’est-à-dire la véritable justice à son roi. Celle-ci c’est celle de conserver le royaume, en préservant ses « deux parties nobles »262 : le parlement et la Chambre des comptes de Paris. L’éloquence de Pasquier prend ainsi comme point de départ sa conscience, animée de prudhommie. De celle-ci, il formule une parole qui tend à conformer la volonté royale à la justice.

  • 263 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité́… », op. cit.
  • 264 Ead., « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire à l’aube des Te (...)
  • 265 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit. t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 345 : « je (...)

81Ces exigences de prudence et de prudhommie se réunissent dans une finalité : la quête du juste. Grâce à un savoir sagement mobilisé et une prudhommie affichée, Pasquier peut formuler cette parole civilisatrice. Celle-ci vise justement à rétablir la justice, à rapporter l’acte ou la décision royale au jus civile, au droit du royaume. Il ne s’agit pas de contrôler la décision à l’aune de normes supérieures, mais plutôt par rapport à une certaine idée du juste263. Inspiré de la notion de raison écrite, Pasquier et ses contemporains visent à confronter la volonté royale au juste émanant du droit applicable en France264. Un tel discours sous-entend ainsi un véritable contrôle de la parole du Prince. Toutefois, Pasquier n’entend pas de contrôle265 mais seulement des remontrances. Notre auteur garde en tête cette ancienne conception du roi « gouvernant en son conseil » gardant le dernier mot. En ce sens, notre juriste ne fait finalement que conseiller le roi de ramener ses volontés sous la justice.

  • 266 Ibid., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 533.

82À travers cette quête de civilité, Pasquier se représente comme un Hercule gaulois civilisant son auditoire. Pasquier nous donne d’ailleurs un indice : « Je mets l’Advocat du Roy au second, lequel conjoignant avec son esprit, la dignité de son office, rend ses opinions beaucoup plus persuasives »266. Or, la première qualité de l’éloquence de l’Hercule réside dans sa force de persuader. Si notre avocat persuade, c’est parce qu’il tend à une cause juste en mobilisant une prudence et une prudhommie. Le héros gaulois apparaît alors comme une image répondant à la représentation de Pasquier sur les planches de ce « grand Théâtre de France ». Il offre cette représentation par son éloquence civilisatrice devant la République des Lettres des cours souveraines.

  • 267 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 750‑751 : « Je suis le mesme Pasquier que j’esto (...)

83Dans un royaume troublé, Pasquier voit dans l’éloquence de l’Hercule gaulois un moyen de sauver la civilisation de son temps. L’exacerbation des guerres de religion amène notre auteur à développer une éloquence tendant à civiliser sa République des Lettres et le royaume. Pour notre auteur, le maintien de la justice est une condition à la conservation du royaume. Il recherche donc à constamment à soumettre et à confronter la volonté royale à la civilité de la loi. En la ramenant à la justice, notre auteur veut maintenir l’obéissance des sujets et par extension la chute du royaume. Si cette éloquence a reçu un écho favorable de la part de ses amis de la République des Lettres, le pouvoir royal a mis de côté les injonctions de Pasquier. Toutefois, celui-ci s’assure indirectement de les faire survivre en assurant la transmission de son œuvre. À l’hiver de sa vie, notre auteur est toujours cet Hercule à la parole civilisatrice, rappelant je suis « le mesme Pasquier que j’estois »267.

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Notes

1 A. Valladier, Labyrinthe royal de l’Hercule gaulois triomphant […], Avignon, Bramereau, 1601.

2 Ibidem, p. III.

3 Lucien de Samosate, Opuscules, texte établi et traduit par J. Bompaire, Paris, Les Belles-Lettres, 1993, « Héraclès », p. 60-64.

4 Ibid., p. 61.

5 A.-M. Favreau-Linder, « Lucien et le mythe d’ Ἡρακλῆς ὁ λόγος : le pouvoir civilisateur de l’éloquence », Pallas, 81, 2009, p. 4.

6 Ibid., p. 6.

7 Lucien de Samosate, […] Hercules gallicus […] Des. Erasmo Roterod. interprete. Aliquot item ex eodem commentarii, Thoma Moro interprete, 1521, p. 214-216.

8 I. Deligiannis, « Production et diffusion des traductions latines de Lucien à la période de la fin du manuscrit et des débuts de l’imprimé (fin xve siècle-fin xvie siècle) », Astérion, 16, 2017, en ligne : https://doi.org/10.4000/asterion.2896.

9 A. Alciat, Emblemata [1551], traduction de P. Laurens, Paris, Les Belles Lettres, 2016, p. 194.

10 G. Tory, Champfleury, Paris, Gourmont 1534, Livre I, p. 3.

11 G. Budé, Annotationes […] in XXIIII pandectarum libros ad Ioannem Deganaium Franciae Cancellarium, Paris, Sébastien Gryphe, 1541, vol. 1, p. 441-443.

12 Idem, Le livre de l’institution au Prince, Paris, Fouher, 1547, fo. 42 vo et 43 ro.

13 C. La Charité, « Henri IIIrhéteur, nouvel Hercule Gaulois », New Chapters in the history of Rhetoric, dir. L. Pernot, Leiden, Brill, 2009, p. 269-286.

14 M.-R. Jung, Hercule dans la littérature française du xvie siècle : de l’Hercule courtois à l’Hercule baroque, Genève, Droz, 1966, p. 73‑93.

15 J. Delumeau, La civilisation de la Renaissance, Paris, Arthaud, 1967 ; A. Jouanna, La France de la Renaissance, Paris, Perrin, 2009 ; T. Wanegffelen, La Renaissance, Paris, Ellipses, 2014 [2002].

16 E. Garin, L’éducation de l’homme moderne, Paris, Fayard, 1968, p. 81.

17 Id., « Le philosophe », L’homme de la Renaissance, dir. E. Garin, Paris, Seuil, 2002 [1990], p. 196.

18 Id., L’éducation de l’homme moderne, op. cit., p. 95.

19 Rabelais, Pantagruel [1532], Genève, Droz, texte établi et commenté par V. L. Saulnier, Genève, Droz, 1965, p. 21.

20 Ibid., p. 30.

21 Ibid., p. 41‑48.

22 Ibid., p. 44‑47.

23 A. Jouanna, « Pierre de la Ramée », Dictionnaire de la France de la Renaissance, dir. A. Jouanna, D. Biloghi et P. Hamon, Paris, Robert Laffont, 2001, p. 1029‑1031.

24 M.-D. Couzinet, « L’encyclopédie comme programme éducatif chez Pierre Ramus : Conjonction ou réduction ? », Questions sur l’encyclopédisme. Actes du colloque international de Nantes 5-6 juin 2014, dir. N. Correard et A. Teulade, Epistémocritique, 2018, p. 72.

25 Ibid. p. 73.

26 A. Vuilleumier, « Pierre de la Ramée, Loys Le Roy : deux philosophes français au milieu du xvie siècle », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 103, 2-3, 2019, p. 329‑347.

