Prologue
p. 9-12
Plan détaillé
Texte intégral
1Membre éminent de la Haute Banque sous l’Empire et la Restauration, Régent de la Banque de France et Directeur de la Compagnie des Houillères d’Anzin de 1822 à 1830, député de l’opposition libérale de 1817 à 1830, Ministre de Louis-Philippe après avoir failli l’être de Charles X, Grand Notable parisien, Casimir Perier n’a pas la place qu’il mérite dans l’Histoire nationale. A bien des égards, il reste encore méconnu.
2Alors qu’un large consensus s’établit autour de son nom et de son discours-programme en mars 1831, que des hommes politiques de toutes provenances, des français et des étrangers célèbrent ses qualités d’homme d’Etat, que sa contribution à la modernisation de l’économie française est reconnue à sa juste valeur en son temps, son souvenir s’estompe assez vite. A l’heure de sa disparition, en mai 1832, le Moniteur annonce incessamment la parution d’une biographie mais les années passent et le journal oublie sa promesse. La publication des « Œuvres et Discours de Monsieur Casimir Perier », préfacés par Charles de Rémusat, a lieu en 1838. Mais les premiers travaux historiques ne paraissent que sous la Troisième République.
3En 1874, le Comte de Montalivet, ancien ministre du Cabinet Perier, analyse pour la Revue des Deux Mondes « La politique conservatrice de Casimir Perier ». En 1882, Paul Thureau-Dangin rédige, pour Le Correspondant, plusieurs articles sur « La politique de Résistance après 1830 : Casimir Perier ». Puis sous la brève présidence de Jean Casimir-Perier, Eugène Choulet publie une biographie familiale intitulée « La Famille Casimir-Perier ». Enfin l’année où, à Grenoble, on appose une première plaque commémorative sur la maison natale de Casimir Perier, J. Lucas-Dubreton, historien de la Monarchie Censitaire, lui consacre l’un de ses ouvrages : « La Manière Forte. Casimir Perier et la Révolution de 1830 ».
4Comment s’explique l’ingratitude de l’Histoire à l’égard d’un homme qui fut, au temps du Romantisme, le représentant typique de la bourgeoisie d’affaires, maître des deux pouvoirs, le politique et l’économique ?
5A l’opposé de Jacques Laffitte dont on se plait à rappeler l’humble origine sociale pour réhausser la réussite financière, Casimir Perier appartient à une dynastie bourgeoise qui, fondée au milieu du siècle des Lumières, se perpétue tout au long du xixe, dans la banque, l’industrie et le négoce.
6Parce qu’il est le fils et le membre d’une dynastie bourgeoise, la marque personnelle de l’homme d’affaires n’apparaît pas. Ni dans l’essor de la banque Perier dont son frère Joseph profita ensuite, ni dans les grands travaux exécutés à Anzin qu’il dirigea avec talent. Auteur d’un ouvrage sur « les Perier dans l’Isère, d’après leur correspondance familiale », Pierre Barral s’attache aux grenoblois et ne cite qu’épisodiquement « les parisiens », groupe auquel Casimir appartient. C’est un historien américain, Richard J. Barker, qui le premier dégagea le rôle spécifique de Casimir dans la conduite des affaires du « groupe Perier », en lui consacrant une partie de sa thèse en 1958. Pour ses recherches, il fut l’hôte de Germaine Sommier-Perier, arrière-petite-fille de Casimir, qui conservait les archives familiales au Château de Pont-sur-Seine.
7La mémoire de Casimir Perier souffre également d’une regrettable confusion conservée par certaines sources d’archives, entre « Les trois Casimir Perier » présentés par Hilaire de Lacombe en 1894. Il n’y a qu’un seul Casimir Perier, celui qui vécut de 1777 à 1832 et termina sa carrière comme ministre de Louis-Philippe. C’est un geste d’amour filial qui fit de lui le fondateur, à titre posthume, de l’illustre mais éphémère dynastie des Casimir-Perier. Voulant rendre hommage à son père, Auguste-Casimir, le fils aîné, obtint, par un décret de mars 1874, le changement du patronyme. Ainsi ses descendants, dont le président, s’appelèrent-ils désormais : Casimir-Perier.
