Édith Cresson: "Ils se mettaient à genoux pour filmer mes jambes"

Sexisme en politique. Le 15 mai 1991, la socialiste Édith Cresson était nommée Premier Ministre par François Mitterrand. Aujourd'hui, elle se souvient des bassesses, du machisme et de la violence dont elle fut victime durant ses 10 mois à Matignon...

Édith Cresson: "Ils se mettaient à genoux pour filmer mes jambes"
© Édith Cresson en 2006 / FACELLY/SIPA

Il y a eu dans la Ve République, 11  Premiers ministres avant Édith Cresson et 12 après elle. Tous des hommes. Trente ans après son entrée à Matignon, l'ancienne Socialiste aujourd'hui âgée de 87 ans se souvient de la dizaine de mois passés au plus haut niveau de l'Etat, remplis de critiques sexistes de la part de journalistes mais aussi de collègues politiques à l'attitude hostile.
Si très vite, la cheffe du gouvernement devient impopulaire et paiera les échecs de la majorité aux élections régionales et cantonales en étant remplacée par Pierre Bérégovoy, elle n'en oublie pas l'ambiance dans laquelle elle a évoluée. 

Un sexisme propre à la France

À l'époque où le Royaume-Uni par exemple avait déjà connu une femme à sa tête avec Margaret Thatcher, la France elle découvrait cela. Aujourd'hui, Édith Cresson se rappelle que lors de chacune de ses interventions, les commentaires se faisaient sur sa façon de s'habiller, et non sur ce qu'elle avait à proposer. 

Chez Europe 1, Édith Cresson se souvient: "Dans la presse, les commentaires, c'était 'elle porte des boucles d'oreilles'. Elle porte un bracelet'. 'Regardez comment elle marche'. Ils se mettaient à genoux devant ma voiture pour filmer mes jambes. L'attitude de ces gens-là était inimaginable."

Pour cette femme de l'exécutif, pas de doute, cette forme de sexisme est propre à la France. "J'ai vu comment ça se passe ailleurs… Jamais il n'y a des choses de ce genre. Une femme a été Première ministre au Portugal sans que ça pose le moindre problème, et je  n'ai jamais vu une attitude de ce type en Espagne." confie-t-elle toujours chez Europe 1.

Misogynie

A la tête du gouvernement, "j'ai appliqué le programme qui était dans la lettre à tous les Français de François Mitterrand", rappelle Édith Cresson sur Europe 1.

"Mais dès que j'essayais de faire quelque chose, c'était immédiatement critiqué d'une façon ordurière.

Edith Cresson se rappelle également de quelques collègues ministres extrêmement macho, comme Roland Dumas, même si les autres faisaient leur travail sans s'épancher sur elle.

Pour Édith Cresson, si la place des femmes en politique s'est banalisée, ce n'est pas le cas pour les plus hautes fonctions.

"Qu'une femme puisse être ministre, pendant un certain temps, ça a choqué. Puis ensuite, ils s'y sont plus ou moins habitué. Mais Premier ministre, c'était trop... Ils ne pouvaient pas." dit-elle toujours sur Europe 1.