27 R. Ramis Barcelo, Petrus Ramus y el Derecho, Madrid, Dykinson, 2015, p. 129.

28 J.-L. Thireau, « Loisel Antoine », Dictionnaire historique des juristes français (xiie-xxe), dir. P. Arabeyre, J.-L. Halpérin et J. Krynen, Paris, PUF, 2007, p. 672-673.

29 B. Basdevant‑Gaudemet, « Pithou Pierre », ibid, p. 818-820.

30 Sur la vie d’Étienne Pasquier, une bibliographie conséquente existe : É. Pasquier, Œuvres choisies d’Étienne Pasquier, accompagnées de notes et d’une étude sur sa vie et sur ses ouvrages par L. Feugère, Genève, Slatkine Reprint, 1968 [1849], 2 vol., ccxxxix, 498 p. ; D. Thickett, Estienne Pasquier, 1529-1615 : the versatile barrister of 16th‑century France, London, Regency press, 1979, 278 p. ; A. Jouanna, « Pasquier », Histoire et Dictionnaire des Guerres de Religion, dir. A. Jouanna, J. Boucher, D. Biloghi et G. Le Thiec, Paris, Robert Laffont, 1998, p. 1186‑1188 ; P. Bouteiller, Étienne Pasquier, 1529‑1615 : sa vie, sa carrière, Lille, Atelier national de Reproduction des Thèses, 2001, xvii+256 p. ; M.-F. Renoux-Zagamé, « Pasquier Étienne », Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 797‑798 ; C. Magnien, « Étienne Pasquier », Dictionnaire des Lettres françaises, le xvie siècle, dir. M. Simonin, Paris, Fayard, 2001, p. 911‑916. ; J-P. Dupouy « Étienne Pasquier », Écrivains juristes et juristes écrivains du Moyen Âge au siècle des Lumières, dir. B. Méniel, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 974‑985.

31 O. Descamps, « Brisson Barnabé », Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 177‑179.

32 J.-L. Thireau « De Thou Christofle », ibid., p. 966‑967.

33 G. Leyte, « Robert Anne », ibid, p. 880.

34 M.-F. Renoux-Zagamé, « Faye Jacques », ibid, p. 421‑422.

35 J. Boucher, « Harlay », Histoire et dictionnaire des guerres de Religion, op. cit., p. 961‑962.

36 F. Autrand, Naissance d’un grand corps de l’État : les gens du Parlement de Paris : 1345-1454, Paris, Publications de la Sorbonne, 1981, 459 p. ; S. Daubresse, Le Parlement de Paris ou la voix de la raison : 1559-1589, Genève, Droz, 2005, xv+558 p. ; J. Krynen, L’État de justice. France, xiiie-xxe siècle I. L’idéologie de la magistrature ancienne, Paris, Gallimard, 2009, 326 p. ; M. Houllemare, Politiques de la parole : le Parlement de Paris au xvie siècle, Genève, Droz, 2011, 670 p.

37 M. Houllemare, Politique de la parole, op. cit., p. 188-190.

38 Ibid., p. 189.

39 La République des Lettres, dir. H. Bots et F. Waquet, Paris, Belin, 1997, p. 13.

40 C. Revest, « La naissance de l’humanisme comme mouvement au tournant du xve siècle » Annales. Histoire, Sciences Sociales, 68, 3, 2013, p. 665‑696. ; M. Fumaroli, La République des Lettres, Paris, Gallimard, 2015, p. 113‑138.

41 A.-M. Favreau-Linder, « Lucien… », op. cit., p. 6.

42 R. Ramis Barcelo, Petrus Ramus y el Derecho, op. cit., p. 129 ; C. Magnien-Simonin, « “La forte guerre” d’Étienne Pasquier contre Ramus réformateur de l’orthographe dans Les Lettres de 1586 : une fiction démonstrative », Autour de Ramus Le Combat, dir. K. Meerhoff, J.-C. Moisan et M. Magnien, Paris, Classiques Garnier, 2005, p. 405‑428.

43 A. Ernout et A. Meillet, « Civis », Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1985 [1932], p. 124.

44 F. Gaffiot, « civilis », Le grand Gaffiot dictionnaire latin-français, Paris, Hachette, 2000 [1934], p. 324 ; A. Berger, Encyclopedic dictionnary of roman law, New York, The Lawbook Exchange, Ltd., 2002 [1953], p. 389.

45 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité : éléments pour une autre histoire », Droit et Philosophie. Annuaire de l’Institut Michel Villey, 3, 2011, en ligne : http://www.droitphilosophie.com/article/lecture/la-notion-juridique-de-civilite-elements-pour-une-autre-histoire-32 ; ead. « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire à l’aube des Temps modernes », La conscience du juge dans la tradition européenne, dir. J-M. Carbasse et L. Depambour‑Tarride, Paris, PUF, 1999, p. 188.

46 E. Huget, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, Paris, Champion, 1932, t. 2, p. 302.

47 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité », op. cit.

48 É. Pasquier, Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean-Petit Pas, 1619, t. 1, Livre 2, Lettre à Monsieur de Marillac, p. 81 ; t. 2, Livre 22, Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 808 ; t. 2, Livre 19, Lettre à Anne Robert, p. 525 ; t. 1, Livre 6, Lettre à Monsieur Scévole de Sainte Marthe, p. 339 ; Les Recherches de la France, édition critique dirigée par M.‑M. Fragonard et F. Roudaut, Paris, Champion, 1996, t. 1, Livre 2, chapitre 4, p. 361.

49 F. Calasso, Introduzione al diritto commune, Milan, Guiffrè, 1970 [1951], xiii+391 p. ; E. Cortese, La norma giuridica : spunti teorici nel diritto comune classico, dans Ius nostrum – VI, Milan, Giuffrè, 1962-1964, 2 t. ; A. Gouron, « Le droit commun a-t-il été l’héritier du droit romain ? », Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes rendus, 1998, p. 283‑292 ; L. Mayali, « Ius civile et ius commune dans la tradition juridique médiévale », Droit romain, jus civile et droit français, dir. J. Krynen, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 1999, p. 201‑217.

50 A. Guzman Brito, Ratio scripta, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 1981, 160 p. ; M.-F. Renoux-Zagamé, « Le droit commun entre providence divine et raison », Du droit de Dieu au droit de l’Homme, Paris, PUF, 2003, p. 50-76 ; ead., « La notion juridique de civilité́… », op. cit..

51 C. Magnien, Étienne Pasquier (1529-1615) et l’édition de ses œuvres, Szeged Scriptum, 1999, p. 23.

52 É. Pasquier, Les œuvres d’Estienne Pasquier, contenant ses recherches de la France […] Ses lettres ; ses œuvres meslées et les lettres de Nicolas Pasquier, fils d’Estienne, Paris, Compagnie des libraires associés, Trévoux, 1723, 2 t.

53 C. Magnien, Étienne Pasquier épistolier, thèse d’habilitation à diriger des recherches, Paris IV, 1999, p. 156.

54 É. Pasquier, Les Recherches de la France, Paris, Louis Billaine, 1665, p. 397.

55 Id., Les Recherches de la France [1665], édition critique dirigée par M.‑M. Fragonard et F. Roudaut, Paris, Champion, 1996, t. 1, Introduction, p. 41‑43.

