En avoir ou pas - Ernest Hemingway - Babelio
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Marcel Duhamel (Traducteur)
EAN : 9782070362660
280 pages
Gallimard (08/05/1973)
3.64/5   215 notes
R�sum� :
Comme il se tenait l�, avec la mitraillette dans sa main gauche, jetant un regard circulaire avant de refermer le panneau � l'aide du crochet terminant son bras droit, le Cubain qui �tait allong� � b�bord et qui avait re�u trois balles dans l'�paule se mit sur son s�ant, visa soigneusement et lui envoya une balle dans le ventre.
Harry fut projet� en arri�re et retomba assis. Il avait l'impression d'avoir re�u un coup de matraque dans l'abdomen. Il �tait adoss... >Voir plus
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William Shakespeare s'est fait une r�putation avec la formule � to be or not to be �. Ernest Hemingway a eu l'id�e d'une petite d�clinaison avec � to have and have not � qui fut rendue en fran�ais sous la forme � En avoir ou pas �.

En avoir ou pas, certes, mais de quoi ? du cran ? des " cojones " (comme il l'�crit plusieurs fois) ? du pognon ? du bol ?� Ou bien est-ce de l'exp�rience ? de la morale ? de la suite dans les id�es ? de l'alcool dans le corps ?� En avoir ou pas, est-ce tout simplement une femme ? des amis ? un bateau ? une arme � feu ? Ou m�me un bras ?�

Quel �trange titre et pourtant si bien trouv� pour chapeauter ce qui n'�tait au d�part que trois nouvelles s�par�es et que l'auteur a eu l'id�e d'agglom�rer en un seul ensemble pour en faire un roman. (On dit " fix-up ", para�t-il, en pareil cas, bien que je r�pugne � utiliser ce mot : " Assemblage " sonne mieux � mes oreilles et rappelle l'op�ration vinicole qui consiste � produire un vin standard et acceptable � partir de c�pages pas tous exceptionnels.)

J'ai trouv� l'�criture particuli�rement int�ressante, � la fois tr�s �pur�e et tr�s soign�e, notamment d'un point de vue narratif. L'auteur, mine de rien, alterne les points de vue narratifs et c'est vraiment tr�s bien fait.

Les deux premi�res parties (qui sont aussi les plus courtes) sont, de mon point de vue, absolument " al dente ". Hemingway y trouve les proportions exactes de myst�re, de suspense et d'authenticit�. Les dialogues sont impeccables et annoncent d�j� par leur vigueur � rappelons que l'ouvrage est publi� en 1937, c'est notable � ce qui fera, stylistiquement parlant, le coeur ardent de la litt�rature polici�re de la seconde moiti� du XX�me si�cle et du d�but du suivant.

J'ai vraiment ador� ce livre tant qu'il se focalisait sur le personnage de Harry Morgan. Il est central dans les deux premi�res parties. Or, dans la troisi�me partie, sans pour autant abandonner le r�cit des aventures de Harry Morgan, de fa�on assez incompr�hensible pour moi, l'auteur s'�panche pendant des chapitres entiers sur d'autres personnages, qui n'ont rien � voir avec Harry Morgan, ni de pr�s, ni de loin, sauf peut-�tre � habiter le m�me patelin, et l�, j'ai un peu perdu le fil�

Ainsi, au chapitre XI de la troisi�me partie appara�t un certain Richard Gordon, dont on n'a, finalement, rien � faire. Ensuite on revient � Harry Morgan au chapitre XII et, pour ainsi dire, l'histoire serait finie. Mais non, Hemingway nous embarque, sans trop y croire, lors des chapitres XIII et XIV avec ces personnages fantomatiques, Richard Gordon et consort. Puis il revient bri�vement � Harry Morgan au chapitre XV, l'abandonne � nouveau au chapitre XVI. Pour finalement conclure au chapitre XVII. le chapitre XVIII, sans �tre compl�tement hors sujet comme l'�taient les chapitres XI, XIII, XIV et XVI, n'apporte strictement rien.

