«Irena’s Vow»: Sophie Nélisse en héroïne de guerre | Le Devoir

«Irena’s Vow»: Sophie Nélisse en héroïne de guerre

Dans le film de Louise Archambault, Sophie Nélisse interprète la courageuse Irena Gut, étudiante en soins infirmiers qui cacha douze personnes juives sous le nez des nazis.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Dans le film de Louise Archambault, Sophie Nélisse interprète la courageuse Irena Gut, étudiante en soins infirmiers qui cacha douze personnes juives sous le nez des nazis.

Les nazis viennent d’envahir la Pologne. Étudiante en soins infirmiers, Irena Gut est mise à contribution forcée par l’occupant. Un jour, un haut gradé nazi la remarque et décide d’en faire la nouvelle gouvernante de sa vaste demeure champêtre. En apparence soumise, Irena s’est en réalité fait la protectrice de douze personnes juives, qu’elle cache dans la villa sous le nez de son employeur. L’histoire incroyable mais vraie de cette femme d’exception a été confiée à deux Québécoises, la réalisatrice Louise Archambault et l’actrice Sophie Nélisse, maîtresses d’oeuvre du film Irena’s Vow (La promesse d’Irena).

À l’origine du projet se trouve une pièce de Dan Gordon basée sur la vie d’Irena Gut (plus tard Irene Gut Opdyke), pièce dont le dramaturge tira ensuite un scénario. Il faut savoir que la principale intéressée ne révéla son acte de bravoure qu’en 1975, motivée par une volonté de couper le sifflet aux négationnistes, et non par quelque désir de renommée.

« C’est une coproduction, et au départ, ils cherchaient un réalisateur européen ou américain, puis ils ont ouvert au Canada, et c’est comme ça qu’on m’a remis le scénario », explique Louise Archambault, réalisatrice de Gabrielle et Il pleuvait des oiseaux.

« Quand je l’ai lu, je n’en suis pas revenue. Si ç’avait été une histoire fictive, j’aurais refusé le projet tellement ça semblait énorme. Pourtant, tout est vrai. J’ai eu un gros coup de coeur pour Irena : cette femme polonaise, prise dans les travaux forcés… elle m’a captivée. Son geste de courage, d’altruisme, est tellement inspirant et porteur d’espoir. D’autant plus qu’on était alors en pleine pandémie, et l’espoir, c’était bienvenu. »

Même son de cloche chez Sophie Nélisse, qui, une fois revenue de sa stupéfaction face à la nature extraordinaire du récit, développa un lien puissant avec le personnage.

« Quelle femme hors du commun ! » se pince encore l’actrice, révélée toute petite dans Monsieur Lazar.

« Malgré les atrocités qu’elle a vécues, elle est demeurée résiliente, et forte, poursuit Sophie Nélisse. Elle continue de m’inspirer dans mon quotidien. Elle avait une telle ouverture, une telle empathie… Je me dis que, si on était tous un peu plus comme elle, collectivement, le monde se porterait mieux. Cette histoire-là, elle traite de l’Holocauste, mais elle a une résonance très actuelle, il me semble. »

Afin de se préparer, l’actrice effectua d’intenses recherches. Ce faisant, elle découvrit combien Irena Gut subit d’épreuves avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale.

« Comme il s’agit d’une vraie personne, d’une vraie héroïne, je me suis probablement mis plus de poids sur les épaules que si ç’avait été un personnage fictif. C’est certain que je voulais lui faire honneur et me montrer à la hauteur de son parcours exceptionnel. Et Irena a encore des proches qui sont en vie, dont sa fille [Jeannie Smith] », note la comédienne.

En l’occurrence, c’est Louise Archambault qui proposa la jeune star québécoise pour le rôle principal, alors que les producteurs cherchaient plutôt une actrice américaine. Déjà de plusieurs films anglophones, Sophie Nélisse était à l’époque l’une des jeunes figures de proue de la toute nouvelle série Yellowjackets, vouée à connaître l’immense succès que l’on sait.

Ce fut en tout cas un choix avisé, l’actrice ayant su cerner le caractère singulier d’Irena Gut. De relever Sophie Nélisse à propos de cette dernière :

« Elle a conservé toute sa vie, et on le voit bien sur les photos d’elle, une lumière, une chaleur, une joie de vivre… Je tenais à ce qu’on perçoive ça, même au plus noir du film. »

L’autre guerre

Évidemment, une production historique d’une telle ampleur nécessitait une logistique particulière en matière de lieux de tournage, de costumes, de reconstitution tous azimuts… Or, Louise Archambault ne disposait pas de conditions ou de moyens hollywoodiens, tant s’en faut.

« On avait 5 millions, 29 jours de tournage, et à peine trois semaines de préparation en amont, that’s it. Ceci dit, ce qui a beaucoup aidé, c’est qu’on tournait en Pologne, dans des vrais lieux. J’ai eu la chance de collaborer avec une conceptrice visuelle fabuleuse, qui est également architecte… Pareil pour les costumes authentiques, qui venaient de Vienne, de Berlin, de Londres… Les acteurs enfilent ça, et ils sont tout de suite inspirés, forcément. »

En cours de tournage, Louise Archambault fut en outre stupéfaite de constater combien chacune et chacun des membres de l’équipe avaient une histoire par rapport à la Deuxième Guerre mondiale, en lien avec un père, une mère, un oncle ou une tante…

« Tout le monde était très investi ; tout le monde tenait à raconter cette histoire-là. D’ailleurs, l’équipe polonaise m’a fait penser aux équipes québécoises : beaucoup de rigueur, mais beaucoup de plaisir, et une capacité infinie à trouver des solutions », résume la cinéaste.

Sceau d’approbation

Il reste que tourner un film en Pologne, à ce moment précis, n’était pas sans risques. En effet, peu avant le début de la production, la guerre éclata en Ukraine, pays voisin.

Afin d’être autorisée à aller travailler en Pologne, Louise Archambault dut souscrire non pas une, mais deux assurances… « Pas super rassurant », admet-elle.

Préoccupé par l’invasion russe, l’acteur pressenti pour le rôle du patron nazi se désista à la onzième heure. En toute hâte, on entreprit de le remplacer. L’acteur écossais Dougray Scott fut retenu.

« Non seulement Dougray est super doué, mais il a vraiment été interpellé par cette histoire. Il tenait à en faire partie », explique la réalisatrice.

Vedette primée de la série policière Crime, Dougray Scott est, pour le compte, celui qui mit en contact la production avec Elizabeth Himelstein, l’une des meilleures coachs linguistiques (ou « dialect coach ») de la profession. D’où la qualité des accents.

Comme quoi, à quelque chose, malheur est bon. Parlant d’aspects positifs inespérés : dans le film, un des couples cachés par Irena a un enfant en cours d’intrigue, ce qui génère un suspense assez intense. Non seulement cet enfant a survécu, mais il a aussi vu le film.

« Il en a été extrêmement touché. Il continue de m’écrire », confie Sophie Nélisse.

Et Jeannie Smith, la fille d’Irena Gut, qu’a-t-elle pensé de ce portrait de sa mère ? Devant le film, Louise Archambault relate que madame Smith a simplement déclaré : « C’est ma mère. »

Difficile d’imaginer plus beau sceau d’approbation.

Le film Irena’s Vow prend l’affiche le 19 avril.

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