56 Id., Interprétation des Institutes de Justinian, Paris, Videcoq, 1847.

57 Ibid., p. xcviii-xcix.

58 Id., La jeunesse d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1610.

59 Id., Les jeus poetiques, édition critique de J‑P. Dupouy, Paris, Champion, 2001.

60 Papillon, Étienne Pasquier (1529-1615), avocat général à la Chambre des comptes de Paris 1605, Paris, Musée Carnavalet, Histoire de Paris, médaille en bronze, 4,85 cm de diamètre, 1605 : nous remercions Philippe Charnotet, responsable du département numismatique du musée Carnavalet de nous avoir reçu et présenté la médaille à l’effigie d’Étienne Pasquier.

61 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295-296.

62 Id., Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1619, t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 6-15.

63 Ibid., t. 2, Livre 19, Lettre à Antoine Loisel, p. 474-477.

64 Id., Les Recherches, op. cit., t. 3, Livre 9, chapitre 1, p. 1710.

65 Id., Les Lettres d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1619, t. 2, Livre 22, Lettre à Achille de Harlay, p. 768‑777.

66 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 738-753 ; Ibid., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine Loisel, p. 443‑451.

67 Ibid., t. 2, Livre 19, Lettre au seigneur Louis de Sainte Marthe, p. 582-593 ; Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 718‑722.

68 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à Favereau, p. 722‑725.

69 Ibid., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 532‑539.

70 Ibid., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.

71 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à M. du Lys, p. 711‑717.

72 Ibid., t. 1, Livre 2, Lettre à Monsieur de Marillac, p. 78‑82.

73 Id., L’interprétation, op. cit., p. 12‑16.

74 Paul Bouteiller procède au recensement des mentions du nom de Pasquier dans les registres de plaidoiries du parlement de Paris de 1569-1576 (P. Bouteiller, Étienne Pasquier, 1529‑1615 : sa vie, sa carrière, Lille, Atelier national de Reproduction des Thèses, 2001, p. 246-251). La plupart des mentions de Pasquier ne contiennent qu’une brève indication de sa plaidoirie reprise parfois partiellement. Ce caractère lacunaire s’explique par une pratique des avocats de la seconde moitié du xvie siècle qui ne remettaient pas leurs discours aux greffiers. Les seuls textes complets sont alors ceux publiés dans des recueils de plaidoyers ou dans des œuvres littéraires comme le montrent les études rassemblées par G. Cazals et S. Geonget : Les recueils de Plaidoyez à la Renaissance, Genève, Droz, 2018. Il en va de même pour les discours de la Chambre des comptes dont les mémoriaux ont été détruits lors d’un important incendie en 1730. Seules quelques pièces, rassemblées par d’anciens membres, demeurent, comme les manuscrits des remontrances de Pasquier, également disponibles dans les archives nationales. Face à ces obstacles, nous retenons les plaidoiries de notre auteur insérées dans ses œuvres ou du moins mentionnées dans ses discours participant à son identification en Hercule gaulois.

75 Dans notre article, nous entendrons la « civilité » sous un angle publiciste, c’est-à-dire lors du « contrôle » de l’acte royal selon le mécanisme de « civilité ».

76 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », au sujet de la verification d’édits et remonstrance sur ce de maistre Estienne Pasquier, Paris, BNF, ms Français 23023, 1586 ; Id., Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), Paris, BNF, ms Français 23023, 1587, f. 462‑ 478.

77 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.

78 Sur ce modèle d’éloquence nationale, Alexandra Pénot aborde la vision de l’Hercule gaulois dans l’œuvre de Geoffroy Tory : « L’art et science de la vraye proportion des Lettres Attiques de Geoffroy Tory (1549) : défense et codification de la langue française », Corpus Eve, Domaine français, 2020, en ligne : http://journals.openedition.org/eve/1788.

79 Papillon, Étienne Pasquier (1529-1615), avocat général à la Chambre des comptes de Paris 1605, Paris, Musée Carnavalet, Histoire de Paris, médaille en bronze, 4,85 cm de diamètre, 1605.

80 F. Mazerolle, Les médailleurs français du xve siècle au milieu du xviie siècle, Paris, imprimerie nationale, 1802, t. 2, 735, p. 147.

81 Trésor de numismatique et de glyphique, ou Recueil général de médailles, monnaies, pierres gravées, bas-reliefs tant anciens que modernes, dir. P. Delaroche, H. Dupont et C. Lenormant, Paris, Ritner et Goupil, 1836, première partie, planche 53, 3, p. 43‑44.

82 É. Pasquier, Choix des lettres sur la littérature, la langue et la traduction, publiées et annotées par D. Thickett, Genève, Droz, 1956, p. 42.

83 Étienne Pasquier, maître des comptes du roi à Paris, âge 76 ans, année 1605.

84 P. Bouteiller, « Recherches sur la vie et la carrière d’Étienne Pasquier, historien et humaniste du xvie siècle », Paris, édition ISI, 1989, p. 50.

85 « Hercules Gallicus ».

86 Lucien, op. cit., « Héraclès », p. 61 : « C’est que ce vieillard Héraclès entraîne après lui une foule nombreuse d’hommes, tous attachés par les oreilles. Les liens sont de minces chaînes faites d’or et d’ambre, semblables aux colliers les plus jolis. Cependant, bien qu’ils soient menés par des liens aussi fragiles, ces hommes ne songent pas à s’enfuir – ils en auraient aisément la possibilité –, et on ne les voit pas du tout résister ni se retenir par les pieds en se renversant en arrière à l’opposé de la traction. Ils suivent gais et joyeux, louant celui qui les emmène ; ils s’empressent tous et, dans leur désir de le devancer, ils font que le lien se relâche. On dirait qu’ils seraient fâchés qu’on les détachât. Ce qui me paraît le plus insolite, je n’hésiterai pas à le dire non plus. Le peintre n’avait pas d’endroit où fixer l’extrémité des chaînes, car la main droite tient déjà la massue et la gauche l’arc. Il a percé le bout de la langue du dieu et il les a représentés tirés par elle. Et Héraclès est tourné vers ceux qu’il emmène et il leur sourit ».

87 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., p. 294-295 ; Lucien, op. cit., « Héraclès », p. 62.

88 A. Alciat, Emblemata [1551], op. cit., p. 194.

89 G. Tory, Champfleury, op. cit., Livre I, p. 3.

90 É. Pasquier, Les Recherches, op. cit., t. 3, Livre 9, chapitre 1, p. 1710 : « L’Hercule qui estoit représenté par image és lieux publics de la Gaule estant aagé, revestu de sa peau de Lyon, ayant son carquois, et ses fleches pendus à sa ceinture, et sa massüe en sa main, et une infinité de peuple qu’il attiroit à soy par sa langue, à laquelle estoit une chaine d’or, le tenant attaché par les aureilles : Tout cela estant représenté au public dit Lucian, pour monstrer quelle estoit la force de l’eloquence, et quelle recommandation on l’avoit és Gaule ».

91 M.‑F. Wagner, « Représentation Allégorique d’Henri IV Rex Imperator » Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, 17, 4, 1993, p. 34‑35.

