Sur le littoral du Mourillon, alors que le boulevard
nexiste pas encore, deux lieux privil�gi�s
rassemblent, au milieu du XIXe si�cle, l'�lite
cultiv�e toulonnaise mais aussi parisienne : la bastide
Lauvergne et la villa Cloquet 1.
�minent professeur de m�decine � Paris et fin lettr�, Jules
Cloquet re�oit au � Prieur� de Lamalgue � (ill. 1) hommes de lettres et artistes, tout comme
son confr�re et voisin toulonnais, le Docteur Hubert Lauvergne (ill. 2).
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1. James Pradier, Prieur� de Lamalgue. Dessin, vers 1844. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire
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2. James Pradier, Dr Hubert Lauvergne. Pl�tre, 1844. Toulon, Mus�e du Vieux-Toulon. |
Parmi les noms des nombreux h�tes de la villa se trouve
celui de James Pradier, un des sculpteurs les plus connus de
Paris, ami de longue date de Jules Cloquet. La premi�re
femme de celui-ci, Juliette Lebreton, �tait une cousine de
sa femme. A ce titre, Pradier fait partie de la m�moire de Toulon et du Midi pour y avoir laiss� une production importante.
Il faut tout d'abord replacer Pradier dans l'�volution
de la sculpture de la premi�re moiti� du XIXe
si�cle.
Cest l�poque domin�e par le go�t
de lAntique. Les collections dantiques du Louvre,
enrichies par lEmpire, �taient copi�es par tous les
sculpteurs lors de leur formation � l�cole des beaux-arts.
Cest aussi l�poque de la pr�dominance
des r�gles du � Beau id�al � et du � grand
style �, tirant leurs th�mes de lhistoire
antique ou de la Bible. All�gorie et symbole sont � la base
du langage n�oclassique d�fini en 1823 par Quatrem�re de
Quincy.
Dans les ann�es 1820-1840, arrive une g�n�ration
nouvelle de sculpteurs, influenc�s par lhell�nisme et
les mod�les grecs trouv�s r�cemment, comme la V�nus de
Milo ou les marbres du Parth�non.
Alors que le mouvement romantique s�panouit
en peinture, sa gestation est plus lente en sculpture en
raison, entre autres, de la domination officielle de la
g�n�ration n�oclassique incarn�e par le sculpteur Bosio (ill. 3), champion de lesth�tique n�o-canovienne.
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3. Fran�ois-Joseph Bosio, Hercule combattant Ach�lo�s m�tamorphos� en serpent. Bronze, 1823. Paris, Mus�e du Louvre |
Luvre de Pradier correspond, entre 1820 et 1850,
� ce moment de crise identitaire de la sculpture partag�e
entre le respect fig� des r�gles �tablies et une libert�
cr�atrice.
La vie de cet artiste complexe est bien connue gr�ce �
son abondante correspondance qui a �t� publi�e en trois
volumes par Douglas Siler, deux autres volumes restant �
venir.
Pradier (ill. 4) est dorigine suisse mais de
racines fran�aises. Il est n� en 1790 � Gen�ve (ill.
5) qui devient en 1798 la capitale du d�partement fran�ais
du L�man. Son grand-p�re paternel, de religion r�form�e,
n� � Saint-Ambroix dans le Gard, en 1736, avait �migr� en
Suisse, au milieu du XVIII� si�cle, et sy �tait
mari�.
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4. Marius Fouque, James Pradier. Huile, 1877. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire (copie r�alis�e par l'artiste pour Gen�ve d'apr�s son tableau original expos� au Salon de 1848)
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5. James Pradier, Vue de Gen�ve.
Dessin, vers 1832. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire |
Tr�s t�t, Pradier entre comme apprenti chez un bijoutier-horloger,
tout en �tant inscrit � l�cole de dessin de Gen�ve.
En 1807-1808, il rejoint � Paris son fr�re a�n� Charles-Simon,
graveur. Il entre en 1809 dans latelier du sculpteur
Fr�d�ric Lemot, rencontr� opportun�ment, et est admis �
l�cole des beaux-arts.
Citoyen suisse et fran�ais, il peut se pr�senter
au concours du Prix de Rome, quil obtient en septembre
1813 gr�ce � cette uvre typique des morceaux de
concours pour lequel le candidat doit faire preuve de respect
des r�gles exig�es par lAcad�mie, notamment la
r�f�rence � une uvre antique et lid�alisation
(ill. 6). Pradier devient pensionnaire de la Villa
M�dicis (ill. 7) jusquen 1818.
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6. James Pradier, N�optol�me emp�che Philoct�te de percer Ulysse de ses fl�ches. Relief en pl�tre, 1813. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire |
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7. James Pradier, Vue de la Villa M�dicis. Dessin, vers 1815. Paris, Mus�e du Louvre |
En 1819, il rentre de Rome, sinstalle � Paris et
commence une vie dhomme du monde et dartiste. Il
retournera � Rome pour deux longs s�jours, en 1823-24 et en
1841-42, r�vant de sy installer.
D�s son retour � Paris, il expose avec succ�s aux
Salons officiels, passages oblig�s pour trouver des
commanditaires priv�s ou publics. Admir� et reconnu pour
son talent, il re�oit rapidement les cons�crations
officielles dun artiste aur�ol� du Prix de Rome. En
1827, il est admis � lInstitut (ill. 8) et �
l�cole des beaux-arts comme professeur de sculpture,
succ�dant � son ma�tre Lemot, d�c�d� : deux
institutions dans lesquelles il nest pas accueilli sans
r�ticences. En 1828, il est d�cor� de la L�gion
dhonneur.
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8. Fran�ois-Joseph Heim, Portrait de James Pradier en acad�micien. Dessin, vers 1829. Coll. famille Pradier |
Le m�c�nat n�tant plus dans les mains des grandes
familles aristocratiques dont la fortune a �t� �corn�e
par la R�volution, les artistes doivent se retourner vers
l�tat et les grandes villes. Pradier sy emploie
sous la Restauration et surtout sous la Monarchie de Juillet.
Il profite de la bienveillance officielle du roi Louis-Philippe
(ill. 9) et de la reine Marie-Am�lie (ill.
11), sans p�n�trer vraiment dans le cercle des fid�les de
lentourage royal, ayant un ennemi d�clar� en la
personne du peintre et sculpteur Ary Scheffer, professeur de
sculpture de la princesse Marie dOrl�ans. Malgr� tout,
il est charg� dex�cuter plusieurs statues ou bustes
de leur fils, Ferdinand, duc d'Orl�ans (ill. 10),
mort accidentellement en juillet 1842.
Il est vrai que son
talent et son r�seau damis dans la haute
administration le servent. Il profite de ses bonnes relations
avec le comte de Cailleux, secr�taire g�n�ral puis
directeur en 1841 des Mus�es royaux. Il en sera de m�me,
apr�s la chute de la Monarchie de Juillet, avec son
successeur le comte de Nieuwerkerke, sculpteur lui-m�me et
amateur de sculpture.
Pradier fr�quente de nombreux salons parisiens,
notamment celui du baron G�rard, c�toyant ainsi tous les
milieux artistiques et mondains. Lui-m�me tient salon et
compose des romances quil distribue aux membres de
lAcad�mie pour leurs femmes musiciennes.
Dans les derni�res ann�es de sa vie, il a la
satisfaction de recevoir un accueil chaleureux dans le Midi
de la France. A N�mes, il ex�cute en 1844 le buste du
g�n�ral baron de Feuch�res (ill. 12) 2,
bienfaiteur de cette ville, ce qui le fait conna�tre.
