La Maison du Chat-qui-pelote - Honor� de Balzac - Babelio
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Patrick Berthier (�diteur scientifique)
EAN : 9782253146223
95 pages
Le Livre de Poche (01/04/1999)
  Existe en �dition audio
3.66/5   560 notes
R�sum� :
Ce r�cit �crit en 1829 sera plac�, plus tard, par Balzac en ouverture de la "Com�die Humaine". On y retrouve la trame de ce que seront les romans la composant et l'on y croise d�j� les h�ros d'autres �pisodes. Tout y pr�figure la grande �uvre de Balzac. C'est en ces quelques pages une miniature parfaite de tout ce qui suivra. La Maison du chat qui pelote, titre d�finitif que l'auteur donna � cette ouvrage, avait � l'origine �t� intitul� "Gloire et Malheur". Il s'y j... >Voir plus
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C'est la premi�re fois que je lis une nouvelle De Balzac dont j'aime beaucoup les romans et c'est une vraie p�pite. A travers elle, l'auteur nous d�crit l'univers d'un commer�ant drapier, sa vie de tous les jours entre sa femme (mariage de raison bien-s�r) ses filles qu'il convient de marier, ses apprentis qui sont prennent les repas en commun, mais doivent quitter la table avant le dessert.

Quel nom �trange pour une enseigne : � La maison du chat-qui-pelote � ! En fait, les chalands portent un nom qui peut nous surprendre, la Truie-qui-file, le Singe-vert, en r�f�rence � des animaux expos�s autrefois, ou � l'architecture : � Au milieu de cette large poutre mignardement sculpt�e se trouvait un antique tableau repr�sentant un chat qui pelotait �.

Ce que l'auteur r�sume ainsi :

� Afin de rabattre l'orgueil de ceux qui croient que le monde devient de jour en jour plus spirituel, et que le moderne charlatanisme surpasse tout, il convient de faire observer ici que ces enseignes, dont l'�tymologie semble bizarre � plus d'un n�gociant parisien, sont les tableaux morts de vivants tableaux � l'aide desquels nos espi�gles anc�tres avaient r�ussi � amener les chalands dans leurs maisons. �



On a une belle description de ce milieu social o� l'argent est dur � gagner, donc se d�pense avec mod�ration, o� les mariages ont pour but de renforcer le commerce, o� la fille a�n�e doit se marier en premier tant pis si elle est moins belle. Donc tout devrait ronronner, dans ce destin �crit � l'avance. Quelle est la place de l'amour dans le mariage ?

Un artiste peintre vient modifier le cours des choses, et offrir � la cadette un mariage de contes de f�es. Balzac d�crit tr�s bien les deux univers que tout oppose, rythm� par le travail, la tenue du commerce pour le faire fructifier et de l'autre l'univers des artistes, nobles de surcro�t, insouciants, ne parlant que d'art, fr�quentant les salons, d�pensant sans compter et vivant sur une autre plan�te.

En plus de l'analyse sociologique, l'auteur nous offre une belle r�flexion sur le mariage, qu'il soit d'amour ou de raison, le bonheur n'�tant pas toujours du c�t� o� l'on croit. � le bonheur conjugal a �t� de tout temps une sp�culation, une affaire qui demande une attention particuli�re. �, ainsi que de tr�s beaux passages consacr�s � l'art.

On retrouve tout le talent de l'auteur, son amour des d�tails : la description de la maison fourmille de d�tails, on la visualise sans probl�mes, de m�me les fa�ons de s'habiller, de se comporter�

Dans les nouvelles, le style est plus sobre, il n'a pas besoin de diluer (� l'�poque les auteurs �taient pay�s � la ligne), et celle-ci est une gourmandise � d�guster, � savourer et qu'on a du mal � l�cher.

J'aime Balzac, ce n'est un secret pour personne, je l'ai d�couvert tr�s t�t avec un coup de foudre pour � Eug�nie Grandet �, on pourra peut-�tre me taxer de partialit�, mais cette nouvelle est un chef-d'oeuvre pour moi.