92 M. Marion, « Procureur général », Dictionnaire des institutions de la France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Auguste Picard, 1923, p. 460. ; R. Doucet, Les institutions de la France au xvie siècle, Paris, Picard, 1948, p. 190.

93 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », opcit.

94 A. Jouanna, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, op. cit., p. 318-328.

95 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 424 ro.

96 Ibid., fo. 428 ro.

97 Ibid., fo. 429 vo

98 R. Doucet, op. cit., p. 191 : une réforme de 1511 divise la Chambre en deux bureaux. Le premier est chargé des relations extérieures, reçoit les officiers, mais surtout vérifie et enregistre les édits de finances. De fait, quitter le lieu de délibération revient à rejeter l’acte du roi.

99 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 436 vo-437 vo : « A quoy le dict sieur Comte de Soissons avoit dit qu’il rapportoit avecq soy que l’obeissance qu’il debvoit au Roy qu’il luy avoit commandé de venir en la dicte chambre pour publication des dictz Edictz et que puisquelle ny vouloir proceder il se servoit du pouvoir et commandement exprès qu’il avoit de sa dicte Majesté et pononceroit au nom de sa dicte Majesté la publication des dicts Edictz ce qu’il avoit dict en la presence de Ma. Estienne Pasquier Advocat general du dict Seigneur qui savoit survenu peu auparavant et comme il commençoit a desploier un petit billet de papier qu’il avoit en la main tous les présidents Conseiller et officiers de la dicte Chambre qui estoient au bureau sauroient sorties du dict bureau et entrez au second bureau de la dicte chambre pendant et à l’instant de laquelle sortie le dict sieur Comte de Soissons avoir prononcé en cet teneur ».

100 Ibid., fo. 438 vo-439 ro : « Avons par présent signé de nostre main suspendu et suspendons tous ceux de nostre dicte chambre des comptes a Paris tant du present que du prochain semestre ensemble noz adovcats et procureur generaux en icelle chambre des comptes qui estoient seant audict grand bureau lors que nostre dict cousin assisté desdicts sieurs de nostre conseil y est entré leur interdisant par ces dicter presenter l’entrée de nostre dicte chambre et la perception de leurs gages espices et droitz ».

101 Ibid., fo. 438 ro – 438 vo : « a fin de faire lire publier et enregistrer en nostre dicte chambre aucun des Edictz qu’avons-nous mesmes nagueres faict publier et enregistrer en nostre Cour de parlement pour estre plus promptement secouru ».

102 Ibid., fo. 448 vo : « Ce jourd’huy quinziesme jour du dict mois de juillet au dict an Messire Anthoine Nicolas chevalier premier president a rapporté que suivant et conformément ce qui avoir esté le jour d’hier resolu par la compagnie asité des nommez par la compagnie avoir faict au Roy la supplication et resqueste arrestée le jour precedent de remettre tous les officiers et la chambre en corps en consideration du service qu’il avoit cy devant receu d’eux lequel corps ne se pouvoit desunir et demembrer ».

103 M. Houllemare, Politiques de la parole : le parlement de Paris au xvie siècle, Genève, Droz, 2011, p. 447-455. Elle présente le parlement comme un théâtre dans lequel les avocats, tels des acteurs, font leurs représentations à travers leurs plaidoiries. Nous soulignons aussi son article : « Un avocat parisien entre art oratoire et promotion de soi (fin xvie siècle) », Revue historique, 630, 2006, p. 298 : « Il ne s’agit plus là d’une narration appuyée sur les pièces du dossier, sur des témoignages, mais d’une véritable représentation ».

104 C.‑G. Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle, Paris, Vrin, 1972.

105 É. Pasquier, « Relation de ce qui s’est passé en la Chambre des Comptes », op. cit., fo. 428 ro.

106 Ibid., fo. 430 ro-430 vo.

107 A. Loisel, Pasquier ou Dialogue des avocats du parlement de Paris, Paris, Videcoq, 1844.

108 De manière générale, nous invitons à suivre l’analyse menée par J.-L. Thireau « Lumières et ombres de la profession d’avocat au tournant des xvie et xviie siècles d’après le “Dialogue des avocats au parlement de Paris” », Revue internationale d’histoire de la profession d’avocat, 5, 1993, p. 51‑68. Sur le rôle donné à Pasquier, nous renvoyons à l’article de M. Chatelain, « Heros togatus : culture cicéronienne et gloire de la robe dans la France d’Henri IV », Journal des savants, 1991, p. 263‑287.

109 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 2, Livre 19, Lettre à Antoine Loisel, p. 476 : « Conclusion entre la charge qu’on vous presente, et celle qu’exercez au Palais, il y autant de difference comme du jour à la nuit ; et serez en plain midy un aveugle de vous en vouloir excuser ; Mesmes que serez en cette commission, un Procureur General du Roy, c’est-à-dire un autre vieux Hercule Gaulois, pour terrasser les monstres, au païs ou elle s’exequutera. »

110 Id., La Jeunesse d’Estienne Pasquier, Paris, Jean Petit-Pas, 1610.

111 Id., Les Jeus poetiques, op. cit., « Introduction », p. 15‑16 : Monophile, Au Roy, congratulation […], Colloques amoureux, Ordonnances généralles d’amour.

112 Ibid., « Ambition », p. 295‑296.

113 Derrière cette idée de celui qui « bien dit », il y a la définition de la rhétorique donnée par Quintilien dans l’Institution oratoire, Paris, Les Belles Lettres, 1976, Livre II, chapitre 15, 34, p. 84 : « La définition qui conviendra parfaitement à la substance de la rhétorique, c’est la “science du bien dire”. Car elle embrasse à la fois toutes les qualités du discours, et, par suite aussi les mœurs de l’orateur, puisqu’on ne peut bien parler sans être homme de bien ».

114 Lucien, op. cit., p. 62. Nous pensons particulièrement à ce premier passage : « Bref, nous pensons aussi que le véritable Héraclès a accompli tous ses travaux par le discours, qu’il fut un sage et que sa force triompha le plus souvent par la persuasion ; et précisément ses traits sont ses discours, je pense, aigus, visant juste, rapides et blessant l’âme ».

115 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 296 : « Ce grend Demon à son point les resveille / Ore assouplit, et ores les roidit, / Tantost eschauffe, et tantost refroidit, / Ny plus ny moins que sa langue les veille ».

116 Ibid., « Ambition », p. 296 : « Ainsi je veux foudroier et tonner, / Ainsi le ciel et la terre estonner, / Ainsi veux-je estre un Hercule Gallique ».

117 Lucien, op. cit., p. 63 : « Ainsi donc, adieu force, vitesse, beauté et toutes les qualités physiques ! […] À présent il serait temps avant tout que mon discours puisse rajeunir, fleurir, s’épanouir, entraîner par les oreilles le plus de gens qu’il pourra ».

118 A. Jouanna, « André Turnèbe », Dictionnaire de la France de la Renaissance, Paris, Robert Laffont, 2001, p. 1109-1110.

119 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 6. Dans la même page, Pasquier se pose en défenseur du vernaculaire : « Quant à moy je seray tousjours pour le party de ceux qui favoriseront leur vulgaire : et estimeray que nous ferons renaistre le siecle d’or, lors que laissans ces opinions bastardes d’affectionner choses estranges, nous userons de ce qui nous est naturel et croist entre nous sans mains-mettre ».

