Qui était la princesse palatine, belle-sœur sans filtre de Louis XIV ?

Qui se passionne pour le règne du Roi-Soleil ne peut faire l’impasse sur cette personnalité : Élisabeth-Charlotte de Bavière (1652-1722), princesse palatine, seconde épouse du duc Philippe d’Orléans, est la belle-sœur rebelle de Louis XIV, catapultée dans la famille princière par le jeu des alliances. Son franc-parler ravit le monarque autant qu’il l’indispose, et rien ne semble échapper à son esprit critique qui atteint, surtout à l’écrit, une liberté de ton explosive (à l’image de ses considérations sur l’orientation sexuelle de son mari ou ses insultes à l’égard de Mme de Maintenon).

Car l’Allemande n’a pas sa plume dans sa poche : c’est par sa colossale correspondance que nous la connaissons aujourd’hui (plusieurs dizaines de milliers de lettres, dont 6 000 environ nous sont parvenues), qu’elle adresse durant un demi-siècle à ses intimes et où elle raconte, aux premières loges de ce fastueux théâtre du pouvoir, événements, intrigues et scandales de la cour. Une manne épistolaire d’autant plus précieuse qu’elle laisse voir, en creux, le portrait du roi lui-même. Elle dessine aussi les contours d’un XVII^e siècle flamboyant, puis finissant, où naît en germe le Siècle des lumières.

Explorer l’époque et tordre le cou aux clichés

Thierry Sarmant s’est saisi de ce matériau formidable pour construire, par le biais d’un portrait croisé entre « Madame » et Louis XIV, une étude décryptant les codes courtisans et la mentalité des hautes sphères : la hiérarchie sociale et familiale, la conscience de caste, les mille et un visages de la relation matrimoniale, la vie à Versailles, la place des sciences et des lettres, la géopolitique, les arts de la table, le collectionnisme, le rapport à la religion… L’auteur exploite sa parfaite connaissance du sujet et des sources pour explorer l’époque et tordre le cou aux clichés. Quelques remarques mordantes et judicieuses rappellent que certaines choses n’ont pas beaucoup évolué dans la « culture du pouvoir » et la constellation révérencieuse qui l’entoure, comme dans notre rapport à l’information et à l’image, à l’ère des réseaux sociaux. Ce regard plein d’acuité fait tout le sel de cet ouvrage qui nous instruit en même temps qu’il nous interroge car, l’auteur aime le rappeler, tout est relatif dans un contexte donné. Nos propres mœurs paraîtront-elles plus respectables dans trois siècles ? Rien n’est moins sûr…