Note : 10/10
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Si j'ai toujours un peu de mal avec les romans De Balzac, j'avoue pr�f�rer de loin ses nouvelles. Il faut dire aussi que j'appr�cie tout particuli�rement ce genre qui oblige les auteurs � ne pas s'appesantir lourdement sur des descriptions. Car je ne supporte pas que l'on �crive 160 000 pages pour nous d�crire une feuille tombant d'un arbre (j'me comprends, comme dirait l'autre...). Alors bien s�r, Balzac ne peut pas s'en emp�cher, m�me ici. Il laisse courir sa plume mais de fa�on plus retenue. Et dans cette courte narration, cela peut avoir du charme.

Dr�le de titre n'est-ce-pas ? Un titre qui va nous plonger dans les m�andres d'un univers clos, ce que Balzac sait si bien faire. Une vision de la bourgeoisie par le petit trou de la lorgnette... Il s'agit ici d'une famille de commer�ants, des drapiers pour �tre plus pr�cise. M. Guillaume a deux filles (non, je ne joue pas au jeu des M. et Mme ont un fils !!!), Virginie et Augustine. Il s'av�re que la premi�re a �pous� le premier commis de la boutique. Non pas par amour mais par devoir. Sa cadette, quant � elle, a �cout� son coeur en �pousant un peintre. Mais bien �videmment, rien ne se passe comme pr�vu. le destin des deux jeunes femmes est pass� � la loupe. Je n'en raconte pas plus par peur de d�florer les soixante-deux pages. le mieux est de le lire !

Quid du fameux chat alors, pour revenir au titre ? Il s'agit de la devanture de la boutique du sieur Guillaume. Et c'est d'ailleurs avec cette derni�re que Balzac commencera son r�cit en insistant d'abord sur le c�t� v�tuste avant de la faire s'animer et de faire rentrer le lecteur dans ce microcosme intimiste.

Comme il est plaisant de relire ainsi des classiques ! Allez, je vous laisse entre de bonnes mains...
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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La Maison du Chat qui Pelote... Comment r�sister � un titre aussi imaginatif que myst�rieux? Que peut bien receler cette maison du Chat qui Pelote. Une seule solution: pousser la porte de l'ami Balzac et le laisser nous conter une petite histoire � sa mani�re.

Sous cette enseigne si accrocheuse vivent Monsieur Guillaume, ma�tre drapier, son �pouse et ses deux filles Augustine et Virginie. Quoique disposant d'un confortable revenu, le besogneux et �conome ma�tre Guillaume tient les cordons de l'escarcelle tr�s serr�s par peur du gaspillage.
Tout irait le mieux du monde sans l'arriv�e dans ce petit monde clos et restreint de la bourgeoisie commer�ante du vieux Paris sans la venue du jeune peintre aristocrate Th�odore de Sommervieux. Celui-ci, en arr�t devant la belle Augustine � sa crois�e, en tombe fou amoureux, ou tout du moins de l'image qu'il se fait d'elle.
Apr�s tribulations et au grand d�sarroi de ses parents, Augustine, �prise du beau jeune homme aux si belles paroles cassant le carcan �touffant du domicile familial, l'�pouse.
Mais la suite du mariage se r�v�le bien diff�rent pour les deux �poux, chacun d�couvrant l'autre. Sommervieux se d�tourne bien vite de sa petite femme empreinte du tenace esprit petit-bourgeois parental. Augustine, incapable de se mesurer � l'esprit de l'entourage de son �poux et cruellement touch�e par sa liaison avec la duchesse de Carigliano, se laisse sombrer dans un chagrin sans fond.

Dans ce court roman, Balzac d�peint les us et coutumes de deux cat�gories sociales que tout oppose. Plus qu'une distinction de naissance ou de fortune, on contemple ici une diff�rence de culture, de concept de vie. Une phrase r�sume parfaitement cette opposition: Ma�tre Guillaume estime que les pi�ces de monnaie sont plates pour pouvoir s'amasser, tandis que son gendre prodigue les estiment rondes pour pouvoir rouler.