120 Ibid., p. 16.

121 Nous pensons bien entendu à la Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay (qui reprend le Champfleury de Geoffroy Tory, publié en 1529).

122 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 9.

123 Ibid., p. 10 : « Et neantmoins si vous puis-je dire, que jamais nostre France, anciennement appelée Gaule, ne fut dénuée de son eloquence : et celebroyent nos anciens aussi bien leur Hercule Gaulois pour ce subjet, comme les Grec et Romains leur Mercure ».

124 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à Monsieur Louys de Saincte Marthe, p. 672. L’affaire porte sur la question de l’incorporation du collège de Clermont dans l’université. D’un côté, il s’agit pour la compagnie de Jésus d’assurer leurs enseignements conformément aux vœux de Guillaume Duprat (1500‑1560). De l’autre, l’université s’oppose au collège de la compagnie qui représente une concurrence déloyale en raison de la gratuité des cours. Affrontant Pierre de Versoris (1528‑1588), notre jeune avocat livre une longue plaidoirie, reprenant notamment toute l’histoire de la compagnie transmise par un membre de la compagnie de Jésus : Pachase Broët (1500‑1560). La longueur de son discours fatigue notre auteur qui parvient à regagner son souffle par un habile jeu de mots provoquant l’hilarité de l’audience. Le parlement appointa finalement l’affaire en conseil, laissant les parties en l’état. Cette situation restait donc favorable au collège de la compagnie qui gardait le droit d’enseigner, au détriment de l’université. La plaidoirie d’Étienne Pasquier n’est cependant pas passée inaperçue. Pour preuve, Claude Mangot, avocat de renom, a salué ce « traict d’un grand Advocat ».

125 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 750‑751 : « Je suis le mesme Pasquier que j’estois ; mais Pasquier qui ay, graces à Dieu, banny de moy, l’amour, le jeu, l’ambition, et l’avarice et encores l’oysiveté : me contentant d’avoir pour mon lot, la jouissance de mon esprit que je diversifie par ma plume selon les objects qui me viennent à gré ».

126 C. Magnien, « Étienne Pasquier (1529-1615) ou le vieillard qui n’avait “rien de vieux que l’âge” », Vieillir à la Renaissance, dir. C. H. Winn et C. Yandell, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 119‑144.

127 Nous bénéficions à ce titre de son testament olographe qui contient, néanmoins, très peu d’informations sur ses biens : M. Jürgens et J. Mesnard, « Quelques pièces exceptionnelles découvertes au Minutier Central des Notaires de Paris (1600‑1650) », Revue d’Histoire littéraire de la France, 5, 1979, p. 740‑744.

128 Nous soulignons l’article de C. Magnien qui a étudié l’importance de l’éducation chez Étienne Pasquier à l’égard de sa descendance : « É. Pasquier et les enfants dans Les Lettres (1586 et 1619) », Histoires d’enfants. Représentations et discours de l’enfance sous l’Ancien Régime, dir. H. Cazes, Presses de l’Université de Laval, Collection de la République des Lettres, série Symposium, 2007, p. 129‑142.

129 A.‑M. Favreau-Linder, « Lucien… », op. cit., p. 4.

130 Lucien de Samosate, op. cit., p. 63 : « Ainsi donc, adieu force, vitesse, beauté et toutes les qualités physiques ! […] À présent il serait temps avant tout que mon discours puisse rajeunir, fleurir, s’épanouir, entraîner par les oreilles le plus de gens qu’il pourra […] ».

131 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 2, Livre 22, Lettre à Achille de Harlaye, p. 770 : « J’ay d’un costé, mes Livres, ma plume, et mes pensées ; d’un autre un bon feu […]. Ainsi me dorelotant de corps et d’esprit, je fay de mon estude, une estuve, et de mon estuve, une estude ; et en l’un et l’autre subject je donne ordre qu’il n’y ait aucune fumée : au demeurant estude de telle façon composée, que je ne m’asservy aux Livres ains les Livres à moy : non que je les lise de propos delibéré pour les contredire ; mais tout ainsi que l’Abeille sautelle d’une fleur à autre, pour prendre sa petite pasture, dont elle forme son miel, aussi ly-je ores l’un, ores un autre Autheur, comme l’envie m’en prend, sans me lasser, ou opianiastrement harasser en la lecture d’un seul. Car autrement ce ne serait plus estude, ains servitude penible. Ainsi meurissant par eux mon penser, tantost assis, tantost debout, ou me promettant, ils me donnent souvent des advis, ausquels jamais ils ne penserent, dont j’enrichy mes papiers ».

132 Ibid., Lettre à Antoine Loisel, p. 738.

133 Ibid., t. 2, Livre 21, Lettre à M. du Lys, p. 711.

134 Ibid., Lettre à Favereau, p. 722. Pasquier remercie Favereau pour l’envoi de son Mercure ; t. 2, Livre 19, Lettre au seigneur Louis de Sainte Marthe, p. 582. Pasquier lui envoie un discours sur les hauts faits d’Henri IV.

135 Ibid., Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 721. Pasquier présente et rappelle l’ensemble de ses œuvres poétiques avant d’annoncer à son correspondant l’impression de ses trois dernières productions : « Je desire faire courir avant ma mort avant ma mort trois Tomes de mes escrits, pour apres mon deceds revivre. Le premier, de ma jeunesse et sa suite, qui est cettuy-cy. Le second est de mes Lettres, qui ont pris leur vol non seulement par la France, ains en plusieurs nations estranges : et si je croy quelques Imprimeurs qui me sollicitent, j’ay encores dix autres livres sur le poinct d’estre imprimez, ausquels avez bonne part : Et le troisiesme est de mes Recherches de la France, que j’augmente de jour en jour à bonnes enseignes. Je ne vous touche mes Epigrammes Latins, que j’ay augmentez d’un septieme Livre, et mes Icons d’un deuxiesme : ny plusieurs meditations spirituelles que j’ay entre mes papiers. »

136 Ibid., Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 720. Dans cette lettre, Pasquier se déclare être l’auteur des Jeus poetiques. ; Ibid., t. 1, Livre 2, Lettre à Monsieur de Marillac, p. 78.

137 Id., Les Ordonnances généralles d’amour [1574], édition critique par J.‑P. Dupouy, Paris, Classiques Garnier, 2018.

138 Id., Le catéchisme des Jésuites [1602], édition critique par C. Sutto, Montréal, Les éditions de l’université de Sherbrooke, 1982, Introduction, p. 83. Publié anonymement, Pasquier reconnait ultérieurement en être l’auteur dans ses Lettres.

139 Id., L’Interprétation des Institutes de Justinian [1609], Paris, Videcoq, 1847.

140 Id., « L’Interprétation des Institutes de Justinian, divisés en quatre livres, avec la conferance de chaque paragraphe aux ordonnances royaux, arrests de parlements et coustumes generales de la France, par monsieur PASQUIER », Paris, BNF, ms Français 199, 1609, 262 feuillets. Sur la note laissée par Jacques Favereau : « Ce 12 jour de novembre 1609 mon maistre Estienne Pasquier conseiller du roi et son advocat en la chambre des comptes commença de nous dicter les présentes leçons à François Pasquier, son petit-fils, et à moi Jacques Favereau. »

141 Il s’agit du cœur de notre thèse en préparation, centrée sur le « Droit de la France » selon Étienne Pasquier (1529‑1615), juriste humaniste.

