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À Clessé, une marche blanche émouvante en hommage à Emma, assassinée par son petit copain

REPORTAGE - Quelque 800 personnes se sont réunies lundi dans un village encore traumatisé par la disparition tragique d'une enfant du pays.

Le poney club de Laizé (Saône-et-Loire), où la victime était licenciée depuis près de 10 ans, avait fait passer le message sur les réseaux sociaux : il souhaitait que les participants à la marche blanche en hommage à Emma J., poignardée à mort jeudi 9 juin par son petit copain, viennent avec un élément vestimentaire blanc et une fleur. Ce lundi 13 juin, la demande a été entendue : aux reflets jaunes et verts des cultures et des vignes du Haut Mâconnais, s'est mêlée en fin d'après-midi une masse blanche d'au moins 800 personnes (selon des chiffres de la gendarmerie) qui a progressé une heure durant sur environ quatre kilomètres.

«Cette marche, on lui (Emma, NDLR) doit. L'organiser est immédiatement apparu comme une évidence, assure une salariée du centre équestre qui préfère garder l'anonymat. Emma était une cavalière appréciée qui montait trois fois par semaine et qui était d'une gentillesse incomparable. Dire que cette môme était parfaite serait présomptueux mais je ne vois pas d'autres manières d'exprimer les choses», ajoute-t-elle, la gorge nouée. «Elle était si belle, si douce. On lui donnait 18 ans, c'était une poupée», abonde une amie de la famille d'Emma.

«C'était leur fille unique, ils l'avaient longtemps désirée et faisait tout pour la rendre heureuse»

Amis du poney club, camarades du collège Victor Hugo de Lugny - où l'adolescente de 13 ans était scolarisée en classe de quatrième -, voisins, élus de la commune, ancienne institutrice de l'école primaire et anonymes... Tous ont marché sous le soleil, dans un silence quasi religieux, jusqu'à l'endroit où le corps de la jeune fille a été retrouvé jeudi dernier au petit matin, derrière l'école municipale de Clessé. Les proches de la jeune fille étaient aussi présents. Ses parents, sa demi-sœur Kelly, de dix-huit ans son aîné, son parrain que certains ont qualifié de «deuxième papa». Et même Rubis, le poney de robe isabelle qu'Emma montait depuis plusieurs années et qui a pris la tête du cortège, guidé par quelques cavalières tenant dans leurs mains des pancartes d'hommage. «Ses parents s'étaient sacrifiés pour qu'elle vive à fond sa passion en prenant ce poney en demi-pension, souffle Me Patrick Uzan, l'avocat de la famille de la victime. C'était leur fille unique, ils l'avaient longtemps désirée et faisaient tout pour la rendre heureuse.»

Les amis d'Emma ont arboré des pancartes d'hommage avec des cœurs et des petits mots à l'adresse de la jeune fille disparue. Nicolas Daguin

Dans certaines cérémonies d'hommage on tire des coups de feu en l'air, eh bien ici c'est presque pareil. Seulement notre arme à nous a des pétales et ne gronde pas. »

Un retraité, habitant de Clessé et participant à la marche blanche.

Plusieurs fois, le cortège a marqué des temps de pause, tendant vers le ciel ses fleurs roses et blanches. Un geste tout en symbolique, puisque en équitation, un cavalier lève le bras pour indiquer à ceux qui suivent qu'il veut ralentir, voire s'arrêter un instant. «Dans certaines cérémonies d'hommage on tire des coups de feu en l'air, eh bien ici c'est presque pareil. Seulement notre arme à nous à des pétales et ne gronde pas», poétise un retraité, habitant de Clessé, quelque peu essoufflé par le rythme de la marche qu'insuffle le poney Ruby.