Appartenant aux "Sc�nes de la Vie Priv�e", cette fable est un r�gal. J'aime l'ambiance d�peinte dans les romans du XIX�me si�cle. La verve De Balzac, m�me si son ton se fait parfois plus tragique, fourmille d'humour.
Mal aim� de l'enseignement secondaire, je n'ai r�ellement d�couvert cet immense auteur qu'apr�s la fin du lyc�e. Mieux vaut tard que jamais.
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Je lis Balzac dans un total d�sordre, sans fil rouge ni chronologie. Est-ce un tort?
Pas s�re, mais en d�couvrant ce petit joyau qui ouvre la Com�die humaine, je me suis fait la r�flexion que c'�tait dommage de n'avoir pas commenc� par passer le porche de cette Maison du chat-qui-pelote pour se chauffer les papilles, tant on s'y r�gale (rien que le titre est un petit bonheur savoureux).

Il y a tout ce que, opus apr�s opus, j'ai appris � aimer chez Balzac : d'abord cette langue somptueuse, qui coule comme de l'eau bien que d'une densit� et d'une exigence rare; une mani�re unique de poser un d�cor (ces fameuses descriptions qui me rebutaient jadis), o� le descriptif d'une devanture ou d'un v�tement en dit autant qu'un essai fouill� ou long portrait; des personnages et des situations sociales si universelles que c'est � chaque fois un jeu malicieux que de les transposer dans toutes les �poques.
Quant � l'histoire, j'ai adh�r� d'embl�e, j'adore quand Balzac �gratigne la mesquinerie bourgeoise autant que quand il s'�meut de la souillure que la soci�t� verse sur les �mes pures.

Ce court roman ou longue nouvelle, au format accessible car bref et � l'intrigue impeccable (et implacable) serait-il la meilleure porte d'entr�e sur l'oeuvre De Balzac?

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J'ai beaucoup appr�ci� cette nouvelle, qui du reste peut presque s'apparenter � un court roman. Balzac y prend le temps de pr�senter ses personnages, de les poser dans leur �l�ment, cette boutique du drapier Guillaume, au nom �nigmatique et fantaisiste. J'avoue m'�tre demand� si le chat tricotait, ou m�me s'il avait les mains baladeuses ? Non, le chat joue au jeu de raquette, comme la pelote basque. Il est vrai que la boutique est un personnage � part enti�re, en ce que la demeure incarne � merveille le mode de vie de la famille Guillaume.

Le drapier Guillaume m�ne avec fermet� sa maison, compos�e d'une �pouse et de deux filles, Virginie, �g�e de 28 ans, et Augustine, �g�e de 18 ans, ainsi que de ses trois apprentis, qui sont comme adopt�s par leur ma�tre, en des soins tout paternels mais d'une rigueur monacale. Joseph Lebas, premier commis et orphelin, est plus ou moins destin� � �pouser Virginie, mais il est amoureux d'Augustine. Virginie est bien �prise de Joseph, mais sans retour, et Augustine... personne ne le sait encore, elle aime en cachette un jeune peintre, qui a fait son portrait de m�moire, et va devenir c�l�bre avec ces premi�res toiles expos�es au Salon.

Leur destin va se sceller le jour o� Guillaume annonce enfin � Joseph qu'il va devenir son gendre, et lui propose de s'associer ; seulement, c'est Augustine qu'il voudrait �pouser. Pour se sortir de ce mauvais pas, celle-ci avoue qu'elle aime un jeune homme, Th�odore de Sommervieux, � qui elle s'est plus ou moins promise. Il est peintre, certes - m�tier qui ne peut rencontrer les attentes des deux parents, boutiquiers raisonnables et �conomes, mais il conna�t le succ�s, et il est de la meilleure soci�t�. L'ambiance est tendue, mais Augustine aura gain de cause, et pourra s'installer dans son m�nage avec Th�odore, et vivre leur amour.

Ils sont jeunes, beaux, ils s'aiment et sont envi�s de tous ; Augustine rayonne, la gloire du peintre rejaillit sur elle. Jusqu'� ce que les nuages s'amoncellent, et que la jeune fille prenne conscience qu'aimer ne suffit pas, qu'il faut aussi faire bonne figure dans le monde, montrer de l'esprit, de l'�ducation, que sa nature simple et sa jeunesse renferm�e ne lui ont pas permis d'acqu�rir. Les amis de Th�odore n'aiment pas la jeune femme, elle leur para�t trop prude, insensible. Th�odore se d�tourne, et Augustine cherchera par tous les moyens � comprendre, � le reconqu�rir...