Et c'est dommage, franchement dommage, car elle �tait forte et prenante cette histoire de Harry Morgan : un fier briscard qui gagne sa vie en louant son bateau et ses services � des plaisanciers am�ricains venus go�ter aux joies de la p�che au marlin (une esp�ce d'espadon) entre la Floride et Cuba. Bien �videmment, l'activit� ne nourrit pas toujours son homme, si bien que Harry fut parfois tent� par l'import/export de marchandises illicites�

Il n'est pas faux de penser que l'arr�t de la prohibition de l'alcool aux �tats-Unis en 1933 n'a pas compl�tement arrang� ses affaires. Mais les ferments de la r�volution cubaine pourraient bien ouvrir la porte � un nouveau type de business, allez savoir�

Pendant plus des deux tiers du roman, je trouvais ce personnage tr�s int�ressant, tr�s cr�dible, � la fois fouill� et myst�rieux et puis, tout � coup, Hemingway lui-m�me ne semble plus trop savoir o� il veut nous emmener. Alors, il essaie un coup � la Dos Passos avec son Manhattan Transfer, il essaie � maladroitement d'apr�s moi � de nous dresser un portrait sociologique des habitants des Keys, ces �lots qui terminent la p�ninsule de Floride. Et l�, �a devient mou, poussif, inint�ressant. le fil tendu avec Harry Morgan se d�tend et on patauge des quatre fers dans le Gulf Stream en se disant : � Mais que voulait-il nous dire, finalement ? �

Bref, un roman qui avait vraiment tout pour �tre r�ussi et captivant mais qui, selon moi, a �t� un peu b�cl� sur la fin d'o� une impression terminale plus mitig�e. Bien entendu, comme � chaque fois, ceci ne repr�sente que mon avis � et on peut en avoir ou pas � donc, pas grand-chose.

P. S. : si j'ai pris le temps de vous ennuyer avec le d�tail des chapitres dans la troisi�me partie, c'est justement, peut-�tre, pour vous �viter la petite d�ception que je viens d'�voquer. Si vous voulez me faire confiance, sautez sans h�sitation les chapitres XI, XIII, XIV, XVI et XVIII qui sont assez copieux et qui n'apportent (je le rappelle, d'apr�s mon seul jugement) rien. Et l�, vous aurez peut-�tre ce que je n'ai pas eu, un vrai bon roman, tonique et plaisant de bout en bout, si le coeur vous en dit�
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L'homme qui ne voulait rien regretter
OU
les �motions fortes et l'alcool, c'est fait pour �a.

Henry Morgan �tait le nom d'un des plus f�roces �fr�res de la c�te�, corsaire,amiral de sa tr�s gracieuse majest� britannique, et gouverneur de la Jama�que ! Pas mal, hein ? Harry Morgan� est sa version contemporaine. La version HLM. C'est que la vie manque de brio, de piment, d'audace, pour ceux de la g�n�ration perdue, dont Hemingway.

Pourtant Harry a, lui aussi, un bateau. Une grosse chaloupe motoris�e. Il l'a d'abord utilis�e pour transporter du rhum de Cuba jusqu'en Floride, car nous sommes aux temps de la prohibition. R�investissant une part des profits, il l'a �quip�e de mat�riel pour la p�che sportive. Ainsi, il emm�ne des clients fortun�s p�cher le marlin ou l'espadon. L'un de ceux-ci, maladroit et malhonn�te, d�molit le mat�riel et dispara�t sans laisser un sou. Harry n'a pas de quoi r�equiper son bateau et reprend le trafic d'alcool. La prohibition touchant � sa fin, les affaires ne sont plus ce qu'elles �taient, et il doit accepter des courses plus dangereuses, dont il ignore les aspects les plus sombres. C'est ainsi que les vies, somme toute bourgeoises, d'Harry et de sa femme Marie vont conna�tre le drame �

Des connaisseurs d'Hemingway affirment que sa vie a �t� marqu�e par une enfance malheureuse. Partag� entre une m�re dominante qui voulait voir en lui une fille, et un p�re qui l'emmenait vivre de longues vacances dans la nature, Hemingway semble avoir d�test� la premi�re, et opt� pour le second. Une fascination pour la nature, la solitude, la mort, se serait d�velopp�e sur ces bases. La mort donn�e par le chasseur ou le matador, et aussi la mort que le suicidaire se donne � lui-m�me, sont des th�mes r�currents. S'y ajoutent ceux de la g�n�ration perdue des v�t�rans de la premi�re guerre mondiale ( si Hemingway n'a pas particip� aux combats il a n�anmoins �t� bless� pr�s du front): des hommes d�sabus�s, ali�n�s de la soci�t� et de toutes ses normes, souvent alcooliques, toujours bagarreurs. Ces ingr�dients se retrouvent dans le personnage public qu'a construit l'auteur : �crivain flamboyant, buvant sec, chasseur, boxeur, passionn� de corrida, collectionnant maisons, bateaux et femmes. Bien sur, Hemingway vit ce personnage public, et recycle des �l�ments autobiographiques dans ses personnages litt�raires, tels Harry Morgan. La vente de ses livres finance le v�cu dans la r�alit� Autant dire que l'homme et son oeuvre sont difficiles � d�m�ler.

