Benjamin CLEMENCEAU (1810-1897)
Benjamin CLEMENCEAU
le sans-culotte
(1810-1897)
Depuis plusieurs générations, les Clemenceau habitent le manoir du Colombier, près de Mouchamps. Ils sont de confession protestante, mais souvent par nécessité ou opportunité ils acceptent la religion catholique. Ces bourgeois, lorsque vient la Révolution, embrassent sans réserve le nouveau régime.
Le grand-père de Benjamin Clemenceau est membre du Corps législatif, puis sous-préfet de Montaigu sous l’Empire. Son fils Paul épouse Thérèse Joubert, en 1809, elle apporte dans sa corbeille de mariage le domaine de l’Aubraie de Féole, près de La Réorthe. C’est dans ce château, à la limite du bocage et de la plaine, que va habiter le ménage. Là sont nés leurs deux enfants : Benjamin et Paul. À cause de leurs idées politiques leur père les appellera le sans-culotte et le marquis.
Le Colombier de Mouchamps, berceau des Clemenceau |
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Paul Benjamin Clemenceau voit le jour le 28 avril 1810 au château de l’Aubraie. Ses parents sont Paul Benjamin Clemenceau (1777-1860), qui est maire de La Réorthe et excellent agronome, et Marie Thérèse Gabrielle Joubert (1787-1836).
Benjamin fait de brillantes études au collège de Fontenay-le-Comte ; puis il rejoint Paris en 1829, pour faire sa Médecine. En effet, la profession de médecin est habituelle depuis plusieurs générations dans la famille.
En juillet 1830, il participe aux journées des « Trois Glorieuses » et à l’avènement de Louis-Philippe. Dans la capitale, il se mêle au milieu estudiantin et se fait des amis aux idées avancées : Auguste Blanqui, Etienne Arago, Jules Michelet.
Ayant obtenu son diplôme, il retourne à Féole et y commence à exercer la science hippocratique. En effet, dans les actes de promesse de mariage et des épousailles ainsi que le recensement de 1836, le jeune docteur Benjamin Clemenceau est domicilié à La Réorthe.
Sa mère meurt à l’Aubraie, le 26 décembre 1836.
Vers 1835, lors d’une réception, il rencontre Emma Gautreau (1817-1903) à la "Bicornière", une maison située en face de la grande allée de l'Aubraie. Les jeunes gens se plaisent, mais le père Clemenceau est hostile au mariage. Il trouve que la jeune fille est d’origine trop modeste, son père est un fermier aisé et maire de Mouilleron-en-Pareds. La détermination du jeune homme et son amour parviennent à faire fléchir son père, aussi au bout de quatre ans le mariage a lieu le 21 octobre 1839. Ultime concession de l’athée Benjamin Clemenceau, le pasteur de Mouilleron bénit l’union. La jeune épousée étant de confession protestante. Mais les enfants du couple ne seront pas baptisés.
En 1844 le ménage s’en va à Nantes, emménage rue du Calvaire puis rue Crébillon, où Benjamin exerce la médecine.
Médaillon en plâtre de H. Maindron |
Toutefois la famille vient passer les vacances d’été à l’Aubraie et termine la saison chez les Gautreau à Mouilleron. C’est là que les deux aînés du couple naissent, Emma (1840-1928) et Georges (1841-1929). Puis viennent quatre autres enfants, nés à Nantes : Adrienne (1850-1927), Sophie (1853-1923), Paul (1857-1946) et Albert (1861-1927).
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Lorsque revient la République, en 1848, il applaudit le nouveau régime, et est un des créateurs de la Commission démocratique nantaise. Dans des manifestations républicaines il n’hésite pas à défiler en tête. Aussi, après le coup d’état du 2 décembre 1851, est-il considéré comme suspect et est interné à Nantes.
Cet internement fortifie ses convictions républicaines, il fréquente un cabinet de lecture où se retrouvent les opposants au Second Empire.
Après l’attentat d’Orsini, il est à nouveau arrêté, en janvier 1858, et condamné à la déportation en Algérie. Toutefois, ce bourgeois ne présente pas un réel danger pour le pouvoir et il sera remis en liberté, en résidence forcée.
