Le plus beau cadeau des Cowboys | Le Journal de Montréal
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Le plus beau cadeau des Cowboys



Si vous n’avez pas versé une larme ou eu la gorge nouée en écoutant le dernier opus des Cowboys Fringants, allez vite voir votre médecin. Vous n’avez peut-être pas de cœur. 

MON ÉTOILE SE MEURT

Pub royal est à la fois déchirant et réjouissant, nostalgique et énergique, inspirant et désespérant. Plein de vie et plein de mort. Plein de beauté et plein de tristesse.

Le cœur serré, je l’écoute en boucle depuis sa sortie.

Et pourtant, je n’arrive toujours pas à me faire à l’idée, en écoutant la voix de Karl Tremblay, que c’est la dernière fois qu’on l’entendra.

Qu’est-ce qui se passait dans la tête de Karl quand il a enregistré La fin du show, des paroles écrites par son chum Jean-François Pauzé, sur la musique composée par le même Jean-François?

JF Pauzé et les Cowboys ont signé la plus belle déclaration d’amour, la plus belle déclaration d’amitié qu’on pouvait imaginer.

Autant j’ai été bouleversée par la chanson elle-même, autant j’ai été carrément renversée par la vidéo, dont la réalisation et la direction photo sont signées Louis-Philippe Eno.

On y voit chaque membre des Cowboys figé dans le temps, comme sonné ou assommé par le départ de Karl. Une image en particulier m’est allée droit au cœur. Marie-Annick Lépine est au piano. Elle regarde une tasse à café, qu’on imagine laissée là par son amoureux. Tout est dit, tout est raconté par cette simple image. La banalité du quotidien. La banalité de la douleur de l’absence. Un objet anodin qui nous rappelle le disparu. Une place libre à la table. Un siège inoccupé dans le salon. Un ordinateur qui clignote parce que le joueur n’est plus là. Un livre dont la lecture ne sera jamais terminée.

La fin du show est une des chansons les plus crève-cœur des dernières années. «Puis un jour, la vie nous rattrape comme un 18 roues qui nous frappe», chante Karl Tremblay.

J’imagine en effet que recevoir un diagnostic de cancer aussi jeune, c’est comme se faire rouler dessus par un 18 roues. Mais ce que Karl Tremblay ne savait pas, en l’enregistrant, c’est que l’annonce de sa mort nous a tous frappés comme un 18 roues.

C’est étrange... La chanson La fin du show fait mal autant qu’elle fait du bien. Elle nous blesse et nous guérit en même temps. Nous fait de la peine et nous console.

  • Écoutez le commentaire de Rémi Villemure au micro de Richard Martineau via QUB :
C’EST D’JÀ LE TERMINUS

En écoutant en boucle La fin du show, j’ai bien sûr pensé à un autre Québécois qui savait qu’il chantait ses derniers mots: Leonard Cohen sur son ultime chanson, You want it darker. Mais on ne peut pas imaginer plus grande différence entre deux visions de la fin.

Alors que Leonard Cohen s’adressait à son Dieu en lui disant I’m ready my Lord, Karl Tremblay (avec les mots de JF Pauzé) nous annonce qu’il n’y a rien, une fois qu’on est passé de l’autre côté. Au lieu de dire «adieu», il dit «à néant».

Ma mère est morte le 12 avril. À son dernier souffle, à son dernier moment, je me demande à quoi elle a pensé. Plus Cohen ou plus Tremblay?

Le grand vertige avant la mort. C’est de ça que parle La fin du show. Il n’y a pas de sujet plus sérieux que ça.

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