Le style est celui qu'on lui conna�t : sobre, d�pouill�, presque t�l�graphique. Pourtant, les milliers de pages de brouillons contenues dans les mus�es qui lui sont vou�s attestent du souci maniaque que Hemingway avait de son �criture. Et il y a les st�r�otypes, racistes et sexistes, qui sont pouss�s au point o� l'on a envie d'en rire. le mythe du Grand Chasseur Blanc, sa femme s'accrochant � ses genoux, les africains et les asiatiques apportant leurs offrandes au porteur de civilisation. On se demande comment il a pu �tre du c�t� des r�publicains en Espagne et des Alli�s pendant la seconde guerre mondiale. Mais il l'a �t�.

Un homme tourment�, compliqu�, vivant une histoire � la fois publique et priv�e, dont il jette quelques reflets dans ses livres, livres qui financent le style de vie qu'il s'est choisi ? Jusqu'� se rendre compte, comme Harry, que � l'homme seul est foutu d'avance� ? Et se tirer un coup de fusil � 61 ans, min�, us�, � bout. Pour certains, un h�ros tragique ?





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Trop fort, Ernest : il commence par vous amener dans une sombre histoire de trafics en tout genre au large de Cuba, peupl�e de truands plut�t minables avec au centre Harry Morgan un gars "qui en a", pour finalement �largir le plan vers une dissection compl�te et sans concession de toute une soci�t� humaine, jusqu'� ceux tout en haut de l'�chelle qui en ont aussi, mais pas les m�mes : en bas les "cojones", le cran, la chance, les armes pour assurer sa survie, en haut les relations, l'argent, les commandes et la d�sinvolture qui va avec, car ce sont toujours eux qui l'emportent au final.

Et pour cette d�monstration implacable il n'h�site pas � malmener son h�ros, ce Harry qui m'a d'abord franchement d�plu mais auquel j'ai fini par m'attacher visc�ralement comme � un certain id�al qu'on refuse de voir mourir.
Mal barr�e, cette lecture aura finalement �t� un coup de coeur sur une peinture totalement d�sabus�e du monde.
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En farfouillant dans une biblioth�que poussi�reuse chez mes parents, je tombe par hasard sur un vieux livre d'Ernest Hemingway intitul� "En avoir ou pas".

"To have and have not" en anglais.

Jamais entendu parler. Ce n'est sans doute pas le roman le plus connu d'Hemingway.

J'avais lu, �tant gamin, le classique "le vieil homme et la mer", puis plus r�cemment une sorte de bibliographie "Mrs Hemingway" de Naomi Wood, qui retrace la vie d'Ernest vu sous le prisme de ses femmes successives. J'y avais d�couvert � cette occasion que M. Hemingway n'�tait pas qu'un vieux bonhomme qui �crivait des histoires de p�cheurs un peu philosophiques et gentillettes mais surtout un bon gros chaud lapin, notoirement f�tard, bien accro � l'alcool et qui chasse le lion de surcro�t.

J'ouvre donc d�licatement ce vieux livre dont les pages semblent tenir entre elles par miracle, et je tombe sur une annotation manuscrite :

"Michelle T.
St. Julien les Rosiers (30)
le 25 f�vrier 1967"

Ce livre appartient donc � ma tante, qui l'a lu vraisemblablement il y a 56 ans. Je n'�tais pas encore n�. Et c'est typiquement ce genre de d�tail qui peut me pousser � faire passer un livre impr�vu et improbable tout en haut de ma pile � lire : un coupe file direct.

L'histoire raconte les (m�s)aventures de Harry Morgan, un marin bas� � Key West en Floride. C'est une petite frappe qui essaie de survivre un peu comme il peut dans le monde en crise des ann�es 30.