Dans le monde de l'équitation, un cavalier lève le bras pour signaler aux autres qu'il souhaite marquer une pause. Par hommage et par clin d'œil à cette tradition, la foule pointe ses fleurs vers le ciel. Nicolas Daguin

Des pleurs et des applaudissements

Depuis quatre jours, toute la petite commune du Haut Mâconnais, dont les drapeaux ont été mis en berne, tourne au ralenti. Obsédée par la mort tragique d'une enfant du pays. «Je vous assure qu'on ne dort plus beaucoup», témoigne en ce sens Jean-Pierre Chevrier, le maire de Clessé. «Ce drame fait partie du village désormais, et la douleur va perdurer longtemps», poursuit l'édile, qui explique rencontrer les parents d'Emma deux à trois fois par jour depuis le drame. «Ils ont besoin de soutien dans tous les sens du terme. D'un point de vue psychologique évidemment, mais aussi du côté administratif. Pour tout ce qui concerne l'enterrement et ce genre de choses. C'est affreux.» Et Me Uzan d'ajouter : «Ce sont des gens qui sont anéantis aujourd'hui. Ils ne peuvent pas se représenter que leur enfant a été assassinée. Ils sont en quelque sorte dans le virtuel.»

Arrivé au bout de son parcours, le cortège s'est rassemblé autour d'un petit autel de circonstance, où des photos de l'adolescente ont été disposées parmi les bouquets colorés. Une épaisse bougie verte a aussi été placée sur le sol, au centre d'un cœur dessiné avec des graviers. Les uns après les autres, proches, amis et anonymes ont déposé leurs fleurs au pied de l'autel. Émue derrière ses lunettes noires, la mère d'Emma a recueilli les condoléances de certains, les mots et les gestes d'affection d'autres. Peu à peu les visages ont rougi et les pleurs ont brisé le silence qui régnait jusqu'alors. S'en est suivi un temps d'applaudissement après que la mère d'Emma, en quelques mots, a remercié le cortège pour sa présence, son soutien. «On veut que des choses comme ça, ça n'arrive plus. On veut que vous fassiez vivre notre fille au travers de vos cœurs tous les jours. Parce que nous, on va en avoir besoin», a-t-elle déclaré avant de partir. À 20h, tandis que la foule s'était déjà presque entièrement dispersée, certains sont restés là, incapables de quitter l'endroit. Beaucoup d'adolescents notamment, mutiques.

«Une volonté de tuer»

Après la découverte jeudi dernier du corps de l'adolescente lardé de coups de couteau, les soupçons se sont rapidement portés sur son petit ami, âgé de 14 ans. Il a été interpellé directement au collège et placé en garde à vue. Lors de son audition le collégien a rapidement confirmé avoir donné rendez-vous à sa petite amie qu'il retrouvait parfois la nuit et lui «avoir porté trois coups de couteau au niveau du cou», selon les éléments communiqués par le parquet de Mâcon. La victime a «tenté de fuir, mais le suspect a tenté de l'étrangler puis a encore porté des coups de couteau», selon la même source. Et d'ajouter que de nouvelles auditions du garçon ont mis en évidence «une volonté [...] de tuer. Il pensait que son acte pouvait être facilité par le fait que la victime l'aimait. Il disait s'être entraîné au maniement du couteau.»

L'examen psychiatrique du mis en cause a conclu à une altération importante du discernement, sans abolition, ce qui ouvre la voie à une sanction pénale. Dépourvu d'antécédents judiciaires, ce mineur risque jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle pour assassinat. Il a été mis en examen vendredi et incarcéré dans un établissement disposant d'un quartier pour mineurs et d'une unité sanitaire psychiatrique.


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À Clessé, une marche blanche émouvante en hommage à Emma, assassinée par son petit copain

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3 commentaires
  • Anonyme

    le

    On sait rien sur le meurtrier

  • 3984263 (profil non modéré)

    le

    Surveiller vos enfants, interdiction qu'ils traînent dans la rue après le dîner sauf accompagnés d'un adulte. S'assurez qu'ils sont bien dans leurs lits et surveiller les fréquentations pour éviter les drames de la vie. Soutien à la famille et condoléances.

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