Guerre sainte

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Croisade chrétienne contre djihad musulman : Richard Cœur de Lion affrontant Saladin à la bataille d'Arsouf (1191), gravure de Gustave Doré, 1877.

Une guerre sainte est une guerre lancée au nom d'un dieu ou approuvée par une autorité religieuse. Une guerre sainte est généralement comprise comme offensive, quand il s'agit de convertir, chasser ou anéantir des ennemis religieux. Dans un contexte défensif, un conflit peut aussi se transformer en guerre sainte, notamment quand une autorité religieuse s'implique dans un affrontement qu'elle n'a pas directement provoqué.

Christianisme occidental[modifier | modifier le code]

Augustin d'Hippone, dans son traité La Cité de Dieu écrit entre 413 et 426, expose une théorie chrétienne de la guerre inspirée du De officiis de Cicéron. Ce dernier présentait comme une « guerre juste » le combat de la civilisation romaine contre les Barbares. Mais à l'époque d'Augustin, dans le contexte de la lutte de l'Empire romain christianisé contre des Barbares païens ou hérétiques, la « guerre juste » peut être interprétée comme une « guerre sainte[1] ».

Les chrétiens occidentaux organisèrent des croisades au Moyen Âge pour rétablir l'accès des chrétiens à la Terre sainte et aux Lieux saints de Jérusalem. L'expression « Guerre sainte » apparaît notamment dans l'Estoire de la guerre sainte, long poème narratif en anglo-normand écrit au début du XIIIe siècle et relatant l'expédition de Richard Cœur de Lion dans la troisième croisade[2].

Ce terme a été appliqué aux guerres qui ont opposé les catholiques aux protestants durant le XVIe siècle[3], aux campagnes de Cromwell contre les catholiques d'Irlande et les presbytériens d'Écosse[4], mais aussi aux guerres qui opposent les partisans de l'Église à un parti antireligieux ou anticlérical, comme la révolte des Cristeros au Mexique (1926-1929)[5].

Islam[modifier | modifier le code]

Djihad des Toucouleurs musulmans dans le royaume du Fouta-Toro, gravure française de 1818.

Le terme de « guerre sainte » est souvent employé par les auteurs occidentaux pour traduire le concept musulman de djihad qui peut désigner une guerre conduite pour la défense ou la propagation de l'islam, ainsi les guerres de la Tijaniyya, confrérie musulmane ouest-africaine conduite par El Hajj Oumar Tall au XIXe siècle[6].

Le , dans le contexte de la Première Guerre mondiale, Mehmed V, sultan ottoman, appelle à mener la guerre sainte contre la Triple-Entente, avec l'aval de l'Allemagne où Max von Oppenheim, conseiller de Guillaume II théorise dès 1898 « l’insurrection islamiste » ; si cet appel est alors pris au sérieux par les belligérants qui le censurent, il est en fait très peu suivi. Pour Jean-Yves Le Naour, il s'agit du premier appel à un djihad global : « 1914 est le début de la djihadisation de l’Islam. Après ce djihad “made in Germany” en 14, on connaîtra le djihad “made in Moscou”, en 1918. L’Islam comme arme de soulèvement des indépendances face aux impérialismes »[7].

Extrême-Orient[modifier | modifier le code]

Au XXe siècle, l'invasion de la Chine fut officiellement qualifiée de « guerre sainte » (seisen) par le gouvernement de Fumimaro Konoe. La propagande nippone puisa alors abondamment dans la tradition shinto et notamment le concept du hakkō ichi'u (huit coins du monde sous un seul toit), revitalisé par le kokka shinto (Shinto d'État), pour assurer la mobilisation du peuple autour de l'empereur Shōwa et sa « mission divine ». Deux des principaux outils de propagande du régime shōwa furent le Mouvement National de Mobilisation Spirituelle et la Ligue des Parlementaires adhérant aux Objectifs de la Guerre Sainte.

L'historien des religions Odon Vallet écrivait en 2002 : « Si les pays bouddhistes n'ont pas été épargnés par les conflits sanglants, et si leurs théologiens ont souvent justifié le nationalisme, le bouddhisme n'a pas institué de guerre sainte »[8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Étienne Tshibang Mulaj, L'ONU et l'Eglise catholique dans la recherche de la paix en République démocratique du Congo, Connaissances et Savoirs, 2018, p. 345-346 et notes [1]
  2. Françoise Vielliard, Richard Cœur de Lion et son entourage normand : le témoignage de l’Estoire de la guerre sainte. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 2002, tome 160, livraison 1. p. 5-52 [2]
  3. Non trouvé le 10 juillet 2015, sur le site atilf.fr, consulté le 10 juillet 2015.
  4. David El Kenz et Claire Gantet, Guerres et paix de religion en Europe, XVIe – XVIIe siècles, Armand Colin, 2008 [3]
  5. Florence Loriaux, Les Belges et le Mexique, Presses universitaires de Louvain, 1993, p. 148 [4]
  6. Jean Schmitz, Autour d'al-Hājj Umar Taal. Guerre sainte et Tijaniyya en Afrique de l'Ouest. In: Cahiers d'études africaines, vol. 25, no 100, 1985. p. 555-565 [5]
  7. Jean-Yves Le Naour, Djihad 1914-1918 : la France face au panislamisme, Paris, Perrin, , 250 p. (ISBN 978-2-262-07083-0). Cité dans Thomas Andrei, « Quand l'Allemagne tentait de convaincre les musulmans de faire le djihad », sur Slate, (consulté le ).
  8. Odon Vallet, Petit lexique des idées fausses sur les religions, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-20209-3, lire en ligne), p. 164

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jacques G. Ruelland, Histoire de la guerre sainte, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », no 2716, 1993.
  • Jean Flori, La Guerre sainte : la formation de l'idée de croisade dans l'Occident chrétien, Paris, Aubier, coll. « historique », , 406 p. (ISBN 978-2-700-72318-2)
  • Jean Flori, Guerre sainte, jihad, croisade : violence et religion dans le christianisme et l'islam, Paris, Éditions du Seuil, , 335 p. (ISBN 978-2-020-51632-7)

Liens externes[modifier | modifier le code]