142 É. Pasquier, Les Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295.

143 Ibid.

144 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 533 ; parlant de l’avocat « on a de contenter et satisfaire aux oreilles d’un grand Theatre, qui n’est pas un petit aiguillon pour nous exciter à bien faire ».

145 Ibid., p. 534.

146 Id., Jeus poétiques, op. cit., « Ambition », p. 295.

147 Cicéron, L’Orateur, Paris, Les Belles Lettres, 1964, 32, 114, p. 40.

148 Quintilien, Institution oratoire, Paris, Les Belles Lettres, 1976, Livre 2, 21, 4, p. 106.

149 E. Garin, « Le philosophe », L’homme de la Renaissance, op. cit., p. 215‑216.

150 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 1, Lettre à Adrien Turnèbe, p. 10 : « Donnons que ce defaut soit en nous, et accordons qu’un Cicéron diversifie son langage en autant de sortes comme Roscius le Comedien se deguisoit en divers minois, aussi ne nous est ceste diversité necessaire » ; Ibid., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 535 : « N’attendez point icy que je vous enseigne tous ces masques d’oraison qui nous furent representez en ce subjet par les anciens Grecs et Romains, en combien de façons il faut diversifier son bien dire, la manière de remuer les passions de ceux qui escoutent, la closture aggreable d’une clausule, et une infinité de belles fleurettes dont leurs livres et enseignements sont farcis. Tout l’artifice que j’entends vous donner, est de n’user point d’artifice ».

151 M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence, Genève, Droz, 2009 [1980], p. 489‑491.

152 F. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, Paris, Delin‑Leprieur, 1828, vol. 2, article 1, p. 652‑653 et vol. 2, article 11, p. 690.

153 M. Houllemare, Politique de la Parole, op. cit., p. 204.

154 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine Loisel, p. 446 : « Ceste nouvelle forme de plaider, si je ne m’abuse, est venue d’une opinion que nous eusmes de contenter feu Monsieur le premier President de Tou, devant lequel ayans à parler, et voyans son sçavoir estre disposé à telles allegations, nous voulusmes nous accomoder à l’aureille de celuy qui avoit à nous escouter ».

155 P. Arabeyre, « Louis Le Caron », Dictionnaire historique des juristes français, op. cit., p. 625‑628. Pour une étude plus approfondie sur Louis le Caron et sa pensée, nous renvoyons à l’important travail de S. Geonget, « Le mariage de l’estude du droict avec les lettres humaines » : l’œuvre de Louis Le Caron Charondas, Genève, Droz, 2021, 557 p.

156 S. Geonget, « Contre “les rabules et impudens criards, vraie peste des barreaux” », Les recueils de Plaidoyez à la Renaissance entre droit et littérature, dir. G. Cazals et S. Geonget, Paris, Genève, 2018, p. 179.

157 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 7, Lettre à Antoine Loisel, p. 446 : « Or puis qu’il a pleu à Dieu de l’appeler à soy, je desire aussi qu’avec luy soit ensevelie ceste nouvelle manière d’éloquence, en laquelle pendant que nous nous amusons à alleguer les anciens, nous ne faisons rien d’ancien ». Sur ce point, voir B. Autiquet, Écrire au risque de l’indignité. Le discours de l’autorité dans les Lettres (1586-1619) d’Étienne Pasquier (1529-1615), Thèse dactylographiée, Paris, Sorbonne Nouvelle, 2021, p. 513.

158 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 539.

159 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12.

160 La lettre est adressée à son fils sous forme de « conseil ». L’interprétation des Institutes est une conférence de droit romain et de « l’usage en France » visant à transmettre à ses petits-enfants des règles générales invocables devant les cours souveraines.

161 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12.

162 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534 : « Au regard du premier poinct, encorres que les anciens ayent sur tout désiré la mémoire au Jurisconsulte, si est-ce que je ne puis condescendre à leur opinion ».

163 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Les anciens estimoient que la science du droict versabatur praecipue circa memoriam ; c’est pourquoy Ciceron, en quelque endroict, discourrant des parties de la rhétoricque quae constant inventione, judicon memoria, dispositione et elocutione, disoit : memoriam esse propriam jurisconsulti et oratorem eam ab illo mutuari ».

164 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Et, de faict, encorres sommes-nous en cette erreur de la populace, estimant que celuy n’est pas grand jurisconsulte qui n’allegue beaucoup de loix ».

165 Id., Pourparlers, Paris, Champion, 1995, p. 85 ro : Pasquier perçoit le droit romain comme un « labyrinth de proces ».

166 Id., Les Lettres, op. cit, p. 534.

167 Ibid., p. 534.

168 Id., Interprétation, op. cit., Livre 1, chapitre 4, p. 12 : « Toutefois la vérité est que le droict [tourne davantage autour de la prudence qu’autour de la mémoire] ».

169 Ibid.

170 Pline le Jeune, Lettres, Paris, Les Belles Lettres, 2011, Livre 4, Lettre 10, p. 14.

171 D. 1. 1. 7.

172 Inst. 1. 2. §8.

173 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., p. 12.

174 Ibid., p. 12-13.

175 D. 1. 2. 2. §37 : « Gaius Scipio Nasica, qui optimus a senatu appellatus est ».

176 « Optimus ».

177 Ambroise de Milan, Des offices, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 154 : « Ainsi donc la première source du devoir est la prudence. […] Cette source cependant s’écoule aussi vers toutes les autres vertus ; il ne peut en effet exister de justice sans prudence : l’examen de ce qui est juste et injuste est assurément le fait d’une prudence pas banale. »

178 Ibid.

179 J.‑L. Thireau, « Préceptes divins et normes juridiques dans la doctrine française du xvie siècle », Le droit entre laïcisation et néo-sacralisation, dir. J.‑L. Thireau, Paris, PUF, 1997, p. 118‑125.

180 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534 : « Ceste prudence ne s’acquiert que par long usage. Partant il vous faut rendre sur vostre arrivée assiduel auditeur au barreau (où l’on digere vrayement les loix) bastir vostre estude sur l’estude de ceux qui plaident ».

181 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 325‑363.

182 J. Boucher, « François d’Anjou » Dictionnaire des guerres de religion, op. cit., p. 932‑934.

183 A. Jouanna, op. cit., p. 240.

184 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 324 : « et comme je me veux ouvrir, Monsieur l’Advocat de Thou pour Monsieur le Procureur general l’empesche, et soustient qu’ils sont prevenus de crime de leze-majesté, partant qu’ils doivent respondre par leur bouche ».