Cette nouvelle met du temps � s'installer, mais ce pr�lude n'est en rien ennuyeux, car il pr�sente une �tude de cas �tonnante, avec cette famille et son train de vie. de m�me, il am�ne la relation � venir entre Th�odore qui �pie la maison de l'ext�rieur et Augustine, qui cache bien son jeu. Lorsque les deux jeunes gens se marient, le rythme s'acc�l�re vivement, enlev� jusqu'au d�nouement brusque. J'ai �t� int�ress�e par les efforts d'Augustine pour s'instruire, et sa lente prise de conscience qu'aimer et se donner toute enti�re � l'amour ne suffit pas. Je ne peux en revanche pas dire que j'aie eu une empathie surd�velopp�e pour Th�odore et ses tracas d'artiste, quoique, selon l'auteur, il ait souffert aussi. J'ai �t� curieuse de l'entrevue entre Augustine et la duchesse de Carigliano, rivale �minemment impressionnante de la jeune femme, qui se r�v�le pourtant relativement bienveillante, et propose � sa mani�re de l'aider. C'est un face-�-face intense et dramatique, un d�cor de s�duction ma�tris�e, une belle prouesse d'auteur.

Pour tout dire, je me suis vraiment trouv�e bien d'avoir lu Physiologie du mariage, car cette nouvelle est en grande partie une illustration des th�ories De Balzac quant au mariage, notamment en ce qui concerne la dur�e limit�e de la lune de miel dans le couple, et ce qui fait - ou non - les mariages r�ussis. C'est une nouvelle qui peut tout � fait faire appr�cier Balzac, si ce n'est qu'il faut un peu patienter avant que l'action ne s'engage.
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Une formidable pi�ce de bois, horizontalement appuy�e sur quatre piliers qui paraissaient courb�s par le poids de cette maison d�cr�pite, avait �t� rechampie d�autant de couches de diverses peintures que la joue d�une vieille duchesse en a re�u de rouge. Au milieu de cette large poutre mignardement sculpt�e se trouvait un antique tableau repr�sentant un chat qui pelotait. Cette toile causait la gaiet� du jeune homme. Mais il faut dire que le plus spirituel des peintres modernes n�inventerait pas de charge si comique. L�animal tenait dans une de ses pattes de devant une raquette aussi grande que lui, et se dressait sur ses pattes de derri�re pour mirer une �norme balle que lui renvoyait un gentilhomme en habit brod�. Dessin, couleurs, accessoires, tout �tait trait� de mani�re � faire croire que l�artiste avait voulu se moquer du marchand et des passants. En alt�rant cette peinture na�ve, le temps l�avait rendue encore plus grotesque par quelques incertitudes qui devaient inqui�ter de consciencieux fl�neurs. Ainsi la queue mouchet�e du chat �tait d�coup�e de telle sorte qu�on pouvait la prendre pour un spectateur, tant la queue des chats de nos anc�tres �tait grosse, haute et fournie. � droite du tableau, sur un champ d�azur qui d�guisait imparfaitement la pourriture du bois, les passants lisaient GUILLAUME ; et � gauche, SUCCESSEUR DU SIEUR CHEVREL. Le soleil et la pluie avaient rong� la plus grande partie de l�or moulu parcimonieusement appliqu� sur les lettres de cette inscription, dans laquelle les U rempla�aient les V, et r�ciproquement, selon les lois de notre ancienne orthographe. Afin de rabattre l�orgueil de ceux qui croient que le monde devient de jour en jour plus spirituel, et que le moderne charlatanisme surpasse tout, il convient de faire observer ici que ces enseignes, dont l��tymologie semble bizarre � plus d�un n�gociant parisien, sont les tableaux morts de vivants tableaux � l�aide desquels nos espi�gles anc�tres avaient r�ussi � amener les chalands dans leurs maisons. Ainsi la Truie-qui-file, le Singe-vert, etc., furent des animaux en cage dont l�adresse �merveillait les passants, et dont l��ducation prouvait la patience de l�industriel au quinzi�me si�cle. De semblables curiosit�s enrichissaient plus vite leurs heureux possesseurs que les Providence, les Bonne-foi, les Gr�ce-de-Dieu et les D�collation de saint Jean-Baptiste qui se voient encore rue Saint-Denis. Cependant l�inconnu ne restait certes pas l� pour admirer ce chat, qu�un moment d�attention suffisait � graver dans la m�moire.