Son fils Georges rapportera la scène de son départ de Nantes pour Marseille : « Je m’approchai de mon père et lui dit tout bas : Je te vengerai. Il me répondit : Si tu veux me venger, travaille ! »
Puis en 1860, après la mort de son père, Benjamin devient propriétaire en titre de l'Aubraie, où la famille va s’installer ; dans ce domaine, leurs habitudes vont alors changer radicalement.
Madame Clemenceau, bonne mère de famille, s’occupe de l’instruction des enfants avant qu’ils entrent à l’école. Elle apprend le latin pour pouvoir l’enseigner, et se charge elle-même de l’éduction de ses filles, ce qui est inhabituel à cette époque.
Le docteur Clemenceau continue d’exercer – épisodiquement – sa profession de médecin de campagne, et s’occupe du faire valoir de ses fermes. Lorsque l’âge viendra, il apprend à monter à cheval à ses fils et les initie à la chasse, son loisir favori avec les balades dans les prés. Il a également une grande passion pour les chevaux.
Bien que montrant une attitude hautaine, autoritaire et cassante, cet éternel révolté garde avec fermeté ses convictions de jeunesse, comme l’athéisme et l’anticléricalisme. Il impose auprès de son entourage le respect, l’estime, voire la crainte.
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Son caractère timide et emporté explique en partie ce visage sévère et austère. Misanthrope par nature, il aime se retrancher du monde dans son bureau et sa riche bibliothèque, en haut d’une tour antique. Il n’est pas question de le déranger dans ce refuge où il peut lire, réfléchir, ou jouer du violon, isolé du monde.
Très bon peintre, il transmettra son amour de l’art à son fils Georges.
Gustave Geffroy, ami du Tigre, qui l’a connu dans son intimité nous a montré de lui un portrait sympathique. Sous un « premier aspect sévère, et dont la fine conversation, les opinions rudes, le souvenir malicieux, avaient tant de charme. Il racontait aussi bien qu’un Balzac ou un Maupassant les mœurs paysannes qu’il connaissait à fond, car s’il avait renoncé à la médecine à Nantes, il était resté médecin de campagne. Il avait le sens de l’histoire et de la politique, non seulement apprises par les livres, mais vérifiées par les évènements. Malgré une ferveur persistante pour les déesses de la Liberté et de la Justice qui avaient pris leur vol avec la Révolution, le total de ses jugements sur l’humanité était celui d’un solitaire qui souffre de l’écart entre la réalité et l’idéal. » Il ajoute qu’avec les ans, il n’a pas changé, est d’une grande politesse et qu’il aime se promener en discourant avec un confident. Il est jugé comme un romantique qui a la nostalgie de la Révolution. Il aime retourner sur les terres du Colombier, la terre de ses ancêtres, où il a beaucoup de souvenirs de jeunesse.
Les contemporains ont brossé de lui un visage convainquant : grand, sec, toujours impeccablement droit et raide, avec une redingote noire et une cravate blanche, portant lors de ses sorties un haut-de-forme. Le regard est sévère, derrière ses lunettes à monture d’acier.
Son nom apparaît sur le registre des délibérations de La Réorthe, comme un des plus imposés de la commune, puis comme conseiller municipal.
Nous savons, grâce aux biographies sur son fils, le futur Père la Victoire, que lorsque ce dernier commença sa médecine à Paris, il l’accompagna et lui présenta plusieurs amis, dont Etienne Arago. Cette rencontre est essentielle, car après le 4 septembre 1870, ce dernier lui mettra les pieds à l’étrier en politique, en le nommant maire de Montmartre.
Il accueillit son fils aîné à Féole, avec sa jeune épouse, après son retour d’Amérique. C’est à l’Aubraie que les trois enfants du ménage sont nés. Et il aidera financièrement Georges qui avait accumulé des dettes avec les divers journaux qu’il avait fondés, dont La Justice (1880).
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Benjamin CLEMENCEAU est décédé le 23 juillet 1897, âgé de 87 ans, à l’Aubraie. Selon son désir, il est inhumé au Colombier sous un cèdre, Arbre de la Liberté, qu’il avait planté en 1848.
Son fils, Georges, qui a gardé une admiration sans bornes pour son père désirera être inhumé près de lui.
A. B.
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