185 Ibid., p. 325 : « Si jamais ville fut obeissante à son Prince, certainement c’est celle d’Angoulesme, laquelle combien qu’elle ait esté quelque-fois envahie par ceux de la nouvelle opinion, si est-ce qu’estant depuis remise sous l’obeissance du Roy, il ne se trouvera remarque, par laquelle il apparoisse qu’elle ait changé, ou de religion envers Dieu, ou de devotion envers le Roy. Et bien qu’elle soit heurtée de toutes parts d’ennemis, si est elle tousjours demeurée ferme et constante en son devoir, comme un rocher au milieu des flots ».

186 Ibid., p. 332.

187 Ibid., p. 327.

188 Gouverneur de l’Angoumois (1575‑1585).

189 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 328 : « La premiere chose que Monsieur Ruffec Gouverneur du païs d’Angoulmois eut en recommandation, apres avoir receu ces lettres, ce fut d’assembler les estats, et suivant le mandement du Roy prendre le serment d’eux tous unanimement, de demeurer perpétuellement en leur fidélité ».

190 Ibid. p. 331 : « Estans advertis de sa venue, nous le receuillons comme un Officier venant de vostre part : luy demandons qu’il nous communique l’Arrest qu’il avoit, en vertu duquel il nous donnoit assignation ».

191 Id., Recherches, op. cit., Livre 2, chapitre 2, p. 42 : « qui estoit comme metoyenne entre le Roy et le peuple, dependoit toute la grandeur de la France ».

192 Id., Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 332.

193 Ibid., p. 333 : « Nous avons fermé nos portes. A qui ? Non à autres qu’à Langoran, craignans que sous un nom emprunté de train, il voulust surprendre nostre ville. Je ne voy donc point (sauf vos reverences) dequoy l’on nous puisse accuser de tout ce faict-cy, sinon d’avoir apporté prudence, pour la conservation de nous tous, et fidélité envers nostre Roy ».

194 Ibid., p. 334.

195 Ibid., p. 335.

196 Ibid. p. 336 : « Que l’ancien ordre de ceste Monarchie portoit, que jamais tresve de telle importance, et jamais paix n’avoit esté exécutée qu’au preallable elle ne fust vérifiée et emologuée en ceste Cour, avec grande maturité de conseil. Que ceste-cy ne l’ayant esté, nous avions juste occasion de nous excuser, et dispenser de l’ouverture que l’on demandoit. Ceste exception estoit elle bonne et vallable ? Quant à moy je n’en feray jamais nul doubte. Vos Registres en font foy. L’usage est tel, et la loy generale de la France ».

197 Ibid., p. 337‑338 : « Si jamais ordre politic fut sainement et sainctement observé en quelque Republique que ce soit, je puis dire franchement, et est vray, que c’est en nostre Monarchie. Car noz anciens recognoissans que combien qu’entre les trois especes de Republique il n’y en ait point de plus digne et excellente que la Royauté […] toutefois parce qu’il peut quelquefois advenir que la couronne tombe és mains d’un Prince foible et imbecille, ils establirent un perpetuel et general Conseil par la France, que l’on appella Parlement, non pour servir de controlle à nos Roys, ains par les humbles remonstrances duquel se passoient les confirmations des affaires generales ».

198 Ibid., p. 338.

199 Ibid., p. 339 : « Et bien que quelques uns vueillent dire que les affaires d’Estat n’aient rien de commun avec vous, toutesfois jamais paix ou traité d’importance, n’eut authorité entre nous, qu’il n’ait été vérifié par ceste Cour. […] Non que pour cecy nos Roys aient estimé se mettre sous la tutelle d’autruy : mais reduisans par ce moyen leur puissance absolue sous la civilité de la loy, ils se sont garentis de l’envie publicque, et des importunités de ceux qui ont leurs faveurs particulieres abusaient de la débonnaireté de leurs Maistres : se rendant par ce moyen aimez de leurs sujets […]. Chose qui a conservé leur grandeur successivement depuis onze cents ans jusques à huy. Et a produit cela tel fruict, que tout ainsi qu’il n’y a eu peuple au monde tant obeisssant à son Roy que le François par le passé, aussi ne se trouverent jamais Princes tant debonnaires et favorables envers leurs sujets, que nos Roys ».

200 Ibid., p. 341 : « qui ne voit que par ceste Tresve on aliene les villes du Roy ? »

201 Ibid. : « Davantage en matiere d’aliénation du domaine de la couronne, soit qu’elle soit perpetuelle ou temporelle, nos loix (mesmes les dernieres et modernes) y requièrent cognoissance de cause en ce lieu. Car par l’edict qui fut fait en l’an 1565 à Moulins ».

202 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe., p. 340 : « Car par icelle il est permis pendant le temps de la Treve à ceux de la pretendue religion nouvelle, d’exercer leur religion à huis ouvert és villes qui leur seront consignées. Quand il n’y auroit que ce seul poinct, puis qu’il est question d’apporter nouvelle face de religion en une ville […] ce faict est de telle importance que vous n’y sçauriez assez apporter d’autorité publicque ».

203 Ibid. : « Si tant est que la religion soit (comme elle est) fondement de toute république bien ordonnée. Et de faict qu’estoyent tous vos Edicts de Pacification, qui furent passez depuis l’an mil cinq cens soixante, sinon temporels et provisionaux ? Et neantmoins l’on a jamais révoqué en doute que ceste provision temporelle ne deust passer par l’emologation de la Cour ».

204 Ibid., p. 342 : « Toutes ces considerations doncques sont passées par l’esprit des citoyens d’Angoulesme, considerations dy-je dont ils eussent faict remonstrances ».

205 Ibid., p. 344‑345 : « Je ne veux point mettre en memoire toutes ces longues questions des Docteurs du droit civil, quand ils soustiennent, que tout ainsi qu’il n’est point en la puissance du subjet et de s’exempter de l’obeissance de son seigneur, sans le consentement du seigneur, aussi n’est-il en celle du seigneur de mettre son subjet en main estrange, et plus faible que la sienne sans l’expres consentement du subjet, comme estans choses relatives et reciproques ».

206 Ibid., p. 345 : « Ceste cause est de trop grande importance pour y avoir recours aux Docteurs ».

207 Ibid. : « Et si pour dire cecy, je peche ma faute provient de la débonnaireté de nos Roys, qui l’ont ainsi de tout temps et ancienneté toléré ».

208 Ibid. : « Mais estant né François, plaidant pour un peuple François au premier tribunal de la France, je dis que nous sommes recevables, non pas à nous opposer, non à disputer, non à controler la volonté de notre Prince : ains à luy faire nos très humbles remontrances en justice ».

209 Ibid.

210 Ibid.

211 Ibid., p. 345‑346. Pasquier mentionne le traité de paix marquant la fin de la guerre du Bien public. Dans celui-ci Louis XI accorde à son frère le duché de Normandie. Les sujets s’y opposent et gagnent leur cause. Notre auteur mobilise aussi l’exemple du traité de Madrid qui cède la Bourgogne à Charles Quint. Les États s’assemblent et s’opposent à la cession de la Bourgogne.

212 P‑A. Mellet, Les traités monarchomaques, confusion des temps, résistance armée et monarchie parfaite, 1560‑1600, Genève, Droz, 2007, 568 p.

213 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 347 : « Le premier de nos privileges ».