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[...] ... La fougue de passion qui poss�dait Th�odore fit d�vorer au jeune m�nage pr�s d'une ann�e enti�re sans que le moindre nuage v�nt alt�rer l'azur du ciel sous lequel il vivait. Pour ces deux amants, l'existence n'eut rien de pesant. Th�odore r�pandait sur chaque journ�e d'incroyables fioritures de plaisir, il se plaisait � varier les emportements de la passion par la molle langueur de ces repos o� les �mes sont lanc�es si haut dans l'extase qu'elles semblent y oublier l'union corporelle. Incapable de r�fl�chir, l'heureuse Augustine se pr�tait � l'allure onduleuse de son bonheur : elle ne croyait pas faire encore assez en se livrant toute � l'amour permis et saint du mariage ; simple et na�ve, elle ne connaissait d'ailleurs ni la coquetterie des refus, ni l'empire qu'une jeune demoiselle du grand monde se cr�e sur un mari par d'adroits caprices ; elle aimait trop pour calculer l'avenir, et n'imaginait pas qu'une vie si d�licieuse p�t jamais cesser. Heureuse d'�tre alors tous les plaisirs de son mari, elle crut que cet inextinguible amour serait toujours pour elle la plus belle de toutes les parures, comme son d�vouement et son ob�issance seraient un �ternel attrait. Enfin, la f�licit� de l'amour l'avait rendue si brillante que sa beaut� lui inspira de l'orgueil et lui donna la conscience de pouvoir toujours r�gner sur un homme aussi facile � enflammer que Monsieur de Sommervieux. Ainsi son �tat de femme ne lui apporta d'autres enseignements que ceux de l'amour. Au sein de ce bonheur, elle resta l'ignorante petite fille qui vivait obscur�ment rue Saint-Denis*, et ne pensa point � prendre les mani�res, l'instruction, le ton du monde dans lequel elle devait vivre. Ses paroles �taient des paroles d'amour, elle y d�ployait bien une sorte de souplesse d'esprit et une certaine d�licatesse d'expression ; mais elle se servait du langage commun � toutes les femmes quand elles se trouvent plong�es dans la passion qui semble �tre leur �l�ment. Si, par hasard, une id�e discordante avec celles de Th�odore �tait exprim�e par Augustine, le jeune artiste en riait comme on rit des premi�res fautes que fait un �tranger, mais qui finissent par fatiguer s'il ne se corrige pas. Malgr� tant d'amour, � l'expiration de cette ann�e aussi charmante que rapide, Sommervieux sentit un matin la n�cessit� de reprendre ses travaux et ses habitudes. Sa femme �tait d'ailleurs enceinte. Il revit ses amis. Pendant les longues souffrances de l'ann�e o�, pour la premi�re fois, une jeune femme nourrit un enfant, il travailla sans doute avec ardeur ; mais parfois, il retourna chercher quelques distractions dans le grand monde. La maison o� il allait le plus volontiers fut celle de la duchesse de Carigliano qui avait fini par attirer chez elle le c�l�bre artiste. Quand Augustine fut r�tablie, quand son fils ne r�clama plus ces soins assidus qui interdisent � une m�re les plaisirs du monde, Th�odore en �tait arriv� � vouloir �prouver cette jouissance d'amour-propre que nous donne la soci�t�, quand nous y apparaissons avec une belle femme, objet d'envie et d'admiration. Parcourir les salons en s'y montrant avec l'�clat emprunt� de la gloire de son mari, se voir jalous�e par les femmes, fut pour Augustine une nouvelle moisson de plaisirs ; mais ce fut le dernier reflet que devait jeter son bonheur conjugal. Elle commen�a par offenser la vanit� de son mari quand, malgr� de vains efforts, elle laissa percer son ignorance, l'impropri�t� de son langage et l'�troitesse de ses id�es. Dompt� pendant pr�s de deux ans et demi par les premiers emportements de l'amour, le caract�re de Sommervieux reprit, avec la tranquillit� d'une possession moins jeune, sa pente et ses habitudes un moment d�tourn�es de leur cours. ... [...]