Souvre alors pour lui le monde des salons n�mois mais
aussi arl�siens, en particulier le salon de madame Grange,
fille du peintre R�attu. Lhomme de lettres n�mois
Jules Canonge (ill. 13), un des familiers de ce
salon arl�sien, entretient une correspondance suivie avec
Pradier quil recommande aux municipalit�s voisines
d�sireuses de proc�der � des d�corations urbaines. N�mes,
Aigues-Mortes, Arles lui passent commande.
Mais ses derniers projets ne pourront se r�aliser. Les
monuments de Monseigneur de Belzunce et de Pierre Puget pour
la ville de Marseille et celui dAdam de Craponne pour
Salon-de-Provence seront ex�cut�s par le sculpteur aixois
Marius Joseph Ramus.
Sa vie priv�e est marqu�e par deux femmes,
devenues c�l�bres dans les milieux litt�raires, en
particulier la premi�re.
En effet, vers 1825 commence une liaison avec
Juliette Drouet, n�e Gauvain (ill. 14), orpheline
� dix ans et �lev�e par sa tante dont elle prend le nom.
De leur amour, na�t en 1826 une fille, Claire (ill.
15), qui aura une courte existence de 20 ans. Pradier la
reconna�t en 1828 3. Juliette, apr�s des d�buts peu probants sur la sc�ne �
Bruxelles et � Paris, rencontre en f�vrier 1833 Victor Hugo
avec lequel elle aura une longue et c�l�bre liaison.
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14. Champmartin, Juliette Drouet. Huile, vers 1825. Paris, Maison de Victor Hugo |
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15. James Pradier, Claire Pradier. Dessin, vers 1842. Paris, �cole
nationale sup�rieure des beaux-arts |
En 1833, il se marie avec Louise dArcet (ill.
16), �g�e de 19 ans, dont il aura trois enfants. Louise,
chant�e par Alexandre Dumas fils, un de ses multiples amants,
sous le nom de � la belle aux cheveux dor �,
se montre une femme particuli�rement frivole et d�pensi�re,
endett�e en permanence et, disait-elle, � ne sachant
r�sister � personne �.
Apr�s avoir obtenu un constat dadult�re et
lintervention de la justice, Pradier obtient le
jugement de s�paration avec Louise, en janvier 1845. La vie
de Louise sera racont�e par sa confidente et auxiliaire
Louise-Fran�oise Boy�, dans les c�l�bres M�moires de
Madame Ludovica 4 dont Flaubert
sest inspir� pour la r�daction de Madame Bovary 5.
La personnalit� de ce sculpteur est complexe, suscitant autant ladmiration que la d�testation. En t�moignent ses rapports avec Juliette Drouet qui,
dans sa correspondance avec Victor Hugo, porte �
l�gard de Pradier des jugements sanglants, lui
reprochant constamment de ne pas faire assez pour leur fille
commune. Ces jugements, repris par les biographes de ce
c�l�bre couple, ont port� tort � la � r�putation �
de Pradier. Cependant, Juliette sollicite souvent pour son ex-amant
le soutien de Victor Hugo qui prononce m�me ses louanges
dans un discours � la Chambre des pairs en f�vrier 1846.
Sil est admir� pour ses talents reconnus,
appel� Phidias par lentourage de Flaubert et qualifi�
par Th�ophile Gautier de � dernier des grecs �,
il est aussi critiqu�, notamment par la presse et souvent
par Baudelaire qui ne lappr�cie pas.
Deux jugements contradictoires illustrent cette
complexit�.
Tout dabord, celui de Flaubert dans une de ses
lettres � Louise Colet, sa ma�tresse, dont Pradier a fait
le buste et une statuette (ill. 17): � C'est
un excellent homme et un grand artiste, oui un grand artiste,
un vrai grec, et le plus ancien de tous les modernes. Un
homme qui est l� � faire sa t�che du matin au soir avec
lenvie de la bien faire et lamour de son art.
Tout est l�, lamour de son art �.
A loppos�, le sculpteur Pr�ault, jeune loup
romantique, porte ce jugement lapidaire, dans la rubrique
n�crologique de son confr�re: � M. Pradier a eu
la main dun sculpteur, jamais le cerveau
Il
partait tous les matins pour Ath�nes, et le soir arrivait rue
de Br�da �. (Il faut pr�ciser que la rue Br�da �
Paris, aujourd'hui rue Henri-Monnier et rue Frochot, �tait
le quartier des � filles galantes � � l'�poque
romantique).
Ainsi, Pradier est-il seulement capable de
repr�senter les apparences de la beaut� ou peut-on lui
accorder davantage dint�riorit� ? Est-il
simplement un sculpteur n�oclassique ou participe-t-il au
courant romantique naissant, en proie � une mise �
l�cart au Salon officiel ?
Certes, les portraits que nous venons de voir sont
remarquables par leur expressivit� et leur individualisme. A
partir dexemples choisis parmi ses uvres
fran�aises les plus repr�sentatives, je vais aborder
l�tude de luvre profane, de luvre
religieuse et ce qui fait le succ�s indiscutable de Pradier,
la repr�sentation du corps f�minin.
Le d�but des ann�es 1830 marque pour Pradier une
grande p�riode de commandes publiques parisiennes, inaugur�e
en 1825 par le d�cor de lArc de Triomphe du Carrousel
et cl�tur�e en 1850 par le tombeau de Napol�on.
En province, la fontaine de lEsplanade de
N�mes parach�ve, en 1851, cet impressionnant parcours
officiel.
La R�volution de 1830 met fin � la commande de
lArc du Carrousel pour laquelle Pradier ne peut livrer
que deux fragments en marbre, expos�s au Louvre.
Par contre, les Renomm�es
de lArc de triomphe (ill. 18)
constituent la premi�re grande r�alisation monumentale,
form�e de quatre bas-reliefs en pierre de 6m de hauteur sur
6m de largeur, d�corant les �coin�ons de larcade
centrale, cot� Paris et cot� Neuilly. Command�es en mars
1829, leur gestation dure quatre ans et linauguration
na lieu quen juillet 1836. Cest un d�cor,
sur le mod�le antique, de figures all�goriques, dune
grande finesse.
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18. James Pradier, Renomm�es. Pierre, 1834. Paris, Arc de triomphe de l'�toile, c�t� Champs-�lys�es |
La nouvelle Chambre des d�put�s au Palais Bourbon,
commenc�e sous Charles X, est r�alis�e en grande partie
sous la Monarchie de Juillet. Guizot, en 1830, charge Pradier
des deux figures destin�es � d�corer lint�rieur de
la salle de s�ance. Install�es dans des niches plac�es de
part et dautre de la tribune pr�sidentielle (ill.
19, 20 et 21), ces deux statues f�minines colossales, La
Libert� et LOrdre public,
sont remarquables par leur force et leur stabilit�
n�oclassiques.
Coiff�e dune peau de panth�re, La Libert�
foule aux pieds des cha�nes et un joug rompus. Elle tient de
la main droite le drapeau tricolore, surmont� du coq.
Lhirondelle, initialement pr�vue pour la main gauche,
a �t� remplac�e par un globe terrestre surmont� d'une
Victoire, comm�morant les Trois Glorieuses, � linstar
de linscription figurant sur la cippe.
LOrdre public tient une lance et une
main de justice, et foule aux pieds le D�sordre repr�sent�
par un poignard et un flambeau.
Termin�es en 1832, elles sont critiqu�es car
Pradier est moins � laise dans la sculpture publique
all�gorique que dans la sculpture simplement ornementale
dex�cution enlev�e et facile. N�anmoins, le message
des deux all�gories sadapte parfaitement � ce lieu
charg� d'histoire.
Sur la fa�ade du Palais Bourbon, de part et
dautre du fronton de Cortot, se trouvent deux bas-reliefs :
� droite, celui de Rude intitul� Prom�th�e animant les
Arts, et � gauche, celui de Pradier intitul� LInstruction
publique (ill. 22) et termin� en 1839.