Jusqu'� lors, comme c'�tait en pleine prohibition aux �tats-Unis, il trafiquait un peu d'alcool entre Cuba et Key West et �a lui rapportait de quoi mettre de un peu plus d'ail dans l'a�oli. Mais maintenant que l'amendement interdisant l'alcool a �t� abrog�, il faut qu'il trouve d'autres sources d'entr�es d'argent.

Il tente de monter un petit business de tourisme de p�che au gros mais son dernier client, un peu bourrin sur les bords, lui d�grade un peu tout son mat�riel et n'a pas vraiment l'intention de rembourser quoi que ce soit. Et dans l'absolu, il n'avait pas l'intention de lui payer la location du bateau non plus. Pas vraiment d'assurance pour couvrir les dommages � l'�poque (cela dit m�me maintenant, les assurances, �a marche que si t'as besoin de rien), il se retrouve un peu coinc�.

L'occasion faisant le larron, il a l'opportunit� de se faire un peu d'argent facile en transportant une douzaine de clandestins chinois vers les �tats-Unis. Cette op�ration se passera plus ou moins bien. le commanditaire, un certain Mr Sing, terminera le voyage dans un sac au fond de la mer.

Et puis, quand �a veut pas, �a veut pas. Lors d'une de ses excursions, il se retrouvera attaqu� par des r�volutionnaires cubains. Harry, qui n'est pas un poussin de trois semaines, les abattra tous mais il s'en sortira avec une balle de gros calibre dans le ventre qui ne le laissera pas indemne jusqu'� la fin de sa vie.

En avoir ou pas ... on ne sait pas vraiment de quoi il s'agit. du courage ? de l'argent ? de la chance ? Un peu de tout �a ?

Au fil de ses aventures, on s'attache � notre petit Harry la d�brouille. Mais alors qu'il reste encore un certain nombre de pages, M. Hemingway se d�cide � introduire de nouveaux personnages, qui tombent l� comme un cheveu sur la pur�e. Il s'agit de riches gens qui passent leur temps � picoler et � refaire le monde sur yachts de luxe... dont un certain Richard Gordon, ainsi qu'une Dorothy Hollis, femme d'un metteur en sc�ne parmi les mieux pay�s d'Hollywood. Cette derni�re a tout l'air d'�tre une petite coquine parce que tout porte � croire que ce n'est pas avec le dit metteur en sc�ne qu'elle envisage de fricoter ce soir. Il s'agirait plut�t d'un certain Eddy qui "est chou mais qui est rond comme une bille". Et puis elle aime se brosser les cheveux aussi. Autant de d�tails inutiles qui montrent les pr�occupations de la classe bourgeoise am�ricaine de l'�poque. Et puis aussi, Dorothy voudrait dormir puisque y'a plus personne pour s'amuser. Ils ont tous pris une grosse cuite. Alors elle se dit que �a serait sympa de prendre du luminol... non mais allo quoi. du luminol ? C'est un truc qui fait de la lumi�re utilis� par les policiers pour faire appara�tre les traces de sang sur les sc�nes de crime. �a n'a jamais fait dormir, ce machin, sauf erreur de ma part. M�me Google ne connait pas cette utilisation du luminol.

Quoi qu'il en soit, soit j'ai rien compris au message sous-jacent subliminal de cette partie du livre, soit Hemingway n'a pas termin� son roman compl�tement sobre. Je pencherais plut�t pour la deuxi�me option, m�me si, n'�tant pas le couteau le plus aff�t� du tiroir, la premi�re option n'est pas � �liminer totalement non plus.

Bref, �a n'a ni queue ni t�te, mais le style d'�criture un peu d�jant� m'a quand m�me fait sourire. C'est l'essentiel finalement.

J'en discuterai avec ma tante � l'occasion, m�me si je ne suis pas certain que son Alzheimer lui ait laiss� une quelconque trace de cette histoire... Au moins, cette chronique aura permis de garder la m�moire de certaines lectures, de certaines interrogations, comme un passage de t�moin entre g�n�rations.

Cela peut sembler insignifiants pour le monde entier.

