Compagne de Victor Hugo pendant près d'un demi-siècle, Juliette Drouet a longtemps été considérée uniquement dans l'ombre du grand homme. Florence Naugrette dessine le portrait d'une femme sur laquelle les regards ont évolué, à l'image des sensibilités.
La gloire immense de Victor Hugo entraîne dans son sillage la notoriété de Juliette Drouet, qui fut, pendant cinquante ans, son âme sœur, sa collaboratrice, sa première lectrice, son soutien moral, son éternel recours. C’est sous cette lumière qu’on a toujours été enclin, spontanément, à considérer sa figure. En passant, en somme, par le détour du poète. Il est pourtant suggestif d’inverser les choses, de restituer Juliette Drouet à partir d’elle-même, de considérer ce qu’elle nous apprend, en soi, sur la condition d’une femme de son temps en rapprochement avec le nôtre, toute exceptionnelle qu’ait été son histoire - ou peut-être à cause de cela. C’est à ce projet que s’est employée Florence Naugrette, dans une précieuse biographie, avec brio et profondeur. Professeure de littérature française à Sorbonne Université et membre de l’Institut universitaire de France, elle dirige l’édition en ligne, une source essentielle évidemment, du « Journal épistolaire » de Juliette Drouet qui est constitué des vingt-deux mille lettres que celle-ci a écrites à Victor Hugo au long du demi-siècle de leur compagnonnage. L'orpheline indigente devient courtisane et actrice, au cœur des batailles épiques du théâtre romantique. Son renoncement à monter sur les planches, selon une servitude volontaire qu’elle s'efforça de transformer en liberté, interroge, de même que ce qu’elle nous dit de la nature et des émotions de l’exil partagé, des complexités d’une double famille et, enfin, de la difficile proximité ultime d’un grand homme que la toute nouvelle République portait au pinacle. Ce fut une vie intense qui connut exaltations et amertumes, trahisons et connivences, félicités et cruautés.
Archives diffusées
Lettre de Juliette Drouet (1863), lue par Marie Bell dans « Plein feu sur les spectacles du monde", 3 avril 1956.
Lettres de Juliette Drouet et Victor Hugo (1834-1835), dans « Plein feu sur les spectacles du monde", 3 avril 1956.
Victor Hugo, « Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine », Les Chants du crépuscule, 1835.
Lettre de Juliette Drouet (1854), lue par Muriel Petit, dans "Une vie, une œuvre", « Victor Hugo et les tables parlantes », 30 mai 1985.
Lettre de Victor Hugo à Léon Richer, rédacteur en chef de L'Avenir des femmes, 8 juin 1872, lue par Guillaume Gallienne. France Inter, "Un été avec Victor Hugo", 10 juillet 2015.
« Quand deux cœurs en s'aimant ont doucement vieilli » (poème du 22 septembre 1854, Victor Hugo, Toute la lyre, 1888).
Bibliographie
Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo, deux tomes, Fayard, 2001 et 2008.
Florence Naugrette, Juliette Drouet. Compagne du siècle, Flammarion, 2022.
Gérard Pouchain, Juliette Drouet ou « la dépaysée », Fayard, 1992.
Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo.
À écouter
Références