Européennes 2024 : Léon Deffontaines, une campagne marathon à la rencontre de la France du travail

Pour le communiste de 28 ans, à la tête d’une liste de rassemblement au scrutin du 9 juin, le vote des salariés peut changer l’Europe pour le mieux. De piquets de grève en meetings, il sillonne les terres de lutte et invite le monde du travail à reprendre la main. Avec un credo, faire de la question sociale et de la production une priorité.

« Nos mains ne trembleront pas pour mettre un coup d’arrêt à cette Europe de la casse sociale ! » Le 12 avril, Léon Deffontaines tient son premier grand meeting à Amiens. Le « coup d’envoi officiel » de sa campagne des européennes. Les 1 000 personnes venues de toute la région en sont conscientes.

Les voilà qui scandent avec humour « Léon à Bruxelles ! » Car la liste que conduit le communiste amiénois de 28 ans joue gros : le retour des députés PCF au Parlement européen – ils en sont absents depuis 2019 – et avec eux, celui de la « France du travail ». C’est l’originalité de cette liste, baptisée « Gauche unie pour le monde du travail », et des gens qui la composent.

Dès la fin de l’été 2023, Léon Deffontaines annonce la couleur. La liste en préparation sera largement « ouverte » aux travailleurs. La promesse a été tenue : dès la deuxième position figure Sigrid Gérardin, syndicaliste de l’enseignement professionnel, avant une longue suite de candidats issus du monde du travail. Salariés du public, du privé, agriculteurs, retraités, employés, ingénieurs…

Le ton est donné, avec une vingtaine de syndicalistes confrontés quotidiennement à la défense des salariés sur le terrain. Et, côté partis politiques, la liste dépasse le cadre du PCF. Elle compte des radicaux de gauche, des élus de l’Engagement, le parti fondé par Arnaud Montebourg, et aussi l’eurodéputé et cofondateur de la Gauche républicaine et socialiste (GRS) Emmanuel Maurel.

« Reprendre la main en Europe »

L’équipe s’est fixée pour objectif de « reprendre la main en Europe », afin de la mettre au service des peuples. « Il y a urgence, on se tiers-mondise », s’indigne Marie-Laure, ancienne postière à Amiens, alors que son médecin généraliste n’a pas été remplacé. « Il faut remettre l’Europe à l’endroit », abonde Didier, pourtant consultant à Bruxelles. Perdants comme gagnants de la mondialisation se disent ainsi prêts à une autre Union européenne, plus vertueuse et partageuse. « Une Europe qui défend les salariés, les agriculteurs, les consommateurs, et sanctionne les entreprises qui ne jouent pas le jeu », insiste Bernard, ancien maire de Landogne, rencontré dans le Puy-de-Dôme.

Des voix que Léon Deffontaines va chercher dans toute la France. Depuis début 2024, l’ex-secrétaire général des Jeunes communistes, devenu porte-parole du PCF, ne cesse de sillonner le pays. « Je l’entends souvent : les jeunes de ma génération ne veulent plus être fonctionnaires. Certains me disent qu’ils ne veulent pas le rester plus de dix ans. C’est normal. Ils font des bac + 5, pour toucher 1,2 Smic », confie-t-il.

C’est pourquoi il se bat pour augmenter tous les salaires, et pour les indexer sur l’inflation. Dans les régions où il mène sa campagne, il se réfère aussi à sa Picardie d’origine, sinistrée par les délocalisations. « Les usines sont parties à l’étranger, mais aussi à l’intérieur même de l’UE », tacle-t-il, dénonçant dans chaque discours une Europe conçue pour mettre en concurrence les travailleurs entre eux. Une Europe qu’il veut remplacer par celle de la coopération, en revenant sur les traités de libre-échange, et en mettant la Banque centrale européenne au service de la réindustrialisation et des services publics.

Son combat pour que chacun puisse vivre dignement de son travail concerne bien sûr les agriculteurs. Fin janvier, alors que le monde agricole s’enflamme dans un mouvement de contestation historique, Léon Deffontaines se rend sur un barrage de l’Oise. « Les agriculteurs sont les premiers écologistes », leur lance-t-il, avant de les retrouver au Salon de l’agriculture de Paris. Avec un expert de la question, candidat en 5e position sur sa liste : le député du Puy-de-Dôme et président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, André Chassaigne.

« Depuis 2015, je n’ai pas réussi à me payer un salaire. Sur six ans d’exercice, je suis déficitaire quatre années », résume Lucie, agricultrice de 38 ans. Sur place, les deux candidats écoutent toutes les organisations de paysans : la Confédération paysanne, la FNSEA, la Coordination rurale, le Modef… « On s’est toujours battus pour mettre des prix planchers, mais, sans sortir de la concurrence, cela tirera les prix vers le bas », assure André Chassaigne. « Cela implique donc de sortir des accords de libre-échange. Si on ne les bouscule pas, on n’aura pas de résultat », ajoute celui qui souhaite aussi refonder la politique agricole commune (PAC) de l’UE, pour la mettre au service des petits exploitants.

Vivre dignement

« Libre-échange », ce terme revient dans chaque rencontre. Aux côtés des marins pêcheurs bretons, Léon Deffontaines mesure l’absurdité de règles qui mettent la profession en danger face à une concurrence déloyale mondialisée. « On trouve de l’églefin pour moins de 12 euros en vente ici, alors que le nôtre est à 14 ou 15 euros », témoigne Guillaume Nicolle, mytiliculteur sur le port de Loctudy. Marie Le Guen, présidente de l’association Demain Saint-Gué, déplore que ses collègues n’aient « pas de quotas pour les maquereaux ».

Les pêcheurs du cru voient donc des bateaux étrangers pêcher ces poissons pour les rapporter en Écosse, où ils sont conditionnés puis envoyés à la vente… en France. « On achète en Écosse, alors qu’on a des maquereaux juste devant nous ! » « Ça rappelle clairement la situation des agriculteurs », constate Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, souvent présent sur le terrain aux côtés de Léon Deffontaines, qui assure qu’une fois élu il se battra au sein de l’UE pour « mettre des taxes de douane sur les produits importés, afin de redonner de l’oxygène aux pêcheurs locaux ».

« Si on veut acheter les produits de nos agriculteurs, il faut augmenter les salaires et les pensions. C’est aussi ce qui permettra de fixer un prix rémunérateur pour les producteurs », ajoute le candidat. Tout en permettant également à tous de vivre dignement.

Car la précarité reste le quotidien de ceux croisés lors de cette campagne. « Je n’en peux plus de voir autour de moi la galère des jeunes en intérim, en CDD, à temps partiel, et des plus âgés comme moi qui s’épuisent au travail pour trop peu », peste Ismaël, 50 ans, lors d’une rencontre à Lille. « Il faut parler travail ! » La syndicaliste de Verbaudet et candidate sur la liste « Gauche unie », Manon Ovion, dénonce « ceux qui font de l’Europe une machine de guerre contre nos emplois ». « Qui de mieux que des travailleurs pour représenter des travailleurs ? » interroge-t-elle ensuite à Amiens. « Nous produisons la richesse, il est temps qu’on impose aux patrons de la partager. »

Un productivisme vert ?

Et il est temps de produire plus. Le PCF assume cette position qui apparaît à rebours de la « décroissance » prônée par d’autres listes de gauche. Léon Deffontaines veut développer le nucléaire, dans le cadre d’un mix avec les énergies renouvelables. « Pour produire plus, et produire ici, il va nous falloir plus d’énergie », répète la tête de liste. Pour se réindustrialiser et réduire ses émissions de gaz à effet de serre, la France, mais aussi l’Europe, doivent miser sur le nucléaire, « seule source d’énergie pilotable » qui n’émette pas de CO2. « Nous sommes la seule liste qui défend le productivisme vert, nous sommes des écolos cocos », résume Fabien Roussel.

Léon Deffontaines souhaite aussi que la France sorte du marché européen de l’électricité, pour ne plus la considérer comme une marchandise, mais comme un bien commun. « Cela fera baisser les factures », ajoute celui qui revendique un protectionnisme pour l’industrie française. Dans le Puy-de-Dôme, en avril, c’est à un patron qu’il s’adresse. Celui de l’entreprise Metex, menacée alors qu’elle produit de la lysine, un acide aminé essentiel à l’alimentation humaine et animale.

Benjamin Gonzales, son directeur général, détaille les difficultés économiques rencontrées, alors que son mode de production local est beaucoup plus écologique que celui de la lysine chinoise. Sur la liste du PCF, figure d’ailleurs une cheffe d’entreprise : Samia Jaber, porte-parole de l’Engagement, qui justifie sa présence par la volonté de « construire une souveraineté industrielle, alimentaire et sanitaire en Europe ». « Produire plus en France, cela permettra de créer de l’emploi et d’éradiquer le chômage », confie la tête de liste. « Produire plus ou moins en Europe ? C’est la question à trancher lors de ce scrutin, et qui nous différencie à la fois des libéraux qui ont mis notre industrie à genoux, mais aussi des insoumis et des écologistes qui défendent une option décroissante. »

Créer des emplois, défendre la souveraineté de la France, produire davantage, augmenter les salaires et les pensions… Un combat logique pour le PCF, et aussi une façon de lutter contre la « recette de la progression des idées d’extrême droite », insiste Marylène Faure, déléguée syndicale CGT chez Enedis et candidate sur la liste. Léon Deffontaines rappelle d’ailleurs que « Jordan Bardella et le RN sont des faussaires de la question sociale ».

Le communiste, qui a proposé un face-à-face au candidat d’extrême droite, rappelle que les eurodéputés RN votent systématiquement contre la création de salaires minimum, contre la mise en place d’un impôt sur les grandes fortunes et contre l’instauration d’une taxe sur les superprofits. Si le RN prospère sur le terrain de la détresse sociale, il reste pourtant plus que jamais du côté des prédateurs économiques, et jamais dans le camp des plus précaires.

Autant de combats que les communistes mènent dans le pays et qu’ils entendent mener à nouveau au Parlement européen, à condition d’obtenir 5 % des voix le 9 juin. Léon Deffontaines, Sigrid Gérardin, Emmanuel Maurel, Hélène Bidard, André Chassaigne et Samia Jaber notamment, pourraient dès lors ferrailler à Strasbourg et Bruxelles. D’ici là, Léon Deffontaines va poursuivre sa campagne. « Ce qu’il fait, ce n’est pas de l’écume, c’est du profond », apprécie André Chassaigne. Deux grands meetings sont prévus à Paris et Marseille, en plus d’une kyrielle de déplacements, toujours aux côtés des travailleurs.


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