Et d�ployant alors cette force de volont�, cette �nergie que les femmes poss�dent toutes quand elles aiment, Madame de Sommervieux tenta de changer son caract�re, ses m�urs et ses habitudes ; mais en d�vorant des volumes, en apprenant avec courage, elle ne r�ussit qu'� devenir moins ignorante. La l�g�ret� de l'esprit et les gr�ces de la conversation sont un don de la nature ou le fruit d'une �ducation commenc�e au berceau. Elle pouvait appr�cier la musique, en jouir, mais non chanter avec go�t. Elle comprit la litt�rature et les beaut�s de la po�sie, mais il �tait trop tard pour en orner sa rebelle m�moire. Elle entendait avec plaisir les entretiens du monde, mais elle n'y fournissait rien de brillant. Ses id�es religieuses et ses pr�jug�s d'enfance s'oppos�rent � la compl�te �mancipation de son intelligence.

Ils avaient accept� la vie comme une entreprise commerciale o� il s'agissait de faire avant tout, honneur � ses affaires. La femme, n'ayant pas rencontr� dans son mari un amour excessif, s'�tait appliqu�e � le faire na�tre. Insensiblement amen� � estimer, � ch�rir Virginie, le temps que le bonheur mit � �clore, fut, pour Joseph Lebas et pour sa femme, un gage de dur�e.

Ma ch�re, reprit la grande dame d'une voix grave, le bonheur conjugal a �t� de tout temps une sp�culation, une affaire qui demande une attention particuli�re. Si vous continuez � parler passion quand je vous parle mariage, nous ne nous entendrons bient�t plus. �coutez-moi, continua-t-elle en prenant le ton d'une confidence. J'ai �t� � m�me de voir quelques-uns des hommes sup�rieurs de notre �poque. Ceux qui se sont mari�s ont, � quelques exceptions pr�s, �pous� des femmes nulles. Eh bien ! Ces femmes-l� les gouvernaient, comme l'empereur nous gouverne, et �taient, sinon aim�es, du moins respect�es par eux. J'aime assez les secrets, surtout ceux qui nous concernent, pour m'�tre amus�e � chercher le mot de cette �nigme. Eh bien, mon ange ! Ces bonnes femmes avaient le talent d'analyser le caract�re de leurs maris. Sans s'�pouvanter comme vous de leurs sup�riorit�s, elles avaient adroitement remarqu� les qualit�s qui leur manquaient. Soit qu'elles poss�dassent ces qualit�s, ou qu'elles feignissent de les avoir, elles trouvaient moyen d'en faire un si grand �talage aux yeux de leurs maris qu'elles finissaient par leur imposer. Enfin, apprenez encore que ces �mes qui paraissent si grandes ont toutes un petit grain de folie que nous devons savoir exploiter. En prenant la ferme volont� de les dominer, en ne s'�cartant jamais de ce but, en y rapportant toutes nos actions, nos id�es, nos coquetteries, nous ma�trisons ces esprits �minemment capricieux qui, par la mobilit� m�me de leurs pens�es, nous donnent les moyens de les influencer.