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22. James Pradier, L'Instruction publique. Relief en pierre, 1839. Paris, Assembl�e nationale (Chambre des d�put�s) |
Ce sujet br�lant a abouti en juin 1833, apr�s de longs
d�bats parlementaires, � la loi Guizot, qui met en place
pour lenseignement primaire un nouveau syst�me
�ducatif ; il nest question encore ni
dobligation, ni de gratuit� mais de libert� affirm�e
dans la libre concurrence des �coles priv�es et des �coles
publiques.
Au centre, � lInstruction publique �
est personnifi�e par une Minerve casqu�e, en train de
d�tailler les premi�res lettres de lalphabet,
entour�e denfants attentifs et de muses. A la gauche
de Minerve, une femme tient un livre ouvert o�
sinscrivent les termes � �criture Sainte � :
elle symbolise l�glise et indique son r�le,
nouvellement reconnu par la loi Guizot en soulevant le voile
qui la dissimulait. De l'autre cot�, une petite fille, la
seule v�tue dune robe d�poque, apprend � lire,
la main pos�e sur l�paule de la d�esse, en signe de
continuit� culturelle. Autour, les neuf muses veillent sur
lenseignement des sciences et des arts quelles
symbolisent.
Cest un bas relief didactique simple,
accessible � tous et aussi dune grande libert�,
malgr� son apparence antique. Lintroduction de la
r�f�rence moderne du costume dun personnage, les
gestes et les attitudes rendent la sc�ne r�aliste et
parlante. Du point de vue stylistique, on la compar�
� la procession des Panath�n�es de Phidias.
A la m�me �poque, Pradier participe � la
d�coration de la place de la Concorde (ill.
23), sur laquelle on �difie huit statues colossales
repr�sentant les � principales � villes de
France. Pradier est charg� de Strasbourg et de
Lille ex�cut�s entre 1836 et 1838.
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23. James Prader, La Ville de Lille (� gauche), La Ville de Strasbourg (� droite). Paris, place de la Concorde. |
Personnifications des villes, ces femmes assises et portant des couronnes murales se rencontraient dans la sculpture depuis
lAntiquit�.
Strasbourg (ill. 24), assise sur
un rocher, les pieds pos�s sur un canon, porte une �p�e �
la saign�e du coude, et une cl� dans sa main droite
fermement appuy�e sur la hanche. Lille (ill.
25) , assise dans la m�me position, porte une �p�e �
l�paule et se distingue par son v�tement plus proche
du d�shabill� de boudoir que du costume � lantique.
Leurs physionomies et leurs coiffures modernes correspondent
aux mod�les observ�s � latelier, ce qui constitue
pour beaucoup une choquante entorse aux conventions de la
sculpture all�gorique devant id�aliser costume et
expression physionomique.
Ce nest sans doute pas Juliette Drouet qui est
repr�sent�e sous les traits de Strasbourg, comme il
la �t� maintes fois r�p�t�. Elle est toute � sa
liaison avec Victor Hugo au moment de la gen�se de cette
uvre, et il ne peut �tre question de poser pour
Pradier. Peut-�tre est-ce sa femme Louise, solidement
camp�e et � la moue d�daigneuse.
Compar�es aux r�alisations de ses concurrents,
Petitot pour Lyon et Marseille (ill. 26),
Cortot pour Brest et Rouen, Caillouette
pour Nantes et Bordeaux, les statues de
Pradier frappent par l�l�gance de leur pose et
d�notent un classicisme �vident teint� dune certaine
libert� prise avec les r�gles, ce qui fait
loriginalit� de son travail.
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26. Pierre Petitot, La Ville de Marseille. Pierre, 1838. Paris, place de la Concorde. |
La statue de LIndustrie (ill. 27 et 28), situ�e � lun des angles post�rieurs de la Bourse, reprendra en 1851 ce type dall�gorie assise. La figure
porte une massue sur son �paule tandis que sa main droite
repose sur une grande roue dengrenage et une scie
circulaire. Cette statue a la m�me �l�gance que les deux
pr�c�dentes, mais les v�tements et la coiffure sont moins � modernes �
� un moment o� Pradier observe un certain retour �
lAntique.
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27. James Pradier, L'Industrie (face). Mod�le en pl�tre, 1848. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire |
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28. James Pradier, L'Industrie (dos). Mod�le en pl�tre, 1848. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire. |
Au m�me moment, il participe � la d�coration du Palais
de Luxembourg en ex�cutant en 1840 la d�coration
qui entoure lhorloge face au jardin (ill.
29): quatre statues en ronde-bosse (La Sagesse, L�loquence,
La Prudence, La Justice), deux hauts-reliefs
(La Guerre et La Paix) et trois bas-reliefs
(Le Jour, La Nuit et un g�nie).
Nous ne commenterons pas les statues embl�matiques,
dune platitude vite reconnue. Nous mettrons, par contre,
en valeur la gr�ce du programme all�gorique entourant
lhorloge (ill. 30). Pradier repr�sente Le
Jour (� gauche) par une figure f�minine vue de face,
brandissant un flambeau. L'autre figure f�minine, La Nuit
(� droite), tourne le dos au spectateur. Le charme de
ces deux silhouettes, enroul�es dans des draperies qui
flottent, provient de leurs lignes en arabesque proches du
travail de Jean Goujon. Admiratif, le sculpteur David dAngers,
pourtant ennemi jur� de Pradier, dit � leur propos: � [
]
Pradier est certainement lhomme le plus dou� pour les
arts quil est possible de rencontrer �.
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30. James Pradier, Le Jour, La Nuit, G�nie. Pierre, 1841. Paris, Palais du Luxembourg, pavillon de l'horloge. |
Au dessous, entour� par les signes du Zodiaque, un g�nie
potel� tient deux guirlandes en forme de cornes
dabondance faites de fruits, participant ainsi � ce
mani�risme raffin�.
Ce talent va sexercer avec �clat dans la
d�coration des fontaines, pour lesquelles Pradier peut
d�ployer tout son art et son attachement � l'antiquit� :
dabord � Paris pour la Fontaine Moli�re inaugur�e en
1844, puis � N�mes, sept ans apr�s.
La fontaine d�di�e � Moli�re (ill.
31), situ�e rue Richelieu � proximit� du Palais Royal, est
con�ue par larchitecte Visconti. Le sculpteur Seurre
repr�sente Moli�re en bronze, assis dans un fauteuil,
entour� de quatre colonnes surmont�es dun entablement
et dun fronton arrondi. Au bas du monument, Pradier est
charg� de la r�alisation de deux figures all�goriques
d�corant le socle du monument.
Dans un premier temps, les esquisses de ces figures, r�alis�es
en pl�tre, repr�sentent deux Renomm�es aux ailes
importantes, chacune portant un rouleau d�ploy� sur lequel
sont inscrites les uvres de Moli�re. Une fois
ex�cut�es en marbre, elles deviennent la Com�die
l�g�re et la Com�die s�rieuse (ill.
32 et 33), appel�es en 1844 la Muse enjou�e et la
Muse grave. Leur pose rappelle un peu celle des statues
de muses de lAntiquit� ; par contre,
lagencement de leurs lourds drap�s leur donne un
aspect r�solument moderne. Pradier a su les adapter �
lallure mani�riste de ce monument d�montrant toute sa
virtuosit�.
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32. James Pradier, La Com�die l�g�re. Marbre, 1844. Fontaine Moli�re, Paris, rue de Richelieu.
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33. James Pradier, La Com�die s�rieuse. Marbre, 1844. Fontaine Moli�re,
Paris, rue de Richelieu. |
Ici encore, on parlera de portrait : Th�ophile Gautier
trouvera dans la muse de droite une ressemblance avec Louise
Pradier.
Ces muses donnent tout son �clat � cette fontaine
jug�e par ailleurs assez banale. Pourtant, elle fait
lobjet dune inauguration particuli�rement
solennelle car c�tait l� le premier monument public
parisien d�di� � un homme de lart.
