Qui sont les préraphaélites ? | Beaux Arts
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Le préraphaélisme en 2 minutes

En bref

Fondée en 1848 par les Anglais Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais et William Holman Hunt, la confrérie préraphaélite a remis au goût du jour l’influence des primitifs italiens, soit les prédécesseurs de Raphaël. Tous trois prônent le retour à un art sincère, expurgé du maniérisme et étranger à l’académisme anglais. Dans le contexte de la révolution industrielle en Angleterre, le mouvement préraphaélite, en quête de moralité, puise également son inspiration dans la littérature nationale tout comme dans l’art du Moyen Âge. Il est précocement reconnu en France, dès l’exposition universelle de 1855, puis est à l’origine du mouvement Arts & Crafts qui cherche à renouer avec un artisanat noble et vertueux irriguant tous les aspects de la vie.

Dante Gabriel Rossetti, L’Enfance de la Vierge Marie
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Dante Gabriel Rossetti, L’Enfance de la Vierge Marie, 1849

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Huile sur toile • 83 × 65 cm • Coll. Tate, Londres • akg-images

Histoire du mouvement

Le préraphaélisme a donné un élan neuf à l’art anglais, en plein mitan du XIXe siècle. Bien que l’on parle de mouvement, chaque artiste a cultivé des traits très personnels : Millais se montre aussi minutieux qu’un primitif flamand, amoureux de Raphaël bien qu’il prétende le contraire ; Hunt, néo-gothique lui aussi, donne libre cours à son inspiration italienne, médiévale, littéraire. Quant à Rossetti, épris de la poésie de Dante, il cultive une iconographie mélancolique et étrange peuplée de femmes rousses, mi héroïnes de légendes, mi beautés fatales. Les modèles de ces peintres, comme Elizabeth Siddal ou Jane Burden, sont des muses mais aussi souvent des artistes elles-mêmes.

Réputé comme un art excentrique dans l’Angleterre victorienne, le préraphaélisme réagissait à l’académisme. C’est aussi une expression poétique et sensible, pétrie d’inquiétude. Loin d’être un art de synthèse, il défend le retour à un génie individuel. Ceci paraît contradictoire avec la volonté de ces artistes d’être unis dans une confrérie, soudés par des lois et des préceptes esthétiques. Le préraphaélisme est un art de paradoxe, qui s’exprime le plus clairement dans son amour/rejet de l’art de Raphaël, génie et corrupteur. Ceux qu’ils honnissent sont les suiveurs de Raphaël, non le maître lui-même.

Le préraphaélisme est une quête d’idéal et de perfection, mais qui s’éloignerait des canons classiques. Le modèle des trois peintres est l’art médiéval et la Première Renaissance, deux périodes qui leur paraissent plus sincères dans la représentation de la nature. Pour autant, il ne faudrait pas conclure que les préraphaélites étaient passéistes. Bien au contraire, en sortant de l’académisme classique, ils souhaitaient inscrire leur mouvement dans la modernité. Accordant une grande importance à la représentation végétale, ils n’hésitent pas à quitter l’atelier pour peindre en plein air grâce à l’invention récente des tubes de couleurs.

Relativement bien accepté par le public en 1849, le groupe se dissout pourtant trois ans plus tard. Il se reforme alors dans une configuration élargie, incluant d’autres peintres, en particulier William Morris et Edward Burne-Jones. Ces nouveaux acteurs s’éloignent du naturalisme des débuts pour développer un goût plus décoratif. Cette étape est à l’origine d’un important mouvement en Angleterre, Arts & Crafts, consacré aux arts décoratifs.

Des œuvres clés

John Everett Millais, Ophélie
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John Everett Millais, Ophélie, 1851–1852

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Huile sur toile • 76 × 112 cm • Coll. Tate Gallery, Londres • © akg-images

John Everett Millais, Ophélie, 1851–1852

Dans le cadre d’une nature sauvage, peinte par Millais dans la ferme de son ami Hunt, le corps de la jeune Ophélie est emporté par le courant de la rivière. La belle morte, héroïne shakespearienne, est parée de fleurs toutes porteuses de symboliques (comme le coquelicot sous sa main droite, un rappel à la mort). Elle semble paisiblement endormie. Le personnage à la beauté diaphane a été peint dans l’atelier de Millais, d’après le modèle Elizabeth Siddal, la future épouse de Rossetti.

Dante Gabriel Rossetti, Le Rêve de jour
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Dante Gabriel Rossetti, Le Rêve de jour, 1880

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Huile sur toile • 158,7 × 92,6 cm • Londres, Victoria & Albert Museum • © Bridgeman Images

Dante Gabriel Rossetti, Le Rêve de jour, 1880

Cette femme massive, au visage tourmenté, a eu pour modèle Jane Morris, l’épouse de William Morris. Était-elle aussi la maîtresse de Rossetti ? Le tableau la représente tenant une branche de chèvrefeuille qui symbolise le regret. Cette brune piquante a aussi posé pour la Perséphone (1874) de Rossetti, autre figure aux accents tragiques. À l’origine, cette œuvre était conçue comme une allégorie du printemps, le corps de la jeune femme épousant les branches d’un sycomore, mais elle apparaît davantage comme une personnification de la mélancolie.

William Morris, La Belle Iseult
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William Morris, La Belle Iseult, 1858

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Huile sur toile • 71,8 × 50,2 cm • Londres, Tate Gallery • © Photo Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

William Morris, La Belle Iseult , 1858

Improprement intitulé La Reine Guenièvre, ce tableau s’inspire de la légende arthurienne. Il s’agit du seul tableau achevé par Morris dans le cadre du préraphaélisme. Iseult, sans Tristan, apparaît au lever du lit, songeuse et s’habillant. Elle est accompagnée d’un petit chien, cadeau de son bien-aimé. Le mot « douleur » apparaît sur son miroir. La décoration mêle réminiscences médiévales et orientalistes, et certains effets comme la courtepointe proviendrait de la collection personnelle de l’artiste.

Par • le 17 février 2020