214 Ibid., p. 347 : « Et quand nous n’aurions privileges, si estimons nous estre assistés d’une infinité de particularitez, pour lesquelles vous nous en dispenserez s’il vous plaist ».

215 Ibid., p. 348‑350.

216 Ibid., p. 352‑358.

217 Ibid., p. 350 : « Le Roy doncques encore un coup nous les conservera en leur entier, s’il luy plaist » ; p. 362 : « Et si apres toutes ces remonstrances que nous vous faisons, avec toute humilité, vous trouvez que nous devions nous rendre, apres avoir veus nos privilèges, nous ferons tout ce qu’il vous plaira nous commander, asseurez qu’en ceste cause toute publicque vous nous garderez la justice que l’on garde aux moindres de la France ».

218 Ibid., p. 359 : « Permettez-nous user d’une exception politique, je dis d’une exception qui soit establie entre nous par discours humain. Permettez-nous user d’une exception de nature, que nous avons de nostre naissance humée avecque le laict de nos meres, ne vous estudiez point de banir de nous ce que l’on ne peut nous oster ».

219 Ibid., p. 324 : « En fin les parties sont appointées au conseil, et ordonné que l’on verrait les chartres et privileges de la ville ».

220 Ibid., t. 2, Livre 12, Lettre à Monsieur de Sainte Marthe, p. 790‑794.

221 Id., Pourparlers, édition critique par Béatrice Périgot, op. cit., fo. 97 ro.

222 É. Pasquier, Jeus poetiques, op. cit., « Ambition », p. 295.

223 Quintilien, op. cit., Livre 2, chapitre 15, §1, p. 75.

224 Ibid., Livre II, chapitre 15, §33, p. 83.

225 M. Houllemare, Politique de la parole, op. cit., p. 503-504.

226 Ibid., p. 424.

227 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 534.

228 Ibid., p. 535.

229 Ibid.

230 Ibid., p. 536.

231 F. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises : depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, Paris, Delin‑Leprieur, 1828, vol. 2, article 1, p. 652-653 et vol. 2, article 11, p. 690.

232 É. Pasquier, Interprétation, op. cit., p. 13‑16.

233 Ibid., p. 13 : « honeste vivere, neminem laedere, et jus suum cuisque tribuere ».

234 Ibid., p. 14.

235 J.-L. Thireau, « Préceptes divins et normes juridiques dans la doctrine française du xvie siècle », op. cit., p. 114‑118.

236 D. 23. 2. 43. Accurse Gl. : « Honestum sit. f. de aequitate : ut j. de reg. iur. l. semper. et pone exemplum. s. e. l. si qua mihi § si uxor ».

237 D. 50. 17. 144. Accurse Gl. : « Semper. Sponsa filii mei non est mihi nurus : et sic licet mihi cum ea contrahere matrimonium : sed non est honestum : quod praevalet. Idem econtra in sponsa patris. idem in filia uxoris meae, quam habuit post divortium a me factum […]. Sed dominus B. ponebat in senator, cui licet de iure naturae contrahere matrimonium cum qualibet : non tamen est honestum tanto viro cum liberta contrahere, quod praevalet ».

238 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 14.

239 D. 1. 1. 10.

240 Inst. 1. 1. §3.

241 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 14 : « autrement, ils eussent manqué de sens commun d’avoir mis, pour première pièce de nostre droict, honeste vivere, et qu’après ils eussent mis neminem laedere et jus suum cuique tribuere, desquelles on ne doubte pas qu’ils ne soient de nécessité expresse ».

242 Ibid., p. 14.

243 Cicéron, Des devoirs, Paris, Les Belles Lettres, 1970, t. 2, Livre 3, chapitre 4, §20, p. 80.

244 Plutarque, Vies, Paris, Les Belles Lettres, 1961, t. 2, Vie de Thémistocle, §20, p. 125.

245 É. Pasquier, L’interprétation, op. cit., p. 15.

246 Id., Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), Paris, BNF, ms Français 23023, 1587, f. 462‑478.

247 Depuis près de cinq années, le royaume connait une huitième guerre de Religion opposant le parti protestant à la sainte ligue menée par Henri III, mais en réalité contrôlée par Henri de Guise.

248 É. Pasquier, Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., 1587, fo. 463 ro.

249 Ibid., fo. 464 vo.

250 Ibid., fo. 466 vo.

251 Ibid., fo. 467 ro.

252 Ibid., fo. 467 vo.

253 Ibid., fo. 471 vo.

254 Id., Lettres, op. cit., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 536 : « Ne vous chargez point de cause que ne la pensiez bonne : car en vain penserez-vous persuader vos Juges, si vous n’estes le premier persuadé de vostre cause. Combattez pour la vérité, et non point pour la victoire ».

255 Id., Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., fo. 470 ro.

256 M.-F. Renoux-Zagamé, « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire à l’aube des Temps modernes », op. cit., p. 183.

257 Ibid., p. 158.

258 J.-L. Thireau, « Le bon juge chez les juristes français du xvie siècle », La conscience du juge dans la tradition juridique européenne, Paris, PUF, 1999, p. 155 ; Id. « Cicéron et le droit naturel au xvie siècle » [1987], Jus et Consuetudo, textes réunis par A. Dobigny-Reverso, X. Prévost et N. Warembourg, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 175‑210 ; Id., « Stoïcisme moderne », Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996, p. 752‑756.

259 M.-F. Renoux-Zagamé, « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire à l’aube des Temps modernes », op. cit., p. 164.

260 É. Pasquier, Autres remontrances dudit Étienne Pasquier (30 septembre 1587), op. cit., fo. 470 ro.

261 Ibid., fo. 470 vo.

262 Ibid., fo. 469 ro.

263 M.-F. Renoux-Zagamé, « La notion juridique de civilité́… », op. cit.

264 Ead., « Répondre de l’obéissance. La conscience du juge dans la doctrine judiciaire à l’aube des Temps modernes », op. cit., p. 180.

265 É. Pasquier, Les Lettres, op. cit. t. 1, Livre 6, Lettre à Scévole de Sainte Marthe, p. 345 : « je dis que nous sommes recevables, non pas à nous opposer, non à disputer, non à controler la volonté de nostre Prince : ainsi à luy faire nos très-humbles remonstrances en justice ».

266 Ibid., t. 1, Livre 9, Lettre à Théodore Pasquier, p. 533.

267 Ibid., t. 2, Livre 22, Lettre à Antoine Loisel, p. 750‑751 : « Je suis le mesme Pasquier que j’estois ; mais Pasquier qui ay, graces à Dieu, banny de moy, l’amour, le jeu, l’ambition, et l’avarice et encores l’oysiveté : me contentant d’avoir pour mon lot, la jouissance de mon esprit que je diversifie par ma plume selon les objects qui me viennent à gré. ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Baptiste Robaglia, « Étienne Pasquier, un avocat à l’éloquence herculéenne dans la République des Lettres »Clio@Themis [En ligne], 24 | 2023, mis en ligne le 24 mai 2023, consulté le 30 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cliothemis/3379 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cliothemis.3379

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Auteur

Baptiste Robaglia

Université Paris-Panthéon-Assas
Institut d’histoire du droit Jean Gaudemet UMR 7184

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