La construction de la crypte du Tombeau de
Napol�on aux Invalides permet � Pradier
dacqu�rir la grande cons�cration de sa carri�re.
A lorigine du projet, le sarcophage devait
�tre surmont� dun � gisant � confi� �
Pradier mais dont lid�e est vite abandonn�e. A
d�faut, trois arr�t�s de 1843 lui confient le travail de
figures adoss�es aux piliers entourant le sarcophage et
destin�es � rappeler les victoires de l'Empire (ill.
34). Le � programme � g�n�ral con�u par
Visconti recommande au sculpteur de sinspirer de
lAntiquit�, davoir une grande conformit� de
lignes, et de se diff�rencier seulement par � lexpression,
lagencement des draperies, et quelques attributs
�.
De nombreux croquis
sont �labor�s, rendant compte de l�volution de ce
projet, source de d�boires pour Pradier, victime de retards
de paiement et malmen� par Visconti.
En avril 1847, cinq Victoires sont livr�es mais ne
donnent pas satisfaction � Visconti. En 1850, le statuaire
reprend son travail et le termine, mais Visconti exige encore
des modifications qui ne seront faites quapr�s la mort
du sculpteur par son �l�ve Lequesne. Et, il fait d�truire
volontairement les mod�les en pl�tre.
Ces douze Victoires ail�es (ill. 35 et 36),
hautes de 3,50m, drap�es � lAntique, frappent par
leur taille et leur allure semblable, individualis�es par
quelques d�tails de leur robe ou de leur coiffure et par les
accessoires tenus dans leurs mains : palmes, couronnes,
glaives ou trompettes. Soumises � larchitecture, elles
font preuve dune grande homog�n�it� dans un ensemble
sculpt� pour glorifier plus les actions civiles de Napol�on
que les batailles dont les noms sont inscrits sur la
mosa�que autour du sarcophage.
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35. James Pradier, Victoires.
Marbre, 1843-1853. Tombeau de Napol�on Ier, Paris, �glise Saint-Louis des Invalides. |
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36. James Pradier, Victoire (d�tail)
Marbre, 1843-1853. Tombeau de Napol�on Ier, Paris, �glise Saint-Louis des Invalides. |
A propos des difficult�s rencontr�es, Pradier aurait eu ces
paroles pr�monitoires : � le tombeau de
lEmpereur sera le mien. �
A N�mes, il d�core la magnifique Fontaine de
lEsplanade (ill. 37), dont la
construction d�cid�e en 1844, est confi�e �
larchitecte Questel au moment o� N�mes conna�t une
grande prosp�rit� �conomique, qui va de pair avec une vie
intellectuelle brillante.
Lesquisse en pl�tre (ill. 38) se trouve au
Mus�e des beaux-arts de N�mes, o� elle a �t� r�cemment
pr�sent�e dans une exposition consacr�e � la Pandore
de Pradier.
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38. James Pradier et Charles Questel, Fontaine de l'Esplanade. N�mes. Premi�re maquette, pl�tre, 1845. Mus�e des beaux-arts de N�mes. |
La r�alisation de cette fontaine, dune �l�vation
totale de pr�s de onze m�tres, anime un espace nouveau de
r�organisation urbaine, situ� entre la ville ancienne
d�limit�e par lEsplanade et le nouvel espace que doit
occuper la gare en projet.
Sur un fort massif central �lev� formant un
pi�destal quadrilob�, sarticulent des vasques
circulaires port�es par des pieds et des massifs de refends
et supportant cinq figures colossales d�tach�es et haut
plac�es, ce qui la distingue des fontaines traditionnelles
construites � Paris.
Lensemble est domin� par la repr�sentation
de la Ville de N�mes triomphante
(ill. 39). Elle est habill�e dun peplos �
plis serr�s. Elle tient � la main un rameau dolivier,
symbole de lapaisement des querelles religieuses et
politiques. De lautre main, elle tient un bouclier,
d�cor� du blason de la ville orn� du crocodile. Sa t�te (ill.
40) est surmont�e dune couronne form�e des fa�ades
des �difices antiques et du Palais de Justice, nouvellement
construit dans le style n�oclassique.
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39. James Pradier, Ville de N�mes. Marbre, 1850. N�mes, Fontaine de l'Esplanade. |
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40. James Pradier, Ville de N�mes (d�tail). Marbre, 1850. N�mes, Fontaine de l'Esplanade. |
A ses pieds, les
quatre all�gories des fleuves et des
sources sont d�sign�es par leur nom �crit en latin, selon
le d�sir insistant de l'architecte Questel.
Jupiter assis repr�sente le Rh�ne (� Rhodanus �)
un bras pos� sur un aviron tandis que lautre repose
sur un masque de la Trag�die, en signe du caract�re
impr�visible du fleuve (ill. 41 et ill. 42,
� gauche).
Le magnifique Gardon (� Vardo �),
affluent du Rh�ne, est symbolis� par Neptune appuyant avec
force sur son trident, le pied appuy� sur une amphore,
exprimant ainsi la puissance de son cours (ill. 42,
� droite, et ill. 43).
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41. James Pradier, Le Rh�ne (Rhodanus). Marbre, 1850. N�mes, Fontaine de l'Esplanade. |
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42. James Pradier, Le Rh�ne (Rhodanus), Nemausa, Le Gardon (Vardo). Marbre, 1850, N�mes, Fontaine de l'Esplanade.
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43. James Pradier, Le Gardon (Vardo). Marbre, 1850. N�mes, Fontaine de l'Esplanade. |
Les sources sont
repr�sent�es par deux nymphes : la fontaine de N�mes
(� Nemausa �) (ill. 44), couronn�e de
n�nuphars, nymphe qualifi�e de � rustique �; de
lautre cot�, lEure (� Ura �) (ill.
45), situ�e pr�s dUz�s, coiff�e dune couronne
tress�e, et tenant une lyre avec gr�ce, nymphe qualifi�e
� durbaine �. Il semblerait dailleurs
que les appellations des deux nymphes aient �t� invers�es
par le sculpteur, Nemausa �tant en r�alit� �
lurbaine � et � Ura � la � rustique �.
Canonge le signale � Pradier qui reconna�t lerreur,
se disant pr�t � en changer, ce que ne lui permet pas le
destin.
Lensemble
fut reconnu comme une uvre dart remarquable, mais
le c�t� somptuaire de la d�coration sera d�nonc� pour
son inutilit�, comme le fait le journal local juste apr�s
linauguration du 1er juin 1851 : �
la
nouvelle fontaine, avec ses rares et minces filets deau
et la barri�re qui d�fend lapproche de ses bassins,
nest m�me pas un monument dutilit� publique � 6.
Commandes publiques
destin�es � d�corer les places ou les jardins
Les statues de Phidias
et Prom�th�e sont expos�es actuellement au
Louvre apr�s avoir �t� longtemps expos�es �
lext�rieur et ainsi tr�s ab�m�es.
La statue en marbre de Phidias (ill.
46 et 47), command�e en 1832 pour la cour du Louvre,
est plac�e en 1835 au jardin des Tuileries o� elle demeure
jusquen 1993. Pradier, apr�s avoir fait des recherches
au sujet de ce sculpteur grec du V�me si�cle avant J.C, le
repr�sente de taille moyenne, pensif, solidement adoss� �
une colonne sur laquelle est pos� un petit mod�le
dune de ses uvres.
La statue de Prom�th�e (ill.
48) en marbre de Carrare, est commenc�e � Rome en 1823,
termin�e � Paris en 1827 et plac�e aux Tuileries en 1832.
