Dans la chaleur de la nuit (Arte) : pourquoi la gifle donnée par Sidney Poitier est-elle historique ?

C'est un film important, tant d'un point de vue artistique qu'historique, que programme Arte, ce 23 janvier 2023. Tourné fin 1966 et sorti en salles en août 1967, la même année que Bonnie et Clyde et Le Lauréat, qui annoncent le Nouvel Hollywood, ce drame policier réalisé par Norman Jewison devait remporter l'Oscar du meilleur film en 1968. Et si le formidable Rod Steiger, dans le rôle d'un flic pétri de préjugés mais plus fin qu'en apparence, décroche l'Oscar du meilleur acteur, c'est son partenaire Sidney Poitier qui allait marquer durablement les esprits. Il a tout d'abord activement participé avec le scénariste Stirling Silliphant à l'adaptation du roman de John Ball dont s'inspire le film. L'écrivain avait campé un enquêteur noir placide, par moment passif ; Poitier et Silliphant redéfinissent un policier de couleur décidé à ne rien abandonner de sa dignité et de ses convictions face aux préventions du flic qu'incarne Rod Steiger. Sidney Poitier fait alors bouger les lignes.

Ne plus se faire maltraiter

Il le fait d'autant plus pour une scène délicate du film. Poitier, dans la peau d'un inspecteur noir venu de Philadelphie, enquête avec Rod Steiger, en policier local imprégné de préjugés racistes, sur un meurtre commis dans une bourgade du Mississippi. Tous deux interrogent un témoin, riche planteur soupçonné du crime, lorsque le personnage qu'incarne Poitier se prend une gifle du suspect... qu'il rend aussitôt. Un geste qui n'a rien d'anodin : c'est la première fois que l'on voit un noir frapper en toute impunité un blanc à l'écran. "Le bruit de cette gifle, dira Jewison, a résonné dans le monde entier." Ce geste fort rend aussi aux Afro-Américains leur fierté. Mais l'exaltation du si digne Sidney Poitier, devenu en 1967 et 1968 la star n°1 du box-office, ne fait pas l'unanimité parmi ses frères de couleur et provoque un dilemme. Tandis que des émeutes raciales embrasent depuis 1965 les Etats-Unis et que Malcolm X remet en cause le consensus pacifiste de Martin Luther King, l'intégration, pour un certain nombre de noirs, ne représente plus un modèle.

Apogée et déclin

Pris à parti à ce sujet lors d'une conférence de presse faisant suite à la sortie du film, Poitier refuse une essentialisation qui prendrait le pas sur le reste. "Alors que vous pourriez m'interroger sur ce qui se passe de positif dans ce pays ou sur divers aspects de ma personnalité, dit-il en contenant difficilement sa colère, nous sommes ici pour faire du sensationnalisme, et vous posez toujours les mêmes questions portant sur un seul aspect de ma vie : ma négritude." Oscarisé en 1964 pour Le Lys des champs, Poitier qui enchaîne, immédiatement après Dans la chaleur de la nuit, avec Devine qui vient dîner auprès de Katharine Hepburn et de Spencer Tracy, va voir sa carrière décliner inexpliquablement. Alors qu'il est au sommet de sa popularité, les jeunes cinéastes du Nouvel Hollywood, qui prennent le pouvoir en cette fin des années 1960, perçoivent l'acteur comme un survivant de l'ère des studios doublé d'un gentleman. Dans les années 1970, Sidney Poitier, remarié à la belle Joanna Shimkus, réoriente sa carrière vers la production.

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