Les humbles et modestes fleurs, �closes dans les vall�es, meurent peut-�tre, se disait-il, quand elles sont transplant�es trop pr�s des cieux, aux r�gions o� se forment les orages, o� le soleil est br�lant.
[...] ... En 1800, vers la fin du mois d'octobre, un �tranger, accompagn� d'une femme et d'une petite fille, arriva devant les Tuileries, � Paris, et se tint assez longtemps aupr�s des d�combres d'une maison r�cemment d�molie, � l'endroit o� s'�l�ve aujourd'hui l'aile commenc�e qui devait unir l'aile de Catherine de M�dicis au Louvre des Valois. Il resta l�, debout, les bras crois�s, la t�te inclin�e et la relevait parfois pour regarder alternativement le palais consulaire, et sa femme assise aupr�s de lui sur une pierre. Quoique l'inconnue par�t ne s'occuper que de la petite fille �g�e de neuf � dix ans dont les longs cheveux noirs �taient comme un amusement entre ses mains, elle ne perdait aucun des regards que lui adressait son compagnon. Un m�me sentiment, autre que l'amour, unissait ces deux �tres, et animait d'une m�me inqui�tude leurs mouvements et leurs pens�es. La mis�re est peut-�tre le plus puissant de tous les liens. L'�tranger avait une de ces t�tes abondantes en cheveux, larges et graves, qui se sont souvent offertes au pinceau des Carraches. Ces cheveux si noirs �taient m�lang�s d'une grande quantit� de cheveux blancs. Quoique nobles et fiers, ses traits avaient un ton de duret� qui les g�tait. Malgr� sa force et sa taille droite, il semblait avoir plus de soixante ans. Ses v�tements d�labr�s annon�aient qu'il venait d'un pays �tranger. Quoique la figure jadis belle et alors fl�trie de la femme trah�t une tristesse profonde, quand son mari la regardait, elle s'effor�ait de sourire en affectant une contenance calme. La petite fille restait debout, malgr� la fatigue dont les marques frappaient son jeune visage h�l� par le soleil. Elle avait une tournure italienne, de grands yeux noirs sous des sourcils bien arqu�s ; une noblesse native, une gr�ce vraie. ... [...]
Par une matin�e pluvieuse, au mois de mars, un jeune homme, soigneusement envelopp� dans son manteau, se tenait sous l�auvent de la boutique qui se trouvait en face de ce vieux logis, et paraissait l�examiner avec un enthousiasme d�arch�ologue. � la v�rit�, ]ce d�bris de la bourgeoisie du seizi�me si�cle pouvait offrir � l�observateur plus d�un probl�me � r�soudre. Chaque �tage avait sa singularit�. Au premier, quatre fen�tres longues, �troites, rapproch�es l�une de l�autre, avaient des carreaux de bois dans leur partie inf�rieure, afin de produire ce jour douteux, � la faveur duquel un habile marchand pr�te aux �toffes la couleur souhait�e par ses chalands. Le jeune homme semblait plein de d�dain pour cette partie essentielle de la maison, ses yeux ne s�y �taient pas encore arr�t�s. Les fen�tres du second �tage, dont les jalousies relev�es laissaient voir, au travers de grands carreaux en verre de Boh�me, de petits rideaux de mousseline rousse, ne l�int�ressaient pas davantage. Son attention se portait particuli�rement au troisi�me, sur d�humbles crois�es dont le bois travaill� grossi�rement aurait m�rit� d��tre plac� au Conservatoire des arts et m�tiers pour y indiquer les premiers efforts de la menuiserie fran�aise. Ces crois�es avaient de petites vitres d�une couleur si verte, que, sans son excellente vue, le jeune homme n�aurait pu apercevoir les rideaux de toile � carreaux bleus qui cachaient les myst�res de cet appartement aux yeux des profanes.

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Deuxi�me �pisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'�crivain-voyageur, de passage � la librairie pour nous pr�senter son r�cit, Avec les f�es, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'�criture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la fa�on dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation �maill�e de conseils de lecture, de passages lus � haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu � la librairie.
Voici les livres �voqu�s dans ce second �pisode :
Avec les f�es, de Sylvain Tesson (�d. des �quateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (�d. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie � coucher dehors, de Sylvain Tesson (�d. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (�d. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vall�e, d'Honor� de Balzac (�d. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invit� : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire � la librairie Dialogues, � Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
--
Les �claireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, � Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux �pisodes : une plong�e dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien,�de lectures�et de plusieurs conseils de livres, et la pr�sentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons :�romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, r�cits de voyage�
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Th�me : La Peau de chagrin de Honor� de BalzacCr�er un quiz sur ce livre

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