Puni par Zeus pour avoir d�rob� le feu aux dieux et
lavoir donn� aux hommes, Prom�th�e fut encha�n� au
sommet du mont Caucase et son foie qui repoussait constamment,
�tait d�vor� par un aigle qui sera tu� par H�racl�s. Le
sculpteur donne une image nouvelle du h�ros antique,
prisonnier de ses cha�nes, mais lib�r� du vautour qui g�t
� ses pieds. Cette interpr�tation tr�s romantique est
appr�ci�e par la critique. Certains y voient le pr�sage de
la R�volution qui aura lieu trois ans apr�s.
Pour la ville dAigues-Mortes, il ex�cute en
1847-1848 la statue colossale en bronze de Saint Louis
(ill. 49, 50 et 51), dabord attribu�e � son
rival de longue date Marochetti qui, trop cher, est �vinc�
au profit de Pradier, et ceci gr�ce � la m�diation du
n�mois Canonge. La statue, mesurant huit pieds (2,60m) est
plac�e sur un imposant pi�destal con�u par larchitecte
Questel : il est en pierre, orn� de deux proues de
navire. Pradier modifiera le geste du bras droit du Saint
dont le dessin (ill. 52), soumis � la commission de
la ville charg�e du choix du sculpteur, avait �t�
critiqu�, lensemble ayant �t� jug� lourd. Il est
vrai que cest imposant mais cest en accord avec
l�norme ceinture de remparts moyen�geux dAigues-Mortes.
Et il pr�figure un peu le style des statues colossales des
ann�es 1930.
Des s�jours toulonnais de Pradier au Prieur� de Lamalgue,
il reste un mascaron qui, � lorigine,
�tait plac� sur un mur de soutien de la falaise bordant le
jardin face � la mer. On peut le voir sur ce dessin de
Letuaire (ill. 53) 7, dessinateur
et peintre toulonnais. Plac� face � limmense panorama
maritime, il produisait sur tous les visiteurs se promenant
sur la plage une impression de grandeur antique.
Pradier ex�cute aussi des fresques (une Pallas, La
Po�sie, une Amphitrite) et des reliefs dont un,
sur le th�me de la Maison de Socrate. Mais ces
uvres sont en partie perdues.
Le mascaron sera d�plac� plus haut, devant la
villa (ill. 54), � une date ignor� pour le moment.
Bris� vers 1851, il sera remplac� par un autre mascaron
sugg�r� par Pradier 8 mais
dune iconographie l�g�rement diff�rente.
Ce deuxi�me mascaron (ill. 55), fondu par Victor
Paillard, est rest� sur place o� on peut le voir dans le
jardin de la r�sidence du � Prieur� �,
construite sur lemplacement de la villa Cloquet.
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55. James Pradier, Neptune. Fonte de zinc, apr�s juin 1852. Toulon, r�sidence � Le Prieur� �
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56. James Pradier, Neptune. Pl�tre, apr�s juin 1852. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire |
Le masque, encastr� dans une large conque, repr�sente
Neptune, le front orn� de cornes et la barbe d�cor�e de
deux dauphins qui sen �chappent, lensemble sur
une hauteur d'environ 1,40m. Il porte le nom de Pradier, la
date de son d�c�s et un motif fun�raire � fleur bris�e,
comme le pl�tre qui se trouve � Gen�ve (ill. 56).
On peut donc penser quil sagit l� en fait
dune uvre posthume, en hommage � Pradier et
reproduisant le mod�le ant�rieur.
Les commandes religieuses tiennent une place non n�gligeable
dans l'uvre de Pradier.
Nous citons seulement pour m�moire la premi�re
grande commande religieuse que constitue l�dification
du Monument du Duc de Berry (ill. 57) en
1824, dans la cath�drale Saint-Louis de
Versailles.
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57. James Pradier, Monument du duc de Berry. Marbre, 1823. Versailles, cath�drale Saint-Louis |
Dans l�glise de la Madeleine � Paris, se
trouve un groupe sculpt� en 1842 par Pradier,Le
Mariage de la Vierge (ill. 58 et 59).
Cest une sc�ne classique de
liconographie religieuse, souvent trait�e en peinture,
mais ne sappuyant sur aucun texte biblique. Dans une
construction pyramidale, la sc�ne repr�sente Marie et
Joseph agenouill�s, envelopp�s de lourdes draperies et
couronn�s de fleurs.
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58. James Pradier, Mariage de la Vierge. Marbre, 1842. Paris, �glise de la Madeleine |
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59. James Pradier, Mariage de la Vierge (d�tail). Marbre, 1842. Paris, �glise de la Madeleine |
Ils re�oivent la b�n�diction du grand pr�tre � la
physionomie tr�s expressive (ill. 59), pour lequel
Pradier sest montr� attentif � l'exactitude du
costume et des insignes. On retrouvera ce souci de v�rit�
historique dans la Piet� de la chapelle de la
Pauline.
La statue de La Vierge de Notre-Dame des
Doms � Avignon (ill. 60), dat�e
de 1838, est le premier ouvrage religieux, ex�cut� pour le
Midi. Il a la particularit� de repr�senter son �pouse
Louise, comme le reconna�t Pradier lui-m�me, racontant sa
visite � la cath�drale lors d'un voyage dans la ville
dAvignon, ce que confirmera Louise, disant � Cortot,
qui f�licitait Pradier pour les mains de la Vierge,
quelles �taient siennes et quelles avaient �t�
moul�es.
A La Garde, Pradier a laiss�, dans la chapelle fun�raire
n�o-gothique de La Pauline, un ensemble
int�ressant et peu connu.
Le 6 novembre 1844, de retour � Paris, apr�s un
s�jour � Toulon, Pradier propose, dans une lettre au
Docteur Lauvergne, de sculpter pour une chapelle du Mourillon
� construire, � le groupe de la Vierge tenant
entre ses genoux le Christ mort �. Il sagissait
de l�glise Saint- Flavien, comme il lest
indiqu� sur le dossier des archives 9.
Imm�diatement, Lauvergne le propose au conseil municipal qui
l'accepte. Pradier se met au travail, ne r�v�lant sa Piet�
(ill. 61) quau salon de f�vrier 1847 o� elle
soul�ve un toll� g�n�ral dans la presse et le groupe
nest pas acquis par l�tat, qui a �t�
sollicit� en vain par le conseil municipal de Toulon en
f�vrier et en ao�t de cette ann�e 1847 10.
Pradier envoie en d�cembre 1848, un pl�tre de
cette Piet� (ill. 62) � la municipalit�
de N�mes, esp�rant en obtenir la commande en marbre, pour
l�glise Saint-Paul nouvellement construite. La
commande ne se fait pas, mais le pl�tre, longtemps conserv�
dans divers mus�es de la ville, sera install� dans cette
�glise vers 1990.
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61. James Pradier, Piet�. Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
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62. James Pradier, Piet�. Pl�tre, 1847. N�mes, �glise Saint-Paul. |
Le groupe est acquis en 1850 par une habitante de la Farl�de,
veuve du fils dun notaire valettois, Charles Farnous
qui s�tait enrichi � au-del� des mers � 11.
Cette uvre est plac�e sur le tabernacle de
lautel de la chapelle �rig�e entre 1850-1852, � la
m�moire de son mari par larchitecte lyonnais Fontaine
dans le quartier de La Pauline. (ill. 63).
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63. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et Saint Charles Borrom�e, 1850-1852. La Garde, pr�s de Toulon. |
Cest une uvre puissante traduisant un souci de
v�rit� anatomique et de recherche arch�ologique. La Vierge
hi�ratique, dot�e dune coiffure et dun costume
syriens, pr�sente un visage s�v�re (ill. 64) sur
lequel apparaissent des larmes visibles. Elle tient devant
elle un Christ dont le corps, portant les marques de son
calvaire, est affaiss� mais dont le visage, � la barbe
soign�e, dans une position faisant penser � Mantegna, reste
serein (ill. 65).
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64. James Pradier, Piet� (d�tail).
Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et
Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
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65. James Pradier, Piet� (d�tail).
Marbre, 1847. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et
Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
Les critiques reprocheront � Pradier de ne pas avoir senti
le cot� mystique de la sc�ne en raison de son �ducation
protestante, mais elles sont � replacer dans un contexte
religieux qui nest plus de mise actuellement. Cette
uvre de Pradier est importante pour la statuaire
religieuse fran�aise, traduisant la pr�occupation de
certains chr�tiens d�sireux de donner au Christ
lapparence � du plus beau des hommes � et
de trouver une vrai M�re de douleurs laissant tomber ses
larmes. La signature de Pradier est visible sur le cot�
gauche du bas de la robe de la Vierge.
Le tympan du portail de l�glise est orn�
dun relief qui repr�sente Saint Charles Borrom�e
soignant les pestif�r�s de Milan (ill. 66),
sign� par Pradier, � droite sous la
poitrine de la femme agonisante. Le choix du
sujet, correspondant � une des derni�res uvres de
Puget, ne me semble pas innocent de la part de Pradier qui se
r�clamait souvent de Puget. Le travail a certainement d�
�tre termin� par ses aides car l'uvre na pas la
vigueur de ce que fait Pradier habituellement.
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66. James Pradier, Saint Charles Borrom�e soignant les pestif�r�s de Milan. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
Le portail est surmont� dun pignon portant � la cime lAnge
de la R�surrection (ill. 67), sign� � J.
PRADIER � sur le devant de son socle 12.
Par son allure �tir�e, on peut le rapprocher de ceux qui
ornent une urne fun�raire monumentale de Pradier expos�e au
Salon de 1840, rappelant par leur silhouette les sculptures
n�ogothiques ch�res aux sculpteurs romantiques.
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67. James Pradier, L'Ange de la R�surrection. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre-Dame de la Piti� et Saint-Charles Borrom�e,
La Garde, pr�s de Toulon. |
Sur les deux contreforts bordant les extr�mit�s de la
fa�ade se dressent les statues de Saint Charles (ill.
68) et Sainte Th�r�se (ill. 69), qui
�taient les patrons des �poux Farnous; ces statues
apparemment non sign�es ne peuvent, dans l�tat actuel
des recherches, �tre attribu�es avec certitude � Pradier.
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68. James Pradier (?), Saint Charles. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre- Dame de la Piti� et Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
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69. James Pradier (?), Sainte Th�r�se. Pierre, 1850-1852. Chapelle Notre- Dame de la Piti� et Saint-Charles Borrom�e, La Garde, pr�s de Toulon. |
Enfin, en 1852, peu avant sa mort, par un curieux retour aux
origines, il ex�cute une sculpture destin�e au tombeau
dAndr� Amenlier dans le cimeti�re protestant de
N�mes, berceau de ses anc�tres paternels. Pour ce
riche propri�taire n�mois mort en 1847, son ex�cuteur
testamentaire Fran�ois Jalabert fait �riger un monument
fun�raire dont � le plan a �t� dress� par M.
Feuch�re, architecte du Gard � 13.
Pradier est charg� de r�aliser une figure
all�gorique repr�sentant LImmortalit� de
l�me ou LEsp�rance en Dieu (ill.
70 et 71). La statue, command�e en juillet 1850, arrive �
N�mes fin mai 1852, juste avant la mort de Pradier le 4 juin.
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70. James Pradier, L'Immortalit�.
Marbre, 1852. N�mes, cimeti�re protestant,
tombeau d'Andr� Amenlier. |
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71. James Pradier, L'Immortalit�.
Marbre, 1852. N�mes, cimeti�re protestant, tombeau d'Andr� Amenlier. |
Elle repr�sente une jeune femme drap�e, les yeux lev�s au
ciel, couronn�e de lauriers et tenant une couronne de pommes
de pin de la main droite alors quelle d�signe de
lindex gauche la Bible pos�e � ses pieds. La statue
est en � marbre blanc clair parce quil
blanchit � l'air � signale Pradier � son aide Poggi
dans une lettre dat�e de 1850, dans laquelle il �crit plus
loin : �
lamour des arts est port�
haut et fait honneur � la classe distingu�e de la
population de N�mes; jen suis fier puisque je suis un
petit enfant du d�partement �.
A Jules Canonge, il signale dans un autre courrier de
juin 1850: �
mon petit mod�le que je viens
denvoyer � Poggi a eu un vrai succ�s � Paris, on
la trouv� mieux que la Sapho.. �.
Cette production publique et religieuse reste dans
lensemble n�oclassique, selon les exigences des
commanditaires. Par contre, Pradier peut innover dans ses
commandes priv�es, et plus pr�cis�ment dans les
repr�sentations f�minines qualifi�es de � statues
de chair �, selon le titre de la seule grande
exposition faite sur lui en 1985-86 � Gen�ve puis � Paris.
Au pasteur genevois, Gaberel, de passage � Paris en
1838, Pradier, se plaignant du mauvais go�t ambiant, aurait
dit : �
Jeus de mauvais jours apr�s
1830
les arts �taient envahis par le laid, le
grotesque, le tordu;
et, lantique, la perfection
de la beaut� humaine, c�tait du rococo
on
comprendra que le seul avenir possible pour la sculpture, ce
sont les formes anciennes rajeunies par des expressions, une
vie nouvelle;
� 14. Ce jugement
est une cl� permettant de comprendre l�volution de ce
type de production.
Les Trois Gr�ces (ill.
72 et 73) du Louvre, uvre de 1831, poss�dent
apparemment les caract�res exig�s par lAcad�mie, et
permettant d'exposer aux Salons : la r�f�rence aux
trois divinit�s gr�co-romaines de la Beaut�, Agla�,
Thalie et Euphrosyne; la nudit� des corps; enfin, le jeu des
attitudes n�cessaires � lintelligence de
laction de ces personnages vivant dans lHarmonie.
Lapparence est bien � grecque �, comme
lexige l�poque. Mais par le r�alisme des
figures, Pradier innove, ce que les critiques de
l�poque ont bien senti. Pour eux, il est question de
� respect scrupuleux de la v�rit� de la forme �,
de � chaleur dex�cution � et m�me de � Gr�ces
jolies et d�sirables � 15.
En 1834, avec le groupe Satyre et Bacchante (ill. 74 et 75) du Louvre, Pradier adopte totalement ce genre nouveau, le � nu �rotique �, d�j� inaugur� avec la Nymphe de Rouen en 1819.
Les corps sont dispos�s en demi-cercle, le corps du satyre
pench� sur la bacchante qui sabandonne. Le groupe est
remarquable par sa composition et par le r�alisme de ses
d�tails : plis de chair du corps de la bacchante aux
yeux mi-clos et effets cutan�s de la pression des doigts du
satyre sur son corps. Et dailleurs, ce groupe est
plac� en retrait au Salon de 1834 car jug� trop choquant.
Des recherches r�centes 16
ont montr� que Pradier s�tait inspir� des statues
antiques de la villa Ludovici � Rome pour faire mieux que l'art
grec, d�passant ainsi la mod�ration de lart classique.
Pradier a su adapter ce sujet mythologique aux
formes contemporaines de sensibilit� � laube du
mouvement romantique.
A cot� des bacchantes, les figures de la
mythologie sont pour Pradier un sujet de pr�dilection.
Sans en faire un commentaire exhaustif, nous choisirons les
plus caract�ristiques du souci de Pradier darriver �
une repr�sentation parfaite de la beaut�, le titre de l'uvre
n�tant alors quun pr�texte.
Cassandre (ill. 76) a
�t� ex�cut�e en 1843, et elle est conserv�e depuis cette
date au Mus�e des beaux-arts dAvignon. Selon le mythe,
Cassandre a re�u dApollon le don de pr�dire
lavenir mais s�tant refus�e � lui, le dieu
d�cr�ta que personne ne croirait � ses pr�dictions.
