Adèle Foucher, la femme cachée derrière la plume de Victor Hugo

“Derrière chaque grand homme il y a une femme”, si cette phrase du célèbre Talleyrand paraît aujourd’hui très misogyne, elle s’applique néanmoins en ce qui concerne l’Histoire : celle-ci retient souvent le nom d’hommes illustres et des muses ou femmes qui les ont accompagnés, sans que ces femmes acquièrent la postérité qu’elles méritent. Adèle Foucher, épouse et muse de Victor Hugo, a subi cette intransigeance de l’Histoire envers les femmes. Derrière l’illustre écrivain se cache une femme dont la vie propre mérite d’être explorée. Carnet d’Histoire dresse pour vous le portrait intime d’Adèle Foucher et de son rôle essentiel dans la vie d’Hugo.

Adèle Foucher, amie d’enfance de Victor Hugo

Adèle Foucher voit le jour le 27 septembre 1803 à Paris. Très jeune, alors qu’elle joue avec des amis du quartier, elle rencontre Victor Hugo et ses deux frères, en 1809. Mais Adèle et Victor n’ont que 6 et 7 ans, et les badinages de l’amour ne sont évidemment pas encore de leur âge. Leur amitié se termine lorsque Victor entre en pension, en 1812, mais les deux se retrouvent en 1819 : la fin de l’adolescence et les délicieux tourments qui la caractérisent rapproche une nouvelle fois les deux jeunes gens, qui s’avouent mutuellement leur amour, à 16 et 17 ans.
Un amour épistolaire

Les deux tourtereaux engagent alors une correspondance enflammée quoique peu fournie. Réticents à cette idylle, les parents Foucher et Hugo tentent de les dissuader d’entreprendre pareille entreprise et c’est en cachette de sa mère qu’Adèle écrit à Hugo. Lui l’appelle déjà “ma fiancée” et estime qu’Adèle est trop froide, trop prude à son égard, et qu’elle n’estime pas à leur juste valeur les élans d’amour qu’il lui envoie.

Malgré tout, Adèle est amoureuse d’Hugo et veut l’épouser. Mais il faudra attendre le 27 juin 1821 et la mort de Madame Foucher, toujours hostile à cette idylle, pour que des fiançailles soient possibles. Adèle Foucher devient officiellement Madame Hugo le 22 octobre 1822, après une cérémonie religieuse à l’église Saint-Sulpice de Paris.

Son mariage compliqué avec Victor Hugo

Si les époux Hugo engendrent cinq enfants, dont Adèle Hugo, les caractères des deux s’avèrent néanmoins plutôt incompatibles.

Le mode de vie d’Hugo : un train de vie difficile à suivre

Victor Hugo voit sa popularité et son succès grandir au fur et à mesure des années. Adèle, peu encleinte aux mondanités et au train de vie éreintant que la célébrité de l’écrivain engendre, préfère s’occuper de ses enfants dans son coin. Elle reçoit néanmoins dans leur maison de nombreux intellectuels et hommes de lettres, et Hugo continue de lui rendre hommage dans nombre de ses poèmes. Mais les mondanités prennent de plus en plus de place et Adèle Foucher, qui n’a jamais eu d’ambitions démesurées, ne supporte plus les conséquences du talent de son écrivain de mari et s’isole complètement.

Adèle et Charles-Augustin Sainte-Beuve : une idylle pour tromper la solitude

Charles Augustin de Sainte-Beuve, observateur, remarque qu’Adèle paraît triste et mélancolique. Il commence alors auprès d’elle une cour assidue. Que Victor Hugo fasse partie de ses meilleurs amis ne le gêne guère, et il obtient gain de cause : s’il est petit et laid, il parvient néanmoins à séduire Adèle. Ils se rencontrent régulièrement, mais toujours très discrètement, et échangent une correspondance fournie. Mais cette idylle prend fin brutalement, lorsque Sainte-Beuve, lasse de voir Adèle incapable de s’engager corps et âme dans leur aventure mutuelle, décide d’y mettre fin.

Juliette Drouet, sérieuse rivale d’Adèle Foucher

Si Adèle Foucher sait tout des multiples aventures extra-conjugales de son mari, et ne lui en tient pas rigueur, il y a une femme qu’elle n’apprécie guère : Juliette Drouet, maîtresse officielle de Victor Hugo depuis 1833 (qui le restera pendant 50 ans). Alors que son idylle avec Sainte-Beuve prend fin, elle se consacre à fond aux intérêts économiques de son mari, protège leur fortune, empêche Hugo de mener un train de vie trop dispendieux. Lorsqu’elle apprend l’aventure de Victor avec Léonie Biard, elle est ravie et encourage celle-ci à détrôner Juliette Drouet, en vain.

Adèle Foucher : muse, conseillère et pilier d’Hugo

Adèle Foucher est la muse incontestée de Victor Hugo. C’est également sa première lectrice : il lui fait tout lire et elle commente tout, relis, corrige. Elle veille à ce que son mari perçoive des droits corrects sur ses œuvres et il faut lui redonner sa juste place : Hugo n’aurait pas connu autant de succès sans l’aide de sa femme.

Lorsqu’en 1851, Victor Hugo dénonce le coup d’État de Napoléon III, il est contraint à l’exil. En épouse fidèle et soutien sans failles, Adèle le suit partout : sur les îles anglo-normandes, en Belgique et partage ses conditions de vie difficiles.

Adèle Foucher meurt dans l’oubli

Lorsque son célèbre écrivain de mari meurt en 1885, elle tombe dans l’oubli et la postérité ne retient pas grand-chose d’elle. Victime d’une congestion cérébrale en 1868 à 64 ans, elle est enterrée à Villequier à côté de sa fille, Léopoldine, morte tragiquement des années plus tôt. Son mari ne peut même pas suivre le cercueil jusqu’au bout, victime de son exil.

Ainsi, Adèle Foucher bien au-delà de son rôle traditionnel de muse, incarne la force et la passion d’une femme qui a su équilibrer les exigences de la vie personnelle et de la vie publique, tout en œuvrant, dans l’ombre de son mari, sur le monde littéraire du XIXᵉ siècle. Si l’Histoire ne lui a pas rendu justice, elle doit néanmoins en faire partie.

Sources :

– http://hautevillehouse.com/2013/05/adele-foucher/
– https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-ete-avec-victor-hugo/adele-foucher-son-premier-baiser-avec-victor-hugo-2584413
– https://www.fortiffsere.fr/adele-foucher-la-femme-derriere-lecrivain-victor-hugo/