Pour le monde entier peut �tre.
Mais pas pour moi.

scob.
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En avoir ou pas ? Harry Morgan lui en a....et elles semblent �tre bien accroch�es...Peu nous importe de conna�tre leur taille, mais vu ce qu'il s'envoie derri�re le gosier et les clandestins qu'il balance sur les c�tes am�ricaines en toute clandestinit�, nous permet de voir que c'est homme n'est pas un saint. Il navigue en eaux troubles, dans les Keys, plus pr�cis�ment...Ces �les entre la Floride et Cuba... Cuba et son Rhum... Harry carbure au Bacardi....mais il ne perd pas la boussole pour autant. Mais au cour d'un livraison, une goutte de rhum va faire d�border le cubitainer de rhum...et l� notre Harry va d�gainer comme l'Inspecteur du m�me nom...Il va y laisser une bonne partie de lui-m�me dans cette travers�e...

H�mingway est un homme de mer... le vieil homme et la mer...mais bien qu'il aimait "l'eau" il n'en buvait, semble-t-il, pas tant que �a...mais pour ce qui est du Rhum, l� je peux vous dire qu'il nous en abreuve....�a ne me d�range pas : j'aime bien...

Mais contrairement au "Cuba Libre" que va immortaliser H�mingway, notre Harry ne sera plus jamais libre... et s'enfermera dans un isolement qui lui sera fatal. Il fera "son adieu aux armes"...et pourra se poser la question "pour qui sonne le glas"...
Au-del� du fleuve, et sous les arbres, le soleil se l�ve aussi, surtout pour celui qui meurt dans l'apr�s-midi...
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� C'est bon, monsieur Sing, dis-je. Amenez la suite. �
Il met la main � sa poche, sort l'argent et me le tend. J'allonge la main et lui attrape le poignet qui tenait le rouleau et juste comme il venait � moi, l� sur le plancher de l'arri�re, de l'autre main je le saisis � la gorge. Je sens le bateau d�marrer puis l'h�lice brasser l'eau comme il virait et j'�tais fort occup� avec M. Sing, mais je voyais le Cubain debout � l'arri�re, la godille dans les mains, au moment o� le bateau partait vers la pleine mer, en d�pit des bonds et des culbutes auxquels se livrait M. Sing. Il faisait plus de bonds et de culbutes qu'un dauphin au bout d'une gaffe.
Je lui retourne le bras derri�re le dos et je tire dessus mais je devais y aller trop fort car je le sens venir tout seul. Au moment o� il casse, M. Sing fait entendre un dr�le de bruit et s'affale en avant, moi le tenant toujours � la gorge et tout, et me mord � l'�paule. Mais aussit�t que je sens le bras mollir tout d'un coup, je le l�che. Il ne pouvait plus lui servir et comme �a je pouvais lui prendre la gorge � deux mains. Eh bien, mes enfants, le M. Sing s'est aplati comme un poisson, sans blague, avec son bras d�glingu� qui ballotait. Mais je le hisse sur les genoux, mes deux pouces profond�ment plant�s de chaque c�t� de son tuyau d'orgue, et je fais basculer tout le truc en arri�re jusqu'� ce que �a craque. Et n'allez pas croire que �a ne s'entend pas, quand �a craque, en plus.
Je le maintiens une seconde dans cette position, ensuite je l'�tends en travers de la poupe. Il �tait l� couch�, le visage tourn� vers le ciel, tranquille, dans ses beaux habits, les pieds dans le cockpit ; je le laisse l�.
Ramassant l'argent tomb� sur le plancher du cockpit, je sors sur le pont, j'allume la lampe de l'habitacle et je le compte. Apr�s quoi je prends le gouvernail et je dis � Eddy d'aller sous l'arri�re me chercher des morceaux de ferraille qui me servaient de corps mort quand on allait p�cher dans les hauts-fonds ou sur des rochers o� je n'aurais pas voulu risquer de perdre une ancre.