8D’autres raisons, politiques celles-là, expliquent que Casimir Perier ait été, relativement à son rôle, un oublié de l’Histoire. La responsabilité en incombe moins à la brièveté de son ministère compensée par l’extrême densité des événements qui le marquèrent, qu’à la défense d’un régime, la monarchie constitutionnelle à l’anglaise, qui se brisa sur les barricades parisiennes en février 1848. La Restauration sauva sa renommée par la paix retrouvée et l’exceptionnelle fécondité des Arts, des Lettres et des Sciences, la Monarchie de Juillet n’a pas cet éclat. Ses mérites, décisifs pour l’avenir de la France, l’affirmation du régime parlementaire, les prémices d’un décollage économique et le maintien de la paix extérieure, ont été longtemps minorés. Comme Guizot, de Broglie ou Villemain, Casimir Perier subit le discrédit du régime de Juillet. Encore Guizot, médiocre politique, a-t-il laissé une œuvre d’historien qui atténue l’échec de son gouvernement. Casimir Perier est associé au « Juste Milieu » détesté de Balzac et de Stendhal. Il est, comme le banquier Leuwen, l’homme de la rente à 5 %, le bourgeois dont les intrigues d’une poignée d’orléanistes ont préparé le règne, dans un salon parisien, pendant que les insurgés menaient l’héroïque combat de la Liberté sur les barricades. A son nom s’attache « le système du 13 mars », gouvernement autoritaire, réduit à quelques formules extraites de ses discours, caricaturé, assimilé à un patriotisme mesquin opposé au messianisme romantique de 1830.
9Or, quel fut son véritable rôle dans le déroulement des événements qui suivirent « le coup d’Etat » de CharlesX, en juillet 1830 ? Fut-il l’artisan empressé d’un « 1688 à la française » à l’exemple de Thiers ou de Laffitte ? Le vit-on guetter, dans l’antichambre du Roi-Citoyen, quelque faveur en remerciement des services rendus ? Dans quelles circonstances arriva-t-il au pouvoir, en mars 1831 ? Le « Système du 13 mars » fut-il la politique d’un gouvernement régulier ou un système de salut public ? Enfin, un riche banquier désintéressé parce qu’il n’a rien à attendre du Roi, ne peut-il pas, grâce à son réalisme, avoir le sens de l’intérêt national et se consacrer tout entier à sa tâche, au point d’y laisser sa vie ?
10Autant de questions auxquelles nous essaierons de répondre. Sans l’isoler d’une famille à laquelle il était étroitement lié, il reste à lui restituer son œuvre et à retrouver sa vraie place dans l’histoire politique et économique de la France.
11Pour y parvenir, nous avons choisi de le laisser s’exprimer le plus souvent possible en citant des extraits de ses discours et de ses lettres ainsi que les témoignages de ceux qui, amis ou ennemis, l’ont côtoyé. Nous avons préféré dévoiler progressivement sa personnalité, avec ses permanences dues au milieu social et à l’éducation et ses inévitables changements, brossé son portrait par touches successives, comme se plaisait à le faire, avec infiniment plus de talent, le peintre Louis Hersent.
12Le jeune Dauphinois qui, après avoir envisagé la carrière des armes, se lance dans les affaires en 1801, est à plusieurs égards, un produit de la Révolution Française. Plus connu de nous comme homme politique, Casimir Perier est d’abord un banquier, un industriel et un grand Notable parisien. La politique ne l’absorbe que pendant son court passage à la Présidence du Conseil.
13Il a vécu sous quatre régimes différents : de l’ancienne France, il n’a gardé que des souvenirs d’enfance, l’exemple de mœurs familiales à la fois simples et rangées et la marque de l’éducation austère dispensée chez les Pères de l’Oratoire. Comme tous les hommes de sa génération, il a traversé la Révolution, le Consulat, l’Empire et la Monarchie Censitaire jusqu’en 1832. De ces époques, nous n’avons relaté, avec un parti pris de concision, que les événements indispensables à la compréhension du personnage en indiquant, à la fin du livre, les repères chronologiques essentiels.
14Dauphinois d’origine, sentimentalement attaché à sa ville natale comme le montre son voyage à Vizille en 1825, Casimir Perier n’est pas l’homme d’une région : il fit carrière et vécut à Paris et dans l’Aube. Nous l’avons suivi dans ses voyages à Anzin et en Normandie, ses séjours aux Eaux de Plombières et en Champagne où demeure son château. Avec la seule ambition de le faire connaître, par ce don de sympathie que possède l’historien à l’égard des hommes du passé. Nous serions heureuse d’y être parvenue.
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