Appuy�e sur lautel de Minerve, seul �l�ment qui la
rattache � lantiquit�, elle se trouve dans un abandon
propice � linspiration. La r�alisation de Cassandre
est jug�e parfaite mais pas la nature, jug�e vulgaire, sans
noblesse, conforme au mod�le de latelier et ne faisant
pas honneur au sculpteur.
En 1824 � Rome, utilisant une colonne antique de marbre de
paros, Pradier con�oit une uvre � propos de laquelle
il �crit : � Jai compos� une figure
grande comme nature. On pourrait la nommer Psych� (ill.
77 et 78). Cest une jeune fille debout qui va
prendre un papillon pos� sur son bras gauche. � Ici,
le sculpteur semble davantage int�ress� par une action, une
sc�ne po�tique que par la description dune figure
mythologique.
Psych� est � sa toilette, la chevelure appr�t�e et par�e
de bijoux. Le sculpteur aurait pris comme mod�le sa
ma�tresse du moment, � une belle romaine � 17,
� laquelle il aurait donn� un d�hanchement inspir� de la
Venus de Milo. Il rajoute une touche mani�riste dans le
traitement des cheveux, dans linclinaison de la t�te
et la disposition des bras. Elle prend laspect
dune femme pudique, le bras repli� sur la poitrine et,
en m�me temps elle t�moigne dun certain �rotisme
donn� par la chute du drap� sur les hanches.
La Po�sie l�g�re (ill.
79 et 80) se trouve au Mus�e des beaux-arts de N�mes.
�labor�e en marbre de Carrare, elle frappe par
laudace de son mouvement : le corps envahit
lespace, la statue telle une arabesque tourne sur elle-m�me
et le v�tement accro�t lillusion du d�placement du
corps.
Pradier fait preuve dans cette uvre particuli�rement
soign�e dune grande ma�trise dex�cution par
les effets polychromes des bijoux et de la harpe, par
lextraordinaire model� de la draperie bord�e
dor, et par la minutie de la repr�sentation du sol
rempli de d�tails zoomorphes.
Si les �l�ments d�coratifs rappellent
lantiquit�, le dynamisme de la statue la rend moderne,
pr�figurant les tentatives futures des sculpteurs de la fin
du XIX si�cle.
Expos�e au Salon de 1846, elle provoque une
r�action tr�s �logieuse mais aussi des critiques violentes.
La statue de Nyssia (ill.
81 et 82) obtient au salon de 1848 la m�daille de premi�re
classe, la plus haute r�compense. Pradier sest
inspir� du Roi Candaule �crit en 1844 par Th�ophile
Gautier. Nyssia, dune beaut� hors du commun, venge sa
pudeur outrag�e en tuant son mari, le prince grec Candaule
qui la donne � voir � son propre ami pour lui montrer sa
beaut� alors quelle est � sa toilette.
Cest une des sculptures les plus fascinantes de Pradier,
visible au Mus�e Fabre de Montpellier. Il a utilis� le
marbre pent�lique dune ancienne colonne grecque,
lumineux, de couleur mordor�e, sans veinure.
Nyssia, dune grande beaut� est affair�e �
sa toilette, coiffant sa longue chevelure trait�e dans un
marbre aux reflets brillants (ill. 83). Son
extraordinaire masse de cheveux tombe en partie dans un coupe
support�e par un tr�pied, richement d�cor� de palmes, de
poissons, de dauphins et aux quatre coins, de paons, symbole
de lentente conjugale. Le poids de son corps, fait de
marbre lisse, est rendu par leffet des plissements du
coussin (ill. 84). Sur la base, une mosa�que
rappelant le pavement des demeures antiques, d�note une
recherche de polychromie.
Pradier va au-del� de la beaut� arch�ologique de Canova,
donnant une expressivit� particuli�re, proche des
romantiques.
Avec la Toilette dAtalante (ill.
85 et 86), uvre de 1849 que
lon trouve au Louvre, Pradier aborde un th�me tir�
des M�tamorphoses d'Ovide, cher aux sculpteurs
baroques. Toujours victorieuse dans les courses, Atalante
avait promis, face � ses nombreux pr�tendants �cart�s, de
s'offrir � celui qui la d�passerait. Un stratag�me de
V�nus permit � Hippom�ne de la conqu�rir, en lan�ant au
devant delle trois pommes dor quAtalante ramassa, retardant sa course.
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85. James Pradier, La toilette d'Atalante. Marbre, 1850. Paris, Mus�e du Louvre. |
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86. James Pradier, La toilette d'Atalante (d�tail). Marbre, 1850. Paris, Mus�e du Louvre. |
Elle est repr�sent�e accroupie, attachant une de ses
sandales plac�es sur le socle � cot� des trois pommes
dor, seul rappel du mythe. Elle est remarquable par sa
gr�ce, par la minutie de la repr�sentation de sa coiffure
et de ses sandales. Elle repr�sente l�ternelle
beaut�.
Les critiques ne sy sont pas tromp�s, y
voyant une � parisienne sortant du bain plut�t
quune grecque �.
On trouve de nombreuses Pandore: une en
marbre � grandeur nature � en Belgique, et deux
de format � demi-nature � en bronze, une �
Gen�ve et lautre � N�mes (ill. 87), objet
dune r�cente exposition 18 ; il
existe aussi de nombreuses r�ductions en bronze ou autres
mati�res (ill. 88).
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87. James Pradier, Pandore. Bronze, H. 94 cm, 1845-1850. N�mes, Mus�e des beaux-arts. |
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88. James Pradier, Pandore.
Bronze dor�, H. 41 cm, 1845-1850. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire. |
Selon le mythe transmis par H�siode, � la premi�re
femme � form�e par H�pha�stos, est dot�e par les
dieux de dons divers, beaut�, intelligence, gr�ce mais
aussi mensonge et fourberie. Envoy�e en �missaire chez les
mortels, elle ouvre lurne dont elle �tait charg�e
contenant les mis�res humaines, qui se r�pandent. Seule,
lEsp�rance reste emprisonn�e dans lurne
referm�e trop brutalement. A l�poque romantique, elle
devient une m�taphore pour c�l�brer la beaut� f�minine
mais aussi son pouvoir fatal.
Particuli�rement soign�e, Pandore est
orn�e de nombreux bijoux, du diad�me au bracelet de pied,
et elle est munie dune urne histori�e. Dans un
d�hanchement suggestif, Pandore est repr�sent�e
dans sa duplicit� que met en valeur la draperie qui la coupe
verticalement en deux, comme les ombres de son visage
pench�e.
Elle devient � pudique � pour
lexemplaire de Gen�ve ou � impudique �
pour celui de N�mes, achet� en 2006 pour le Mus�e des
beaux-arts. � Limpudique � de N�mes ne
cache pas ses formes sur le bas-ventre, laissant le
spectateur voir ou ne pas voir sa semi-nudit�, selon
lendroit o� il se trouve.
A partir du mythe antique, Pradier donne � voir une
femme nouvelle que traiteront librement des artistes comme
Courbet.
Le Mus�e dOrsay poss�de Sapho (ill.
89 et 90), une des derni�res uvres de Pradier,
d�c�d� au moment de son exposition au salon de 1852.
Elle est ex�cut�e parfaitement selon lhabitude du
sculpteur : robe savamment pliss�e, rendu du visage et
de la chevelure, collier et bracelet minutieusement sculpt�s.
Personnifi�e par la lyre pos�e � son cot�, elle incarne
la femme po�te en m�ditation, les mains crois�es sur sa
jambe repli�e, tr�s ferm�e sur elle-m�me, le regard perdu.
Le th�me �voqu� est moins celui de la beaut� que
celui de la cr�ation artistique et de la m�lancolie.