Premi�re partie, Chapitre IV.
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� �coute, il me dit. Tu te fais sept dollars et demi par semaine. T'as trois gosses � l'�cole qui ont faim � midi. T'as une famille qu'a des tiraillements d'estomac et je t'offre une chance de faire un peu d'argent.
� T'as pas dit combien. J' veux bien courir des risques, mais �a se paie.
� Il n'y a plus grand-chose � gagner � l'heure actuelle, quel que soit le genre de risque qu'on prend, Al, il me fait. Regarde-moi, tiens. Je me faisais trente-cinq dollars par jour pendant la saison, � emmener des gens � la p�che. Et voil� que je prends une balle dans la peau, que j'y perds mon bras et mon bateau, et � faire quoi ? � trimbaler un lot d'alcool qui vaut � peine le prix de mon bateau. Mais moi je te le dis, mes gosses auront pas de tiraillements d'estomac et je vais pas aller creuser des �gouts pour le gouvernement pour un salaire qui ne me permettra pas de leur donner � bouffer. D'ailleurs je ne pourrais plus creuser maintenant, je ne sais pas qui a fait les lois, mais tout ce que je sais c'est qu'il n'y a pas de loi qui vous oblige � crever de faim.
� Je me suis mis en gr�ve contre les salaires, je lui dis.
� Et tu as repris le travail, il me fait. On a dit que vous faisiez gr�ve contre la Caisse de secours. T'as jamais demand� de secours, t'as jamais demand� l'aum�ne ?
� Il n'y a pas de travail, je lui r�ponds. Y a pas de travail qui soit pay� d�cemment nulle part.
� Pourquoi ?
� Je n'en sais rien.
� Moi non plus, il fait. Mais tant qu'il y aura des gens qui auront � bouffer, ma famille aura � bouffer. Ce qu'ils veulent, c'est vous faire crever de faim, pour vous forcer � foutre le camp d'ici, de fa�on � br�ler les bicoques, construire de beaux immeubles et en faire une ville touristique. �

Troisi�me partie, Chapitre I.
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Il en �tait qui faisaient le grand saut du haut de la fen�tre de l'appartement ou du bureau ; d'autres se laissaient aller en douceur dans de petits garages pour deux voitures en laissant tourner les moteurs ; d'autres utilisaient la coutume du pays, le Colt ou le Smith et Wesson, ces instruments perfectionn�s qui vous soulagent de l'insomnie, suppriment le remords, gu�rissent le cancer, �vitent la banqueroute et trouvent une issue aux situations intol�rables par la simple pression d'un doigt ; ces admirables instruments am�ricains, si peu encombrants, d'un effet si s�r, si parfaitement con�us pour mettre fin au r�ve am�ricain lorsqu'il se transforme en cauchemar, leur seul inconv�nient : le g�chis qu'ils font et que la famille est oblig�e de nettoyer.

Troisi�me partie, Chapitre XVI.
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Il ne pensait pas en abstractions d'aucune sorte, mais en march�s, en ventes, en reports et en cadeaux. Il pensait en actions, en balles de coton, en milliers de boisseaux, en options, soci�t�s par actions, trusts et succursales.
(...)
Sa femme avait obtenu le divorce dix ans auparavant apr�s vingt ann�es pass�es � sauvegarder les apparences et il ne l'avait jamais regrett�e, pas plus qu'il ne l'avait aim�e. Il avait fait ses d�buts avec sa fortune...Il avait eu des �gards pour elle, jusqu'� ce qu'il eut tripl� son capital initial, ce qui lui avait permis de ne plus se soucier d'elle.
(...)
Il avait �t� admirablement arm� pour la carri�re sp�culative, � cause d'une extraordinaire vitalit� sexuelle qui lui donnait cette confiance en soi qui lui permettait de jouer � coup s�r, beaucoup de bon sens, un cerveau math�matique, un scepticisme constant mais contr�l�, un scepticisme aussi sensible aux d�sastres imminents qu'un barom�tre ...Tout cela joint � une absence totale de sens moral, une aptitude � se faire aimer des gens sans jamais les aimer ni leur faire confiance en retour., tout en les persuadant avec chaleur de son amiti�. ...et une inaptitude au remords comme � la piti�, l'avait men� o� il �tait maintenant.

(pp251-252)
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Il n'avait nul besoin de se tracasser pour ce qu'il avait fait aux autres, ni pour ce qu'il leur �tait arriv� � cause de lui, ni pour la mani�re dont ils terminaient leur existence. [�] Cela ne le tracassait pas. Il fallait qu'il y e�t un perdant et seules les poires se faisaient de la bile.
Non, rien ne l'obligeait � penser � eux, ou aux sous-produits des heureux coups de Bourse. On gagne : il faut bien que quelqu'un perde, seules les poires se font de la bile.

Troisi�me partie, Chapitre XVI.
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