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Pourquoi Peggy et Gwilym McGrew offrent 100 000 euros pour la restauration de l’église de Bucey-en-Othe

Ils donnent plus de 100 000 € pour la restauration de l’église de Bucey-en-Othe. Peggy et Gwilym McGrew vous expliquent leur geste et racontent l’histoire du lieutenant américain James McGrew.

Temps de lecture: 4 min

Quel est le sens de ce don. Un hommage à la mémoire de votre père, James ?

Pas seulement. Je fais ce don à la mémoire de Charles Décréon, fermier à Bucey-en-Othe, qui a recueilli mon père pendant la Seconde Guerre mondiale, et de Julien Bon, un des chefs de la Résistance de la région de Châtillon-sur-Seine.

Julien Bon est l’homme qui est venu chercher mon père à la ferme du Grand-Chaast pour l’emmener dans son réseau de la Résistance.

Ce don de Peggy et Gwilym McGrew, mon épouse et moi, en faveur de l’ASPBO (Association de sauvegarde et de protection du patrimoine de Bucey-en-Othe), doit permettre la restauration de l’église et, par là, perpétuer la mémoire de Charles Décréon et de Julien Bon qui ont recueilli et sauvé la vie de mon père, James McGrew.

Le lieutenant James McGrew, officier aviateur de l’US Air Force
Le lieutenant James McGrew, officier aviateur de l’US Air Force - Gwylin Mc Grew

Comment s’est passé ce sauvetage ?

La ferme du Grand-Chaast qu’habitait Charles Décréon n’est pas loin d’ici. Mon père, dont le bombardier a été abattu au-dessus de Fontvannes, a atterri en parachute près de cette ferme.

Sans hésiter, Charles Décréon l’a caché pendant deux mois au péril de sa propre vie et de celle de sa famille. Il l’a ainsi protégé. Julien Bon est un chef de la Résistance. Il est venu chercher mon père pour le cacher au sein de son propre réseau. Hélas, au bout d’un mois, ce maquis – le camp Tabou – a été attaqué par les Allemands.

Photo supposée du maquis du Tabou, dans le Châtillionnais.
Photo supposée du maquis du Tabou, dans le Châtillionnais. - Gwilym Mc Grew

Mon père a été blessé pendant cette attaque. Lui et les autres prisonniers ont été emmenés à Chaumont. Mon père a été battu mais laissé en vie. En revanche, il a vu un jeune Français attaché à une chaise, que les Allemands ont battu violemment pour obtenir des informations dont mon père savait qu’il ne les connaissait pas. Au bout d’un moment, ils ont lâché un berger allemand sur lui et mon père a vu ce jeune homme mourir sous ses yeux. Ils l’ont tué.

Après plusieurs jours, tous les prisonniers ont été alignés contre un mur pour être exécutés. C’était de jeunes Français de 18 ou 19 ans, plus jeunes que mon père qui avait alors 26 ans. Les Allemands ont installé leur fusil-mitrailleur à l’intérieur de la prison de Chaumont. Les prisonniers pleuraient et appelaient leur mère et les Allemands se moquaient d’eux.

Juste avant de tirer, ils ont sorti mon père du groupe et exécuté tous les autres. Ils les ont enterrés dans une fosse commune. Sur un mur, à l’extérieur de la prison de Chaumont, une plaque rappelle cette exécution.

La fin du maquis du Tabou n’est qu’une étape dans le parcours de votre père ?

Mon père a été mis en cellule individuelle, en isolement, privé de nourriture, avec une seule soupe par jour. Il ne pesait plus que 45 kg. Il pensait qu’il allait mourir. À l’approche de Noël, il a perdu foi en la religion catholique.

Ce don à l’église de Bucey-en-Othe est une manière pour nous de prolonger l’histoire de l’église, de manière à ce que d’autres puissent, au contraire croire à nouveau. Mon père a perdu la foi, peut-être que d’autres peuvent la retrouver…

Mon père a ensuite été envoyé dans une prison allemande, pendant un an et demi. Julien Bon et d’autres résistants n’étaient pas dans le camp quand il a été attaqué mais il a été traqué et exécuté un peu plus tard…

Photo de Julien Bon, du maquis de Châtillons.
Photo de Julien Bon, du maquis de Châtillons.

L’église de Bucey-en-Othe est donc intimement liée à votre histoire familiale ?

Nous avons visité l’église Saint-Jacques-le-Majeur ce matin. Nous avons été très impressionnés par l’étude détaillée, très approfondie, de l’architecte, Mathieu Baty.

Sa présentation de l’édifice était fantastique. M. Baty et la municipalité ont un superbe plan pour la restauration des éléments structurels de l’église, destiné à la pérenniser. Cette église a vraiment l’air d’être un centre de vie, un centre de communauté plus qu’un simple édifice religieux. Je suis très attentif et j’ai vu, sur Internet, toutes les animations qui ont eu lieu à l’église, la communauté de Bucey-en-Othe et d’ailleurs aussi. Je pense sincèrement que cette église est une cause qui mérite d’être défendue.

Vous viendrez donc découvrir l’église restaurée ?

J’ai demandé au maire de m’appeler quand les travaux seront finis pour voir comment nous pouvons soutenir encore des travaux complémentaires de finition à l’intérieur ou d’aménagements extérieurs. Nous ne pouvons plus nous séparer de Bucey-en-Othe et de ses habitants. Et eux ne pourront pas se débarrasser de nous…

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