L� aussi, elle aurait �t� inspir�e par
lobservation du geste dun mod�le.
Dun instantan�, dun geste ou dune
pose observ�s, Pradier imagine une uvre � laquelle il
met ensuite une appellation, que ce soit Cassandre, Psych�
ou Sapho. Ainsi, on voit l�volution de son art passant,
dune esth�tique bas�e sur un vocabulaire et des
r�gles d�finis, � une esth�tique plus lib�rale qui le
rapproche des artistes romantiques.
Ses uvres intimistes ou orientalistes, dont
voici quelques exemples, lengagent d�lib�r�ment dans
cette lign�e, et m�me dans celle des artistes
postromantiques.
La femme couch�e (ill. 91) rappelle
Le Nu couch� (ill. 92) de 1907 de Matisse.
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91. James Pradier, Femme couch�e sur une peau de lion. Bronze, 1842. Coll. particuli�re. |
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92. Henri Matisse, Nu couch� (Aurore). Bronze, 1907. Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI. |
La N�gresse au tambourin (ill. 93) annonce
la vogue de lart africain des ann�es 1930. La femme
mettant son bas (ill. 94) a la position des
danseuses de Degas.
Terminons par cette petite statuette de 23 cm en pl�tre, V�nus � la coquille(ill.
95 et 96) correspondant � des s�ries �dit�es en plusieurs
exemplaires, comme il �tait possible de le faire apr�s la
vente des droits aux fondeurs 19.
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95. James Pradier, V�nus � la coquille avec deux dauphins. Pl�tre, 1844. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire. |
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96. James Pradier, V�nus � la coquille avec deux Amours. Bronze, 1844. Coll. particuli�re. |
V�nus appara�t dans un �crin de coquillage, simplement
v�tue dun sautoir de perles, pass� sur l�paule,
et offre sa beaut� soign�e et d�sirable au spectateur. Ce
th�me botticellien avait �t� d�j� utilis� par Pradier
� la villa Cloquet pour la peinture murale dune
Amphitrite sortant de londe sur sa coquille. Pradier le
reprend dans cette uvre qui symbolise la Cr�ation, la
naissance de lhomme mais aussi la cr�ation de
lartiste. On le retrouvera chez Rodin trente ans apr�s.
En 1849, face aux critiques nombreuses
laccusant de � se plaire aux aff�teries
coquettes �, Pradier renoue avec le genre � h�ro�que �
et �bauche en pl�tre un Ulysse relevant le corps
dAchille (ill. 97), contenant tous les
�l�ments du mode h�ro�que n�oclassique, quil
neut pas le temps de r�aliser en marbre.
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97. James Pradier, Ulysse relevant le corps d'Achille. Pl�tre, 1849. Gen�ve, Mus�e d'art et d'histoire. |
Fervent dart classique quil tenait pour
sup�rieur � tout, fid�le par go�t et par commodit� aux
r�gles acad�miques exig�es � son �poque, Pradier
sest montr� un artiste � facettes, �clectique dans
le choix et le traitement des ses uvres, quil
traite avec un r�alisme lib�r� de toute contrainte.
Inspir� par le mani�risme, se r�clamant de Puget, Pradier
plus �clectique que n�oclassique, a ouvert en sculpture une
voie quemprunteront les sculpteurs de la fin du
XIX�me si�cle, notamment un, cher � la m�moire toulonnaise,
Andr� Allar.
Cest Flaubert qui avait raison, sa seule pr�occupation,
cest lamour de lArt qui lui permet
datteindre ce qui est lessence m�me de l'Art,
la Beaut�.
Remerciements
Cette �tude a �t� pr�sent�e le 14 octobre 2009 � l'Acad�mie du Var par Mme Monique Bourguet-Vic, membre associ� de cette Acad�mie, professeur agr�g� d'histoire et professeur d'histoire des arts. Nous remercions Mme Bourguet-Vic d'avoir accept� qu'elle soit diffus�e ici. Une version en format pdf peut �tre lue sur le site de l'Acad�mie du Var en cliquant ici.
Notes
1
Voir Jules Fontan, � Les Romantiques � Toulon. La Malgue
et la Villa Cloquet �, in Bulletin de la Soci�t� des
Amis du Vieux Toulon, n� 12, octobre-d�cembre
1926, pp. 275-290, et n� 13, janvier-mars 1927, pp.
14-25.
2 Cf.
la Correspondance de James Pradier, textes r�unis,
class�s et annot�s par Douglas Siler, Librairie Droz,
Gen�ve, 1984-, t. 3, lettre 446, pp. 23-24.
3 Selon
le document de la Biblioth�que de Gen�ve achet� � un
descendant du neveu de Juliette Drouet, reproduit et
transcrit dans la Correspondance de James Pradier, op.
cit., t. 1, Illustrations, et t. 1, p. 144, lettre
88 bis.
4 Douglas
Siler, Flaubert et Louise Pradier. Le texte int�gral des
� M�moires de Madame Ludovica�,
Archives des Lettres Modernes, Paris, 1973. Cf. la Correspondance
de James Pradier, op. cit., t. 3, lettre 486, p. 88,
note 3.
5 Un
� sc�nario � du roman publi� en 1979 par
Douglas Siler constitue la preuve de lutilisation des
� M�moires de madame Ludovica � par
Flaubert qui connaissait bien le m�nage Pradier. Voir
Douglas Siler, � Du nouveau sur la gen�se de Madame
Bovary �, in Revue d'Histoire Litt�raire de
la France, janvier/f�vrier 1979, pp. 26-49.
6 Le
Messager du Midi, 4 juin 1851, article de Morelot.
7 L'Illustration
du 30 ao�t 1845, article de Charles Poncy (� Les
baignades �). Cf. aussi � Le Toulon de
Letuaire, chronique tir�e de lIllustration,
1844-1869 �, Alamo, 1986, p.421.
8 Lettre
in�dite de Pradier � Jules Cloquet, juillet 1851 : � Dites-moi
ce que vous voudriez pour mettre � La Malgue � la place de
notre pauvre Neptune bris�. Nous pourrions faire une
sculpture en terre cuite ou en plomb ou en zinc. Venez un
moment en passant et nous �l�verons un colosse. �
9 Archives
Municipales de Toulon, RVII.2.
10
Archives Municipales de Toulon, RVII.2
11 A.
Bonnet, � La Chapelle Saint-Charles Borrom�e de
la Pauline �, in Bulletin des Amis du Vieux Toulon,
n� 10, 1926, pp. 151-161.
12
Communication de M. Louis Le Pennec � M. Douglas Siler (voir sur le Forum Pradier son
courrier du 13/12/04).
13 On
trouvera les d�tails de cette commande dans la Correspondance de
James Pradier, op. cit., t. 4 et 5 (� para�tre).
14 J.
Gaberel, � Notice sur les ouvrages de James
Pradier �,
Biblioth�que universelle de Gen�ve, nouvelle
s�rie, t. 15, juin 1838, p. 284-286 (cit� sur le Forum
Pradier, rubrique Rencontres du troisi�me type).
15 Charles
Lenormant, Les artistes contemporains. Salon de 1831, t. 1, Paris, Mesnier, 1833.
16
Wolfgang Drost, � Pradier � la villa Ludovici, autour
du groupe Satyre et Bacchante �. in La sculpture au
XIX�me si�cle. M�langes pour A.Pingeot, �d. Chadun,
2008.
17 Correspondance de
James Pradier, op.cit, t. 1, p. 66, note 3, et pp. 70-74.
18 Sur
cette uvre, lire ici m�me l'�tude de Jacques de Caso
et Douglas Siler,
� Une
Pandore impudique red�couverte �.
19 Sur
cette uvre, lire ici m�me l'�tude de Claude Lapaire,
� V�nus
dans une coquille, deux statuettes de James Pradier, sources
et post�rit� �.
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