Racisme en France : « Cher Omar Sy… », par Christine Kelly
LES PLUS LUS
Publicité
Chroniques

Christine Kelly dans le JDD : « Cher Omar Sy… »

Notre chroniqueuse répond à l’acteur, auteur de « Viens on se parle », qui dénonce un climat de racisme en France.

Christine Kelly , Mis à jour le
Christine Kelly.
Christine Kelly. CNews / © Mat Minat

J’aurais tant aimé échanger avec vous. Vous faites partie de ma vie comme de celle des Français. On vous connaît, on admire votre parcours, des cités de Trappes aux premières places du box-office, on peut même dire que vous êtes l’illustration d’une réussite à la française. Dans votre vie privée, comme professionnelle. J’ai ri devant votre SAV, sur Canal+, grâce à votre duo avec Fred Testot. J’ai ri également, et pleuré, avec votre personnage dans Intouchables, ce géant des sentiments, dans le formidable film d’Olivier Nakache et Éric Toledano.

Publicité
La suite après cette publicité

Comme vous, je suis de ceux qu’une certaine doxa appelle « les racisés ». Bien sûr, j’ai rencontré du racisme chez certains, j’en ai fait état dans Libertés sans expression, mon livre publié en 2022. Combien de fois ai-je été traitée de « noiraude », de « femme de ménage », de « négresse », et pas toujours par ceux qu’on croit…

J’ai souvent été « l’étrangère » par ma couleur, et pourtant je suis indubitablement Française, assimilée par essence et par naissance. Lorsque j’ai commencé à présenter des JT, les journalistes me demandaient comment je vivais le fait d’être la première journaliste « noire » à LCI. Je me suis battue pour être reconnue pour mes compétences, ancrée dans mon identitBrouillonsé, et de ne faire de ma couleur de peau ni un fardeau ni un drapeau.

Le racisme, je connais. Des racistes existent en France, la France n’est pourtant pas raciste. Je connais trop bien ce piège de la victimisation, cette spirale de l’enfermement et de l’assignation. La France est un pays avec une telle générosité, qui a accueilli de nombreux profils, comme votre famille venue pour tenter sa chance en France. Ce pays a été en effet une chance pour votre famille, comme pour celles de vos amis d’enfance à Trappes, Jamel Debbouze et Nicolas Anelka, qui ont atteint les sommets dans leurs arts respectifs sous les applaudissements des Français.

Ces Français qui ont plébiscité votre humour, ces Français qui ont donné une chance à votre talent et propulsé votre carrière. Ils ont choisi indépendamment de vos origines, mais ont misé sur votre talent incontestable. Les Français ont fait de vous, depuis longtemps, l’une de leurs personnalités préférées, ainsi que l’indique chaque année le baromètre publié par le JDD.

La suite après cette publicité

Beaucoup de mes connaissances « racisées » m’ont expliqué avoir refusé de vivre aux États-Unis d’où vous regardez désormais la France

Beaucoup de mes connaissances « racisées » m’ont expliqué avoir refusé de vivre aux États-Unis d’où vous regardez désormais la France. Refus sous prétexte d’une abolition de l’esclavage tardive aux États-Unis par rapport à la France. Les États-Unis en 1865, la France en 1794, puis définitivement en 1848. Beaucoup de mes connaissances « racisées » sont gênées de vivre à Los Angeles où vous habitez dont le développement économique et industriel a été permis par les esclaves noirs de la période de colonisation espagnole et mexicaine. Mais chacun ses choix.

