L’Oreille tendue | Langue, culture, sport |

Le zeugme du dimanche matin et de Louis Sébastien Mercier

Portrait de Louis-Sébastien Mercier

«Ses cheveux proprement tressés formaient un nœud derrière sa tête, et un léger soupçon de poudre leur laissait leur couleur naturelle. Ce simple accommodage ne présentait point une pyramide plâtrée de pommade et d’orgueil, ni ces ailes maussades qui donnent un air effaré, ni ces boucles immobiles qui, loin de retracer une chevelure flottante, n’ont d’autre mérite que celui d’une roideur sans expression, comme sans grâces.»

Louis Sébastien Mercier, l’An deux mille quatre cent quarante. Rêve s’il en fut jamais, édition, introduction et notes par Raymond Trousson, Bordeaux, Ducros, 1971, 426 p., p. 94-95. Édition originale : 1770-1771.

 

P.-S.—Il y a peu, l’Oreille tendue a écrit un texte sur ce roman.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autopromotion 758

Colloque «LQM 2024. Des histoires à l’avenir : littérature, créativité et littératie en culture numérique», 2024, logo

La semaine prochaine, les 24, 25 et 26 avril 2024, se tiendra à l’Université du Québec à Montréal le Colloque «LQM 2024. Des histoires à l’avenir : littérature, créativité et littératie en culture numérique». (LQM ? Littérature québécoise mobile.)

L’Oreille tendue aura l’honneur d’y présenter une des trois conférences plénières, «Flux». Celle-là, comme les deux autres, de Bertrand Gervais et de Prune Lieutier, seront diffusées par Zoom.

Renseignements généraux ici.

Autopromotion 757

«Anatomie», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planche XVI

La 605e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 71 344 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Anatomie», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planche XVI

Pines

«Premier Bicycle Motocross (Schwinn Sting-ray orange Krate de 1968)», 2015, photo déposée sur Wikimedia Commons

Au cours d’aventures antérieures, nous avons croisé la pine de la roulotte et la pine du salon de quilles.

Dans la grande famille de la pine, accueillons celle qui désigne la haute vitesse, par exemple chez Jean-Philippe Pleau : «Sur mon BMX jaune, muni de mags en plastique en forme d’étoile, je descendais full pine la petite côte de la rue Duplessis» (p. 160).

À votre service.

 

Référence

Pleau, Jean-Philippe, Rue Duplessis. Ma petite noirceur. Roman (mettons), Montréal, Lux éditeur, 2024, 323 p. Ill.

 

Illustration : «Premier Bicycle Motocross (Schwinn Sting-ray orange Krate de 1968)», 2015, photo déposée sur Wikimedia Commons

Théories du grand acteur

Diderot, Paradoxe sur le comédien, éd. de 1994, couverture

Il y a sept ou huit lustres, l’Oreille tendue dévorait les romans de Patricia Highsmith. Pour des raisons qui lui échappent complètement, elle a cessé de la lire. À l’occasion de la diffusion, sur Netflix, de la série Ripley, elle a décidé de s’y remettre, d’abord avec The Talented Mr. Ripley.

Parmi les «talents» du personnage de Tom Ripley, signalons la qualité de son jeu, au sens dramatique du terme. Le narrateur ne cesse de le répéter : Ripley joue différents rôles, y compris le sien. (Les esprits sont souvent tortueux chez Highsmith.) Il peut imiter des personnages inventés (p. 57, p. 256) et des personnes réelles. Alors qu’il panique souvent lorsque des imprévus se présentent, il arrive sans mal à se contrôler quand il s’agit d’emprunter une identité. Il n’a alors jamais peur d’échouer : «he felt absolutely confident he would not make a mistake» (p. 130). Il est passé maître dans l’art de la «mental suggestion» (p. 144) et il sait garder la tête froide (p. 137, p. 144). Son credo est clair : «If you wanted to be cheerful, or melancholic, or wistful, or thoughtful, or courteous, you simply had to act those things with every gesture» (p. 180). Pour être (enjoué, mélancolique, rêveur, pensif, courtois), il suffit de jouer dans chacun de ses gestes.

Cela nous amène, comme toujours, à Diderot. Celui-ci, dans son Paradoxe sur le comédien (1773-1778), distingue deux sortes de comédiens, les «comédiens imitateurs» et les «comédiens de nature». Les premiers s’appuient sur l’étude, la pénétration; leur jeu est toujours le même. Les seconds s’appuient sur leur âme, leur sensibilité; leur jeu est inégal. Diderot favorise les premiers :

Qu’est-ce donc que le vrai talent ? Celui de bien connaître les symptômes extérieurs de l’âme d’emprunt, de s’adresser à la sensation de ceux qui nous entendent, qui nous voient, et de les tromper par l’imitation de ces symptômes, par une imitation qui agrandisse tout dans leurs têtes et qui devienne la règle de leur jugement; car il est impossible d’apprécier autrement ce qui se passe au-dedans de nous. Et que nous importe en effet qu’ils sentent ou qu’ils ne sentent pas, pourvu que nous l’ignorions ? (éd. 1994, p. 93)

Tom Ripley est un «comédien imitateur». Ses victimes ne peuvent évidemment pas en témoigner; elles le croient.

 

Références

Diderot, Denis, Paradoxe sur le comédien suivi de Lettres sur le théâtre à Madame Riccoboni et à Mademoiselle Jodin, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 2575, 1994, 234 p. Édition présentée, établie et annotée par Robert Abirached.

Highsmith, Patricia, The Talented Mr. Ripley, New York et Londres, W.W. Norton & Company, 2008, 287 p. Édition originale : 1955.