Débordements à l'Assemblée nationale : le duel du député d'Eure-et-Loir Deschanel avec le Tigre Clemenceau

Alain Denizet, écrivain local, a publé sur son site Internet une chronique consacrée à cet événement. Il revient sur cet épisode de la vie politique.

Paul Deschanel (Républicain) est un homme qui monte beaucoup. Le 25 juillet 1894, il étrille à l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi sur les menées anarchistes, Georges Clemenceau, qui ne siégeait plus, car battu aux élections précédentes.

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Alain Denizet raconte la suite : « Deschanel accuse Clemenceau, alors Radical, d’avoir été mêlé “aux pires désastres de notre politique extérieure”, d’avoir favorisé la livraison de “l’Égypte à l’Anglais” et surtout, “d’avoir trempé dans le scandale de Panama” avec Gustave Eiffel.

Dans son journal, La Justice, Clemenceau avait répliqué et traité Deschanel de “jeune drôle”, alors qu’il avait plus de 40 ans, et avait écrit : “il s’est permis de baver sur moi hier à la Chambre. Ce polisson […] profère à l’égard de La Justice des allégations qu’il sait mensongères. M. Paul Deschanel est un lâche. M. Paul Deschanel a menti.”

« Le duel doit être arrêté lorsque le sang a coulé »

Alain Denizet raconte que « se sentant injurié, Deschanel avait alors exigé de Clemenceau qu’il retire son article ou “une réparation par les armes”. Clemenceau refuse tout net de retirer son article et le duel aura lieu.

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Il est déséquilibré parce que Clemenceau est un habitué des duels et manie aussi bien l’épée que le pistolet. Deschanel est novice en la matière. »

« C’était certes courageux de sa part, mais il faut dire que dans les duels, on meurt rarement. Moins de 3 % des duels conduisent au tombeau », assure Alain Denizet. Les deux hommes se rencontrent chez le comte Cornudet, député de la Creuse, qui a mis sa propriété, située rue de Sèvres à Boulogne, dans un cadre magnifique où le jardinier a brossé les allées…

« Le duel a lieu. Deschanel se défend bien, mais c’est Clemenceau qui remporte le combat. L’empreinte de son épée marque le légèrement corps de Deschanel. Le règlement est très strict et stipule que le duel doit être arrêté lorsque le sang a coulé. Clemenceau ne retirera pas ses écrits. »

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Le « polisson » Deschanel se vengera vingt-cinq ans plus tard. Clemenceau se présente à la présidence de la République en 1920, porté par son rôle pendant la Première Guerre. Deschanel remporte l’élection à la surprise générale face au père de la victoire et devient le onzième président de la IIIe République. Il succède ainsi à Raymond Poincaré.

 

François Feuilleux