D’autant plus qu’à l’inverse, nombreux sont ceux qui aiment la France et le clament haut et fort en s’y installant, comme George Clooney, Pete Doherty, John Malkovich, Mick Jagger, Bono, Scarlett Johansson, Lenny Kravitz et tant d’autres pour qui la France est un pilier, une lumière, pour Céline Dion, Eva Longoria, Will Smith.​

La France donne, je crois, sa chance à chacun. Je pense à Aya Nakamura, l’artiste française la plus écoutée, choisie pour représenter la France aux JO de Paris. Je pense aux chanteurs Dadju, né à Bobigny, Soprano, né a Marseille, Bigflo et Oli, de Villeneuve-sur-Lot, à l’humoriste Issa Doumbia, né a Versailles, à l’actrice Aïssa Maïga, née au Sénégal, à l’animatrice préférée des Français, Karine Le Marchand, à Sonia Rolland, miss France devenue réalisatrice et comédienne…

Je pense à Ilhora-Lee Louison, une jeune Martiniquaise engagée dans la santé mentale des enfants. À seulement 9 ans, elle a reçu en 2023 le titre honorifique de British Citizen Youth Award au Palais de Westminster à Londres. Je pense à Micha, ce jeune Guyanais finaliste de The Voice Kids qui chantait à merveille Puisque tu pars, de Jean-Jacques Goldman ; à Guarik Landry, ce jeune Guadeloupéen de 18 ans formé à Perpignan devenu le plus jeune pilote de ligne en Europe ; à Thierry Déau, ce Martiniquais PDG de Meridiam, une société d’investissement spécialisée dans le développement, le financement et la gestion de projets d’infrastructures durables à long terme, qui compte parmi les 250 plus grosses fortunes françaises.

Je cite ces exemples parce que les omettre, c’est occulter une réalité, et ne donner à voir que ce qui sert un discours de division. Moi aussi je suis optimiste. Je n’aime pas les divisions. Je crois qu’aucun discours d’intellectuel de plateau n’a jamais permis à un jeune de Seine-Saint-Denis de trouver un boulot. Je pense que les partis politiques qui traquent le racisme partout chez leurs opposants voient souvent cyniquement dans nos compatriotes « racisés » une confortable rente électorale. Je sais qu’il y a plus de diversité dans des rédactions comme CNews que dans celles de tous les quotidiens, hebdomadaires ou mensuels qui prônent l’antiracisme sans jamais l’appliquer.

Donnons des clés à la réussite au lieu de protéger la serrure

Ne gagnerait-on pas à donner un espoir et un idéal à cette jeunesse plutôt que de lui fournir un prétexte au ressentiment ? Ceux qui critiquent la France sont souvent ceux qui ont réussi, comme s’ils fermaient la porte derrière eux au lieu de montrer la voie. Donnons des clés à la réussite au lieu de protéger la serrure. Le racisme d’aujourd’hui, celui qui nuit réellement aux personnes dites « racisées », c’est celui qui consiste à installer des millions de personnes dans la victimisation. J’aurais tant souhaité que lorsqu’on donne la parole aux personnalités de la « diversité » qui ont réussi, ça soit pour autre chose que pour expliquer que le racisme empêche toute aspiration à la réussite, que les inégalités font barrière et que la victimisation est la conclusion d’une vie. Quelles sont les clés pour y faire face ? Faire « groupe » ou faire nation ? Non à la division, la rancœur, l’archipélisation des communautés. Et demain, le chaos ?

Si j’avais accès à une personnalité telle que vous, je vous ferais offrir Le paradoxe français de Simon Epstein. Cette lecture, à une certaine époque, m’a bouleversée. L’ouvrage détaille comment toute une classe politique antiraciste qui prônait les droits de l’homme à chaque phrase, est devenue, dans les moments difficiles de la Deuxième Guerre mondiale, la plus raciste en dénonçant leurs compatriotes sous l’Occupation. Leurs amis juifs, leurs amis antillais se sont retrouvés dans des camps…

L’ouvrage détaille ainsi la surreprésentation de militants antiracistes dans la collaboration et à Vichy durant l’Occupation, en même temps qu’il documente le poids important de militants connus pour leur antisémitisme avant la guerre dans les rangs de la Résistance. Paradoxe…

Que cette formidable réussite vous donne l’envie et la force d’être un motif d’espoir pour ces jeunes qui veulent des clés pour avancer, hors victimisation. Que votre rire si communicatif leur donne la foi en leur pays. D’ici là, continuez à nous faire rire, à nous émouvoir, à nous faire pleurer. Et vive la France !

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité